Chapitre 21.

Salem, mardi 8 juin 2021
18h, appartement des Helling

La tête basculée en arrière sur la table, Sidney laisse libre cours à son plaisir. Allongé sur ladite table, les fesses au bord et les jambes écartées, Ali est debout entre celles-ci. Son mari lui fait l'amour exactement comme il aime. Fougueusement, animalement, brutalement. La passion qui les habite parle à leur place. Ali sert ses hanches si fort, qu'il va y marquer ses empreintes.

Ses derniers jours, sa libido est en plein essor. Elle explose et Sidney n'a plus la force de lutter contre. Il se sent lui-même et bien lorsque le membre de son âme-soeur le remplit. Les doigts agrippés aux poignets d'Ali et ses yeux fixés aux siens, il jouit. Ce qui déclenche la libération du noiraud qui s'écroule sur son torse.

La respiration laborieuse de Sidney l'empêche de parler. De toute manière, aucun mot ne pourrait décrire ce qu'il ressent en ce moment même. Son coeur bat avec frénésie, à tel point que Sidney redoute qu'il lâche. Celui d'Alistair n'est pas en reste. Le blond retrouve assez de force pour caresser les cheveux de son mari.

- Sinon, tu as passé une bonne journée ?, lui demande Ali, en se redressant afin de le regarder.

Sidney éclate de rire. C'est vrai qu'il n'a pas permis à Alistair de faire le moindre geste. Dès son retour, il s'est jeté sur lui et bien vite, ils se sont retrouvés à faire l'amour sauvagement sur la table de la cuisine. Pour la défense de Sidney, son mari lui a manqué.

- Oui et toi ?, répond-il en flattant la peau du noiraud, dont le regard le fait trembler.

- Parfaite.

Ali détourne les yeux et libère complètement Sidney de son poids. Le shaman est loin d'être dupe, il connaît son mari et devine qu'il lui cache quelque chose depuis la veille. Il est encore moins stupide, cela doit concerner Jefferson. Lorsque Sidney a demandé des nouvelles de son patron, Ali a esquivé le sujet. Il n'a pas le temps de demander plus d'explications que le noiraud lui propose de prendre une douche.

Après des mois de silence, il ne peut pas se permettre de reprocher à Ali d'en faire de même. Il essaye de se montrer mature et de ne pas angoisser à cause de ce potentiel secret, mais il a passé sa journée à cogiter. Est-ce qu'Ali ne lui révèle pas, car il pense que Sidney n'est pas assez solide moralement pour l'encaisser ?

Sous les jets d'eau, Ali prend soin de lui. Il le lave avec minutie, l'embrasse à chaque occasion. Sidney en déduit donc que son mari tente de se faire pardonner cette cachotterie. Il n'arrive pas à déchiffrer le regard d'Ali. Qu'est-ce que celui-ci veut dire ? Qu'est-ce qu'il attend du shaman ? Ils s'étaient pourtant mis d'accord sur le fait d'être honnête l'un envers l'autre.

Comme si Ali pouvait suivre l'acheminement de ses pensées, il sourit à Sidney et les yeux qu'il pose sur lui sont déterminés et lui hurlent de parler. Son mari est en train de le tester, pour voir s'il peut s'affirmer. Le baiser d'encouragement qu'Ali pose sur ses lèvres, le confirme. Soit, il va être servi, Sidney ne va pas passer par quatre chemins.

- Qu'est-ce que tu me caches depuis hier ?, demande-t-il, alors qu'ils s'habillent.

- Bébé, je...

- Non, le coupe-t-il durement. J'exige la vérité.

Si Sidney avait des doutes quant aux intentions d'Ali, ils sont levés grâce au sourire satisfait qu'il aborde. Le loup-garou attrape ses mains et embrasse son front.

- Je crois que Jefferson à un problème de coeur, lui annonce Ali.

- Quoi ?, s'exclame Sidney surpris.

- Quand j'ai parlé avec lui, j'ai senti que les battements de son coeur étaient anormaux. Il a un problème cardiaque bébé.

- Non, tu te trompes, répond-il en secouant la tête. Les esprits me l'auraient dit. Non, c'est impossible.

Sidney a l'impression d'étouffer. Sa gorge s'obscurcit sous l'émotion et l'impact des mots d'Ali. Avoir un coeur défaillant ne veut pas forcément dire que c'est grave ou que Jefferson va mourir. Son patron ne peut pas être malade, Sidney refuse cette hypothèse. Des larmes d'impuissance inondent ses joues. Il plaque une main sur sa bouche afin d'atténuer les sanglots qui s'en échappent.

Alistair l'attire dans ses bras et le serre fort. Sidney s'accroche à son mari. La chaleur de la salle de bain commence à lui faire tourner la tête. Ali le soulève du sol et les fait quitter la pièce. Il le repose une fois au salon.

- Pourquoi tu ne me l'as pas dit hier ?, couine le shaman.

- Je...

- Tu croyais que je ne serais pas capable de l'encaisser ?, réalise-t-il avec effroi.

Il s'écarte d'un coup sec de son mari. Il a eu faux sur toute la ligne. Alistair n'a pas dissimulé cette information pour permettre à Sidney de prendre en assurance, mais parce qu'il ne le pensait pas assez fort. Alistair n'a pas eu foi en lui. Il est déçu, blessé.

- Chéri, ce n'est pas ça, tente le noiraud.

- Bien sûr que si !, hurle Sidney énervé. Après tout ce que tu m'as dit, tu me crois toujours aussi faible.

- Non !, s'indigne Alistair.

Il essaye de récupérer les doigts de Sidney, mais celui-ci se dérobe. La déception a laissé place à la colère. Il n'est pas un enfant à qui on doit cacher la vérité de peur de l'anéantir. Plus que n'importe qui, il refuse que son âme-soeur le voie et le traite ainsi. C'est humiliant. Le regard peiné d'Ali déclenche une rage enfouie profondément en lui. Il ferme le poing et l'abat sur le torse du noiraud. C'est plus l'étonnement que la force de l'impact qui fait reculer Ali.

- Arrête de vouloir me protéger comme ça !, s'écrit Sidney, le visage rouge. Arrête de croire que je suis trop sensible et trop faible pour gérer une mauvaise nouvelle.

- Ce n'est pas ce que je pense de toi, le contre son mari abasourdi par la situation soudaine.

- Si, c'est ce que tout le monde pense. Sinon tu m'en aurais parlé tout de suite hier et les esprits m'auraient averti.

- Je suis désolé Sidney, dit Alistair en s'approchant du blond.

- Vous pensez tous que je suis trop fragile pour affronter et supporter les mauvaises nouvelles.

Il s'essuie les joues, rageur. Il s'éloigne d'Ali, refusant son contact. Certes, il n'a pas les épaules aussi solides que le loup-garou, mais tout de même, ce n'est pas une raison pour le tenir à l'écart. Il a envie de frapper quelque chose ou quelqu'un. La rage a surgi de nulle part. C'est juste la goutte d'eau qui a fait déborder son vase. Il en veut à son mari de le rabaisser de cette façon, de le faire se sentir ainsi. Les derniers effluves de confiance en lui viennent de disparaître.

Il repousse violemment le bras d'Ali qui se levait dans sa direction. Il a besoin d'expulser cette colère qui dévore son coeur. Ou de hurler sa frustration. Il tourne le dos à Alistair, sous peine de s'en prendre physiquement à lui. Sidney a plus de chance de se faire mal, que de blesser son mari.

- Tu te trompes bébé, prononce Ali d'une voix tendre. Je ne t'en ai pas parlé parce que je te pense faible.

- Mais bien sûr !, réplique-t-il les lèvres pincées d'agacement.

Il entend Ali soupirer derrière lui. Ils sont tous les deux en train de s'énerver. Leur instant de partage et de bonheur est déjà loin. Il sursaute lorsque la sonnette de l'appartement retentit. Génial, qui vient les déranger ?

Ali marmonne dans sa barbe tout en allant ouvrir la porte. Curieux, Sidney le suit. Il bascule la tête sur le côté et a la surprise de voir l'ensemble de son clan. Il échange un regard avec son mari, la bouche ouverte de stupeur. Ce n'est pas vraiment le moment pour une visite familiale. Sidney n'est pas d'humeur.

- Bonjour, lance Virginia en souriant. Nous n'avions pas de nouvelles, on s'inquiétait.

Contre toute attente, la colère de Sidney se tourne vers son clan et avant de pouvoir contrôler ses paroles, il les laisse sortir.

- Vous n'en aviez pas, parce que vous n'aviez pas besoin de mon pouvoir, crache-t-il.

- Quoi ?, s'exclame la cheffe.

Il voit Ali secouer la tête, l'air de dire « laisse tomber »  Sidney les fusille tour à tour du regard. Il croise les bras et se réfugie au salon. Il ne salue même pas les sorcières. Il n'a rien à leur dire. Il entend des chuchotements qui lui font grincer les dents. Il est certain qu'ils parlent de lui.

Tel l'enfant que tout le monde croit qu'il est, il va s'enfermer dans sa chambre. Le clan aurait dû s'annoncer, il déteste que l'on vienne chez lui à l'improviste. Le fait qu'ils n'ont pas envoyé de messages depuis plus d'une semaine n'est pas une raison. Alistair et lui sont adultes, ils font ce qu'ils veulent sans devoir rendre des comptes. Ce n'est pas comme si son clan l'appelait pour autre chose que son don de shaman.

Il s'assoit sur le lit, les bras croisés sur sa poitrine. Il ne s'écoule pas longtemps avant que quelqu'un ne frappe à la porte. Il grogne pour seule réponse. Il ne souhaite pas être dérangé, il veut que les sorcières partent. Il désir qu'Ali le rejoigne. Malgré son voeu, la porte s'ouvre sur Noelle. Il s'attendait presque à voir Virginia.

- Je peux entrer ?, demande prudemment sa meilleure amie.

Il ne répond pas, car il pourrait dire des mots qu'il regretterait. À la place, il tourne la tête, sans desserrer les dents. Noelle prend ça comme une invitation, elle entre dans la chambre, puis referme la porte derrière elle. Elle s'assoit à côté de lui, sur le lit.

- Qu'est-ce qui se passe ?, le questionne-t-elle d'une voix tendre.

- Où est mon mari ?, réplique-t-il au lieu de répondre.

- Avec les filles, au salon. Parle-moi Sidney.

La compassion de Noelle abaisse ses barrières. Il renifle, un poids sur l'estomac et une boule au fond de la gorge. La sorcière pose une main sur son bras et le serre affectueusement. La colère qu'il ressentait jusqu'à présent laisse place à de la tristesse.

- Jefferson est malade et mon mari pense que je suis trop faible pour affronter la vie, dit-il le coeur lourd.

- Je ne savais pas pour Jefferson, répond-elle peinée de l'apprendre. En revanche, je suis persuadée qu'Ali ne te considère pas ainsi.

- Alors pourquoi il ne me l'a pas dit hier ?

- Sidney, nous t'aimons vraiment, mais tu admettras qu'en ce moment, tu as des réactions imprévisibles, déclare Noelle gênée. Ali a simplement attendu le bon moment pour te le dire.

Même s'il admet que Noelle a raison, il est vexé par le reproche. Ses yeux se remplissent d'eau, tandis que son menton tremble. Il veut pleurer. Sa meilleure amie encercle son corps et l'étreint. Elle le connaît sur le bout des doigts, donc elle attend qu'il médite sur ses paroles.

C'est la vérité, lorsque Ali est rentré du boulot, Sidney était de bonne humeur. Comme il ne l'avait pas été depuis des mois. Il lui a raconté sa journée avec Leighton. Ali lui a fait un rapport de la sienne. Sidney réalise que son mari ne voulait pas la plomber, ni assombrir son humeur joyeuse.

- J'ai tellement peur qu'Ali me voie faible, c'est une vraie obsession Noelle, avoue-t-il.

- Pourquoi ?

- Parce que s'il me quittait à cause de ça ? Parce qu'il en a marre de ma faiblesse. Je ne veux pas qu'il me trouve nul.

- Sidney, jamais Ali ne te trouvera nul, le rassure tendrement Noelle. Et il ne te quittera pas, la preuve, il est revenu.

- C'est une vraie angoisse.

Au fond de son coeur, il sait qu'Ali ne voulait pas mal faire. Qu'est-ce qu'il deviendra si son âme-soeur ne supporte plus ses défauts ? Ses craintes sont infondées, car Ali lui a toujours montré son amour et un soutien sans faille. Mais c'est plus fort que lui. Il se sent en insécurité constante. La tête contre l'épaule de Noelle, il libère ses larmes.

- J'étais persuadé qu'il allait me quitter en découvrant qui je suis vraiment, poursuit-il. Donc j'ai pris les devants.

- En faisant un break, achève la sorcière.

- Je suis stupide.

Noelle est aussi déboussolée que Sidney. Elle n'a jamais vu son meilleur ami dans cet état. C'était le couple le plus solide qu'elle connaisse. Ils étaient dévoués l'un à l'autre. Surtout, ils avaient pleine confiance en leurs sentiments, en leur relation. Sidney ne doutait pas des intentions d'Ali. Il a perdu toute estime de lui-même. Si bien qu'il est persuadé que c'est également le cas d'Ali. Lui répéter que son âme-soeur l'aime, est inutile.

C'est pour cela que Noelle décide de dériver sur un autre sujet. La réflexion qu'il a fait à Virginia. En toute honnêteté, le blond lui explique la raison.

- Oh Sidney, soupire la femme, réalisant qu'elle a minimisé son mal-être. C'est faux, nous t'aimons pour ce que tu es et pas uniquement pour ton pouvoir.

Peu convaincu, le shaman hausse les épaules. Cette pensée est tellement encrée en lui, qu'il n'arrive plus à la chasser. Noelle ne le laisse pas se morfondre plus longtemps. Il doit prendre conscience qu'il se trompe. Avant que Sidney n'omette la moindre opposition, elle se relève et l'entraîne avec elle.

- Nous allons rejoindre les autres, annonce-t-il.

La main fermement emprisonnée dans celle de la sorcière, il n'a pas d'autres choix que de la suivre. Il est angoissé de se retrouver face au clan et gêné de son attitude vis-à-vis d'elles. Lorsqu'ils arrivent au salon, personne ne le regarde, ni ne fait de commentaires. Ses yeux croisent tout de suite ceux de son mari. À sa tête, Sidney comprend qu'Ali a entendu sa conversation avec Noelle. Il avance vers lui, mais est intercepté par Virginia.

La cheffe se contente de le serrer dans ses bras, en silence. L'étreinte est bourrée d'affection. Sidney déglutit en retenant ses larmes. Si son appartement n'était pas rempli de sorcières, il aurait craqué et pleuré contre Virginia. Tour à tour, les membres du clan lui sourient, bienveillantes, aimantes. Elles lui transmettent tout leur amour.

Il se sent encore plus minable d'avoir douté de leurs véritables intentions le concernant. Elles s'intéressent et s'inquiètent pour lui. Ils sont une famille. Lorsque Sidney s'écarte de Virginia, celle-ci caresse sa joue avec une tendre et un sourire qui le bouleverse. Elle le relâche complètement et va s'asseoir sur le canapé.

Sidney se tourne vers son mari qui ne l'a pas quitté du regard une seule seconde. Il le rejoint et se plante devant lui.

- Pardon. Je t'aime, chuchote-t-il afin qu'Ali soit l'unique personne de la pièce à l'entendre.

Alistair entoure son corps, puis embrasse son front. Sidney encercle le bassin du loup-garou et se colle contre lui.

- Je t'aime aussi, lui répond le noiraud à son oreille.

Le coeur de Sidney s'allège d'un poids énorme. Après vingt-huit de vie commune, Ali ne va pas l'abandonner maintenant. Et son clan ne l'appelle pas uniquement quand elles ont besoin de lui. Tout cela, c'est dans sa tête. Le sourire qui prend place sur son visage est sincère. Il salue les autres sorcières avec entrain. Il ne se mettra pas à dos sa seule famille.

- On a commandé des pizzas, annonce Renée.

- On vous en prie, faite comme chez vous, râle Ali faussement agacé.

- Mais c'est tout comme, réplique Molly.

Sidney observe son mari et ses soeurs de coeur se chamailler. Il se rend compte que c'est ce qu'il avait tant besoin. Les gens qu'il aime, réuni sous le même toit.

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