Chapitre 25.
Salem, samedi 12 juin 2021
9h, appartement des Helling
Le couple n'a presque pas fermé l'oeil de la nuit. Entre l'arrestation du rugaru, la préparation de son dossier et la disparition de Riley, ils ont eu l'esprit trop occupé. Leur ami n'a pas vraiment disparu, il fait le mort. Dieu merci, Sidney est en capacité de savoir qu'il est bien en vie. Le phénix ne répond pas au téléphone et il n'est pas chez lui. Ce qui rend fou d'inquiétude Alistair.
Sidney a réussi à convaincre son mari de s'asseoir sur le canapé pour boire son unième café. Le loup-garou appelle son meilleur ami toutes les deux minutes depuis hier après-midi, mais il tombe sur la messagerie à chaque essai. Évidemment, la veille, ils ont couru à l'appartement de Riley. La porte est restée close, personne n'était là pour leur ouvrir.
Le shaman sait qu'il va bien, il est dévasté et a passé la nuit a écumer les bars. Alistair et lui, ne seront pas rassurés tant qu'ils ne l'auront pas vu de leurs propres yeux. Même si Sidney a envoyé des fantômes, merci Mr Lebois et Mme Baker, afin de veiller sur Riley.
Le bras autour du corps de Sidney le serre avec un peu trop de force. Il ne dit rien, Ali a besoin de se raccrocher à quelqu'un, sinon il craquerait. Le blond se pelotonne contre le torse musclé de son âme-soeur. Son coeur bat avec frénésie. Sidney ne sait pas comment l'apaiser. Il embrasse son cou, tout en douceur. Ce qui préoccupe le plus Ali, c'est la culpabilité et faire face à Riley sur ce que lui et Sidney savaient.
L'air de la pièce devient subitement froid. Le shaman n'est donc pas surpris de voir apparaître Mme Baker qui l'informe que le phénix arrive chez eux. Sidney la remercie d'un signe de tête. La vieille femme sourit, puis s'évapore.
- Riley est en train de venir à la maison, annonce le légiste à son mari.
Alistair acquiesce en se frottant le visage. Il soupire, soulagé. Être témoin et constater les tourments de son mari, son air affligé, le font également culpabiliser. Il a partagé ses fardeaux de shaman avec lui et voilà où ils en sont. Sidney a été égoïste, parce qu'il ne voulait pas être le seul au courant pour Riley. Il voudrait s'excuser auprès de son époux, mais les yeux d'Ali l'en dissuadent.
- On va assumer nos cachotteries, déclare le noiraud, une pointe de colère dans la voix.
- Ali, je..., hésite Sidney mal à l'aise, prêt à pleurer tellement il s'en veut.
- Ce n'est pas de ta faute bébé.
Contre toute attende, Ali pose un baiser sur son front. Sidney ferme les yeux au contact des lèvres sur sa peau. Ils vont déjà affronter la déception de Riley, sa colère envers eux, envers lui, pour avoir gardé le secret de la trahison. Sidney n'a pas la force pour affronter la situation qui, il le sait, va être assez difficile à gérer. Il se sent déjà trembler de tout son soûl à mesure que les minutes s'écoulent.
Riley va les détester et il aura raison de le faire. Mais comment expliquer à quelqu'un, qui vient d'avoir le coeur brisé, que son destin est tracé à l'avance et que personne ne doit interférer ? Le phénix ne sera pas en capacité de l'entendre et de le comprendre. Il est trop blessé pour cela.
L'univers est décidément contre eux. La journée de la veille avait si bien commencé. Sidney a repris le travail, dans la joie et la bonne humeur, il a fait l'amour avec son mari, a répondu à la question la plus importante de leur couple. Il a cru qu'enfin, ils allaient pouvoir repartir du bon pied, tourner la page de cette sinistre période. Cela a duré une poignée de minutes, après, la réalité les a rattrapés. Elle les a frappés en pleine gueule. Être un shaman, c'est comme jouer avec un boomerang. C'est exactement dans ses moments-là qu'il déteste son pouvoir.
Alistair embrasse une seconde fois son front, puis se lève pour faire les cent pas devant la porte d'entrée. Sidney reste assis, le coeur tordu d'angoisse. Il aimerait s'enterrer sous terre. La culpabilité ne va pas tarder à le faire à sa place. Lorsque la sonnette retentit, il invoque les esprits de les aider. Ali ouvre la porte, il n'a pas le temps de parler que Riley déboule au salon.
Sidney se redresse, paniqué et choqué par l'aspect du phénix. Son teint est pâle, ses yeux cernés et rouges, pour faire simple, il a une sale tête. La tête de ceux qu'on a quittés de façon horrible.
- Riley, on a essayé de te joindre toute la nuit, dit Alistair prudemment, en le rejoignant.
- Excusez-moi si après m'être fait larguer comme une merde, j'avais besoin de m'isoler, crache Riley.
- On s'inquiétait pour toi.
Le rire qu'émet le phénix est faux, amer, il donne des frissons désagréables à Sidney. Le shaman a un réflexe un peu stupide, il va se cacher derrière son âme-soeur, afin de se protéger. Riley se pince l'arête du nez en prenant une inspiration. Il souffre à un degré que Sidney et Ali ne peuvent imaginer. Les phénix ont une hypersensibilité, égale à celle des shamans, qui fait que tout est vécu, ressenti différemment, de façon démesurée.
- Ce n'était pas la peine, réplique Riley la voix chevrotante. Ce n'est pas comme si je pouvais me bourrer la gueule de toute manière.
- Même, répond Ali. On voulait savoir...
- Moi, ce que j'aimerais savoir, c'est si vous saviez pour Shannon ?, le coupe-t-il en les fixant.
- On..., bégaye le loup-garou.
- Parce que vous saviez ce qui a suivi après son coup de fil, donc je suppose que vous en connaissiez les raisons bien avant.
Sidney se ratatine sur lui-même, il a honte. Discrètement, il caresse sa main. Ils sont ensemble. Sidney agrippe le bout des doigts du noiraud. Leurs expressions doivent parler à leurs places, car Riley ouvre la bouche et écarquille les yeux. Sous le choc de la révélation silencieuse, il recule. Il attrape le dossier d'une chaise et la serre, au point de faire blanchir ses phalanges.
- J'y crois pas, murmure Riley. Vous saviez qu'elle allait me quitter, quand et pourquoi.
- Riley,...
- Non !, hurle-t-il. Comment vous avez pu me regarder et me mentir impunément ? Depuis combien de temps vous vous foutez de moi ?
Des larmes dévalent les joues du phénix, déclenchant celles de Sidney. Leurs explications seront toutes vaines, elles ne soulageront pas Riley et le couteau que lui ont planté ses amis dans le dos. Les pupilles rouges du phénix se mettent à briller, des flammes apparaissent à l'intérieur. S'il perd le contrôle, ils vont tous brûler et le couple n'a pas la possibilité de renaître de leurs cendres.
- On ne s'est pas foutu de toi, le contre Ali. Tu sais que Sidney n'a pas le droit de divulguer ses visions.
- De la merde ouais !, s'écrie Riley fou de rage. Alors tu peux aller voir une femme pour lui dire que son fils va héberger un sorcier et qu'elle et son mari ne seront pas là, mais tu ne peux pas me dire que ma copine me prend pour un con ?
- C'est plus compliqué que ça, tente de plaider Sidney en pleurant. Je ne pouvais pas parce que cela aurait modifié ton destin, ton avenir.
- Je m'en fous de ça Sidney ! Merde, je suis votre ami. Vous saviez que Shannon ne m'aimait pas et vous n'avez rien dit !
- On est désolé, sincèrement, répond Ali, le coeur lourd de remords.
Le phénix fait un geste de la main, l'air de dire qu'il s'en fiche. Sidney a l'impression d'être un hypocrite de pleurer ainsi. C'est Riley qui a toutes les raisons du monde d'être dévasté. Rageur, celui-ci passe une main sur son visage. Sidney voudrait traverser la pièce et le prendre dans ses bras. Seulement, le brun ne se laisserait pas étreindre. Rien ne le soulagera.
- Ça me fait une belle jambe que vous soyez désolé, lance-t-il, les dents serrées. Vous m'avez menti, trahi et moi comme un imbécile, pendant tout ce temps, j'avais confiance en vous.
Le couple n'a rien à répondre pour sa défense, car Riley a raison. Le blond s'accroche désespérément aux doigts d'Ali et il se rend compte que le noiraud aussi. Les doigts du loup-garou tremblent dans les siens. Le visage ravagé par les larmes, Riley les fusille des yeux, dont un feu crépite à l'intérieur. Il rejette toute sa colère sur ses amis et ils ne peuvent pas lui en vouloir.
- Riley, murmure douloureusement Ali.
- Tu es censé être l'alpha et nous protéger, l'accuse le phénix. Hors là, tu m'as laissé tomber.
- Nous sommes là pour toi Riley et...
- Non !, tranche le concerné, la voix brisée. Vous auriez dû me le dire. C'est ce que font les amis. Enfin, je croyais qu'on l'était, mais apparemment, j'avais tout faux. Je ne veux plus vous voir.
Abasourdi par la véhémence avec laquelle ces derniers mots ont été balancés, le couple n'a pas le temps de réagir que Riley a déjà quitté l'appartement. La porte qui claque les fait sursauter. Ils ne s'attendaient pas à autre chose, à une autre réaction, mais c'était un vrai supplice.
Alistair relâche ses doigts et fait des allers-retours à travers la pièce, en agitant les bras pour évacuer la colère. Sidney, une main plaquée sur sa bouche, retient difficilement ses pleurs. Riley est empli de fureur, certains mots ont dépassé sa pensée, mais ils ne veulent pas perdre son amitié. L'angoisse, la tristesse, la culpabilité, la peur, tordent l'estomac de Sidney. Il serait prêt à ramper aux pieds du phénix pour qu'il leur pardonne.
La suite est simple, attendre que la colère de Riley s'atténue, assez pour qu'ils puissent lui parler. Si le couple ne respecte pas ce processus, Riley n'acceptera pas la proposition qui changera sa vie. C'est uniquement pour cela que ni Sidney, ni Alistair ne court après lui. Ils vont devoir s'armer de patience, durant deux jours. Le shaman éclate en sanglots.
Alerté par les bruits, le loup-garou se tourne vers son mari et s'empresse de le prendre dans ses bras. Sidney se laisse bercer, cramponné au tee-shirt d'Ali. Il a besoin de savoir que son âme-soeur ne le tient pas responsable de cette situation désastreuse.
- Oh Ali, qu'est-ce qu'on va faire ?, demande-t-il même en sachant la réponse.
- Ce qui est prévu mon coeur. Ça va aller.
Malgré son affirmation, Sidney sait qu'Ali n'est pas aussi sincère qu'il souhaite lui faire croire. Ses muscles sont tendus à l'extrême et ses pulsations cardiaques folles.
- Tu es fâché contre moi ?, questionne Sidney, au bord du malaise, tant la tête lui tourne.
- Bien sûr que non bébé, s'offusque Ali. On savait que ça arriverait et on a dit qu'on resterait soudés.
- Oui, mais si je ne t'avais pas parlé, tu ne serais pas dans cette position avec Riley. Il en aurait voulu juste à moi.
- Ce qui est hors de question. Je suis heureux que tu aies partagé tes visions avec moi, je peux te soutenir et surtout, je t'aide à supporter ce poids.
- Je ne pouvais pas garder ça pour moi, murmure Sidney, presque en s'excusant. Il s'agit de Riley et...
- Dans deux jours, ça ira mieux et tu es bien placé pour savoir que ça ira encore mieux après.
Ali essaye de le rassurer comme il peut. Certes, le mois prochain tout sera derrière eux et ils pourront affirmer que oui, ça va. Depuis leur réconciliation, Ali est un soutien sans failles. Aujourd'hui, il le prouve encore. Malgré son tiraillement, entre son amitié et son amour, il est resté avec Sidney. Ils ne s'abandonneront pas dans cette épreuve.
Les révélations de Sidney ont bouleversé leur perception du monde et de leur entourage. Malheureusement, Riley n'est pas le seul qui va voir sa vie basculer. Asa en connaît un rayon sur le sujet.
- On est une équipe, affirme Alistair avant d'embrasser Sidney tendrement. Le moment venu, on le rappellera à Riley et comme te l'ont dit les esprits, tout ira bien.
Sidney rend le baiser à son mari. La peine qu'ils ressentent ne va pas partir pour autant, mais se morfondre ne va pas les aider non plus. Après un sourire légèrement crispé, Ali le libère et rejoint la cuisine afin de se servir un autre café. Sidney reste debout au milieu du salon, les bras ballants. Il a cessé de pleurer, ses larmes ne ramèneront pas Riley. Il veut juste attendre que ces deux jours s'écoulent, en déprimant sur son canapé. Ou appeler Noelle pour s'autoflageller. Sa meilleure amie lui dirait qu'il n'avait pas le choix et qu'il n'a pas à s'en vouloir. Plus facile à dire qu'à faire.
Il se plante devant la fenêtre du salon et observe la rue. Il implore les esprits de veiller sur Riley. Le phénix ignorera tous leurs appels, ainsi que les visites à son domicile. Ali le rejoint et se colle contre son dos.
- J'ai besoin d'aller courir, annonce le noiraud.
- Ce n'est pas prudent en plein jour et un samedi.
- Je sais, mais là c'est vital.
Sidney se retourne d'un seul coup, les sourcils froncés. La mine crispée de son mari lui fait comprendre que celui-ci est sérieux. Il n'y a que cette solution qui pourra soulager et apaiser Ali. Son loup a besoin de se défouler. Sidney ne peut pas s'empêcher d'avoir peur. En général, Ali va courir la nuit, dans la forêt de Danvers. La journée, c'est prendre le risquer de tomber sur des humains. Alors si le loup-garou est prêt à la prendre, c'est que la situation est critique.
- Tu ne peux pas attendre la fin d'après-midi ?, demande quand même Sidney.
- Je ne tiendrais pas, je vais devenir fou, répond Ali en grimaçant.
- Ok, sourire le blond en basculant son front contre le torse du noiraud.
Ce n'est pas comme s'il pouvait retenir un alpha entre quatre murs. Ali le câline, quelques minutes, puis l'embrasse longuement. À regret, Sidney le regarde sortir de chez eux, les clés de sa voiture en main, ainsi que son portable. Ali ne peut pas garder son téléphone sous sa forme lupine, mais cela rassure Sidney.
Le shaman tourne en rond, il ne sait pas comment s'occuper en attendant le retour de son mari. Il trouve la réponse lorsqu'il ouvre le frigo et que celui-ci est vide. Faire les courses va le distraire un moment. Il dresse une liste rapide, prend des sacs, envoie un message à Alistair pour le prévenir au cas où et sort de l'appartement.
Sidney se rend au magasin le plus proche. Les routes de Salem un samedi matin sont blindées. Il gagne du temps à y aller à pied. Pendant qu'il erre dans les rayons à la recherche de ses produits, Mme Baker et Mr Lebois lui font un rapport sur Riley toutes les dix minutes. Une fois ses courses terminées et payées, il rentre directement chez lui. Cette activité ne lui a pas pris autant de temps qu'il espérait. Ali n'a pas répondu à son message. Grâce à un autre esprit, Sidney sait qu'il va bien.
Il décide de cuisiner. C'est un bonne échappatoire. Il enchaîne les recettes durant des heures. Quand le soleil commence à se coucher, Sidney émerge et réalise le temps écoulé. La crainte s'infiltre en lui, en constatant qu'il n'a aucune notification sur son portable. Il tombe directement sur le répondeur d'Ali dès qu'il tente de le joindre. Il n'a pas la patience de l'attendre une minute de plus.
Le trajet jusqu'à Danvers semble lui durer une éternité. Il finit par se garer sur le parking donnant accès à la forêt. Il reconnaît la voiture de son mari. Sidney récupère le peignoir qu'il a emporté avec lui et laisse les fantômes le guider. Alors qu'il progresse à travers les arbres, un magnifique loup noir apparaît devant lui à quelques mètres. Sidney s'arrête, le sourire aux lèvres.
Le loup avance, majestueux, les poils brillants grâce à la lune qui se reflète dessus. Les pattes se transforment en jambes, le loup laisse place à l'homme. Sidney s'approche de son mari et drape son corps avec le peignoir.
- Merci mon coeur, dit le noiraud, avant de l'embrasser.
- Si les gens pouvaient éviter de voir mon mari nu, ça m'arrangerait.
Ali ricane, le nez penché dans le cou du shaman, où il y dépose un baiser. Sidney l'étreint, heureux de le retrouver.
- Ça va ?, s'inquiète-t-il.
- Un peu mieux, répond le loup-garou. Ça m'a fait du bien.
- On rentre ?
- Oui, je vais récupérer mes fringues et j'arrive.
Sidney accompagne son mari à l'endroit où les vêtements d'Ali sont cachés. Le noiraud se rhabille, sous le regard appréciateur du blond. Main dans la main, ils retournent à leurs véhicules. Sidney a hâte de voir cette journée s'achever. Mardi ne sera pas là assez vite.
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