Chapitre 3: Premières Missions [Réécriture]
-8 ans avant ADLP- (saison de la vie)
Au grand galop, Athèlme rejoignit la jeune guerrière à l'avant de la troupe.
- Mina je t'en prie, par Pashad... Reste à l'écart des conflits, suppliait-il, désespérant de plus en plus sous les refus de sa consœur.
Elle ne laissait place à aucune objection, effaçant ses arguments d'un revers de la main. Loin de s'avouer vaincu, il insista jusqu'à ce que les petites chaumières du village attaqué apparaissent.
Les toits de paille en flammes se détachaient nettement sur le ciel d'azur... le feu léchait les murs de chaque habitation, se régalant avidement du foin destiné au bétail. Des villageois couraient, hurlaient et se battaient, armés de pics, de fourches, de hache et même de balais, casseroles et autres ustensiles ménagers. Empestant la peur et le sang, l'air qui vint s'imposer aux narines d'Athèlme le secoua plus que n'importe quoi d'autre.
Ce fut à ce moment précis que le jeune homme sentit une force, une chaleur l'envahir. Le vent l'informait que le temps n'était pas à l'hésitation. Poussé par il ne savait quoi, il lança son cheval au galop et attaqua de front les brigands. Il ne savait pas si on le couvrait, mais peu lui importait. Il n'était que bravoure, courage... et peut-être folie... L'arme au point, la lame pointée en avant, une expression de rage gravée sur le visage, il parvint aux portes du village en hurlant sa haine, et le temps sembla s'arrêter. Les paysans cessèrent de se défendre, les malfaiteurs d'attaquer, les arbres de bouger... On aurait dit que le vent lui-même cessa de souffler face à l'assaut. Tout n'était qu'un chaos immobile et silencieux. Dans le fond d'une étable, on pouvait entendre le faible bêlement d'une chèvre effrayée...
Seul, intrus virevoltant dans un décor de glace, Athèlme fonça sur les agresseurs. Ses yeux percevaient et déterminaient à une vitesse anormale les obstacles. Il n'était plus qu'une lame, tranchant tout sur son passage. Un feu infernal qui ne s'arrête jamais. Des membres étaient découpés, rejoignant le sol parmi d'autres restes humains. Le sol, imprégné par le sang des ennemis, n'était plus qu'une immense flaque écarlate et visqueuse. Les assauts sur ce nouvel arrivant se multipliaient, augmentant la vitesse à laquelle le sang coulait. Les villageois, d'abord sonnés par cette intervention presque divine, reprirent rapidement leurs esprits et se jetèrent au secours de leur sauveur.
Après plusieurs autres mutilations en tout genre, marquées par les bruits de succion de la chair qui s'embourbe dans le sol, les brigands finirent par battre en retraite. Ne percevant plus de cible ennemies, les bras d'Athèlme se calmèrent enfin, son cœur repris un rythme normal et il redevint maître de lui-même, chassant cet instinct animal qui l'avait transformé en un être sauvage et sanguinaire. Il observa les alentours pour reprendre conscience de l'endroit où il se trouvait. Son esprit, perdu, avait du mal à assimiler les événements qui venaient de se produire. Finalement, il entendit une voix, féminine, familière... elle l'appelait et lui demandait des nouvelles. Recouvrant ses esprits, il put poser un regard fatigué, presque torturé sur Malvina, la découvrant comme pour la première fois.
- Mais enfin qu'est-ce qui t'a pris! Tu es complètement fou! C'est n'importe quoi! Et puis... et puis c'est quoi ça!
Malvina, sous le choc, laissait ses yeux arpenter nerveusement la scène qui s'offrait à elle. Des corps, des membres et des boyaux jonchaient le sol. La terre était inondée de sang, des entrailles encore fumantes s'entassaient en petit tas éparses. Elle n'avait pas de mot pour qualifier ce qu'elle voyait et son esprit semblait n'avoir comme seule issus la colère.
- Bon sang! T'aurais pas pu me dire que tu pouvais te changer en une... une... une chose dévastatrice, puissante et meurtrière! Non mais... tu es... pfff... j'ai eu peur!!! Finit-elle par hurler en sanglotant, secouée par l'angoisse de cette première bataille.
Étourdi et déboussolé par la réaction de son amie, Athèlme tenta de se redresser sur sa selle, maladroitement... Heureusement, le bras de Malvina ne se tenait pas bien loin de lui alors qu'il fut pris d'un nouveau vertige. Sous le regard inquiet de la jeune femme, il prit sur lui et fit du mieux qu'il pouvait pour garder fière allure; Torse bombé, dos droit et visage assuré, en apnée. Malvina ne put retenir un sourire en coin, alors qu'elle ne voyait qu'une caricature de Dieux de la guerre, tel qu'on les sculptait. Tandis qu'il rougissait en reprenant son souffle, un bruit attira son attention. Il suivit le râle d'une bête, ou d'un homme, il ne saurait le dire, et passa au milieu de nombreuses familles terrorisées qui posaient sur lui des yeux plein d'admiration et de crainte. Le village entier l'observait, oubliant presque de s'occuper de leurs blessés. Son ouïe le conduisit jusqu'à un dépôt de foin. Derrière une motte, il aperçut une silhouette recroquevillée et frissonnante. Gentiment, il lui demanda de sortir. Une fois... deux fois... trois fois... sa patience arrivant à bout il saisit, doucement mais fermement la personne, qui n'était en réalité ni faible ni démunie contrairement à ce qu'il avait envisagé. Un homme, grand, fort et lourdement armé se retrouva face aux deux héros et une bande de paysans curieux.
Vif comme l'éclair, Athèlme esquiva le coup mortel qu'allait lui porter l'individu et le plaqua au sol, lui faisant avaler de la poussière. Dans le même temps, le petit peuple curieux sursauta, avant d'applaudir timidement en soufflant de soulagement. Athèlme, toujours en proie à une rage qui menaçait d'exploser, traîna l'homme au sol et l'emmena de force à l'extérieur de la grange. Il ne lui laissa pas le temps de riposter et le plaqua à nouveau, contre un mur cette fois.
- Qui es-tu?! Gronda Athèlme sur un ton dont jamais auparavant il n'avait fait usage.
La réaction produite n'était pas du tout celle escomptée par le guerrier. L'étranger se mit à ricaner. Sournoisement. Malvina quant à elle, reconnaissait à peine son frère à travers ce masque de violence. Elle resta en retrait, observant la scène en espérant pouvoir réagir si la situation tournait mal. Il ne fallait tout de même pas que l'homme soit tué avant de leur fournir quelques informations.
- Répond-moi!!! Hurla Athèlme de plus belle, secouant violemment son ennemi.
Athèlme était hors de lui, il avait les nerfs à fleur de peau et cet idiot se permettait de rire de sa personne! Il allait lui montrer ce qu'il était. Il allait lui prouver sa force et sa renommée... Toujours sous l'emprise de son rire d'hyène, l'énergumène répondit:
- Comment? Tu ne sais pas? Tu devrais pourtant... Athèlme..., et il repartit dans ses hilarités.
- Comment connais-tu mon nom?!... Parle!
Tout en criant, Athèlme continuait de secouer sa proie comme un yoklai*. Son visage, devenu rouge, transpirait de haine et ses yeux, à présent injectés de sang, menaçaient de quitter leur orbite.
- Je suis... connu dans ta famille... et par toi aussi. Seulement... vous ne connaissez pas mon nom.
Devant le regard menaçant du jeune homme qui promettait une mort atroce et douloureuse, il continua, non sans plisser ses yeux noirs, arborant un air de défi:
- Je vais te mettre sur la voie, mon petit... Je suis éleveur de lion. Des lions d'argents plus précisément... il fit une pause, attendant d'observé une réaction sur le visage du soldat. C'est bon, tu vois où je veux en venir? Je veux aussi te dire que j'ai pillé les villages du Nord déjà. Tu arrives trop tard... Sa voix sifflante fut suivie par un nouvel éclat de rire dément.
Il eut à peine le temps de finir qu'un ouragan de douleur enfui et de rage s'abattit sur lui. La dernière image qu'il eut l'occasion de voir, fut un visage déformé par la colère et le désespoir d'un jeune prodige. L'épée qui lui faisait face effectua un tour avant de venir s'abattre avec force sur sa jugulaire. Au moins, eu-t-il le temps de se dire, il ne souffrirait pas. Et sa tête s'en alla rouler sur le sol, rejoignant les autres restes de cadavres.
Athèlme, debout et droit devant ce qui restait de sa victime, tremblait d'une énergie négative incontrôlable. Son vêtement de cérémonie, toujours impeccable, donnait une image étrange dans le décor où il se trouvait. Malvina lui envoya une pensée de soutient et de courage, mais elle doutait que cela suffise à apaiser le jeune homme... Des larmes commençaient à perler au coin de ses magnifiques yeux d'émeraude. Il voulait tout dévaster, tout détruire et hurler plus fort que la foudre elle-même. Crier sa peine et sa souffrance pour balayer le monde de son souffle, et pousser sa voix jusqu'aux dieux eux-mêmes. Perdu entre rage et folie, Athèlme n'avait plus conscience d'où il se trouvait. Une main entra en contact avec le tissu de son habit. Vivement il se retourna tout en saisissant le poignet de la jeune fille, son regard fou se posant sur elle... L'air choqué de la jeune fille et son mouvement de recul le forcèrent à retrouver l'instant présent. Athèlme se reprit et tenta d'adoucir son expression. Percevant son désespoir, Malvina l'enlaça tendrement pour lui prodiguer toute sa force et sa positivité.
Enfin, lorsqu'ils se redressèrent, les paysans avaient déjà commencé à débarrasser le sol des victimes.
Un scintillement attira le regard d'Athèlme qui reconnut le bracelet de sa mère autour d'un bras qui dépassait de derrière une petite maisonnette. Il ne supporterait pas plus de tragédie et il le savait. Tremblant il s'avança en ne sachant que penser. Il découvrit une femme, gisante et sanglante sur le sol. Immobile, elle tenait toujours dans son autre main l'épée de son défunt mari... Athèlme, en un instant, vit toutes ses raisons d'exister s'évanouir avec elle... Il s'approcha de sa mère, inerte, le visage portant encore le masque de la peur. Les traits de sa mère, habituellement si délicats et doux, révélaient en cet instant tout le désir qu'elle avait eu à se battre pour sa vie et la force qu'elle y avait mise. Les joues dégoulinantes de larmes silencieuses, le guerrier s'agenouilla auprès de son dernier parent.
- Non, murmura-t-il. Non...
Son esprit était brouillé, ses yeux recouvert d'un voile flou... le monde lui semblait disparaître dans un nuage opaque et il entendait des sons, des voix sans les comprendre... Fixant le corps étendu devant lui en caressant d'un doigt le visage délicat de sa mère, Athèlme tentait de forcer son esprit à accepter ce qu'il voyait. Jamais il n'aurait imaginé que l'épée de son père, balançant sur son flanc, puisse peser aussi lourd. Mais alors qu'il allait abandonner, craquer et refuser la réalité, la poitrine de sa mère se souleva. Doucement. Les narines frémissaient, sa bouche s'entrouvrit et la douce mélodie du souffle de la vie s'en échappa. Elle respirait!
Athèlme, qui crut d'abord à une farce de son esprit, perçu le son de cette respiration comme un véritable hymne à la joie. Il se jeta sur elle pour lui porter secoure et lentement, le fils unique de la famille Dan'tan effectua quelques bandages improvisés à l'aide de lambeaux de tissu qu'il déchirait sur son vêtement.
- Mère ! Je suis là ne t'en fait pas... soufflait-il tandis qu'il s'évertuait à lui apporter les meilleurs soins.
Malvina soufflait de soulagement à ses côtés, sa main posée sur l'épaule de son frère. Elle essuya rapidement les perles salées qui avaient sillonnées son visage et partit prestement s'occuper des autres blessés.
Alors que tout le monde pensait la menace passée, ils entendirent pour la deuxième fois de la journée crier, provoquant un nouveau mouvement de foule. Une femme courait à en perdre haleine jusqu'à eux les suppliant de l'aider. Elle se jeta aux genoux de Malvina et articula en un souffle la contrée d'où elle venait avant de s'écrouler, inerte. Décidément, cette journée ne se déroulait pas du tout comme prévu...
Elle avait couru à travers toutes les prairies de Sora pour arriver là... Les terres du nord!
- Il faut partir sur le champ! s'écria Malvina, prenant déjà les rênes en main.
Athèlme, alerté par le remue-ménage, quitta sa mère et découvrit Malvina prête à partir sans lui.
- Attend au moins que nous fassions des provisions...
- Tu n'as donc pas écouté ce meurtrier? le coupa-t-elle en pointant du doigt un corps sans tête. Et cette femme?! Les royaumes du nord Athèlme!!! Que sont devenue mon père et ma mère?!!!
Et la jeune fille fondit en larme en s'écroulant sur elle-même...
Athèlme lui serra le bras. Elle lui jeta un regard lourd d'inquiétude et de tristesse avant de s'élancer à toute vitesse, faisant flotter sa robe de velours rouge derrière elle, laissant son frère sur place.
Athèlme, ordonna rapidement à un soldat d'emmener les deux femmes au château. Il assigna deux autres soldats à la sécurité du village avant de rassembler le reste de ses troupes. Il avait perdu un temps précieux et sa protégée n'était déjà plus qu'une tache floue dans le lointain. Elle filait au grand galop vers ses contrées d'origine, inconsciemment et sans défense. Il galvanisa ses hommes, puis, au nom de la sécurité de l'héroïne, le régiment s'en alla en un tourbillon de puissance.
Les chevaux martelaient le sol de leurs sabots, laissant un nuage de poussière sur leur passage. Par chance, son étalon de guerre était plus puissant que la jument de Malvina, ce qui lui permit de la rattraper, non sans effort. Toute la cavalerie suivait derrière les deux meneurs traversant à vive allure les prairies du royaume, empressée de défendre ses terres.
En fin de journée, les contours d'un petit village se formèrent à l'horizon. Bien qu'elle sente sa jument faiblir, Malvina l'encouragea à continuer, lui promettant un véritable festin une fois de retour au château. A l'approche du village, elle se rua aux portes brisée de ses contrées natales, sa tunique pourpre flottant dans le vent avec élégance. Son arc déjà bandé et chargé d'énergie crépitante, elle filait sans un regard en arrière vers le champ de bataille qui se dressait devant le régiment.
Tout n'était que sang, flammes et désespoir... L'armée, qui avait suivi aveuglément son héroïne, s'arrêta dans une synchronisation absolue. Laissant leurs regards hagards balayer les lieux sans parvenir à trouver les mots, certain soldats fixèrent la scène sans bouger. D'autres étaient déjà partit à la recherche de survivants. Les épaules étaient basses, les mines creusées par la tristesse et la haine... Malvina, épaulée par Athèlme, se nourrissait de la puissance qu'il dégageait. Il était son roc en cette heure grave. Son village n'était plus qu'un tas de cendre.
Après avoir réuni suffisamment de courage, elle se rua à travers les chaumières incendiées à la recherche de vies humaines. Son esprit hurlait de douleur, ses nerfs étaient brûlés vifs par la colère, mais son regard ne laissait même pas paraître une quelconque tristesse. Et ses yeux, ses yeux qui habituellement pétillaient de malice, étaient emplis de rage et de désir de vengeance. Elle voulait faire souffrir les responsables de ce chaos autant qu'elle souffrait. Athèlme la suivait de près, inquiet de voir sa sœur devenir cette sculpture de glace, aussi gelée que stoïque. D'un pas impérial, elle frôlait le sol, laissant le tissu de sa robe caresser la terre rougie. Elle arriva enfin devant sa demeure, réduite en cendre. Il n'en restait qu'un tas de débris encore fumants. Immobile, elle observait les ravages, écoutait les dernières braises crépiter... Ses émotions allaient la subjuguer, la mettre à terre, mais elle fut alertée par un doux meuglement, plaintif. Il provenait du fond d'une étable, seule miraculée dans ce décor dévasté.
Des souvenirs resurgirent, chaleureux mais douloureux. Malvina revit ses années défiler avant qu'elle ne se rende au château... La vie d'une petite fille ordinaire, enfant de parents paysans. Elle aidait souvent sa mère à éplucher les pommes de terre et à nourrir les bêtes de la petite ferme pendant que son père cultivait les champs. Et elle aurait pu reconnaître cet appel parmi des milliers!
Malvina, piquée par une nouvelle vitalité, se précipita dans l'étable. Ses joues avaient repris leur couleur rosée et ses yeux semblaient revenir d'un long sommeil. L'espoir. Voilà tout ce dont elle avait besoin. Lorsqu'elle franchit le seuil, une vague de tendresse l'envahit tandis qu'elle découvrait la grosse tête de sa vache favorite! Cette dernière la regardait. Ses yeux brillaient de frayeur en roulant dans leurs orbites, ses pattes piétinaient le sol avec anxiété et ses naseaux s'agitaient frénétiquement. Choquée par cette expression de folie, la jeune fille pris la tête de la bête et l'enlaça avec amour pour la calmer, flattant son cou épais. Au contact de ce souvenir, Malvina sentit toutes ses barrières se briser en elle. Son courage la quitta brusquement, ses jambes menacèrent de céder sous son poids devenu trop lourd à supporter et elle pleura sur l'animal. Elle laissa jaillir toute ses émotions, son stress et sa souffrance... Fermant les yeux, elle se sentit à nouveau chez elle lors d'un court instant. Elle huma l'air parfumé par le foin et les céréales, ignorant les nuages de fumées et de chair brûlée.
La sortant de sa semi transe, un gémissement retentit. Le chagrin d'un homme, qui pleurait non loin de là, se répercutait sur le bois de l'étable. Malvina, à contrecœur, laissa sa vache, lui promettant de revenir vite, et partit à la recherche de cet homme en peine. Tout espoir l'avait à présent quitté et elle n'espérait plus rien du ciel... Mais si quelqu'un avait besoin d'aide, alors peut-être pourrait-elle lui épargner le fait d'être brisé, comme elle l'était à présent.
Tandis qu'elle arrivait sur les lieux, un choc traversa tout son être... elle oscilla, prise de vertige et Athèlme toujours derrière elle, silencieux comme une ombre s'apprêta à la rattraper, persuadé qu'elle allait perdre connaissance... Mais il n'en fut rien. Notre héroïne se contenta de se maintenir debout, figée et immobile telle une statue devant cette personne terrassée par le chagrin. Il n'était pas difficile de déceler la cause de sa douleur. Anéanti, l'étranger était noyé dans ses larmes sur le corps d'une magnifique femme, gisant au sol l'abdomen transpercé par une épée toujours implantée dans la chair. L'homme aux cheveux couleur des blés, étaient à genoux dans un mélange de poussière et de sang. Son dos voûté par la douleur camouflait son visage. Malvina s'était à nouveau figée, et cette fois s'effondra sur Athèlme qui put la rattraper et la caler en douceur contre son torse. Malvina se sentait vide de toute substance, de toute énergie, de toute vie. Blême, l'air absent, elle resta ainsi sans plus pouvoir bouger, les yeux écarquillés fixant le corps, mort.
Athèlme ne mit pas longtemps à reconnaître la femme qui se vidait lentement de son sang. La vie l'avait quittée définitivement et rien ne laissait place à l'espoir. Malvina venait de perdre sa mère.
Réajustant sa position afin de mieux soutenir sa sœur, Athèlme sentit une brindille craquer sous son pied, véritable tintamarre dans cet instant oppressé par un silence assourdissant. Le veuf, alerté, se retourna brusquement, les yeux emplis de haine et de souffrance. Jamais Athèlme n'avait vu tant de désespoir à travers un simple regard.
***
Au milieu de la Clairière Maudite, une chevelure d'un blanc immaculé se laissait bercer par la brise, chatoyante sous l'éclat de la pleine lune. Ebe avait envoyé de nombreuses troupes porter un message très clair dans les contrées de Sora et il lui tardait d'en connaître les retours.
Elle ne put retenir un frisson d'engouement lorsqu'elle songea à leur meilleure recrue. Raï n'avait jamais abandonné Mélak et continuait de colporter la parole de son maître bien avant que le Prisme ne renaisse. Cet enchanteur des animaux maîtrisait son don à la perfection. Don qu'il jumelait avec un instinct meurtrier et un goût prononcé pour le sang. Oui, cette recrue était sans aucun doute la plus prometteuse.
Raï avait été envoyé en mission spéciale. Tourma l'acquitta d'une noble tâche, pleine de responsabilité, à sa hauteur. Le plan avait été travaillé à la perfection ! A partir de ce jour, il pourrait exercer son influence dans l'ombre, au nez et à la barbe de tous, sans que jamais personne ne le soupçonne.
- Eh bien, que fais-tu Ebe ?
La voix de Tourma, toujours agrémentée de son timbre sourd et calme, accéléra plus encore la course des frissons qui couraient déjà le long de ses bras et de son dos.
- Je... je..., que ça l'énervait de ne pas réussir à s'exprimer correctement en sa présence !
Ebe prit une forte inspiration, força son esprit à récupérer sa vivacité et reprit la parole, cette fois avec maîtrise.
- Je songeais à notre enchanteur. Et au message colporté par le reste de nos troupes. Que fais-tu ici Tourma ?
Le Grand Doyen l'observa intensément, faisant peser sur elle son regard sombre et envoûtant. Il la détailla longuement, se rapprocha et vint lui souffler sa réponse à l'oreille.
- Je t'observe, Ebe.
Lentement il fit un pas en arrière avant de continuer.
- Nous progressons lentement mais avec précision... grâce à toi.
Tourma n'avait détourné à aucun moment ses yeux charbonneux. Il semblait s'amuser de voir sa partenaire ainsi malmenée. Ebe, quant à elle, ne bougea pas. Elle ne devait pas rougir, il ne fallait pas. Son corps, ce traître, ne l'écouta pas et elle sentit son visage la brûler, ignorant tous ses efforts.
- Je n'ai fait que mon devoir, dit-elle dans un soupir.
Ebe venait d'abandonner toute tentative d'insensibilité. Ses joues, elle le savait, étaient empourprées, sa voix tremblait et le reste de son corps était parcouru de tressaillement chaque fois que Tourma entrait dans son champ de vision. Elle n'osa même pas penser à son esprit qui partait à la cueillette au simple son de sa voix rauque.
- Ne te dénigre pas Ebe. Tu aimes ton travail et tes responsabilités. Cela se voit et cela paye. Je songerais à te récompenser à la hauteur de ta valeur.
Se disant il passa à côté d'elle, la frôla tout en lui caressant sensuellement le bras et s'en alla de sa démarche assurée et féline, lâchant derrière lui son odeur musquée. Ebe observa sa longue tresse noire se balança au rythme de ses bas et disparaître dans l'obscurité de la nuit. Que voulait-il dire par là ? Rien ! Absolument rien !
- Il aime jouer à ce petit jeu avec moi, pesta-t-elle tout haut.
Ebe savait parfaitement que Tourma était en pleine connaissance de ses charmes. Elle savait également que sa peau aussi laiteuse que le clair de lune et sa silhouette longiligne ne seraient jamais des atouts pour conquérir le cœur d'un cavalier Creï. Hésitant entre se haïr elle-même ou alors basculer sa rage sur Tourma, elle prit la direction de sa maisonnette. Rageusement. Le temps n'était pas aux rêveries sentimentales !
Alors qu'Ebe franchissait le seuil de son logis, un bruit familier se fit entendre. Dans un sifflement, un message apparu sur sa table ; petit bouts de papiers se réconciliant les uns les autres. Une fois le parchemin fusionné elle s'en saisit, impatiente de connaître le résultat de leur mission.
Trente-trois éphémères. De la cime aux racines, le message est passé. Le lion est libre, le lion est libre.
Ebe, à la lecture des mots, sentait son cœur s'emballer. Tout avait fonctionné et bientôt, leur stratégie allait porter ses fruits ! S'approchant d'une fenêtre poussiéreuse, elle s'appuya sur le rebord de bois émaillé et admira la nuit. Son regard dériva sur l'horizon qui se dessinait devant elle. Plus loin que ses yeux ne pouvaient la porter, elle devinait le château de Sora et son visage s'illumina d'un sourire qui ne contenait aucune bienveillance.
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Lexique :
Le yoklai: Arbre solide. La légende dit que si on le remue avec assez de force, de l'or en tomberait. Personne encore n'est parvenu à cet exploit.
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Et voilà une fin de chapitre qui laisse planer quelques mystères... Je vous laisse me faire par de vos hypothèse si vous en avez! Que prépare le Prisme? Quel est leur plan si spécial? :p
Merci à tous de me suivre jusque là, n'hésitez pas à ajouter une petite étoile si l'histoire continu de vous plaire! :)
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