Chapitre Deux

-Quoi ?! Comment ça « vivant » ? Tu sais aussi bien que moi que ce n'est pas possible ! Harry est mort Louis, il est mort depuis deux ans.

Ses mots me déchirèrent le cœur. Je savais mieux que quiconque ce qui était arrivé à Harry. J'étais le seul gardien de ce secret inavouable. Mais toutefois, j'étais sûr de ce que j'avançais. Ce n'était pas une hallucination, il était là, juste devant moi. Je l'avais senti à nouveau, cette connexion, cette tension qui nous reliait, autrefois.

Je ne comprenais pas la raison ni la nature de cette apparition, mais malgré moi, j'y croyais.

-Pourtant, je l'ai vu.

Et ça me fait flipper.

Je n'osais même pas regarder William dans les yeux. Il devait me prendre pour un fou. Je me décidai quand même à relever les yeux vers lui, le cœur battant à tout rompre. Il ne bougeait pas, les bras ballants, la bouche entrouverte. Il était livide, aussi pétrifié que s'il avait aperçu un fantôme juste derrière moi. Et malgré ses yeux plongés dans les miens, son regard était dénué d'expression et semblait perdu dans le vide. Comme si tous les sentiments qu'il possédait s'étaient envolés et qu'il ne restait plus que de la peur. Lorsque son mécanisme se remit en marche, il s'assit lourdement à côté de moi, et mit sa tête entre ses mains.

-Bon, admettons que ce que tu aies vu soit réel. Qu'est-ce que tu comptes faire, maintenant ?

Je pris quelques secondes pour réfléchir à cette question, et me retrouvai face à une vérité terrible : que pouvais-je bien faire contre un mort ? Personne ne me prendrait au sérieux. On me renverrait là-bas.

-Je n'en ai aucune idée.

C'était vrai. Je n'en savais strictement rien. J'étais complètement perdu, et je l'avoue, un peu paniqué. Qu'est-ce qu'un type censé être décédé deux ans plus tôt pouvait bien faire dans un des couloirs de ma fac ? Comment cela pouvait-il être possible ? Était-ce son fantôme qui revenait pour se venger ? Mais alors, si c'était le cas, que voulait-il ? Ou plutôt... qui voulait-il ? La réponse s'imposait d'elle-même.

Nous restâmes plusieurs longues minutes assis l'un à côté de l'autre, silencieux, pensifs, essayant un moyen de faire face à l'improbable. William avait les sourcils froncés et les mains croisées sur ses genoux. Elles tremblaient. Quant à moi, j'étais prostré, la tête dans les bras, les yeux fermés, immobile. Interdit. J'ignorais combien de temps nous passâmes ainsi, sans rien dire ni rien faire. Tout ce que je sais, c'est que lorsque que je relevai enfin la tête pour regarder l'horloge suspendue au mur, elle affichait déjà 8h10.

-On est en retard !

William sembla se ressaisir, leva les yeux vers le mur pour jeter à son tour un coup d'œil à la pendule et bondit sur ses pieds en attrapant son eastpak qu'il avait abandonné un peu plus tôt au pied de mon lit.

-Merde !

Nous sortîmes en vitesse de ma chambre, que je ne pris même pas la peine de fermer à clé, avant de filer à travers les couloirs déserts de la fac. A bout de souffle, nous arrivâmes devant notre salle de mathématiques. Par chance, William et moi étions dans la même classe. J'ouvris la porte de la salle sans avoir toqué, à vrai dire c'était une de mes mauvaises habitudes, et entrai dans la classe, Will sur mes talons. Une forêt de crânes chevelus surplombant une armée de paires d'yeux se tournèrent dans notre direction et nous dévisagèrent comme un groupe d'enfants s'extasierait devant la cage des singes au zoo.

-Chers élèves, cher professeur Karnes, quel déplaisir de vous revoir, déclama Will en posant solennellement la main droite sur son cœur.

-Tiens tiens, Tomlinson et Cooper. Vous ne me ficherez donc donc jamais la paix...

Le professeur Jacobson, William et moi étions dans une relation amour-haine. Nous passions notre temps à nous lancer des piques, mais au fond, nous savions pertinemment que ce petit jeu nous amusait beaucoup...

-Ce serait avec grand plaisir, croyez-le, mais il semblerait que le destin prend plaisir à nous réunir, répondis-je, arrachant au sourire un petit sourire en coin.

Je ne cherchai pas à dissimuler l'ironie qui pointait dans ma voix. Le vieux professeur aigri qui nous avait déjà supportés l'année dernière, désormais habitué à nos retards et à toutes nos idioties, connaissait déjà mes sentiments à son égard, et ils étaient manifestement réciproques. Il soupira en secouant la tête, d'avance découragé par l'année à venir.

-Allez vous asseoir.

-J'attendais que vous me le permettiez en fait, parce que j'ai justement d'horribles crampes aux jambes.

-En tout cas, vous n'aurez jamais de crampe au cerveau, M.Tomlinson.

La classe éclata de rire tandis que mon meilleur ami et moi entreprîmes de rejoindre notre table habituelle, au fond de la salle. Dessus s'étalait une caricature de M.Karnes gravée au compas dans le bois, le représentant avec un nez aplati, des lunettes énormes et un menton biscornu, son éternel air maussade ancré sur son visage rabougri. L'auteur de ce chef d'œuvre avait écrit au-dessous « Pour que jamais l'on oublie à quel point la vie peut être chiante ».

Je posai négligemment mon sac au pied de la table, et m'apprêtai à m'asseoir, lorsque mon regard se posa à nouveau sur lui.

Harry Styles était assis à quelques tables de là, plongé dans un livre d'arithmétique.

-Allô !

Je sursautai et tournai la tête vers William qui me dévisageait avec une expression étrange.

-Quoi ?

Il se pencha vers moi, visiblement soucieux.

-Tout va bien ?

-A merveille.

Effectivement, je ne maîtrise pas l'art du mensonge...

-Tu es sûr ? Tu es livide.

Je haussai les épaules.

-C'est la chemise de ce bon vieux Jacobson. Sérieusement, tu ne crois pas qu'on devrait lui donner quelques conseils vestimentaires ?!

Il grimaça et éclata de rire en s'installant à la table. Je m'assis à côté de lui et reportai mon attention sur Styles. Il ne cessait de bailler d'un air ensommeillé et de passer une main dans ses boucles brunes.

Lorsque la sonnerie retentit, tous les élèves se levèrent aussitôt et quittèrent la salle en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. William s'apprêtait à en faire de même, mais il s'arrêta net en me voyant, immobile sur ma chaise, le regard perdu dans le vide, fixant une tâche inexistante sur le tableau noir de la classe.

-Tu es au courant que la cloche a sonné depuis deux minutes ?

Je bondis de ma chaise et regardai vivement autour de moi. En effet, la salle était vide.

-Désolé, je pensais à... ce n'est pas important.

-Allez, dépêche-toi.

Je balançai mon sac sur mon épaule, et sortis de la classe sur ses talons. Je traversais les couloirs presque comme dans un songe, ignorant complètement le groupe de filles venues m'accoster et les quelques personnes qui me saluaient d'un geste de la main. J'avançais comme un automate, la marche saccadée, la vue trouble. Il était de retour, ici. Dans ma fac. Harry Styles était revenu.

-Louis, tu me fais peur là.

J'allais devoir le croiser tous les jours pendant une année scolaire et faire comme si de rien était. Alors que tout y était.

-Louis Tomlinson, je te parle !

Mais William n'obtint aucune réponse. Il soupira en secouant la tête. J'avais l'impression que mon crâne était sur le point d'exploser.

Bon sang, mais qu'est-ce qu'il m'arrive ?

Ce satané bouclé va vraiment réussir à me faire perdre la tête...


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