Chapitre Sept - Réminiscences 1


Harry Styles

Je me souviens... Deux ans plus tôt. 21 avril 2012.

Quel horrible réveil... Bon sang, pendant combien de temps ai-je dormi ?

Une seconde... Quelque chose ne tourne pas rond. Je ne suis pas dans mon lit ! Je le sais, je le sens même, le matelas est différent. Je dirais qu'il est plus mou... et bien moins confortable. Où suis-je ?

-Vérifiez les perfusions.

Eh, qui êtes-vous ?! Qui me parle ? Oh mon dieu ! Qui est en train de me tripoter le bras ? Arrêtez ça, espèce de taré ! Je dois partir, je ne peux pas rester ici. Papa et Maman doivent s'inquiéter... Quel jour sommes-nous, d'abord ? Je dois prévenir le lycée de mon absence si je ne veux pas avoir un avertissement. Je n'avais pas un devoir de mathématiques aujourd'hui ?

-Une dose de morphine par voie veineuse.

Hein ?! Non, non, non, certainement p... AÏE ! Ça fait mal, bon sang !

Ma gorge est tellement sèche... Et cette douleur insupportable qui appuie sur mon crâne, mes cervicales, mon dos... C'est comme si j'étais devenu un homme de plomb, mes membres me semblent si lourds...

J'ai l'impression d'être attaché à un lit, littéralement cloué sur place. Je voudrais me libérer de cette emprise, me lever, mais je suis incapable de bouger. Qu'est-ce qu'il m'arrive ? Je ne peux même pas ouvrir les yeux, comme si on avait fixé mes paupières avec de la glue ! Et-ce que je suis mort ? Non, si j'étais mort, je suppose que je n'aurais pas aussi mal... et que des gens ne me drogueraient pas à la morphine.

-Le pouls s'est stabilisé.

Ma foi, j'en suis ravi.

Mais, il y a ce truc qui me chatouille les narines, comme une sorte de tuyau... C'est insupportable.

Attendez...

Un tuyau... ?

Un hôpital !

Mais qu'est-ce que je peux bien foutre dans un hôpital ?

Eh, qui que vous soyez, sortez moi de là ! Quelqu'un peut me dire ce qu'il se passe ??? Allô, est-ce que quelqu'un m'entend ?

Comment ai-je pu atterrir ici ?! Une soirée un peu trop arrosée qui a mal tourné ? Sûrement. En tout cas, je n'en ai aucun souvenir...

Il n'y a qu'un seul moyen d'en avoir le cœur net...

Harry Styles, pris d'un sursaut, fit un effort qui lui parut alors surhumain pour ouvrir progressivement l'œil gauche, bientôt suivi du droit, avant de les refermer aussitôt, aveuglé par la lumière éclatante de la pièce immaculée dans laquelle le garçon avait été installé quelques heures auparavant.

-Il se réveille.

-Monsieur, vous nous entendez ?

Un homme d'une quarantaine d'années, les cheveux soigneusement peignés vers l'arrière, la barbe taillée, l'air soucieux et concentré, était penché au dessus de Harry et examinait attentivement les pupilles du patient, qui étaient étrangement dilatées. Une étiquette sur sa blouse blanche tachée de sang nous indiquait son nom : «Professeur McKeegan». Harry, hagard, les cheveux collés par la sueur, cette dernière faisant luire son visage à la lumière éclatante des néons, s'efforça d'ouvrir la bouche. Il peina pour articuler ces quelques mots :

-Qu'est-ce que... qu'est-ce je fais ici ?

Sa bouche était pâteuse, et un goût écœurant de plastique et de sang lui arracha un haut-le-cœur. Alors que le jeune homme tentait tant bien que mal de se redresser dans son lit, s'appuyant avec difficulté sur ses bras encore dépourvus de force, un médecin le repoussa doucement contre les oreillers et le pria :

-Ne bougez pas M.Styles. Vous avez eu un accident.

La nouvelle eut l'effet d'un coup de poing. Un accident ? Harry n'y comprenait rien. Il n'aurait jamais pu avoir un accident, il n'avait pas le permis et de toute façon, avec le lycée et les règles strictes imposées par ses parents, il n'aurait pas pu sortir de chez lui...

***

Louis Tomlinson

Je me souviens... Deux ans plus tôt.

Je suis encore sous le choc, complètement étourdi. Que s'est-il passé ? Je n'arrive pas à y croire. Une seule question tourne en rond dans mon esprit en déroute : Pourquoi ?

Ils l'ont emmené sur un brancard. Il était enroulé dans une couverture de survie, il ressemblait à une papillote. Quand nous étions enfants, nous adorions les papillotes. Moi, je prenais toujours les bleues. Lui, il choisissait les rouges.

Je n'ai pas vu son visage. A côté de lui, sur un autre brancard, il y avait Ellie. Ils l'ont emmenée, elle aussi, mais pas au même endroit.

Je suis assis sur le côté. Des infirmiers m'ont demandé d'attendre. Ils veulent m'emmener avec eux. Ils disent que je suis blessé, et que je semble souffrir d'un traumatisme qui nécessite une prise en charge psychologique. Mais ils ne comprennent pas. Je ne veux pas parler. Je ne peux pas... Et puis, de quoi veulent-ils que je parle ? De la pluie, du mauvais temps ? Car ça, on peut dire qu'il pleut. J'ai l'impression qu'on me verse des seaux d'eau glacée sur la tête. Je suis trempé. C'est désagréable.

Quelqu'un pose sa main sur mon épaule. Je sursaute. Ce simple contact me fait mal, et m'effraie. Je ne veux pas qu'on me touche, ni même qu'on m'approche. Je ne veux pas d'aide. Je vais bien. Je vais bien, moi... Je lève les yeux. C'est un policier en uniforme. Le regard compatissant et plein de pitié que je lis sur son visage m'écœure. Alors je me penche en avant, et je vomis sur ses chaussures cirées. Je me redresse, bafouille quelques excuses. Son regard n'est plus compatissant. Il s'éloigne en jurant. Je suis désolé, monsieur.

Je distingue vaguement les camions ambulanciers, les agents de police, la foule amassée derrière les bandes jaunes... Je perçois également le cri strident des sirènes, qui se rapprochent de plus en plus, comme si l'étau autour de moi se resserrait, comme si j'étais piégé... Je me sens mal, je respire mal. J'ai peur. C'est le seul sentiment qui semble avoir survécu dans mon corps. Comme si tous les autres avaient été tués par le choc.

C'est étrange, j'ai l'impression d'être en dehors de cette scène. De ne plus appartenir à la réalité. D'être spectateur de cette situation dramatique. Un spectacle, c'est ça ! Je suis dans les gradins et je regarde des acteurs jouer des rôles... Ils vont bien finir par enlever leurs masques, non... ?

Mais pourtant, au fond de moi, je sais très bien que c'est moi qui suis à l'origine de tout ce bordel.

Et je sais aussi, toujours au fond de moi, que ce n'est pas la fin du spectacle.

Mais que le rideau vient tout juste de se lever.

Et j'entre en scène maintenant.

« La jalousie est un monstre qui s'engendre lui-même et se nourrit de soi. » - William Shakespeare.

2 septembre 2014. 22h45.

J'ai échoué. Pourtant, je sais que j'ai bien fait d'essayer. C'est lui. Il est vivant. Et je dois tout faire pour achever le spectacle. Car il n'est pas terminé... Oh non, pas encore. Nous n'en sommes qu'à l'entracte.


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