Chapitre 8 - Envoûtement et Déclaration de Guerre [Réécriture]
-3 ans avant ADLP- (saison des brumes)
Épuise, Athèlme sortit de la salle du trône et prit directement le chemin de ses appartements. Impatient d'avoir un peu de calme, il pressa le pas et n'admira aucune des riches tapisseries qui longeaient les murs des couloirs, contrairement à son habitude.
Une fois le grand escalier en colimaçon gravit, il s'apprêtait à entamer la dernière ligne droite qui le mènerait jusqu'à sa porte, quand il fut interrompue par la seule personne qu'il avait encore le courage d'apprécier ce soir-là.
— Mon chéri ! s'exclama sa mère, avant de l'observer de plus près en faisant la moue. Qu'est ce qui ne va pas ?
— Rien de bien grave. Une longue entrevue avec le roi et un entraînement intense de la nouvelle recrue, la routine, la rassura-t-il.
— Oh très bien, reprit-elle, à nouveau enjouée. Dans ce cas laisse-moi t'annoncer une grande nouvelle ; Edwinn et moi allons emménager dans une petite ferme qui borde le royaume !
Elle avait pratiquement hurlé cette phrase, tant l'émotion semblait lui saisir les cordes vocales. Serrant les dents, Athèlme qui n'aspirait à rien d'autre qu'à la tranquillité, lui répondit tout de même :
— Je ne sais pas quoi dire, c'est une nouvelle... inattendue. Tu parles bien du père de Malvina ?
— Oui ! Je l'aide à surmonter les épreuves que la vie lui impose. J'ai moi-même traversé ce deuil et cela semblait juste de faire profiter de mon expérience à d'autres personnes dans le besoin.
Elle avait prononcé cette phrase avec un sérieux bien trop appuyé, et le rose lui était monté immédiatement aux joues. Décidé à ne pas demander plus de détail sur sa manière de procéder, Athèlme esquiva les images qui assaillaient son esprit d'un geste de la main. Il y a des choses que même l'imaginaire d'un guerrier ne peut supporter.
— Très bien, très bien. Bon, j'en suis très heureux pour toi !
— Tu pourras venir nous visiter quand bon te semblera mon chéri, évidemment. J'ai prévenu Sar qu'il était également le bienvenu dans notre futur logis !
— Pardon ? s'étouffa Athèlme. Tu as invité le roi à venir chez vous ?
Il hésitait entre le rire et la honte... Il avait presque oublié le talent d'hyper sociabilité de sa mère, et il est vrai qu'il les avaient vus longuement discuter elle et le roi. Mais, de là à l'appeler Sar et à l'inviter tel un vulgaire citoyen, il n'en croyait pas ses oreilles !
— Charmante idée, maman.
— Bien, tu sais tout maintenant ! Je te laisse aller te reposer, je dois rejoindre Edwinn !
Miranda, après avoir volé un baiser à son fils, s'éclipsa le pas sautillant, telle une jouvencelle. Athèlme ne put qu'en sourire. Il n'avait pas vu sa mère aussi heureuse depuis très longtemps. Peut-être même depuis toujours...
Il pénétra enfin ses appartements. La missive du roi avait été communiquée aux gardes, il ne lui restait plus qu'à se glisser sereinement sous ses draps chauds et accueillants.
***
Malvina, préférant s'activer à la guérison du lion, était restée à ses côtés durant l'entrevu d'Athèlme. Elle tournait en rond devant lui, aussi frénétiquement que ce dernier. Sa tête la lançait, trop surmenée par les milliers de pensées qui l'assaillaient. Elle ressassait les découvertes faites sur le fauve, ressassait leur dernier périple avec Athèlme, ressassait des solutions pour guérir l'animal à ses côtés... Sa tête ne s'arrêtait jamais. Finalement à bout de force, elle se laissa choir sur un banc, au bord de l'épilepsie. Des murmures se répercutaient entre les murs des jardins pour venir jusqu'à elle. Des serviteurs étaient apparemment en pleine discussion.
— Puisque je t'ai dit que j'étais à côté. J'étais de corvée vin jusqu'à maintenant, il vient d'y avoir le roulement. Jamais je n'ai vu notre roi dans cet état. Même le capitaine des gardes n'a pas osé broncher.
— Donc la décision est prise ? Nous sommes en guerre ?
— Ça m'en a tout l'air morveux... L'elfe a bien tenté de faire retrouver la raison au roi mais... apparemment c'est un sale coup qui s'est passé. Je n'en sais pas plus.
Malvina cessa d'écouter, le cœur au bord des lèvres, ses battements menaçant de la faire exploser à tout moment. Qu'une personne, qu'elle soit roi, prince ou paysan, puisse ainsi décider sur un coup de tête d'envoyer au massacre des centaines d'innocents lui broyait les tripes. Sa vision se troublait, son ventre était un nœud gigantesque qui la faisait souffrir. Rien ne parvenait à ramener ses pensées en ordre. Elles défilaient en elle à une vitesse telle qu'elle ne parvenait même pas à toutes les discerner.
Sans qu'elle ne s'en rende compte, on l'avait rejoint sur le banc ou elle était affalée. Elle rouvrit les yeux lorsqu'une main délicate se déposa sur son épaule. La guerrière releva des yeux injectés de colère. Des yeux que jamais encore elle n'avait eus. Des yeux qui tranchaient beaucoup trop avec sa bienveillance naturelle et qui, au contact de Moïe, récupérèrent petit à petit de leur humanité.
— J'ai cru entendre que tu n'avais rien pu faire ?
La question n'en était pas une. Elle n'était pas un reproche non plus. Il ne s'agissait que d'une simple affirmation qui transportait avec elle toute la déception d'un univers chamboulé, d'un exemple brisé et d'espoirs anéantis. Moïe sentit sa gorge se serrer.
Il observa un moment le soleil couchant derrière les montagnes de Ninetïa. Il balaya les jardins du regard, s'imprégnant de l'or liquide dans lequel ils baignaient. Le ciel était en feu ce soir. Un feu qui trouvait son reflet dans le cœur de chacune des personnes qui lui étaient proche. Belle coïncidence de la nature...
Il allait finalement répondre quand Malvina reprit la parole.
— Il veut faire surveiller, voire enfermer tous les mérolts ! C'est de la discrimination. Comment peux-t-ils faire une chose pareil ? Comment peut-il agir de la sorte ?
— Jamais je n'aurais imaginé que Sar Ier irait jusque-là... Il doit vraiment tenir à vous, Malvina. La décision est peut-être sévère mais au moins votre sécurité sera garantie d'ici là, essaya-t-il de la calmer, sans beaucoup de succès.
— Mais pas du tout ! s'emporta la jeune fille. Si ce ne sont pas les mérolts, alors toute l'attention est tournée à présent sur un ennemi hypothétiquement imaginaire !
—
Moïe la laissa terminer et reprendre son souffle.
— Malvina, quoi qu'il arrive, je serai là. Mais le temps n'est pas au gaspillage d'énergie ni aux effusions d'émotions inutiles. Les décisions sont prises mais il nous reste du temps pour éviter le pire, alors au travail jeune fille.
Malvina esquissa l'ombre d'un sourire angoissé au coin des lèvres. Elle appréciait tant le demi-elfe. A force de travailler sur sa moitié humaine, il était devenu le plus humain de tous. Un peu calmée, elle opina du chef et se concentra sur le lion, saisissant un des grimoires du mage. Elle allait avoir du pain sur la planche.
Se plongeant dans sa lecture, une page attira son attention : « Failles des sortilèges envoûtement ». Plissant son petit nez comme chaque fois qu'elle se concentrait, Malvina parcouru le parchemin minutieusement, avide de découvrir ces fameuses failles. Elle ne fut pas déçue. Un sortilège envoûtement pouvait être brisé, inversé et retracé, d'après ce que relataient les antiques écritures.
— Moïe ! J'ai trouvé quelque chose !
Malvina s'était redressée et rejoignait déjà précipitamment le demi-elfe, dont les longs cheveux noirs s'agitaient sous la puissance des sorts qu'il effectuait sur le lion. Tournant la tête vers la jeune fille, il se pencha au-dessus de son épaule et déchiffra les informations qu'elle lui présentait.
— Malvina c'est fantastique. Cela est tout à fait dans mes capacités !
A ces mots, les deux magiciens se mirent au travail sous le regard discret de Luvac qui observait la scène depuis le début. Il ne pouvait s'empêcher de savourer la défaite à venir de son adversaire ! Chose était la créature la plus idiote qui soit et il ne pouvait se permettre d'être plus longtemps en concurrence avec lui. Le serviteur de Mélak était informé en tout temps de ce que le Prisme prévoyait. Il savait tout sur tout, pendant que lui, Luvac, se voyait offrir des bribes d'informations au compte-gouttes. Il ne pourrait supporter ce manque d'égard plus longtemps. Si les informations ne venaient pas à lui, alors il irait aux informations. Cela faisait des jours qu'il suivait l'avancement des recherches sur le fauve sans comprendre. Mais tout devenait clair à présent. Et la guerre à venir contre les mérolts trouvaient enfin son explication. Le Prisme avait effectué un travail remarquable. Un coup monté si spectaculaire qu'il regrettait de ne pas en être à l'origine.
***
— Imbécile ! Incapable ! Qu'est-ce qui t'a pris ?
Mélak ne parvenait plus à récupérer son calme légendaire. Il tentait de lacérer les murs de la grotte humide de ses immenses griffes non palpable, et continuait de tempêter sans relâche.
— Maître... Je suis désolé maître...
Ignorant la créature rampante à ses pieds, le dieu du vice se retourna vers le fond de la caverne, plaçant ses mains sur ses tempes. Lorsqu'il reprit la parole, c'était à nouveau de sa fidèle voix mielleuse et enveloppante, toutes traces d'hystéries disparues.
— Récapitulons veux-tu, sale petit vermisseau... Tu me dis qu'une domestique t'a remarqué. Ensuite, qu'au lieu de lui faire oublier ou de l'éliminer, tu as préféré laisser ce délicieux travail aux requins de l'océan Falïal. Puis, comme si ce n'était pas déjà suffisant, tu m'annonces que le Prisme a la merveilleuse et transcendante idée d'envoûter le lion du roi de Merïa pour qu'il se charge d'éliminer les deux héros... Deux héros de nature extrêmement puissante, entraînés, et qui se déplacent toujours ensemble...
A chacune des phrases de son supérieur, la créature pourtant aussi impressionnante que repoussante, se recroquevillait un peu plus sur elle-même, visant à disparaître ; Mission totalement impossible et un échec inévitable pour une bête plus grosse qu'un ours des montagnes.
— Donne-moi une seule bonne raison de ne pas te supprimer sur le champ, questionna Mélak, le nez relevé pour observer son serviteur, pourtant agenouillé.
— Maître ?
— J'attends.
— ... Un conflit est en train de naître entre Merïa et Sora. Le roi pense à un acte de haute trahison...
Mélak sembla considérer sérieusement cette réponse. Il jaugea son serviteur d'un regard plus glacial que jamais avant de reprendre :
— Bien... Je te laisse donc la vie. Cependant je vais récupérer ce qui m'appartient afin d'agir personnellement sur cette mission. Et sache que si tu me déçois une fois de plus, je me verrais dans l'obligation d'éliminer toute trace de ton essence dans l'univers. Va-t'en maintenant. Je ne supporte plus ta vue.
Levant haut sa main, Mélak jeta avant de se retirer un sort sur la créature. Hurlante, elle se mit à se tortiller sur elle-même dans des positions peut naturelles. Elle se contorsionna un long moment sur le sol humide, avant de finalement rapetisser.
— Tu n'es plus digne de la puissance que je t'ai conférée. Je la récupère donc pour en faire meilleur usage. Considère cela comme un avertissement.
En se redressant, c'est un homme chétif au visage rongé par un mal inconnu qui se découvrit. Le même qu'il était avant d'être modifié par son maître, mais bien plus faible. Le dieu avait drainé jusqu'à sa propre source de vie. Traînant les pieds avec difficulté, il sortit de la cavité, déjà à bout de souffle. Mélak venait de s'assurer qu'il ne puisse plus rien tenter avant qu'il n'en décide autrement.
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