Chapitre 9 : Découvertes [Réécriture]

-3 ans avant ADLP- (saison de cristal)

Malvina avait décidé d'explorer le territoire de Flendïa, s'étant toujours sentie très attirée par les cultures elfiques. Ce peuple de guerriers, fins et élancés, la fascinait. Elle en avait vu quelques illustrations dans les livres de la grande bibliothèque royale et leur nature l'avait immédiatement intéressée. Moïe était un fier représentant de son espèce, mais sa moitié humaine était trahie par bien des aspects. Les elfes arboraient toujours de longues chevelures de jais ou couleur ivoire. Quelques rares femelles les avaient roux, souvent signe d'un grand pouvoir de prêtresse.

Flendïa était une véritable ville aérienne. Malvina, le nez pointé en l'air, admirait tant et plus le paysage qui s'offrait à elle. Des cabanes dans les arbres étaient reliées entre elles par des systèmes ingénieux de ponts, de rampes ou encore de nacelles qui permettaient de se rendre facilement d'un étage à un autre.

Déçue de ne pas avoir le temps de visiter ce royaume, elle se concentra sur sa quête, ignorant les imitations de bruits d'animaux que faisaient les bergers elfes au loin pour rapatrier leurs bêtes. Ne se souciant pas du torticolis qui la menaçait, elle conservait les yeux rivés sur les hauteurs, savourant la beauté de ce que la nature lui offrait. Elle avait du mal à rester concentrée, tandis que des arbres gigantesques la surplombaient de toute leur prestance. Ces vénérables ancêtres dégageaient une puissance presque palpable. Depuis des millénaires, ils protégeaient leur peuple de toutes menaces, les hébergeaient, les nourrissaient... Malvina se sentit fusionner, presque en symbiose avec ces géants verts. Jamais auparavant elle n'avait ressenti un tel attrait pour la végétation. Elle perdit quelques temps à se prélasser au pied d'un grand chêne qui s'occupait vaillamment de ses glands volants.

Lorsqu'elle se releva, Malvina se sentit, plus que jamais, pleine d'énergie et de vitalité. Un sentiment de confort et de bien être absolu était né en elle et elle reprit sa route d'un pas léger et assuré. Après de longues heures passées à explorer la forêt sans succès, son attention fut attirée par des scintillements lointains.

La frontière entre les forêts d'Imalt et de Flendïa était longue et très mystérieuse, c'est pourquoi Malvina se prépara à toutes éventualités. Bandant son arc après avoir vérifié qu'il était bien chargé en énergie, elle se dirigea dans la direction de la lumière violacée. Ecartant une dernière branche de son chemin, elle se retrouva devant la source de lumière. Aucun mot n'aurait su décrire ce qu'elle ressentit face au spectacle qui venait de s'offrir à elle.

A perte de vue, zigzaguant entre la végétation, une immense barrière vibrante d'énergie s'étalait. Son mur translucide, aux reflets mauves et violets, était nervuré de filaments blancs qui serpentaient inlassablement sur sa surface aux apparences aqueuses. Le créateur de ce mur semblait avoir cherché son inspiration dans les ailes de libellule ; il était parcouru d'une multitude de canaux magiques ondulants. Malvina était en train d'en approcher sa main afin de caresser la surface liquide, quand la voix de Moïe résonna dans sa tête. « Quiconque touche le mur d'Imalt se retrouve foudroyé sur place ».

Ramenant son attention sur le sol, Malvina tenta d'observer au loin si elle décelait la présence des fleurs du mal. Ce n'est qu'après un interminable moment qu'une idée lui vint! Le peuple de Flendïa connaissait chaque espèce et variété des végétaux de ce continent. Elle n'avait qu'à aller demander de l'aide aux elfes. Leur prêtresse accepterait certainement de l'éclairer. Satisfaite de son prétexte pour rencontrer le peuple sylvestre, Malvina s'enfonça dans la forêt dense de ce royaume de verdure.

Athèlme, pendant ce temps, remontait le long des frontières nord de Creïka. La zone était composée uniquement de prairie à perte de vue, agrémentée de hauts rochers éparses. Après un moment d'admiration passé face au mur, il avait repris son travail. Chaque végétaux qui lui était inconnu était ramassé et délicatement placé dans sa sacoche de cuir.

Bien qu'en pleine connaissance du destin funeste des curieux qui s'aventuraient trop prêt de la barrière d'Imalt, il tenta tout de même de se procurer les plantes qui la bordaient. Il avait réussi à tailler un petit bout de bois en fourche pour pouvoir éloigner les plantes le plus possible du mur avant d'approcher la main pour les cueillir. Son sac se remplissait de plus en plus, mais aucune des plantes qu'il ramassait ne méritaient le nom de celle qu'il recherchait. Heureusement, songea-t-il, la neige ne se risquait que rarement dans cette partie du continent. S'il avait dû chercher une plante inconnue sous la neige, le roi n'aurait eu aucune chance d'être sauvé, pensa-t-il. Malgré tout, il faisait de plus en plus froid tandis que la nuit commençait à chasser les discrets rayons de soleil de la journée. Frottant ses mains contre l'encolure bouillante de son cheval, il comprit que bientôt, toutes ses peaux de bêtes ne suffiront plus.

Il s'arrêta un court instant pour faire chauffer un peu d'eau et manger quelques fruits. C'est là, alors qu'il alimentait son propre feu, qu'il vit de la fumée dans le lointain, épaisse et pleine de promesses de chaleur. Sa curiosité piquée au vif, il abandonna son feu ridicule, rangea les vivres dans son sac et s'en alla en direction des volutes qui s'élevaient haut dans le ciel. Après de courtes minutes, il put voir qu'une maison de pierre se démarquait dans le lointain. Sa cheminée crachait avec joie tandis que les habituels reflets rougeoyants des flammes oscillaient derrière les fenêtres de la bâtisse.

Espérant pouvoir se reposer un moment au chaud, il mit sa monture au galop et atteignit rapidement la petite demeure. Au centre d'une clairière, la maisonnette était vétuste et particulièrement délabrée. En proie au froid hivernal, Athèlme songea qu'il n'était pas l'heure de se laisser aller à quelques caprices de châtelain. Il mit pied à terre, laissant son cheval paître pendant son absence, et s'approcha de l'entrée. Après qu'il ait toqué trois coups contre une vieille porte en bois usée, une voix l'invita à entrer.

Athèlme poussa le battant délicatement, ignorant le grincement sinistre qu'il produisit. Un vieillard était assis face au foyer de la cheminée, ses mains ridées tendues vers l'avant à la recherche de confort.

- Excusez mon impolitesse, mais le froid devient plus insistant à l'extérieur et j'espérais pouvoir me reposer quelques temps devant votre feu, demanda poliment Athèlme en passant le pas de la porte.

- Je t'en prie mon garçon, prend place..., répondit la personne en faisant signe au jeune homme de s'asseoir à ses côtés.

Il s'avança alors et vint se placer devant le feu. La chaleur de l'âtre le réchauffa immédiatement et ses forces lui revinrent rapidement.

- Je vous remercie pour votre bonté. Acceptez ces quelques pièces pour votre gentillesse.

- Athèlme, c'est bien ça? Je n'ai que faire de ta monnaie. Il y a bien longtemps que la nature suffit à mes besoins.

Choqué que le vieil homme connaisse son prénom, le guerrier dut afficher une mine incrédule pour que son hôte reprenne:

- Oui je connais ton nom jeune homme. Il y a maintenant presque vingt saisons de cristal que j'attends ta venue.

- Qui êtes-vous? Comment pouvez-vous me connaître?

De plus en plus déconcerté, Athèlme s'était avancé sur sa chaise, penché vers son hôte.

- Je suis un ermite. Et détrompe-toi, ce n'est pas parce que je t'attendais que je te connais, répondit-il d'une voix mystérieuse.

Confus, Athèlme l'incita à lui en dire davantage.

- Pourquoi attendez-vous ma venue dans ce cas?

- Il y a moins d'une dizaine d'années, les Dieux nous ont fait passer une prophétie dans les cieux: Quand Le Mal s'abattra sur les Terres Prospères, les deux Pouvoirs du continent seront la clef de la victoire.

- Vous connaissez donc aussi le deuxième héros de cette prophétie?

- Exact.

Emporté par sa curiosité et par son besoin d'explications, trop longtemps gardées sous silence à son goût, Athèlme libéra le flot de questions qui envahissait ses pensées.

- Quel est son nom dans ce cas? Et pourquoi m'attendre moi et pas mon amie? Et pourquoi sommes-nous désignés pour ce destin? Mon pouvoir n'arrive pas à la cheville de celui de ma sœur... et...

- Détrompe-toi jeune guerrier. Ta puissance dépasse ton imagination. Tu ne peux pas te rendre compte à quel point elle est importante. Tu ne connais de ton pouvoir que le stricte minimum, tout comme ta consœur. Et je t'attends toi, parce que Malvina était destinée à recevoir l'aide de quelqu'un d'autre.

La voix chevrotante du vieil homme et sa manière à poser des énigmes plutôt que d'éclairer ses interrogations commençaient à agacer Athèlme. Il tentait de remettre de l'ordre dans ses idées mais il avait du mal à assimiler toutes ces informations d'un coup. Il lui fallait tirer des déductions correctes. Le puzzle de son existence s'assemblait petit à petit et promettait de lui révéler toute la vérité. Il lui suffisait de trouver les bons morceaux. Le fait qu'ils aient survécu lui et Malvina au troupeau de chevaux, que Moïe ce soit intéressé à eux, qu'ils aient disposés d'un entraînement militaire et que malgré leur jeune âge ils surpassent déjà Moïe dans sa discipline était autant de preuve qu'il n'arrivait pas à accepter. Il avait atteint le grade de général de l'armée de Saura en battant un record de jeunesse... Tout cela était-il donc vrai et cohérent? Tout cela était-il vraiment dû au fait que son pouvoir était exceptionnel ? Sortant de ses pensées et relevant la tête, Athèlme remarqua que le vieillard l'observait attentivement de ses yeux fantomatiques.

***

- Avec toute cette neige, on va perdre le moral de la moitié de nos troupes, grommela Tourma.

Charb lui jeta un regard entendu et se rapprocha de ses hommes, toujours en plein entraînement.

- C'est tout pour l'instant ! Allez vous ravitailler près du feu ! Quand j'annoncerai la reprise, je ne veux plus entendre personne se plaindre, est-ce que c'est compris ?

Sans un regard vers leur chef instructeur, les membres du Prisme rangèrent leurs armes et rejoignirent le brasier ardent sans se faire prier.

- La saison de cristal nous ralentit mais nous saurons rattraper le temps perdu dès le retour des beaux jours, tenta de les rassurer Obsi. Ebe ne relâche jamais la cadence et de nouveaux membres affluent constamment.

- Sans compter que pour le moment, personne ne semble se douter de notre ascension, rajouta une voix féminine derrière eux.

Tourma se retourna en entendant Ebe. Etait-ce un frisson qu'elle avait vu courir le long de ses bras nus ? Elle ne saurait le dire, et loin d'elle l'envie de se faire de fausses illusions.

- Ebe, je vois que tu as trouvé ta place au fourneau, la charia Tourma, respectant son habituel ton bourru.

Les hommes s'esclaffèrent sans retenue face à la mine contrariée du Premier Messager. Des claquements d'épaule retentirent avant qu'Ebe ne se reprenne. Non, décidément, elle ne devrait jamais se nourrir de fausses illusions.

- Vous êtes particulièrement hilarants ce soir messieurs. Dommage que vous fassiez partit du Prisme d'Onyx et non de la troupe de troubadours de Sora, vous auriez pu avoir un avenir brillant !

Ne laissant en rien paraître son malaise, Ebe se retourna et rejoignit le reste des membres qui se restauraient paisiblement. Il lui fallait veiller constamment sur eux afin qu'aucune rébellion ou désertion ne puisse naître.

Alors que Charb allait annoncer la reprise des entraînements, une silhouette se détacha au loin, dans le crépuscule de la forêt.

- Pierres d'Onyx, soyez parés ! gronda Obsi.

En un rien de temps, les membres se réunirent autour de leurs supérieurs, armés et prêts à se défendre.

Lorsque Joack arriva sur les lieux, il ne s'était pas imaginé à un tel accueil. A peine avait-il eu le temps de progresser en direction de la clairière, qu'une horde de soldats déferla sur lui.

- Arrêtez ! Arrêtez ! hurla-t-il au bord de la crise cardiaque, en essayant de se faire entendre.

Les membres du Prisme ne ralentirent pas pour autant, ce qui lui laissait une ultime chance de s'exprimer.

- On m'a invité ! Ebène... Je dois voir Ebène !

- Stop ! rugit alors une voix grave.

L'attaque cessa aussitôt et tous retournèrent à leurs occupations, ravis que l'entraînement ne reprenne pas tout de suite.

Joack observa cette union dans les rangs du Prisme avec une pointe d'appréhension. Si on leur avait demandé de le déchiqueter sur place, aucun ne se serait soucié de demander au moins une raison à l'ordre donné...

- Je suis là, tu m'as demandé ?

Ebe venait d'apparaître devant lui si soudainement, que son cœur manqua un battement.

- Oui... oui vous m'avez dit de vous retrouver ici et de dire votre nom à mon arrivée.

Ebe se pencha plus en avant vers lui, tel un prédateur qui observerait une dernière fois sa proie avant de la dévorer. Joack serra les dents, faisant tout son possible pour ne pas laisser paraître sa frayeur.

- Oui, je me souviens de toi ! Une recrue prometteuse, pour sûr. Tourma ! appela-elle finalement, quittant sa voix habituellement si douce.

Joack se ratatina sur place quand un géant se rapprocha de lui, la démarche menaçante. Son ombre semblait dominer la clairière tandis que ses pas résonnaient dans un bruit sourd.

- Je te présente Tourma, le Grand Doyen. C'est un cavalier Creïs. On te le dit une fois, ensuite, plus jamais. Ici, nous n'avons pas d'autres origines que celle du Prisme d'Onyx, est-ce que c'est clair ? continua Ebe sans se soucier de la mine blafarde du nouveau venu.

Joack agita sa tête de bas en haut frénétiquement, abandonnant toute tentative de fierté.

- Bien Joack. Dès ce soir tu vas pouvoir commencer les entraînements avec le chef instructeur, Charb. C'est un Mérolt mais...

Joack observa avec intérêt Tourma qui de toute évidence semblait attendre une réponse. Il chassa passablement la panique qui avait pris possession de son corps afin de répondre le plus calmement possible.

- Mais on me le dit une fois et ensuite plus jamais, bredouilla-t-il malgré lui.

- Parce que... continua Ebe.

- Nous n'avons pas d'autres origines que celle du Prisme d'Onyx, répondit Joack docilement.

- Bien ! C'est qu'il est prometteur ce petit, s'exclama Charb. Dis-moi mon garçon, quelle est ta spécialité ? Tu as des pouvoirs ?

- Euh... non.

Charb lança un air interloqué vers Ebe. Il lui avait pourtant demandé de lui ramener des magiciens.

- Bien, alors tu es bon combattant à l'épée ?

Une fois encore, Joack fit non de la tête.

- A l'arc ?

- Non... murmura le nouvel élève, semblant vouloir disparaître dans le sol.

- Aux dagues ? La lance ? La masse ?

Cette fois, Charb avait enchaîné les questions sans en attendre de réponses. Il la connaissait déjà. Toutefois, Joack secoua la tête négativement, les yeux brillants de malaise.

- Mais alors pourquoi, par Mélak, es-tu ici ? tonitrua Charb en le secouant violemment par le col.

Lorsqu'il eut finit, il se retourna vers Ebe, le regard courroucé.

- C'est à toi que je pose cette question, Premier Messager !

- C'est une recrue prometteuse. Non pas pour sa force physique et son agilité mais pour son esprit affuté.

Ebe ne s'était pas démontée face à la posture menaçante du chef instructeur. Au contraire, elle s'était agrandie, redressant son dos jusqu'à le dépasser d'une demi-tête. Elle était bien trop habituée à ses sautes d'humeur relevant pratiquement de la démence. Joack observa le duel silencieux qui planait entre les deux, notant qu'il faudrait, surtout, ne jamais froisser Ebe.

- Maintenant que la Bague de Rémission est réapparu, nous n'avons plus de temps à perdre ! Joack possède le passé parfait pour rejoindre nos rangs. Le temps n'est plus à la force mais à la finesse. Il nous faut trouver ce bijoux avant les enfants !

Tourma, qui jusqu'alors ne s'était pas risqué à prendre parti, vint se positionner aux côtés d'Ebe. Comprenant le geste mieux que n'importe quelle parole, Charb se contenta de grogner en retournant s'occuper de ses soldats.

- Qu'attends-tu ? grogna Tourma à l'encontre de Joack, resté immobile, les pieds planté dans le sol.

Il releva vers lui un air de chien battu, incapable de réfléchir à la réaction à adopter.

- Eh bien vas-y ! Tu ne vas pas rester planté là toute la nuit pendant que les autres s'entraînent !

Sursautant, Joack s'élança rejoindre sa nouvelle famille tandis que Tourma posait un regard plein de doute sur Ebe.

- J'ai pris position pour toi, ne me déçois pas.

Le ton n'avait pas besoin d'être agressif pour qu'Ebe puisse y entendre toute la menace que la phrase recelait. Elle observa Joack rejoindre d'un pas hasardeux le reste des membres, manquant trébucher sur une racine et se ratatiner quand un épéiste le bouscula sur le chemin de l'entraînement.

- Le lion est libre, le lion est libre. Ne me déçois pas, murmura-t-elle à la nuit. 

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