PARTIE III - Chapitre 1 : D'une pierre, deux coups [Réécriture]
-3 ans avant ADLP- (saison de cristal)
Il errait sur les terres de Brazla, pour la première fois de sa vie sans but. Le soleil étendait son aura à l'infini, couvrait le monde de ses rayons bienveillants et illuminait la neige d'un voile de diamants. La nature s'éveillait lentement après le long sommeil de la saison de cristal et les paysages gelés laissaient place petit à petit à des prairies verdoyantes.
Luvac s'arrêta un instant, admira les alentours et s'amusa à observer le couple de lapins sauvages dont les petits lapereaux donnaient du fil à retordre. Après tout, il pouvait bien prendre un moment pour savourer les rares rayons de soleil que réservait la saison des Brumes. Bientôt le territoire serait plongé dans un épais brouillard et le soleil ne se montrera pas jusqu'à la saison morte, accompagné de sa chaleur étouffante. Cette simple idée suffit à faire soupirer Luvac de tout son soul.
Après une brève pause, le jeune homme se remit en route, bien décidé à trouver ce qu'il cherchait. Il avait entendu de source sûre que les mythiques Reliques du Damné étaient réapparues et quel meilleur trésor pour un chasseur de pouvoir tel que lui ?
Mais les jours passaient, ses réserves de nourriture s'amenuisaient et la saison de cristal étendait encore trop son influence pour lui permettre de bonnes chasses. Luvac se rappela de ce que lui avait dit cette étrange femme aux premières neiges : « un membre tel que vous saurait faire des miracles à nos côtés ».
Elle lui avait parlé d'une organisation secrète dont le seul but était l'obtention de pouvoir. Était-il possible qu'il recherche la même chose ? Luvac se redressa afin d'observer les environs tout en réfléchissant intensément. Il devait bien admettre que seul, il n'avait pas progressé d'un iota dans sa quête. Les Reliques restaient tout aussi mystérieuses pour lui après des semaines de recherche, si ce n'est plus. Alors qu'il radotait son malheur en boucle dans sa tête, un léger bruit de frottement attira son attention. Il aurait juré avoir vu une branche bouger dans les bois qu'il longeait.
Alors qu'il s'aventurait plus en avant vers la forêt broussailleuse, il admit être peut-être un peu trop paranoïaque et entreprit de faire demi-tour vers son campement de fortune.
— Bonjour Luvac.
Ce dernier bondit en arrière dans un cri, arme au poing, le cœur battant la chamade.
— Bon sang mais êtes-vous folle ! J'aurais pu vous tuer !
Ebe, pour toute réponse, éclata d'un rire moqueur, comme si cela était la chose la plus idiote qu'elle n'ait jamais entendue.
— Pour cela il faudrait déjà pouvoir m'approcher, Messire Luvac. Et croyez-moi quand je vous dis que vous en êtes loin. Très loin.
Luvac ravala un juron vexé et se contenta de ranger son épée en tachant de ne pas montrer sa susceptibilité.
— Bien, parlons de choses plus sérieuses à présent. Comment avancent vos recherches ? Avez-vous trouvé le pouvoir que vous aviez en tête d'acquérir avant la fin de la saison ?
Son ton condescendant commençait à lui taper sur les nerfs, et si cette femme n'avait pas été aussi jolie et mystérieuse, il aurait déjà fait marche arrière depuis longtemps. Ses jambes refusaient de bouger et il ne pouvait s'empêcher d'admirer Ebe, d'écouter sa voix cristalline qui glissait telle une mélodie de ses lèvres pâles.
— A l'entente du ton employé et de votre sourire mesquin, je suppose que ce n'est qu'une question rhétorique, Madame. Vous prenez simplement plaisir à vous moquer de mes échecs, asséna-t-il.
— Je vous croyais moins perspicaces à vrai dire... mais cessons ces civilités voulez-vous ? Appelez-moi Ebe et soyons bons amis.
Elle tendit vers lui une main fine et délicate, terminée par des doigts allongés d'une rare élégance. Un sourire sincère et chaleureux avait pris place, là où habituellement un masque de froideur régnait en maître. D'abord hésitant, Luvac finit par céder et saisit avec entrain l'invitation dans une poigne volontaire. Après tout, il n'avait pas grand-chose à perdre.
— Bien. Luvac, bienvenue au sein du Prisme d'Onyx ! Tu es officiellement des nôtres !
Surpris par ce revirement de situation, Luvac suivit tranquillement Ebe qui de doute évidence, n'avait pas l'intention de rester par là.
Ils marchèrent pendant des jours en ne s'arrêtant qu'occasionnellement pour se reposer. Malgré son sens de l'orientation développé, Luvac n'aurait jamais su où ils allaient, tant ils avaient traversé de forêts, de champs et de ruisseaux inconnues. Finalement, Ebe ralentit l'allure alors qu'ils se trouvaient dans un bois obscur. Un rayon de lune laissait deviner une percée dans la végétation et bientôt, Luvac se retrouva au beau milieu d'une clairière sinistre, peuplée d'une multitude d'elfe, de cavaliers creïs, de mérolts et d'humains.
— Bienvenue chez toi Luvac. Je te présente ta nouvelle famille ! annonça joyeusement Ebe.
Toujours sur la défensive, Luvac vit quelques regards curieux se lever avant de reprendre leurs activités en cours. La plupart s'entraînaient aux armes, quelques rares autres jouaient de leurs énergies tandis qu'une voix grave et autoritaire s'élevait de leur rang. Au bout d'un moment, il repéra une large silhouette se détacher du groupe et s'avancer vers lui. La lune laissait apercevoir une épaisse tresse descendre le long d'une épaule musculeuse.
Tourma se planta devant sa nouvelle recrue, un sourire carnassier dévorant ses lèvres ourlées. Le cavalier Creïs mesurait facilement une tête de plus que lui, pourtant Luvac ne se sentait pas le moins du monde inférieur à cet homme de poigne.
— Bienvenue à toi Luvac ! Ebe nous a prévenus de ton arrivée. Nous t'attendions avec impatience. Je suis Tourma, Grand Doyen du Prisme d'Onyx.
Le géant posa une main amicale sur son épaule, l'observant avec attention. Il semblait guetter le moindre signe de faiblesse, mais Luvac ne lui donnerait pas cette satisfaction. Il se parât plutôt de son air le plus serein et prit la parole d'un ton décontracté.
— Enchanté Tourma. Tu n'es pas bien vieux dit-moi, pour porter le titre de « Grand Doyen »...
D'abord surprit, Tourma observa l'étranger longuement, faisant glisser son regard vers Ebe dans un silence tendu. Luvac ne se départit pas pour autant de son assurance malgré l'ambiance pesante qui régnait et attendait patiemment que quelque chose se passe. Finalement, Tourma partit dans un éclat de rire tonitruant, la tête rejetée en arrière.
— Ebe, je ne savais pas que tu nous avais ramené un petit rigolo ! Allez, vient là le nouveau. Ta bonne humeur nous sera utile dans ce groupe de rabat-joie. Mais n'en abuse pas trop avec Charb, il n'a pas le même humour que moi, lui confia Tourma dans un clin d'œil complice.
Luvac, surpris, se laissa traîner dans les rangs jusqu'à arriver devant le fameux Charb. Pourtant pas bien impressionnant du haut de sa petite taille, une autorité naturelle se dégageait de lui. Il était sans conteste un guerrier aguerrit et un puissant combattant.
— Bienvenue Luvac. Je vais être bref. Comme tu l'auras remarqué, Tourma est un cavalier creïs et je suis un mérolt mais, on te le dit une fois, ensuite, plus jamais. Ici, nous n'avons pas d'autres origines que celle du Prisme d'Onyx, est-ce que c'est clair ?
Luvac l'observa comme s'il avait perdu la tête. Pas d'autres origines ? Et puis quoi encore ? Chacun se devait d'être fier d'être qui il est. Devant ce manque de discipline, Charb pinça ses lèvres bleues tandis que sa dorsale de mérolt se hérissait petit à petit. Luvac le fixait droit dans les yeux, bien décidé à ne pas se laisser lobotomiser.
— Est-ce que c'est clair ? répéta le chef instructeur d'une voix cinglante.
— Si cela vous amuse de renier vos propres origines ainsi que toute l'histoire qui en découle et le sang de vos ancêtres, libre à vous. Mais je serais toujours Luvac, fils de je ne sais qui, originaire des terres de Brazla.
Charb avait à présent le regard plus noir que la nuit et s'avançait d'un pas menaçant vers sa recrue, apparemment décidé à lui apprendre la leçon de gré ou de force.
— Bien, je pense qu'il a tout de même compris, asséna rapidement Tourma en retenant gentiment Charb par l'épaule. Luvac, tu peux aller faire connaissance avec le reste du Prisme et découvrir les environs si tu le souhaites, on se revoit plus tard.
Le Grand Doyen attendit patiemment que le jeune homme se soit éloigné avant de se tourner vers Charb, la mine sévère.
— Bon sang à quoi joues-tu ?
— Ce petit voyou se croit tout permis. Il a simplement besoin d'une bonne leçon. Ses idées belliqueuses sont un danger pour le Prisme, Tourma.
— Nous avons besoins de lui ! Son pouvoir nous est essentiel. Tu voulais un mage, tu en as un ! Il est la clé de notre victoire. Je t'interdis de tout foutre en l'air pour une simple question d'égaux !
— Mais tu ne vois pas que...
— J'en ai assez entendu, Charb. Retourne donc entraîner les troupes. A présent que la Bague de Rémission est à nous, il est temps de trouver la prochaine relique !
Tourma n'attendit pas de réponse et se retourna vivement pour partir à la rencontre d'Ebe. Luvac n'eut que le temps de se glisser, telle une ombre, derrière un groupe de combattants afin de ne pas se faire repérer. Il se félicita d'avoir eu l'idée de suivre cette conversation riche en renseignements ! Le Prisme avait donc déjà trouvé une relique et partait à la recherche des autres. Malgré leur morale douteuse et leur manie de tout contrôler, il avait peut-être fait le bon choix en les rejoignant après tout.
— Luvac ?
S'était encore Ebe qui s'était glissée à ses côtés sans prévenir. Il réprima avec agacement un nouveau sursaut et se tourna vers la jeune femme tout sourire.
— Nous avons une première mission pour toi, après en avoir discuté avec Tourma. Es-tu prêt à l'entendre et à l'honorer ?
Loin de s'inquiéter de cette mission, Luvac avait d'autres préoccupations. Il ne comprenait pas pourquoi Ebe semblait aussi indifférente à son charme. D'habitude, les femmes bégayaient devant lui, rougissaient, disaient des âneries et perdaient leurs moyens. Celle-ci se contentait de le regarder de sa splendide froideur, vide de toute émotion. Saisissant donc le défi de la faire plier, il accentua son rictus qu'il savait ravageur et adopta sa voix la plus virile.
— Bien sûr que je l'honorerai Ebe. Je n'ai qu'une parole, même si personne ne me fera oublier qui je suis, simple question de principe. Je pense que tu peux le comprendre, ajouta-t-il d'un air entendu.
Il venait de jouer la carte de l'homme sûr de lui, libre et sans lois, qui avait pour habitude d'émoustiller n'importe quelle donzelle. L'échec fut flagrant.
— Oui, j'ai cru comprendre cela Luvac, quel dommage. Un jour peut-être te montreras-tu digne de faire partie du Prisme. Le défi est simplement plus dur à relever pour certains que pour d'autre, mais j'ai pleine confiance en toi. Tu sauras vaincre ta crainte.
— Mais pas du tout, je ...
— Quoi qu'il en soit, voici donc ta première mission ; Les jeunes héros de Brazla sont en mission pour récupérer les fleurs du mal. Le roi Sar Ier se meure et nous voulons savoir comment se déroule leur périple. A cette heure, tu devrais les trouver à mi-chemin entre Sora et Flendïa.
Luvac s'apprêtait à demander plus d'information, mais déjà Ebe avait disparu dans la clairière, ne lui laissant plus aucune occasion de faire bonne impression. Luvac ravala un nouveau juron face à la situation. Elle l'avait implicitement traité de faible... La situation se devait de changer, et vite. Luvac mit ses ambitions de côté pour se concentrer sur la tâche qu'on lui imposait. Après tout, la mission était idéale. Il pourrait à la fois l'honorer pleinement auprès d'Ebe et par la même occasion revoir la belle Malvina. Il ne perdit donc pas de temps et se mit en route.
***
Comme à son habitude, Pashad siégeait au milieu de ses semblables, dans un espace infini. Tous les dieux de Brazla lui faisaient face, attendant ses directives patiemment. De la patience, il en fallait, car les dieux, pratiquement immortels, n'avait pas les mêmes soucis de gestion de leur temps que les peuples dont le temps était compté.
Perdu dans ses pensées, le dieu des dieux réfléchissait intensément. Plusieurs événements ayant eu lieu sur ses terres bénies semblaient en lien direct avec son frère Mélak. Depuis que ce traître avait empoisonné sa fille, en s'assurant ainsi de le priver de tout héritier, il avait été enfermé et oublié dans la prison des dieux : Le temple crépusculaire.
Pashad ne comprenait pas comment ce dernier pouvait agir, impacter sur Brazla, ainsi maintenu à l'écart de tout semblant d'existence. Le temple crépusculaire représentait tout et son contraire. Il était étroit et exiguë mais ne connaissait pas de limite, il n'était ni dans les eaux, ni dans les cieux... Il n'existait pas dans l'espace et le temps, mais il était réel. Pashad ne s'était plus occupé de son frère après sa trahison, absorbé par ses recherches d'un remède, toujours introuvable, pour sortir sa fille de son état vacillant entre mort et vie.
Le dieu des dieux se rappelait parfaitement ce jour où, à travers ses investigations, il avait découvert une prophétie. Une prophétie qui l'avait marqué à vie. Destructrice, violente, sans lendemain... Un messager divin avait été immédiatement chargé d'en avertir les peuples concernés, afin de leur permettre d'inverser le cours des choses. La différence de temporalité ne permit pas cependant vingt ans de préparation aux mortels, comme l'avait estimé Pashad, mais neuf huit courtes années. C'est cependant avec joie que Pashad avait découvert les deux élus chargés de sauver le continent. Bien que très petit, ils allaient pouvoir grandir à travers l'âme d'un héros et il ne faisait pas de doute que ces deux gamins étaient capables de bien des miracles.
Un sourire s'immisça sur les traits anguleux de Pashad à cette idée. Il avait participé à leur sélection et l'expression des mortels en ce moment avait été jubilatoire.
Voyant les choses sous contrôle, il avait donc confié la surveillance de Brazla à ses homologues, préférant se concentrer sur la création d'un antidote pour son enfant.
— Pashad..., s'impatienta une voix féminine.
Saruïa l'observait avec douceur mais fermeté. Elle avait toujours été la plus pressée de tous, sans raison apparente. Sûrement avait-elle passé trop de temps en compagnie des mortels.
— Nous attendons tes directives, continua-t-elle sans prêter attention au regard las que son interlocuteur lui retournait.
— Oui, Saruïa, j'y viens, je prenais juste le temps de cogiter un peu à la situation, répondit le dieu à la peau dorée d'une voix ferme.
— Nous nous devons de protéger les elfes, et tout particulièrement leurs mages. Eux seul détiennent l'histoire complète de nos terres sacrées, déclara une autre déesse à la chevelure noir infinie, continuant la conversation comme si elle n'avait jamais été interrompue.
— Kirïa, nous savons que tu considères ton peuple comme privilégié mais ce n'est pas le cas. Les mérolts ont contribué plus encore que les elfes à la sauvegarde du continent après la catastrophe de l'Aube. Ou était ta horde d'oreilles pointues en ce temps ?
Kïawa ne laissa pas l'interpellée répondre et elle reprit de plus belle :
— Exactement, cachés dans les sous-bois, comme toujours.
Pashad, voyait la situation prendre un angle qui ne lui était que trop familier et décida de couper net à leur argumentation. Lorsque les dieux commençaient à prendre parti pour leur peuple totem, cela pouvait durer des mois.
— Un peu d'attention, je dois vous informer d'une découverte importante, tonna-t-il.
Sa voix se répercuta contre les murs invisibles de l'espace et les divinités cessèrent immédiatement tous commérages.
— Les récents événements témoignent de la participation de mon frère, Mélak.
Un mouvement d'agitation parcouru la foule de dieux qui, en cœur, retinrent leur souffle dans un mouvement théâtral. Tous aimaient se prêter aux mêmes gestuelles que les mortels, simulant leur respiration factice et portant des mains à leur cœur inexistant afin de simuler un état de choc.
— Saruïa, explique nous ce que tu as du faire pour sauver cette humaine.
La déesse, entourée par une chevelure d'or qui dansait autour d'elle, se leva pour prendre la parole. Sa robe de lumière suivi son mouvement, flottant à ses chevilles dans un mouvement perpétuel. Elle prit la parole à travers une voix douce et son écho résonna dans l'espace et le temps comme un souvenir déjà lointain. La déesse protectrice de Sora conta son intervention divine, alors qu'une créature maléfique avait condamné une humaine à mort en la jetant dans les eaux de l'océan Falïal.
En réaction à son récit épique, les dieux réagirent de plus belle, singeant de nouvelles mimiques de leur création : Certains couvraient leur bouche de leur main ou encore dessinaient des « O » de surprise sur leurs lèvres. Un assaut de commentaires fusa à travers la pièce, chacun exprimant son point de vue plus fort que l'autre.
— C'est impossible ! Mélak ne saurait se manifester à travers les murs de sa prison, éructa le dieu des nains.
— Mélak serait capable de tout, du moment que cela rime avec chaos, contra Démerêka, déesse des cavaliers Creïs.
— Il va vouloir détruire Brazla et reconstruire son propre monde de ténèbres ! Si quoi que ce soit arrivait à Pashad ou aux deux élus, plus rien ne lui barrerait la route !
— Ne dit pas n'importe quoi Saruïa ! Les elfes ne laisseront rien arriver aux héros ! assura fièrement Kirïa.
— Les elfes n'ont jamais soutenu qui que ce soit en dehors d'eux-mêmes ! s'énerva Démerêka dont la tignasse de feu était retenu en queue de cheval en l'honneur de son peuple.
— Alors que les Creïs sont si utile il est vrai, se défendit ironiquement interpellée.
Pashad soupira longuement face à la scène de ses semblables se crêpant le chignon sur des futilités alors que leurs terres sacrées étaient en péril. Il se releva, attirant à nouveau l'attention sur son imposante silhouette.
— L'heure est grave, et le temps n'est pas en faveur de vos disputes insensées. Que proposez-vous ? Nous ne pouvons intervenir sur la vie des mortels, sauf en cas de nécessité absolu. Grâce à l'intervention divine de Saruïa, la jeune domestique a pu ainsi transmettre l'existence de cette créature obscure. Mais cela veut aussi dire qu'elle ne pourra plus intervenir dans le cycle de vie actuel. Son peuple ne pourra donc plus bénéficier de son aide directe.
— Pashad, les nains, les mérolts, les creïs et les elfes pourront encore bénéficier de notre intervention une fois. La situation n'est pas désespérée. Nos héros apprennent vite, ce n'est qu'une question de temps avant que le jeune Athèlme découvre toute l'étendue de ses pouvoirs et Malvina abrite une force grandissante.
Plus ou moins rassuré, Pashad glissa un regard reconnaissant vers Saruïa et annonça la fin de leur entretien. Le dieu des dieux leva lentement une main afin de congédier ses semblables et se retourna dignement pour disparaître à travers les voiles de sa tunique agités d'une brise invisible. Les autres dieux se regardèrent un instant. De toute évidence, leur supérieur n'était pas d'humeur à leur apporter plus d'aide dans la sauvegarde du continent.
— Si Mélak est réellement derrière tout ça, il reçoit forcément une aide extérieure. Sa fille est enfermée ici même, elle ne peut lui porter secours. Nous nous devons de trouver qui agit en son nom, annonça Kirïa, ses traits fins toujours noyés sous sa chevelure aile de corbeau.
— Si je trouve ce vermisseau, je me chargerais moi-même de lui faire goûter l'acier de ma hache, tonna le dieu des nains, dont le timbre de voix fit vibrer l'atmosphère.
— Ne dit pas de bêtises Ribéon, le reprit Saruïa, aucun de nous ne peut enlever la vie ni même porter atteinte à un mortel sans en payer le prix fort. J'ai toutefois des informations inquiétantes. Le Prisme d'Onyx semble reprendre de l'ampleur.
Les dieux eurent un hoquet de surprise. Le Prisme d'Onyx avait déjà failli leur coûter le monde lors de la catastrophe de l'Aube.
— Saruïa, j'espère que tu as pris le temps de t'assurer d'un tel phénomène avant de nous l'annoncer. On ne parle pas du Prisme en ce lieu ! s'emporta Ribéon.
— Je les ai vus manœuvrer en cachette. Ils recrutent de plus en plus d'adepte, et pire encore, ils ont trouvé des mages.
Les dieux finirent de débattre sur l'urgence de la situation après plusieurs jours, laissant les conversations s'entremêler et recommencer à plusieurs reprises. Baignés dans cette pièce composée d'énergie et de lumière, les divinités acceptèrent finalement de s'accorder sur une idée avant de disparaître, rejoignant d'autres réalités.
Pashad était de retour au chevet de sa fille. Les longs cheveux couleur d'étoiles de cette dernière, cascadaient le long de son lit, aussi inertes et inanimés que leur propriétaire. D'habitude illuminée de la même lumière dorée que son père, la jeune déesse était, depuis son empoisonnement, complètement éteinte, fanée. Sa peau laiteuse transpirait la maladie, son éclat avait disparu, et ses yeux... Pashad ne pensait même pas pouvoir se souvenir de leur couleur, tant le temps avait passé depuis la dernière fois où il les avaient vus ouverts.
Comme chaque jour depuis la catastrophe, il se tuait à la tâche, concoctant à ses côtés des potions et des sorts en tous genres, espérant trouver la recette miracle qui fera revenir sa fille à ses côtés. Plus que l'idée d'avoir une héritière, ce qui motivait Pashad n'était rien d'autre que l'amour d'un père. Il avait vu grandir sa petite déesse, s'était imaginé ses pouvoirs, sa grandeur en tant que futur déesse et sa capacité à diriger les mondes. Il l'avait imaginé créer de nouveaux univers, de nouvelles races, et apporter sa pierre à l'édifice du domaine des dieux.
Mais Iléa demeurait insensible, faisant s'accumuler les échecs autour de son père, tel un mur le submergeant. Son doux visage restait morne, gelé comme le marbre. Pashad refusait de renoncer à sa fille. Il ne pouvait cependant se résoudre à tuer Mélak de ses mains, bien que le désir le ronge. Cela libèrerait certainement son enfant, mais alors il abandonnerait Brazla et les autres dieux, les privant tous de sa protection. Il ne pouvait se résoudre à abandonner Brazla. Chaque être vivant dépendait de lui. Il en était éternellement responsable et rien ne lui ferait oublier cette lourde mais non moins appréciable charge.
Pashad, entre deux décoctions, laissa ses yeux dériver vers la frêle silhouette d'Iléa. S'il n'était pas dieu lui-même, peut-être se serait-il mit à prier, se surprit-il à penser, avant de replonger dans ses recherches.
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