Chapitre 8 : La Maladie [Réécriture]
-3 ans avant ADLP- (saison de cristal)
Joack, qui connaissait déjà parfaitement le jeune général, décida de l'attendre patiemment dans la bibliothèque. Jamais Athèlme ne manquait une occasion de venir lire son ouvrage, plein d'espoir de se découvrir de nouveaux pouvoirs.
Assis sur un banc, jambes croisées, Joack fixait l'immense porte de chaîne avec une légère pointe d'angoisse. Comment allait-il aborder le sujet avec Athèlme ? Allait-il comprendre ce qu'il faisait pour lui ?
Le cours de ses questions fut rapidement interrompu par l'arrivée d'Athèlme, seul. Malvina devait à nouveau se pavaner en compagnie de Luvac. Depuis son arrivée ils ne se quittaient pas et la nuit de repos qui lui avait été promise semblait se prolonger. Tant mieux ! Jamais les deux héros n'avaient été autant séparés et ce n'était pas pour lui déplaire, bien au contraire.
– Joack ? Que fais-tu ici ? l'interpella Athèlme en découvrant le petit homme fragile attablé à sa place habituelle.
– Je me suis dit que tu aurais peut-être besoin de compagnie. Ou d'un peu d'aide ?
Athèlme le regarda pour tout de bon. Jamais il n'avait pu supporter cette voix sifflante et ces yeux fourbes. Pire encore, il n'avait jamais été en bons termes avec cette petite fouine, et voilà qu'elle lui proposait son aide.
– Euh... je ne pense pas avoir besoin de d'aide, mais je te remercie. Maintenant, si tu veux bien, je vais avoir besoin de calme. Donc si tu n'as rien d'autre à faire ici, je te serais très reconnaissant de laisser la pièce libre.
Joack ne put cacher à quel point les paroles et le regard d'Athèlme venaient de le blesser. Pour une fois qu'il essayait d'être altruiste...
– Tu... tu es sûr ? Athèlme, ça ne me dérangerait vraiment pas de t'accompagner au contraire. Je sais que nous n'avons pas toujours été en bon termes, mais maintenant que Malvina n'est plus...
– Laisse Malvina en dehors de ça. Elle a le droit d'avoir une vie en dehors de notre quête.
Bien que ses paroles fussent pleines de conviction, son regard quant à lui trahissait ouvertement son état d'esprit.
– Athèlme... je te connais mieux que tu ne l'imagines tu sais. A vrai dire, je t'admire beaucoup. L'affection que te porte mon père m'a souvent bouleversée mais, pour ma défense, il n'a jamais été aussi clément avec moi qu'il ne l'a été avec toi.
Cette fois, l'étonnement pouvait se lire pleinement sur les traits habituellement si froids d'Athèlme. Qu'était-il en train de se passer ? Si la fraîcheur environnante n'était pas en train de lui ankyloser les doigts, il aurait juré que cela était un rêve.
– Eh bien, je comprends Joack. Je te remercie pour ta franchise. Maintenant si tu veux bien, je dois mener quelques recherches.
Ne sachant plus comment s'y prendre, Joack faillit exploser. Se sentant perdre le contrôle il inspira profondément et reprit, toutefois avec un peu plus de vigueur qu'il ne l'aurait souhaité.
– Des recherches sur quoi ? Tes pouvoirs ?
La mine effarée d'Athèlme ne l'arrêta pas pour autant. Il était prêt. Prêt à vider son sac. Prêt à s'exposer et à s'accepter !
– Oui Athèlme, je suis au courant. Est-ce que tu crois que tu aurais trouvé ce petit grimoire insignifiant sans mon aide ? Non ! Nous n'étions encore que des enfants que j'avais déjà compris ce dont tu avais besoin. Moi ! Pas Malvina.
Plus le discours de Joack avançait, moins Athèlme semblait comprendre ce qu'il se passait. Il restait là, debout devant l'entrée de la bibliothèque, les yeux exorbités et les bras balans.
– Elle n'a jamais compris ton complexe. Elle n'a fait que snober ton complexe et toujours t'en vouloir d'être agacé contre elle, sans jamais chercher à te connaître réellement ! Moi je l'ai fait Athèlme ! Et j'ai trouvé ce qu'il te fallait ! J'ai placé ce petit manuscrit au sommet de ta pile de livre. Tu étais persuadé d'avoir trouvé ce qu'il te fallait et j'étais heureux. Heureux de savoir que j'étais à l'origine de ton bien-être.
S'en était trop pour lui, il devait s'assoir. Athèlme glissa jusqu'à un banc en face de Joack, trop abasourdit pour répondre quoi que ce soit. Il essayait d'enregistrer les informations tant bien que mal, ne comprenant pas tout ce charabia. Ou avait-il peur de comprendre ?
– J'étais désespéré lorsque tu as laissé ce journal aux oubliettes. Mais je savais. Je savais qu'un jour tu reviendrais dessus. Les années ont passées et elles m'ont donné raison ! C'est grâce à moi Athèlme que ce manuscrit rare et dangereux se trouve maintenant entre tes mains. Parce que je t'ai fait confiance !
Sur ces mots, Joack se sentit pousser des ailes et posa une main pleine d'assurance sur la cuisse d'Athèlme en face de lui. Il plongea ses yeux de charbons dans le regard de jade d'Athèlme et savoura ce rapprochement soudain, inspirant l'odeur musquée du général.
– Je ne suis pas sûr de tout comprendre Joack, répondit d'un ton décalé Athèlme en écartant doucement la main qui était posée sur sa cuisse.
Joack sentit ses doigts quitter le muscle saillant avec tristesse. Voilà des années qu'il n'avait rien souhaité d'autre que cette simple sensation.
– Athèlme, ne me rejette pas. Ma mère n'a jamais su m'aimer. Mon père n'était pas au courant que je pouvais avoir d'autres qualités que les sienne. Personne au château ne m'a jamais regardé tel que je suis et pour ce que je suis...
La voix de Joack se paralysait dans ses cordes vocales tandis qu'Athèlme restait pétrifié devant lui. Il l'avait vu s'approcher de plus en plus de lui, jusqu'à sentir son souffle chaud sur son visage.
– Joack je... je suis désolé mais je ne pense pas de la même manière que toi. Je te comprends, et j'en suis désolé. Mais je ne suis pas celui que tu imagines. Je ne le serais jamais.
La réalité effrayait Athèlme. Il venait d'apprendre que depuis des années, Malvina avait raison. Joack les épiais sans relâche. Il avait prévu des années auparavant de lui faire lire le livre qu'il cherchait. Pashad seulement pouvait savoir ce qu'il avait planifié d'autre.
– Mais à présent tu dois savoir comment gagner plus de pouvoir Athèlme ! Grâce à moi ! Nous pourrions partir tous les deux afin de finir cette recherche. Tu pourrais devenir le plus grand magicien de Brazla avec mon aide, je serais là pour t'accompagner et je...
– Joack, s'il te plaît. Ne crois pas que cela me fasse plaisir de te faire du mal. Mais comme je te l'ai dit, je ne suis pas celui que tu crois.
Les yeux d'abords brillant de larmes de tristesses, Joack se retira un peu sur son banc, essayant d'assimiler les informations. Puis son visage laissa place à un masque de colère incontrôlée.
– Je vois. Tu te seras juste servit de moi pour atteindre tes objectifs ! Le puissant Athèlme n'a besoin de personne ! Tu le regretteras un jour ! Oh oui ! Et ce jour je serais là. Tu me demanderas mon aide mais je saurais te regarder sans sourciller. Je saurais te répondre tout simplement : Je ne suis pas celui que tu crois !
Plus il s'exprimait, plus le ton de sa voix montait jusqu'à devenir une crise d'hystérie démente. Il fusilla Athèlme du regard une dernière fois et quitta la bibliothèque sans se retourner. Joack se précipita dans sa chambre, récupéra ses effets personnels, empaqueta du mieux possibles ses affaires et se dirigea vers la grande porte. Il était heureux de n'avoir pas céder à ses sentiments. Il avait attendu de voir si Athèlme se rangerait de son côté. Il ne lui avait pas parlé de la vraie destination qu'il prévoyait. Le Prisme d'Onyx saurait l'accueillir et il le rendra plus fort ! Sans Athèlme...
***
Un beau matin qui commençait comme les autres, Moïe ouvrit lentement les yeux, légèrement éblouis par les doux rayons d'un soleil hivernal. La saison de la vie et ses milles senteurs de fleurs avait laissé place aux courants d'air et aux vitraux givrés. Observant le paysage, Moïe s'aperçut que déjà, les champs autrefois fleuris, était constellé de petits cristaux de neige, scintillant aux premières lueurs. Décidément, les dieux avaient su rendre à chaque saison un charme particulier et aucune image n'aurait mieux su illustrer celle-ci : La saison de cristal.
Après une toilette rapide et un moment de partage avec Tikou, son mulmopi, il descendit de sa tour dans l'espoir de trouver un petit déjeuné gastronomique dans la salle des buffets. Moïe était d'un naturel angoissé, redoutant toujours les mauvaises nouvelles avant qu'elles n'arrivent. Mais la quiétude régnait depuis tellement de semaine à travers ces murs, que rien au monde ne pourrait en ce jour le perturber. Il continuait donc son chemin habituel, toujours de sa démarche aérienne. Alors qu'il terminait de descendre le grand escalier de marbre blanc, il se retrouva bousculé par un serviteur qui, de toute évidence, était en pleine course. Encore endormi, Moïe faillit perdre l'équilibre mais réussit à se rattraper à l'homme. C'est avec étonnement qu'il ne reconnut pas ce nouveau visage. Le roi avait-il engagé de nouveaux laquais? C'est d'une voix encore éraillée par une bonne nuit de sommeil qu'il s'exprima:
– Pourquoi cette précipitation mon garçon?
– Il s'agit de notre Roi. Laissez-moi passer!
Le serviteur s'apprêtait à reprendre sa course sur ces mots, quand Moïe l'empoigna de plus belle, son état comateux immédiatement dissipé par le ton urgent du jeune homme.
– Hé bien, parle...
– Il est souffrant Mon Seigneur... Gravement si vous voulez mon avis, on m'a envoyé quérir le mage de ce château, et sur ces mots il redoubla d'effort pour se libérer de l'emprise du demi-elfe.
– Mais je suis le mage! Cesse donc ta course et ramène de l'eau dans les appartements du roi veux-tu? Je m'y rends immédiatement!
Moïe se précipita aussitôt au secours de son ami d'importance. Non seulement Magicien de sa seigneurie, il en était aussi le guérisseur officiel du royaume. Moïe possédait un grand savoir sur tout ce qui concernait les fleurs et les remèdes médicinaux... Une fois arrivé devant les grandes portes de chêne massif qui renfermaient l'espace personnel de Sar I, il s'arrêta et frappa trois coups comme à son habitude. Au bout d'un instant une voix rauque retentit de l'autre côté du mur pour l'inviter à entrer.
Le roi se trouvait visiblement dans un état critique. Blafard et cerné de poches violacées, il se tenait allongé sous une montagne de couvertures et de peaux de bêtes. Moïe s'avança et regarda les yeux malades de son ami. Son regard habituellement malicieux et vif, n'était plus que terne lueur et faiblesse. Ils n'émettaient plus aucune énergie et avait perdu tout leur éclat de vitalité... Le médecin s'agenouilla au pied du lit et commença à ausculter son patient. Rien de ce qu'il relevait n'était cohérent... Les symptômes ne coïncidaient pas entre eux. Jamais Moïe n'avait vu chose pareil et, baissant la tête de frustration, il s'en alla d'un pas nerveux en direction de la bibliothèque.
Ouvrage après ouvrage, le mage disparaissait au fil des heures derrière une pyramide de livre. Ses yeux commençaient à le piquer mais il chassa cette sensation de son esprit, rejeta sa longue chevelure elfique derrière ses épaules et reprit sa lecture. Il feuilletterait tous les ouvrages de l'édifice s'il le fallait, mais il trouverait la cause du malaise de Sar et le moyen de curé sa maladie.
Jamais le pichet d'eau n'arriva au chevet du roi souffrant. Faisant demi-tour, satisfait de sa mission, le serviteur s'en alla sournoisement dans les couloirs en direction de sa chambre. Il y récupéra quelques affaires personnelles et s'apprêta à s'en aller vers la grande porte Nord de Sora. Dans les couloirs il croisa son reflet... un petit bonhomme grassouillet aux joues rouges lui rendit son regard. Avoir dû porter cette apparence méritait mille richesses. Il ne croyait toujours pas qu'il avait accepté d'intégrer une enveloppe charnelle aussi pathétique. Les yeux vitreux, les lèvres molles, et le menton tombant, il était loin de passer inaperçu. Rien d'étonnant à ce que le mage ai eu un air étonné en l'apercevant. Toujours dans ses pensées, il ne vit pas une autre maladroite, une vraie, s'apprêter à le percuter.
– Oh, mille excuses, je suis vraiment désolée, je vous ai fait mal ?
Malvina releva le serviteur tombé à terre. Sa douceur et sa compassion pour cet homme à l'apparence repoussante étonna l'imposteur.
– Non Madame, ne vous en faites pas, c'est de ma faute.
En se relevant, l'individu prit le temps de plonger ses yeux dans ceux de Malvina. Aucun dégoût, aucune animosité ni cruauté... Jamais il n'avait pensé qu'un regard puisse être aussi pur. Affolé par le cours que prenaient ses pensées, il se dépêcha de se remettre en marche et de quitter le domaine. Il serait de toute façon amené à recroiser cette jeune fille, bien qu'il doive admettre qu'après des semaines passées à ses côtés, son cœur rechignait à s'en éloigner. C'est toutefois sans un regard en arrière qu'il quitta le château, à l'insu de tous.
En prenant rapidement le temps d'aller chercher de quoi se rafraîchir les idées, Moïe prévint en chemin Athèlme et Malvina de la situation. Il leur demanda de ne pas s'inquiéter et de reprendre leurs entraînements seuls, le temps qu'il puisse remettre sur pied leur roi. Depuis, on ne le vit plus sortir que pour chercher de rares victuailles. Les jours s'enchaînaient, la tension montait et l'inquiétude de tous parcourait à présent les murs... Les nuits passaient sans que personne ne sut où en était les recherches du mage. Le roi voyait son état se dégrader d'heure en heure et réfléchissait déjà à léguer ses pouvoirs à Moïe, le temps qu'Athèlme soit digne et en âge de régner sur les terres de Sora.
Moïe ne cessait plus de pester. Tandis qu'il parcourait une fois de plus les mêmes étagères de bois, son désespoir se transforma en rage.
— Par les dieux tous puissants ! Ce remède maudit doit bien se trouver quelque part !
A travers les papiers éparpillés en tous sens, il se dirigea d'un pas colérique vers les camps d'entraînement, ignorant totalement les regards intrigués de ses deux élèves.
Plusieurs cibles lui faisaient face et, ni une, ni deux, il laissa son énergie déferler hors de lui. Des torrents ardents se déversèrent de ses paumes et vinrent calciner sans pitié les piliers de bois. Seul de petits tas de cendres se trouvait à présent sur la piste d'entraînement, et un mage effondré. Moïe, ramassé sur le même, n'avait pas plus fier allure que les débris calciné devant lui. Voilà comment il se sentait... Calciné. Son impuissance l'immolait de l'intérieur. Son cœur s'émiettait de jour en jour, chaque échec étant un un pieu supplémentaire.
— Pashad, Saruïa, Kïawa... Je vous implore, une dernière fois. Venez en aide à notre souverain, donnez-moi la force de le guérir, permettez-lui un règne glorieux. Il ne fait que vous servir et suivre le chemin divin.
Le demi-elfe se releva péniblement, époussetant tant bien que mal sa tunique turquoise. Il était à nouveau tant d'apporter des soins à son roi.
Il s'efforçait de garder fière allure et une prestance sûre devant son monarque afin de ne pas l'affliger d'avantage. Mais plus les jours passaient, plus ce masque était difficile à conserver.
— Allons Moïe, cesse cet air grave et amène plutôt ton jeu des conquêtes par ici. Je ne partirais pas avant de t'avoir battu à plate couture!
On voyait briller dans les yeux du monarque les dernières volutes d'énergie vitale. Son regard d'or se plongeait dans celui de son ami avec douceur et compassion, l'enjoignant à suivre son idée. Moïe, conciliant, s'en alla avant de revenir, les bras chargés de leurs fameux jeux de stratégie. Ils s'installèrent en tailleur sur le lit de Sar Ier. Comme deux enfants qui allaient peut-être, pour la dernière fois, jouer ensemble, ils s'esclaffèrent plus que jamais des inattentions de l'autre.
Inquiets, Athèlme et Malvina s'entraînaient dur dès qu'ils en avaient l'occasion, malgré le manque d'encadrement. Malvina, repoussant sa tristesse d'avoir vu Luvac disparaître soudainement, entraîna Athèlme au combat à cheval. La coordination entre le contrôle de son destrier et de ses bras lui était étrangère. Sans compter que de voir Malvina faire corps avec sa monture de manière si évidente le décourageait complètement. C'était comme si la bête savait à l'avance ce que sa cavalière voulait d'elle. Découragé mais têtu, Athèlme redoubla d'effort afin de s'améliorer.
– Par Pashad ! Cette neige vat-elle cesser un jour ? râla Athèlme alors que le sol ne cessait d'enjoliver son manteau blanc.
Malvina, les joues rougies, se contenta de rire malgré le froid qui lui mordait la peau et reprit ses entraînements.
— Je te laisse une dernière tentative Elme. Après cela tu seras tout seul, mes hommes m'attendent pour leur entraînement à eux. Et ils n'ont que faire de la neige, ajouta-t-elle sur le ton de la provocation.
Piqué au vif dans son amour propre, Athèlme redoubla de concentration et le combat se retrouva bien plus équilibré entre les deux adversaires. Cependant, Malvina, d'une pirouette du poignet, désarma finalement son frère avec fierté.
Alors qu'elle l'observait comme dans l'attente d'une louange quelconque, Athèlme s'empressa de clore la discussion avant qu'elle ne s'encens de son air suffisant.
— Bon, hé bien je crois que tu es attendue. On se voit tout à l'heure.
Le jeune héro ramassa son arme, attrapa la longe de son destrier et s'en alla la démarche assurée.
— Tu vois ma belle, tout dans les muscles, rien dans la finesse. Crois-moi, tu as bien de la chance d'être une jument, rigola-t-elle en ébouriffant la crinière de sa monture.
Cette dernière lui répondit un soufflement bruyant et suivit sa cavalière jusqu'à l'étable qui lui réservait un repas bien mérité. Mais malgré son air enjoué, Malvina ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter pour le roi.
Le soir venu, elle se rendit aux cuisines avec Athèlme, qui de toute évidence souffrait d'une faim de loup. Alors qu'ils allaient se préparaient un festin digne de ce nom, Moïe leur est apparu de derrière le garde-manger.
— Moïe ! Cela fait plaisir de te revoir ! s'extasia Malvina, ne cachant pas son bonheur.
— Où en sont tes recherches Moïe, s'enquit Athèlme sans attendre.
La mine contrariée, mais victorieuse, de leur précepteur les rassurèrent. La tête haute, pas peu fier de sa découverte, le mage entreprit une longue explication sur la situation.
— Vous vous doutez bien tous les deux que si j'ai quitté mon poste de travail, c'est que j'ai finalement trouvé réponses à mes questions.
Encouragé par la mine attentive de ses élèves, Moïe reprit de plus belle, bercé par le souvenir des cours qu'il leur faisait et de leur mine enfantine curieuse.
— L'heure est sombre, mes enfants, mais tout espoir n'est pas vain. Le roi souffre d'un trouble organique qui le désagrège de l'intérieur. Ses organes fondent, comme neige au soleil. Un seul remède existe ; Les fleurs du Mal!*, leur expliqua-t-il. Cette plante ne pousse qu'aux abords de la Forêt d'Imalt, le long de la frontière magique établie par Imalt* lui-même.
Moïe eut un doute quant à la détermination de ses deux protégés, face à leur mine perplexe. Mais rapidement, l'étincelle qu'il leur connaissait regagna leur pupille.
— Nous partons sur le champ ! réagit Athèlme en entraînant avec lui Malvina.
Prenant leurs responsabilités de soldats très au sérieux, les deux jeunes gens allèrent prestement harnacher leurs montures, empaqueter quelques victuailles et des vêtements chauds puis se précipitèrent vers la grande porte, rejoint par Moïe qui courait dans leur direction.
– Moïe, avez-vous Luvac récemment ? tenta Malvina dans un ton plein d'espoir.
– Et Joack, par hasard, en profita Athèlme qui n'avait rien dit de son petit face-à-face.
– Je suis navré de vous décevoir, mais non. Cela fait des jours que je ne les ai pas croisés. Ceci-dit, je n'ai pas vu grand monde depuis ma bibliothèque, rajouta le demi-elfe dans un sourire qui se voulait rassurant.
Malvina remercia son professeur, tentant de camoufler sa profonde déception. L'heure n'était pas aux sentiments et elle devait être au maximum de ses capacités si elle voulait pouvoir sauver le roi.
Leur périple les mena tout d'abord le long de la rivière Saruïa. Le bord du fleuve était recouvert d'une épaisse neige qui luisait sous de fins rayons de soleil. Au loin, Athèlme et Malvina pouvaient observer les montagnes de Ninetïa se dessiner sur l'horizon, imposantes et menaçantes.
Les heures défilaient, et seul le doux tapotement des sabots sur l'épaisse poudreuse se faisait entendre. Parfois, le chant d'un oiseau apportait sa mélodie à cette nature endormie, mais peut de ses congénères y répondaient. Les deux cavaliers s'arrêtaient fréquemment pour laisser les chevaux se désaltérer et se détendre les jambes. Il leur fallut un peu plus de deux jours pour parvenir aux frontières de la forêt d'Imalt et de Flendïa, le territoire des Elfes. Un problème se posait à présent: Les limites de la forêt étaient vastes et aucune illustration n'avait été trouvée pour Les fleurs du Mal. Elles pouvaient se trouver n'importe où sur des lieux à la ronde. Malvina, sentant son estomac se serrer face au travail de titan qui les attendaient, se laissa bercer un moment par la beauté des bois qui s'ouvraient devant elle.
— Elme, nous allons devoir nous séparer, annonça-t-elle sur un air de dépits.
— Comment ça nous séparer? Mina, c'est bien trop dangereux... Le coin regorge de créatures dont on ne connait même pas l'existence.
L'idée de se retrouver seul face à une faune inconnue le terrorisait plus qu'il ne saurait l'accepter. C'est les yeux écarquillés par la peur qu'il analysa l'environnement. Un hibou des cimes* laissa retentir son hululement lugubre. Rester seul ici? Certainement pas ! A la fois amusée et compatissante, Malvina tenta de le rassurer:
— Ce n'est qu'un hibou diurne Elme. Il ne fait que prévenir la forêt de notre arrivée. Et je n'ai pas dit que nous devions partir à des lieux l'un de l'autre, mais regarde autour de toi. Jamais notre roi n'aura le remède à temps si nous ne prenons pas de risques. N'oublie pas que nous sentons nos émotions les plus fortes, si tu es en danger, je le saurais.
Athèlme ne pouvait nier cette dernière affirmation. Il ne l'avait pas montré à sa sœur mais, sa souffrance face à la disparition soudaine de Luvac ne l'avait pas laissé indifférent. Son cœur s'était douloureusement serré, reflet de celui de Malvina. Sa peine était réelle et toutefois, elle n'en laissait rien paraître.
C'est avec un dernier sourire radieux que la jeune intrépide laissa son frère aux abords de Flendïa. Enfant, elle n'aurait jamais imaginé apprécier autant cette nouvelle aventure. Trop curieuse et impatiente, elle était plus que ravie de découvrir l'endroit.
Malvina partit en direction du royaume des elfes, vers l'Ouest, tandis qu'Athèlme, sans grande conviction, s'orienta vers le Nord en direction des Terres Désolées. Ils avaient veillés à bien remplir leur gourde dans l'eau tranquille de la rivière Démerêka et Malvina avait attaché sa monture à un arbre qui lui permettrait de boire et de manger pour quelques temps. Si elle voulait progresser rapidement dans la forêt, il valait mieux pour elle de rester à pieds.
Le voyage s'annonçait plus périlleux à présent qu'ils étaient séparés. Jamais encore, depuis leur rencontre ils ne s'étaient éloignés l'un de l'autre. Cette idée n'avait rien pour rassurer Athèlme qui ne se doutait pas que la même appréhension guettait la détermination de sa consœur.
Une fois que son bien aimé partenaire eu disparu définitivement de son champ de vision, l'optimisme inébranlable de Malvina se trouva mit à l'épreuve. Elle continuait de se retourner nerveusement sur sa selle, espérant le voir apparaître à nouveaux, mais il n'en fut rien. Athèlme l'avait bien écoutée et s'était déjà aventuré plus en avant vers la barrière d'Imalt.
Lexique :
Hibou des cimes : Grandoiseau diurne, ressemblant beaucoup à son cousin, le hibou nocturne. On dit delui que son rôle est d'alerter les environs en cas d'arrivée d'étranger. Il estle gardien des bois et également des âmes dans les croyances elfiques.
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