Chapitre 12.

Danvers, 28 mars 2021
15h, domicile des Geller

Cela fait une semaine que Leighton est chez eux. Ces huit derniers jours se sont écoulés à une vitesse folle, Asa ne les a pas vus passer. Malheureusement, Susann et lui n'ont rien trouvé sur le brun, pour le moment. Son amie est déterminée, car d'après elle, c'est impossible de ne pas dénicher des infos sur quelqu'un. Surtout en travaillant aux archives. Il la laisse donc chercher et attend. Le cas Leighton est un challenge que sa collègue et lui comptent bien relever. Ils ont besoin de réponses. Hors de question de ne pas y répondre, peu importe le temps que cela prendra.

Il n'en a pas parlé à Phoebe, elle ne comprendrait pas et cela la blesserait. Elle a développé une réelle affection envers Leighton. D'ailleurs, Asa en serait presque jaloux, il a l'impression qu'un lien s'est créé entre eux et qu'il en est exclu. Parfois, il se demande si sa soeur ne sait pas des choses que lui ignore. Ces suspicions l'énervent, il ne supporte pas que Phoebe puisse lui mentir, même si pour le coup, il est mal placé pour le lui reprocher. Ils ne se sont jamais rien cachés, c'est un accord qu'ils ont passé après la mort de leurs parents.

Aujourd'hui ne déroge pas à la règle. Phoebe et Leighton jouent à un jeu de société, tous les deux. Asa a refusé sous prétexte de devoir faire le ménage, qu'il n'a toujours pas débuté. Il traîne sur son portable, accoudé au plan de travail de la cuisine. Il se sent ridicule de bouder comme un gamin et de quémander de l'attention. Il a passé l'âge bordel. Il devrait profiter de son jour de repos au lieu de ruminer. Demain, il ne bosse pas non plus, travaillant un lundi sur deux. Il appréhende d'être seul avec Leighton.

Asa regarde son invité, il n'arrive pas à être en colère contre lui. Déjà, les énormes cernes sous les yeux du brun le dissuade de s'en prendre à lui, par pure possessivité envers Phoebe. Leighton est en train de chambouler leur vie et Asa ne parvient pas à déterminer si cela lui plaît. Il ressent trop de frustration à cause des mystères qui entoure son invité. Il a envie de taper le poing sur la table et d'exiger la vérité.

Il déteste ressentir tout ça et être autant sur les nerfs. Ce gars aigri, ce n'est pas lui, il n'a jamais été comme ça. De manière générale, cette situation le dépasse. Il soupire longuement, s'attirant le regard des deux autres.

- Tout va bien ?, s'inquiète Leighton.

- Ouais, répond-il plus sèchement que prévu.

Son ton fait rougir le brun et il baisse la tête, fautif. Phoebe fusille son frère des yeux. Il se sent mal, il culpabilise aussitôt. Mais comme le crétin qu'il semble être devenu, il ne s'excuse pas, allant même jusqu'à leur tourner le dos. Il entend sa soeur marmonner un « laisse tomber » à Leighton. Cette fois, c'est officiel, il aborde le rôle du connard. Il ferme les paupières et secoue la tête. Asa ne sait pas vraiment ce qu'il lui prend depuis hier, ni pourquoi il ressent ça. Cette colère ne lui ressemble pas.

Par chance, son téléphone se met à vibrer entre ses doigts. Étrange que sa collègue l'appelle à cette heure-ci un dimanche. Soucieux, il s'empresse de décrocher.

- Susann ?

- Désolé de te déranger, mais c'est important. Tu es seul ?

- Qu'est-ce qui se passe ?, s'affole Asa.

- C'est à propos de Leighton.

- Deux minutes, je sors.

Il récupère une veste polaire et entour son cou d'une écharpe. Il ignore sa soeur et son invité, puis va sur leur terrasse, en prenant bien soin de fermer la porte derrière lui.

- C'est bon, je suis dehors, informe-t-il son amie.

- J'ai enfin trouvé quelque chose sur un Leighton Vallière né à Salem mais heu...

- C'est quoi le problème ?, demande-t-il, vu que Susann ne finit pas sa phrase.

- Je t'envoie les documents par mail, comme ça, tu verras par toi-même, mais c'est vraiment bizarre.

- Qu'est-ce que tu as trouvé ?

- Épluche les pièces jointes. Si je te le dis à voix haute, ça va être encore plus absurde que de les lire.

Il n'était pas forcément inquiet lorsqu'il a décroché son téléphone, en revanche là, il l'est. La situation à l'air plus que sérieuse aux yeux de Susann. Elle semble paniquée par ses découvertes. Il l'informe qu'il a bien reçu les mails, son amie lui propose de la rappeler après en avoir pris connaissance, s'il le souhaite.

Asa coupe la conversation et le doigt tremblant, il appuie sur l'icône qui va lui apporter le Saint-Graal. Sa collègue lui a envoyé plusieurs documents, numérotés de un à cinq. Il ouvre le premier. C'est un acte de naissance. Ce qu'il remarque d'emblée, c'est l'aspect ancien du papier et l'écriture calligraphique. La disposition des paragraphes n'est pas la même. Puis ses yeux tombent sur les dates.

L'acte atteste la naissance de Leighton Vallière le 26 avril 1673. Asa fronce les sourcils, pour le coup, il ne comprend pas trop pourquoi Susann lui a fait parvenir ce document. Elle ne croit quand même pas que son invité est ce Leighton là ? Le deuxième fichier est un autre acte, mais d'une Alison Vallière, datant de vingt-cinq ans plutôt que le précèdent, noté comme la coïncidence troublante.

Le papier suivant est un certificat de décès au nom d'Alison. La date et le motif sont plus que perturbant. En effet, elle aurait été accusée de sorcellerie et condamnée à mort lors du célèbre procès de Salem en 1692. Elle était également accusée d'avoir aidé son fils à prendre la fuite, à qui on reprochait les mêmes faits. Asa change de fichier, celui-là comporte un acte notarial d'une maison, situé à Salem Village, désignant Alison en tant que propriétaire et Leighton comme héritier. D'après le plan, la demeure se situe dans la forêt de Danvers. À l'endroit où Phoebe a trouvé le brun.

Il refuse de croire à l'hypothèse de Susann, c'est absurde et complètement irrationnel. Il ouvre la dernière pièce jointe, le visage de Leighton apparaît. Malgré le dessin, fait à la main, il n'a aucun mal à le reconnaître. C'est une affiche de disparition, un avis de recherche par la police de Salem à son nom. C'est la phrase en dessous de la représentation qui intrigue Asa; « aperçu pour la dernière fois le 20 février 1692 ». Le motif est aberrant, lui aussi, serait accusé d'être un sorcier.

Le portait qu'il observe est celui de son invité, nul doute là-dessous, mais son côté réaliste refuse de le croire. Il lève la tête et regarde Leighton à travers la fenêtre. Les indices concordent avec le peu d'information que le brun a donné, cela expliquerait également ses lacunes sur la technologie. Il ne va quand même pas envisager que... non, c'est impossible. Il ne vit pas un remake d'Outlander à l'envers. C'est un délire total.

Asa passe une main sur son front masse ses tempes. Comment, avec une théorie plausible, le visage de Leighton peut se retrouver sur un avis de recherche daté du 20 février 1692 ? Veille de sa découverte par Phoebe, mais trois-cents vingt-neuf ans plus tard.

- Putain, soupire-t-il.

Son portable se met à vibrer dans ses doigts, c'est un message de Susann, contenant trois mots; « c'est bien lui ? ». Asa répond par la positive à son amie. Son esprit, aussi rationnel soit-il, ne peut pas nier ce fait. Il décide d'appeler sa collègue, par chance, elle décroche directement. Il commence par lui poser la question la plus pertinente qui lui vient en tête.

- Comment tu as eu ses documents ?

- Les archives de Salem sont énormes, mais avec ta mère, nous avions mis par informatique tous les fichiers à partir du 19e siècle. Vu que nous n'avons rien trouvé sur l'ordi, j'ai cherché dans les archives papiers.

- Attends, l'interrompt-il. Tu ne suggères pas que mon Leighton, enfin, celui que Phoebe a trouvé soit celui de ses archives ?

- Tu m'as dit que c'était la même personne, par rapport à l'avis de recherche.

- C'est complètement dingue Susann et impossible. Ce genre de choses n'existent pas dans notre monde.

- Écoute Asa, lui dit son amie d'une voix douce. Durant cette année-là, il y a eu des trucs étranges qui se sont produits. Je suis tombé sur un autre rapport de police concernant Leighton. La dernière fois qu'il a été vu, c'était avec les neuf personnes accusées de sorcellerie, le...

- Oui, je sais. Théoriquement, la veille que Phoebe le trouve dans la forêt, à l'endroit exact où se trouvait sa maison, plus de trois cent plus tard.

Susann l'achève en lui disant qu'elle croit à ce phénomène surnaturel. Elle maintient que sa mère et elle, ont découverte des événements qui dépassent l'entendement. Même si il y a eu des témoignages douteux, d'autres apportent des preuves et sont très sérieux. Elle poursuit le rapport en lui lissant. Lorsque les flics de l'époque, ont fouillé la demeure d'Alison et de Leighton, celle-ci avait été débarrassée de tous les objets, les étagères totalement vidées. L'analyse faite sur les lieux, est que la mère et le fils ont enlevé leur lien avec la magie.

- Je me doute que c'est déstabilisant...

- Déstabilisant ?, la coupe Asa en ayant un rire nerveux. C'est pire que ça.

- Je disais donc. Confronte-le. Peut-être que je me trompe et qu'il y a une explication logique.

- Une explication logique au fait que sa gueule soit sur un avis de recherche du 17e siècle ?

- Le sarcasme et la vulgarité ne te vont pas Asa, le réprimande son amie.

- Dans quelle merde je me suis foutu encore ?, marmonne-t-il en ignorant Susann.

Le soupir de son amie veut tout dire. Bien sûr qu'il va confronter le jeune homme. Il refuse de rester dans le flou. Cela fait une semaine qu'il veut la vérité. Il est en train d'halluciner ou de vivre dans un monde parallèle. Après ça, il faut absolument que Susann lui montre ses fameuses archives. Quels secrets restent-t-il à déterrer ? Au départ, il voyait ce nouveau boulot comme un moyen de faire rentrer de l'argent tous les mois et d'avoir la sécurité nécessaire afin de devenir le tuteur de Phoebe. Là, ce travail a pris une autre dimension, Asa comprend enfin pourquoi sa mère l'adorait tant.

Si et il dit bien si, cette histoire surnaturelle est vraie, ça explique les mensonges et les non-dits de Leighton. Il doit arrêter de tergiverser et aller parler au brun. Il informe Susann de sa décision, puis raccroche. Il rentre à l'intérieur de la maison et va ranger son écharpe ainsi que sa veste dans le placard. Les deux compères sont toujours à la même place. Asa prend une grande inspiration, se préparant pour la suite.

- Phoebe, est-ce que tu peux nous laisser, je dois parler à Leighton, lui ordonne-t-il gentiment.

- Mais..., commence la jeune femme pas d'accord avec cette demande.

- S'il te plaît mon coeur.

Le surnom affectif convainc sa soeur. Elle échange un regard inquiet avec Leighton. Celui-ci se tord les doigts, mal à l'aise, l'air sérieux d'Asa l'angoisse, il en tremble d'appréhension. L'ainé attend que Phoebe soit montrée et d'entendre la porte claquée, avant de s'asseoir en face de son invité.

- J'ai fait quelque chose de mal ?, demande le brun au bord des larmes.

Asa ne peut pas rester de marbre devant cette voix si attendrissante et ce visage si paniqué. Malgré les explications de Leighton rationnelles ou non, il sait que celui-ci n'est pas dangereux. Ses grands yeux marrons brillants sont tellement innocents. Le noiraud culpabilise de s'être montré désagréable envers son invité, qui ne le mérite pas. Dans le but de se faire pardonner et de le rassurer, il pose sa main sur celle du brun.

- Tu n'as rien fait de mal Leighton, chuchote-t-il pour commencer. C'est juste que je possède des documents qui m'interroge.

Son invité penche la tête sur le côté, questionnant Asa en silence. L'ainé sort son téléphone, pianote dessus et le tend à son vis-à-vis. Il lui explique qu'il doit balayer l'écran avec ses doigts, comme lui a déjà montré Phoebe. Asa ne perd pas une miette des réactions de Leighton, dont le visage se décompose dès la première lecture. Soudain, il plaque sa main sur sa bouche étouffant un cri d'effroi. Des larmes bordent ses paupières, brisant le coeur d'Asa.

- Maman, s'étrangle le brun.

L'ainé devine que le jeune homme doit lire l'acte de décès par pendaison, d'Alison. Ce choc confirme les soupçons de Susann. Vu que Leighton reste figé sur l'écran, Asa passe lui-même à la dernière preuve. Les yeux du plus jeune s'écarquillent de stupeur, il regarde son hôte avec un visage de pure terreur.

- C'est toi, n'est-ce pas ?, lui demande Asa d'une voix douce.

La détresse qui émane des pupilles de Leighton, répond à sa question. La panique s'empare du brun, il bascule d'avant en arrière, en répétant les mêmes mots, dans une litanie: « je ne voulais pas, ce n'est pas possible ». Ses sanglots lui déchirent la gorge et ses larmes inondent ses joues. Asa va s'asseoir à ses côtés en une fraction de seconde. Il le prend au creux de ses bras, le berçant avec tendresse. Il croise les doigts pour que Phoebe n'entende pas le bruit.

- Tout va bien Leighton, ne pleure pas, lui chuchote-t-il contre son oreille.

Asa se sent mal, il n'aurait pas dû le confronter aussi brusquement. Il sait pourtant que le brun a une grande sensibilité. Et lui, qu'est-ce qu'il fait ? Il lui colle le décès de sa mère sous le nez. Il s'insulte de son manque de tact. La suite va être déterminante pour le futur. Plus important encore, il doit se faire pardonner son comportement.

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