Chapitre 8.
Danvers, 21 mars 2021
21h30, domicile des Geller
La porte se referme sur Leighton, à ce moment Asa s'autorise un soupire. Une bonne douche lui fera le plus grand bien. Il a besoin d'évacuer cette journée sous l'eau. En entrant dans la salle de bain, il repère les vêtements pliés de son invité sur l'étagère. Il les prend et les mets dans la corbeille à linge sale. Il fera une lessive demain, après le repas du soir.
Faire le vide de son esprit n'est pas évident. Asa retrace les événements de la journée en boucle, sans pouvoir s'empêcher de se trouver stupide de faire dormir un inconnu dans leur chambre d'amis. Il ne peut pas laisser Leighton seul chez eux demain, c'est putain d'insensé et imprudent. Depuis qu'il a accepté que le brun reste, il s'insulte de tous les noms d'oiseaux. Il est presque tenté d'appeler sa collègue et amie, Susann, pour lui parler de cette rencontre. Il n'a personne d'autre avec qui le faire. Les quelques heures qui le séparent de son amie, lui paraissent être dans une éternité. L'aide d'une tierce personne est toujours bonne à prendre.
Asa finit de prendre sa douche, sans parvenir à une solution. Après s'être séché, habillé pour la nuit et brosser les dents, il quitte la salle de bain. En sortant, il s'approche de la porte de Leighton, afin de guetter un bruit. Effectivement, il entend bien un son, mais il ne s'imaginait pas ça. Ce sont des pleurs qui lui parviennent. Des sanglots de détresse qui déchirent le coeur.
Il ne réfléchit pas quinze ans et rentre à l'intérieur de la chambre. La lumière est allumée, Leighton est en chien de fusil, Asa est face à son dos, qui tressaute aux rythmes des pleurs. Il s'approche du lit et pose une main sur le bras du plus jeune.
- Leighton, murmure-t-il de la voix la plus douce qu'il possède. Qu'est-ce qui se passe ?
Si il y avait un prix de la question la plus conne, Asa le recevrait. Il est évident que Leighton pleure sa famille et que la solitude de la nuit, l'a fait craquer. L'ainé s'assoit sur le bord du matelas, assez déboussolé. Cela lui rappelle trop sa propre réaction à la mort de ses parents, ainsi que la tristesse de Phoebe. Même si Leighton a la tête enfoncée dans un oreiller, Asa voit ses larmes dévaler ses joues.
- Parle-moi, je peux peut-être t'aider, lui propose-t-il.
Sa phrase est chuchotée tendrement, afin de ne pas brusquer Leighton. Celui-ci frotte son visage, avant de le cacher à l'aide de ses mains. Il murmure des mots qu'Asa peine à comprendre. Il décide alors de faire quelque chose de peu recommandé; il attrape son invité sous les aisselles et le relève d'un seul coup. Il retient son corps d'une main sur les hanches et l'autre dans le dos.
Voir quelqu'un pleurer autant, qui a les yeux emplis de tristesse et aborder une expression aussi désespérée, est très dur moralement. Si avec les années, Asa ne s'était pas blindé, nul doute qu'il verserait des larmes lui aussi. Il espère juste que le bruit n'alertera pas Phoebe. Elle est trop sensible pour supporter cette vision. Les sanglots de Leighton obstruent sa gorge, si bien qu'il a dû mal à respirer. N'ayant pas d'autres idées, Asa le prend dans ses bras et le serre contre lui, tout en caressant son dos.
- Ça va aller Leighton, lui assure-t-il.
Cette phrase bateau est la seule qui quitte sa bouche, pourtant il la répète. Plus il la dire, plus elle deviendra vraie. Face à l'accablement du plus jeune, Asa se félicite de ne pas lui demander de partir. De longues minutes passent, avant que Leighton se calme. Il hoquette et renifle, mais il ne bouge pas.
- Ma mère me manque, finit-il par avouer difficilement.
- Je sais. Je comprends, lui souffle Asa.
- Je ne sais pas ce qu'elle est devenue, se plaint-il. Je suis tout seul, je n'ai plus personne.
- Est-ce que tu veux que je me renseigne ?
Leighton se mord la lèvre inférieure, hésitant. Il s'écarte d'Asa, le regard baissé sur ses doigts qu'il triture. De nos jours, c'est très facile d'obtenir des informations, surtout sur le meurtre d'une famille. Il ne saisit pas pourquoi son invité semble réticent à sa proposition. Si Leighton n'est pas d'accord, Asa le fera derrière son dos, demain. Il décide de détourner la conversation.
- Comment s'appelle ta mère ?, le questionne-t-il.
- Alison, répond le plus jeune sans réfléchir.
- C'est un joli prénom.
- Maman est très jolie.
Asa sourit à ce commentaire si mignon. Leighton est comme un enfant, plein d'admiration pour la femme qui l'a mis au monde. À présent, ses yeux brillent d'amour. Il lui apprend que c'est d'elle qu'il a hérité ses cheveux châtains et ses yeux marron, ainsi que sa peau claire. Asa l'écoute sans l'interrompre, car il sent que Leighton a besoin de vider son sac. Il lui dit également qu'il est irlandais du côté maternelle et que son père est décédé avant sa naissance.
- Maman et moi, nous n'avons pas tout ce que vous possédez dans votre maison, continue le brun.
- C'est ce que j'ai cru comprendre, réplique Asa sur le qui-vive.
Il ne veut pas profiter de la faiblesse de son invité et le bombarder de questions. Pourtant, il a la sensation qu'il y répondrait, désirant le plus possible parler de sa chère mère. Leighton semble s'être enfermé dans une bulle. Asa se contente donc d'ouvrir ses oreilles. Le jeune homme lui parle d'un certain Giles, qui habitait avec lui et sa mère, après le départ du fils de celui-ci. Il évoque une femme nommée Ann et une petite fille Dorothy. D'ailleurs, à l'illusion de celle qu'il qualifie de soeur adoptive, ses yeux se voilent de chagrin.
Par tout ce que Leighton lui avoue, Asa réalise qu'il a évolué dans un monde de femme, à part ce Giles qui apparemment était âgé, il ne parle d'aucun autre homme. Son discours, ne donne pas l'impression au noiraud qu'il est Amish.
- Je ne pourrais plus jamais les voir, gémit Leighton, les épaules affaissées.
- Peut-être que si, tente de le rassurer Asa.
- Non. Crois-moi, c'est impossible.
Il est persuadé de ce qu'il avance. Si ça se trouve, il se trompe, sa famille n'est pas morte. Asa ne voit pas pourquoi Leighton est convaincu d'être orphelin à l'heure actuelle. Il pousse un long soupire et la seconde d'après, sa tête bascule sur l'épaule d'Asa. Il cherche du réconfort ainsi que du soutien. Le plus vieux se rappelle avoir fait de même auprès de Susann. En chuchotant, Leighton lui apprend que les personnes qui en voulaient à sa famille, ne concevaient pas leur mode de vie et ce qu'ils étaient.
À nouveau, Asa le serre contre lui. Le contact humain fait toujours du bien, il redonne de la chaleur. Il en est de même pour l'ainé, qui n'a pas étreint d'homme depuis des mois, mais il n'y songe pas. Le cadre de ce câlin ne s'y prête pas. Comme il le fait avec Phoebe, lors de ses moments de blues, il passe ses doigts dans les cheveux bruns, tout en caressant son crâne. Technique d'apaisement absolu.
- Tu n'es pas tout seul Leighton, lui chuchote-t-il. Phoebe et moi, nous sommes là.
- Vraiment ?
- Oui. Tu peux rester avec nous aussi longtemps que tu veux.
- Merci Asa.
En voyant le sourire rayonnant du plus jeune, il sait que c'est la bonne chose à faire. Ses parents seraient fiers de lui. Il se doit de tendre la main et de rendre l'aide qu'on lui a apportée. Il ne le fait pas pour passer pour le bon Samaritain. De toute façon, sa vie sociale s'arrête à ses collègues et sa soeur. Par contre, si ses grands-parents l'apprenaient, ils lui feraient la misère, clairement. Ils le menaceraient de récupèrer la garde de Phoebe, encore.
C'est vrai que demain l'inquiète. Leighton a avoué ne pas connaître toutes les technologies présentes dans la maison. Il pourrait se blesser ou pire, ce n'est pas très prudent de le laisser seul. Asa ne peut pas se permettre de se faire porter pâle, cela ne fait pas parti de ses principes. Il prendra le temps avant de partir, de tout lui expliquer. Il est persuadé que son invité n'osera toucher à rien et qu'il passera la journée assis sur le canapé.
- J'ai peur de dormir, lui dit Leighton à voix basse.
- Tu veux que je reste avec toi ?, lui propose-t-il.
Le plus jeune s'écarte, comme si il s'était brûlé et fixe son hôte, les yeux écarquillés, l'air choqué. Alors oui, c'est peu commun de partager son lit avec un quasi-inconnu, mais Asa trouve cette réaction disproportionnée. Leighton semble peser le pour et le contre, en mordillant sa lèvre. Finalement, il hoche la tête puis il s'allonge du côté gauche du lit.
- Je vais chercher mon portable. Je reviens, prévient Asa.
Incapable de parler, Leighton acquiesce de nouveau. En partant, le plus vieux laisse volontairement la porte de la chambre ouverte. Une fois son téléphone récupéré, il retourne auprès de son invité. Celui-ci l'attend, le dos contre le coussin. Asa programme son réveil à 6h30, il préfère se lever en même temps que Phoebe, par précaution. Il branche son chargeur et son portable. À sa grande surprise, il se retrouve intimidé lorsqu'il se glisse sous la couverture. Là c'est certain, il a perdu la tête.
- Est-ce que nous pouvons laisser une lumière ?, demande Leighton.
- Bien sûr.
Asa déverrouille son téléphone et appuie sur l'interrupteur à côté du lit, ce qui éteint la lumière. Leighton s'allonge et rabat la couette sur lui. Asa n'est pas à son aise, si bien qu'il a dû mal à s'endormir. Il n'a plus l'habitude de partager sa couche avec un autre homme, ni de dormir avec une veilleuse. Il n'ose pas bouger, même ses mains qui sont croisées sur son ventre. Il percute d'un détail, depuis qu'il a emmené Leighton se changer, il n'a plus revu la besace. Elle n'a pas pu disparaître comme ça.
Danvers, 22 mars 2021
6h30, domicile des Geller
L'alarme du portable se met à sonner, ce qui fait sursauter Asa. Il a terriblement mal dormi. À chaque fois qu'il gigotait, il avait peur de toucher Leighton. Il coupe la musique et se tourne vers le jeune homme. Il est allongé sur le flan, face à Asa, les mains sous l'oreiller et les yeux ouverts. Il n'a pas sourcillé lorsque le réveil s'est déclenché. Asa devine que lui aussi, le sommeil l'a fuit.
- Ça va ?, questionne le plus vieux.
- Oui et toi ?
- Mmh. Il faut que je me lève, mais tu peux rester au lit.
- D'accord.
Afin de désamorcer cette situation gênante, il sourit à Leighton avant de quitter le lit. Il ne tient pas vraiment à ce que Phoebe le voit sortir de la chambre d'amis. Il regagne donc la sienne au pas de course. Il s'habille et s'empresse de se rendre à la cuisine, pour préparer le petit-déjeuner. Il entend sa soeur s'activer à l'étage. Peu de temps après, elle le rejoint.
- Salut, lui lance-t-elle joyeusement.
- Hey ma puce. Bien dormi ?
- Super. Tu sais si Leighton dort encore ?
Asa se racle la gorge mal à l'aise et hausse les épaules en guise de réponse. Il ne peut pas lui dire la vérité. À la place, il lui tend une assiette de toasts. Phoebe se sert un verre de jus d'orange. Une fois à table, elle commence à manger, mais son regard se tourne vers les escaliers toutes les cinq secondes.
L'ainé se fait couler un café double, il lui faudra bien ça pour affronter la journée qui s'annonce. Sa tasse en main, il s'installe en face de sa soeur.
- J'espère que Leighton a bien dormi, reprend Phoebe. Je suis inquiète pour lui.
Ne sachant pas quoi faire d'autre afin de rassurer sa soeur, il serre ses doigts entre les siens. Il ne l'avouera pas, mais lui aussi, il se fait du souci pour l'homme. Rien que de penser que Leighton puisse être en train de pleurer, alors qu'eux mangent tranquillement, lui brise le coeur. Est-ce qu'il devrait monter et s'en assurer ? Si c'est le cas, cela va affoler Phoebe. Chose inutile avant qu'elle parte au collège. Leurs doutes sont levés par l'arrivée de Leighton, dix minutes après.
Phoebe pousse un cri de joie et fonce sur le jeune homme, l'étreignant, soulagée. Le brun lui rend son geste, avec retenue et timidité. Elle le bombarde de questions sur sa nuit, si le lit était confortable, si il était bien installé, si il a eu assez chaud, si il a bien dormi. Leighton et Asa échangent un regard, connaissant les réponses. Malgré tout, il lui assure que oui. Sa nuit a été parfaite.
- Je suis contente de te voir avant de partir, lui annonce Phoebe en le relâchant.
Asa l'invite à asseoir avec eux. Son manque de sommeil est marqué sur son visage blanc, ses cernes ressortant encore plus. Il refuse le café que l'ainé lui propose, préférant un thé. Même si le petit-déjeuner se déroule dans la bonne humeur, ils doivent se dépêcher.
Pendant qu'Asa débarrasse la table, avec l'aide Leighton, Phoebe va finir de se préparer. Lorsqu'elle redescend, son frère a fini sa lunch box et la mise dans un sac. À son grand regret, elle n'a pas le temps de rester avec les deux hommes, son bus ne va pas tarder à arriver. Elle les embrasse, leur souhaite une bonne journée, tout en mettant ses chaussures et son manteau. La seconde d'après, la porte d'entrée claque.
- Elle a trop d'énergie, constate Asa.
Leighton ricane à cette réflexion. L'ainé lui fait signe de le suivre à l'étage. Il lui donne une nouvelle tenue et le laisse s'habiller dans la chambre d'amis. Il fait un rapide tour à la salle de bain, afin de se laver le visage et se brosser les dents. Il lui reste une poignée de minutes pour tout expliquer à Leighton. D'ailleurs, celui-ci l'attend au milieu du couloir. Heureusement, qu'ils font presque la même taille, Asa a juste le torse plus large, mais son invité ne nage pas dans ses vêtements. Par contre, les jeans seront trop grand, donc il lui prête des joggings.
- Ok, passons à tout ce que tu dois savoir, annonce Asa. La salle de bain, tu connais.
- Asa, je sais que je te l'aie déjà dit, mais merci de me laisser rester chez vous.
- De rien, ne me le fais pas regretter alors.
Asa ponctue sa phrase d'un sourire. Il pose une main sur l'épaule de Leighton et le conduit au salon.
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