Chapitre 6.

Salem, mercredi 26 mai 2021
12h, appartement de Riley

Le couple pénètre chez Riley, un sac à la main. Le docteur Fisher a donné son accord pour qu'Alistair rentre. Ses plaies se referment bien et cicatrisent correctement. La condition pour que le médecin signe l'autorisation de sortie, c'est que le flic accepte l'arrêt maladie de deux semaines. Sidney a dû batailler pour que son mari admette qu'il a besoin de ce repos. Foutue fierté des alphas.

À peine déchaussé qu'Alistair va s'affaler dans le canapé. Sidney le regarde faire, un sourire aux lèvres et après, il voulait aller au commissariat vérifier où en est le dossier. Comme l'a dit Gordon, l'équipe se passera de lui pour la semaine à venir. Le shaman va y veiller au grain.

Rien n'est réglé, surtout pas en ce qui concerne leur relation, mais la conversation qu'ils ont eue lundi, les a soulagés. Sidney a d'ailleurs eu une idée, afin qu'il est du temps pour se découvrir. Il sait qu'Ali ne le jugera pas, il lui a dit qu'il le soutiendra. Et cela va aller dans les deux sens, car Alistair a aussi besoin de sa présence. Il doit guérir complètement.

Sidney pose le sac, qui contient le nécessaire de soins, à côté du canapé et rejoint son mari. Il a basculé la tête en arrière sur le dossier et fermé les yeux. Sidney l'observe en se pinçant les lèvres. Il le trouve magnifique, son âme-soeur a cette beauté brute. Ali a toujours mis ses émotions sans dessus-dessous. Il est grand et possède un torse à la mesure de sa carrure. Il est le fantasme masculin personnifié. Même si Alistair n'avait pas été sa destinée, il serait tombé amoureux de lui, pas uniquement à cause de son physique plus qu'avantageux.

Il doit penser à autre chose, détourner son attention de son sexy de mari. Sinon, il va avoir un problème, que ledit mari pourra détecter. Mais cela fait si longtemps qu'ils ne se sont pas touchés et voir sa poitrine se soulever au rythme de sa respiration, n'arrange rien.

- Ne me regarde pas comme ça Sidney, le prévient Alistair d'un ton grave.

- Je..., bégaye-t-il, le visage rouge d'avoir été pris sur le fait. Tu dois avoir faim ? Je vais te faire à manger.

Alistair rouvre les paupières et leurs yeux se croisent. Ceux sombres du loup-garou ont un autre genre d'appétit. Sidney se lève, le corps en feu. Ils ne peuvent pas fausser leur reconstruction avec un acte dicté par un instinct primitif de s'unir à l'être aimé. Ils doivent faire les choses dans l'ordre.

D'un comme un accord, ils ont décidé de ne pas se précipiter. Le baiser qu'ils ont échangé lundi était merveilleux, et pour le moment, ils s'en tiendront à ça. Sinon, cela pourrait très vite déraper et ils se jetteraient dessus, tels des animaux en chaleur. L'inconvénient d'être proche de son âme-soeur, c'est cette perpétuelle envie de s'unir à lui. Neuf semaines, ça commence à devenir un vrai supplice, mais ils vont tenir bon, pour leur couple.

Sidney secoue la tête, chassant toutes les images érotiques qui envahissent son esprit. Le phénix, qui est actuellement au travail, leur a dit de faire comme chez eux et de se servir dans les placards pour concocter un déjeuner. C'est déjà ce que fait Alistair depuis son emménagement. Dans le frigo, Sidney trouve de la viande rouge, ce qui sera parfait pour le loup-garou et lui administrer de la force. Alors qu'il sort une poêle, le blond sent le regard de son mari sur son dos.

- Tu n'es pas obligé de faire ça, lui signale Ali.

- Si. Je veux prendre soin de toi, c'est mon rôle.

- Bébé, l'appelle-t-il tendrement. Je pensais que c'était justement ce rôle qui t'empêchait de savoir qui tu es.

Sidney pose la poêle et se tourne face au noiraud qui le fixe. Il ne perçoit aucune animosité dans son regard, mais la curiosité de comprendre. S'il y a bien une personne avec qui il peut être honnête, c'est son mari. Malgré son malaise, il s'explique.

- Là, c'est différent. Tu as besoin de moi et je refuse que quelqu'un d'autre prenne soin de toi, même Riley.

- D'accord, souffle Ali en tentant de dissimuler un sourire. Mais ce n'est pas une bonne idée que tu appliques la pommade sur mes blessures.

- Hors de question que Riley le fasse !, s'offusque-t-il.

- Je peux le faire tout seul.

La jalousie s'infiltre en lui, rien qu'en songeant au fait qu'un homme, ou une femme voit son époux torse-nu. Il est prêt à faire des sacrifices lors de cette période, mais il a des limites. C'est un compromis acceptable. Alistair a retrouvé assez de force pour se soigner sans aide. Ils savent tous les deux que si Sidney effleure sa peau... Cette option n'est pas envisageable pour le moment.

Sidney finit par acquiescer, puis reprend la confection du repas. Il a conscience d'être contradictoire entre ses dires et ses actions. Seulement, jamais il aurait pu rentrer dans leur appartement en laissant son mari livré à lui-même. En dépit de tout le reste, il l'aime et il restera auprès de lui, le temps de sa convalescence. Ensuite, ils aviseront en fonction des avancées de Sidney.

Assis l'un en face de l'autre, autour de la table, ils mangent en silence. Le shaman a cuisiné des féculents et des épinards - riche en fer pour compenser la perte de sang -, pour accompagner la viande saignante. Après plus de deux mois, il aurait préféré partager un tête-à-tête avec son mari dans un autre contexte. Autre qu'à la suite de plusieurs heures de tortures. Il jette des coups d'oeil à la dérobée au noiraud.

- Qu'est-ce qui a ?, l'interroge celui-ci en le fixant.

- Rien.

- Sidney, le réprimande-t-il. Je peux sentir ton coeur battre de stress.

- Tu es chiant quand tu fais ça.

- Je n'y peux rien si je décrypte tes émotions grâce à ton pouls. Dis-moi.

Sidney grommelle boudeur. Foutus sens surdéveloppés de loup-garou. De toute façon son époux lit en lui comme dans un livre ouvert. Il serait de mauvaise foi s'il persistait à s'entêter. Prenant son courage à deux mains, le shaman se lance.

- J'ai pris rendez-vous avec le Docteur Dolmen, avoue-t-il, le menton baissé.

Le médecin en question est un généraliste pour les créatures surnaturelles. Elles vont le consulter afin qu'il délivre les certificats médicaux demandés par les humains. Ce n'est pas un médecin que l'on contacte à cause d'une quelconque maladie, de toute manière, les Êtres surnaturels ne tombent pas malades.

- Pourquoi ?, demande Ali, les sourcils froncés d'incompréhension.

- Parce que j'ai besoin de temps pour moi, de souffler un peu et... je... mon..., panique-t-il.

- Tu veux un arrêt maladie.

- Oui. Je crois que ce que j'ai besoin là maintenant, c'est de prendre du recul vis-à-vis de mon métier.

- Hey, murmure tendrement le noiraud, en lui attrapant la main. Si tu ressens le besoin d'être en arrêt, alors fais-le.

Sidney serre les doigts de son mari, le remerciant de le soutenir. Son travail est le déclencheur de tout. Il s'y rend la boule au ventre en se demandant ce qu'il aurait fait si ses parents ne l'avaient pas orienté vers la médecine. Cette question, il ne cesse de se la poser et elle a entraîné toutes les autres. Il a la sensation qu'il ne pourra pas y répondre s'il continue de l'exercer. Il est à la limite du burn-out. Il veut rendre les gens qu'il aime, fier de lui.

- Mes parents vont être tellement déçus lorsqu'ils apprendront que je suis en arrêt, murmure Sidney d'une petite voix honteuse.

- Là, il n'est pas question de tes parents bébé, lui répond Ali, car il n'a pas besoin que le shaman parle fort pour l'entendre.

- J'appréhende leur réaction.

- Tu feras ce que tu aurais dû faire il y a bien longtemps, les envoyer se faire foutre.

- Ali !, s'exclame-t-il outré. Tu sais pertinemment que je serais incapable d'une telle chose.

- Alors je le ferais à ta place.

Ils se sourient, complices. Son mari n'a jamais caché, ou même cherché à cacher, son antipathie envers ses beaux-parents. Il les a toujours trouvés trop intrusifs. Sidney aurait dû l'écouter. Ali lui lance un clin d'oeil, ce qui le fait ricaner. Ces moments lui avaient tant manqué. C'est étrange parce que pour la première fois en neuf semaines, il est serein. Parler de ses soucis avec son mari, trouver des solutions avec lui, l'aide déjà énormément à se sentir mieux.

- Ne te préoccupe pas de tes parents et concentre-toi sur ton bien-être, lui conseille Ali en exerçant une pression sur sa main, avant de la relâcher.

Sidney hoche la tête. Son mari a raison, chaque chose en son temps. Un jour, il devra confronter ses géniteurs et leur avouer tout ce qu'il a sur le coeur. Il a bêtement cru qu'en s'éloignant de son âme-soeur, il répondrait à ses questions, ce qui est faux. Il est encore perdu, mais aperçoit un éclaircit. Peut-être doit-il régler point par point, au lieu de vouloir tout faire en même temps.

Ils finissent de manger dans un silence apaisant, puis débarrassent la table. Tandis que Sidney nettoie la table, il épie Alistair essuyer la vaisselle. Une phrase qu'il a dite lundi, tourne en boucle dans sa tête. Il veut dissiper tout malentendu entre eux. Il en profite d'avoir les mains occupées pour se lancer.

- Ali, appelle-t-il.

- Oui ?

- À l'hôpital, tu as dit que tu ne m'en voulais plus autant qu'avant. Qu'est-ce que ça signifie ?

Le loup-garou pousse un léger soupir. Il coupe l'eau et se sèche les mains. Il se tourne ensuite face à son mari, qu'il fait pivoter. Sidney ne supportera pas que son homme soit encore en colère contre lui.

- Je t'en au voulu, tellement, de ne pas me dire les raisons qui t'ont poussé à faire une pause, explique le noiraud.

- Je ne voulais pas te blesser.

- Tu crois que ça a fonctionné ?

- Non, souffle Sidney en secouant la tête. J'avais peur que tu ne me comprennes pas et que tu essayes de me retenir.

- Tu aurais dû être honnête Sidney.

- Je sais.

La gorge nouée, le blond ravale un sanglot. Il n'a pas le droit de pleurer. Il a commis une erreur qu'il regrette amèrement. Ce jour-là, tout avait été trop. Il a simplement craqué et lorsque Alistair a quitté leur appart, il a pleuré toutes les larmes de son corps. Il n'a pas su gérer le surplus d'émotions ressenties. Il a pris une décision à l'instant T, celle qui lui paraissait la plus justifiée. Quand il s'est retrouvé seul dans leur salon, il a voulu faire machine arrière, mais il s'est abstenu, les esprits lui ont ordonné de ne pas le faire.

Aujourd'hui, c'est un juste retour des choses. Car celui qu'il a rejeté pour son amour, est celui qui l'aide à trouver des solutions. Pourquoi a-t-il écouté les esprits ? Il a passé sa vie à suivre les autres. À croire qu'il ne sait pas décider par lui-même et la seule fois où il l'a fait, il a tout fait de travers. Et malgré ça, Alistair est face à lui, prêt à lui tendre la main, comme s'il n'avait pas brisé leur promesse de mariage.

Des larmes se mettent à couler sur ses joues et s'échouent sur les doigts d'Alistair. Le noiraud tient son visage en coupe.

- Ne pleure pas, lui chuchote Ali.

- Je ne te mérite pas.

- Bien sûr que si, on se complète bébé.

À travers ses larmes, Sidney sourit. C'est une vérité absolue. Les âmes-soeurs se complètent. Lorsqu'une personne rencontre sa destinée, son instinct le plus profond sait qu'il s'agit de sa jumelle. Certains mettent plus de temps à comprendre et a accepter ce lien, surtout les humains. Les créatures surnaturelles, eux, reconnaissent tout de suite cet attachement spécial. Ce n'est pas pour autant qu'ils l'acceptent tous. Beaucoup voient le lien comme une faiblesse, alors qu'il rend plus fort, lorsqu'il est bien entretenu.

- Tu as toujours su ce qui était bon pour moi, avoue Sidney.

- Tu te trompes, il n'y a que toi qui saches ce qui est bon pour toi, pas moi, pas tes parents et pas les esprits.

- Bon, ma première résolution sera d'arrêter d'écouter les autres.

- Oui, confirme Alistair. Regarde quand tu as pris le temps de te poser et de réfléchir uniquement pour toi, tu as pris une bonne décision. Une décision que tu estimes bonne pour toi.

Son mari a raison, comme souvent. L'ironie du sort, c'est qu'il a pris le temps de réfléchir suite à la question d'Ali à l'hôpital. Ce qui lui prouve, une fois de plus, qu'il a besoin de son époux pour le guider sur le bon chemin. Ou alors, cela prouve qu'il ne sait pas se débrouiller seul. Les deux perspectives le désolent.

Dans ce cas-là, pourquoi avoir attendu neuf semaines pour réaliser qu'il avait besoin d'un arrêt maladie ? Il est nul, inutile. S'il n'est pas aiguillé, par les esprits ou son mari, il est incapable de faire quoi que ce soit. C'est cette prise de conscience qui l'a fait dérailler la première fois.

- Je suis fier de toi, lui dit Alistair avant de l'attirer dans ses bras.

Sidney se laisse aller contre ce torse si puissant. Le coeur qui bat sous son oreille est sincère. Il se fourvoie en beauté, car il n'a jamais vu une lueur de déception dans les yeux de son mari. Il entoure le bassin d'Ali et le serre contre lui.

Il est toujours aussi perdu, mais au moins il a retrouvé son époux. Les spectres qui les observent semblent d'accord avec lui. L'aïeul d'Alistair lui sourit, avant de disparaître. Durant ses deux semaines, il se promet d'arranger toutes les situations.

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