Chapitre 2: L'imprévu [Réécriture]
-3 ans avant ADLP- (saison de la vie)
Athèlme retrouva finalement Malvina dans la bibliothèque. Elle l'attendait debout au milieu de la salle, dans toute son élégance, sa robe rouge touchant presque le sol, parcouru de filament d'or. Athèlme s'arrêta précipitamment dans sa course, soufflé par tant de beauté. Il observa sa camarade d'enfance, encore et encore, baissant et remontant les yeux inlassablement. Il en oublia même de refermer sa bouche restée grande ouverte. Athèlme avait l'air bête comme ça, il le savait, mais peu lui importait.
- Mina, tu es... Je suis... Je veux dire que... parvint-il à articuler difficilement, tentant de récupérer une allure digne.
- Tu es pas mal non plus, lui répondit-elle dans un clin d'œil.
En vérité, il était plus que pas mal. Athèlme était un des meilleurs partis du royaume pour de multiples raisons. Malvina remarqua qu'avec l'âge, ses traits devenaient plus masculins chaque mois. Elle aussi, était impressionnée par l'évolution de son frère d'arme - de son frère, tout simplement. Le temps passé ensemble les avait soudés plus que quiconque ne pouvait l'imaginer. Ce qu'il ressentait elle le ressentait, ce qu'il pensait elle l'entendait, et inversement. Ils se regardèrent un moment, puisant des forces dans le sourire de l'autre, puis ils sortir affronter la foule.
Au bras d'Athèlme, Malvina découvrit la salle des buffets, plus resplendissantes que jamais. Elle avait été décorée pour l'occasion de leur anniversaire, drapée aux couleurs de Sora. Le plafond disparaissait derrière une multitude de bougies qui venaient se refléter sur les nombreuses armures qui formaient une ronde tout autour de la pièce. Leurs plaques de métal avaient été lustrées, les tapis étaient étendus sur toute la surface du sol et les tapisseries de tout le château semblaient se trouver ici. Dans un mouvement identique, Athèlme et Malvina laissèrent leur regard courir le long des murs, s'émerveillant du travail qui avait été effectué. En même temps, ils repérèrent le roi Sar Ier qui les attendait patiemment à l'autre bout de la pièce, toujours escorté par Moïe.
- Prêt ? murmura Malvina à Athèlme.
- Prêt.
Ils amorcèrent alors la traversée de la salle et Malvina ne put retenir un ricanement en découvrant leur famille les observer avec d'immenses sourires ravis. La scène lui rappelait bien plus une cérémonie de mariage que d'anniversaire, mais Athèlme ne sembla pas s'en rendre compte. Tant mieux, songea Malvina, le connaissant il devait être déjà suffisamment angoissé.
Comme s'il avait entendu ses pensées, il resserra son étreinte autour du bras de Malvina, comme pour se soulager face à la foule compacte qui les encerclait.
- Mes chers enfants, commença le roi tandis qu'ils avaient atteint sa table.
Immédiatement, les murmures s'estompèrent et les convives rivèrent toute leur attention sur le souverain. Sar Ier avait revêtu une robe de cérémonie bleue et grise, portant ainsi les couleurs de son royaume. Un bouclier orné d'un phénix trônait derrière lui, à la fois menaçant et protecteur. Le roi observait ses invités et ses soldats avec une bienveillance paternelle. Douceur et force, sévérité et souplesse, Sar Ier représentait, aux yeux de Malvina, l'équilibre parfait d'un souverain d'exception.
- Voici venu le jour de votre dix-septième anniversaire. Nous sommes tous réunis, dans cette pièce, afin de célébrer avec vous ce grand événement. D'enfants choisis par les dieux, vous êtes devenus des adolescents robustes et téméraires. A présent, devant moi se trouve deux adultes, responsables et puissants. Deux êtres, unis par le ciel et bénis par les dieux.
Les invités commencèrent à acclamer leurs héros, mais ils furent rapidement coupés par la main autoritaire du roi.
- Cher peuple de Sora, aujourd'hui est un grand jour. Nous ne célébrons pas qu'une année de plus, franchie avec succès. Nous célébrons un nouvel adoubement. Athèlme, approche.
Tentant de cacher sa terreur du mieux qu'il le pouvait, Athèlme s'avança d'un pas vers son souverain, essayant d'oublier les centaines de regards braqués sur lui en ce moment même. Redressant ses épaules qui, naturellement, s'étaient enroulées sur elles-mêmes, il plongea ses yeux d'émeraude dans ceux de Sar Ier.
- Le grand capitaine Yal Rez'Tan, chef des armées de Sora, à servit la couronne d'aussi longtemps que je me souvienne. Mais le temps n'épargne personne, et le moment est venu de passer la main. Athèlme, tu as déjà fait tes preuves au combat. Tu as participé aux sessions stratégiques, assistant le grand capitaine Yal Rez'Tan dans ses tâches. Ton courage et ta force ne sont plus à vanter, connus dans les cinq royaumes. Ainsi donc, je te nomme nouveau capitaine de la garde de Sora.
Yal Rez'Tan, resté dans l'ombre jusqu'à présent, s'avança d'un pas sûr vers Athèlme, tenant une épée d'or sur ses paumes. Il la tendit avec respect vers Athèlme qui de toute évidence ne s'attendait pas à ce retournement de situation. Les yeux rivés sur l'épée, il ne semblait pas comprendre ce qu'on attendait de lui et préférait donc rester ainsi, sans rien faire.
- Athèlme Dan'Tan, commença Yal. Ces années à tes côtés ont su continuer de me former, même après des dizaines d'années passées au service de la garde. Je ne connais personne qui ne soit aussi digne de cette responsabilité que toi et c'est le cœur léger, que je te cède ma place. Prend cette épée, symbole de notre respect à tous. Que l'acier, jamais ne brise.
Athèlme s'empara délicatement de l'épée savamment décorée. Il l'observa un instant, admirant ses reflets qui dansaient sous les lueurs des flammes. Une fois la lame glissée dans sa ceinture, Athèlme posa une main pleine de sympathie sur l'épaule de Yal et il leva dans un geste brusque leurs deux mains réunis au-dessus de leur tête, faisant face à l'assemblée.
Athèlme admirait fièrement le peuple devant lui. Il en était à présent responsable et ce sentiment le submergea plus qu'il ne l'aurait pensé. Mais au milieu des mines réjouies qui lui faisait face, il découvrit le teint cramoisi de Joack qui semblait essayer de lui lancer des éclairs à travers ses petits yeux noirs. Priant pour qu'il ne manigance rien de grave, Athèlme reporta son attention sur le roi.
- Athèlme, c'est avec une confiance aveugle que je te laisse la sécurité du royaume à charge. Mais ce n'est pas finit, continua-t-il avec le sourire d'un enfant qui garderait le meilleur pour la fin. Malvina, approche-toi je te prie.
Obéissante, elle s'avança légèrement, la curiosité pouvant se lire nettement sur ses traits délicats. Le roi la dévisageait, l'étudiait comme s'il la découvrait pour la première fois. L'émerveillement ainsi qu'un profond respect se dégageait de lui.
- Tu aurais pu être capitaine Malvina. Tu aurais d'ailleurs été la première femme de Brazla à obtenir ce poste d'importance, sache-le. Ainsi donc, ayant décidé de confier la tâche à Athèlme, je ne pouvais me résoudre à ne pas proposer quelque chose de plus.
Sar Ier continuait ses explications, jubilant à chaque parole, savourant le mystère qu'il laissait lui-même planer. Ses yeux de braises pétillaient comme jamais, ornés de petites ridules malicieuses.
- Malvina, reprit-il après un silence voulut, tu seras dorénavant responsable de la cavalerie. Tu seras celle qui entraînera les hommes comme les chevaux. Je veux une armée de chevaliers digne du royaume de Creïka.
Malvina ne réalisa pas tout de suite le cadeau que venait de lui faire le roi. Jamais elle n'aurait pu rêver mieux ! Ne sachant comment le remercier, elle se contenta d'effectuer une discrète révérence, le visage illuminé par la joie.
L'euphorie qui transparaissait à travers sa protégée suffi à combler le roi. Moïe adressa un clin d'œil complice à Malvina et l'invita à retourner auprès de sa famille pour la soirée.
Attendant que ses héros se soient éloignés, Sar se tourna finalement vers Moïe.
- Qu'en penses-tu Moïe ?
Le demi-elfe baissa les yeux vers son roi, enchanté de le découvrir aussi joyeux.
- Je pense que vous avez fait ce qu'il fallait, votre majesté. Je ne doute d'aucun d'eux.
Satisfait d'être ainsi conforté dans son choix, Sar Ier alla finalement s'attabler d'un pas décidé. Une fois servit, il invita le reste de ses invités à prendre place et à se régaler. La soirée se passa dans une joie enivrante. Moïe, qui semblait apprécier cette période de l'année pour déguster les différents vins de Brazla, était en pleine conversation avec une jeune domestique creï. Les yeux brillants d'un désir qu'Athèlme et Malvina ne lui connaissait pas, il dévorait la femme de son regard profond.
- Athèlme, appela Miranda en rejoignant son fils. Nous allons devoir prendre la route demain à l'aube. Je voulais que tu saches à quel point je suis fière de toi mon fils.
Elle enlaça Athèlme dans un mouvement précipité, l'empêchant de remarquer les larmes qui perlaient aux coins de ses yeux. Malvina faisait également ses adieux à ses parents, leur promettant de venir bientôt les visiter.
- Malvina, ma chérie, tu sais que nous t'aimons.
- Oui maman je sais. Je viendrais bientôt vous voir tous les deux, mais je dois vraiment y aller maintenant.
Elle se dégagea de l'étreinte de sa mère un peu trop rapidement aux yeux de Karence qui tenta d'effacer sa peine avec un sourire forcé. L'instant d'après Edwinn, Miranda et Karence s'en allaient rejoindre les chambres pour leur dernière nuit au château.
Echangeant un sourire complice, Athèlme et Malvina quittèrent ensemble la salle des buffets qui petit à petit s'était transformée en bal et dégustation d'alcools. Malvina traina Athèlme dans ses appartements avec une précipitation enfantine.
- Mina, ralentit tu vas tomber...
Mais elle n'écoutait pas et Malvina ne se calma qu'une fois la porte de sa chambre bien fermée derrière eux. Elle retourna et fit face à Athèlme, l'air triomphant.
- Heu... tu peux m'expliquer ?
Il observait sa sœur avec inquiétude... qu'avait-elle prévu en l'emmenant aussi rapidement ici. Il la vit se rapprocher de son lit et peina à déglutir, sa gorge refusant de se décoincer.
- Mina ?
Sa voix était à présent plus une complainte qu'une question. Loin d'être gêné par un désir quelconque, il redoutait ce que Malvina avait en tête.
- Athèlme, j'ai une surprise pour toi ! clama-t-elle toujours empreinte de cette folie en s'asseyant sur son lit, sa robe laissant entrevoir un mollet parfaitement ciselé.
- Ah oui ?
En cet instant il n'aurait souhaité qu'une seule chose ; partir en courant et oublier ce moment de gêne.
Il vit sa sœur se baisser et ramasser finalement quelque chose sous son lit. Malvina se redressa en cachant dans son dos un objet encombrant.
Un peu rassuré, Athèlme essaya de chasser ses inquiétudes de son expression et lança un sourire plein d'impatience. Alors elle dévoila finalement son cadeau.
D'abord, il pensa que ce n'était qu'une épée ordinaire et s'apprêtait à mimer une quelconque exclamation de surprise. Mais en se saisissant du fourreau argenté, la vérité vint le frapper en plein cœur alors qu'il découvrit le pommeau de l'arme.
- Mina c'est... ?
- Oui ! Alors, ça te plait ?
Athèlme finit de sortir l'épée afin de mieux l'admirer. Il observa longuement les filaments d'or fondu qui courait sous sa surface, caressa son tranchant...
- Mina, comment as-tu fait ? Elle est... Je ne sais pas quoi te dire...
Apparemment plus que ravie de voir Athèlme aussi touché, elle lui sauta au cou, lui souhaitant une nouvelle fois un merveilleux anniversaire.
- J'ai quelque chose pour toi aussi. Moïe m'a aidé pour l'obtenir mais, il est arrivé à temps.
Les yeux de Malvina, déjà pétillant de joie, semblèrent partir en fusion dans leur orbite. Ne se faisant pas prier, elle suivit Athèlme jusque chez lui, de l'autre côté du couloir. Il se dirigea mystérieusement vers son armoire et avec tout le soin du monde, en sortit un arc comme jamais Malvina n'en avait vu auparavant.
Le bois de l'objet était décoré d'une multitude d'ornement. Tout était prévu pour un confort optimal et une précision sans faille. Rien n'était laissé au hasard et surtout, rien ne venait gâcher l'harmonie qui se dégageait du délicat artefact. Sentant le bois sous ses doigts fins, Malvina fut surprise de la légèreté de l'arc. Le bois semblait nervuré d'or et d'argent, mais ce qui intrigua le plus Malvina était une petite ouverture sur le côté de l'arme. Remarquant l'intérêt de sa camarade, Athèlme se décida à lui dévoiler les secrets de l'objet.
- C'est un réservoir d'énergie, lui indiqua Athèlme. Tu dois positionner ton doigt ainsi, lui expliqua-t-il en s'emparant de son doigt pour le glisser au-dessus. L'arme se remplira alors de ton énergie et répondra à tes moindres désirs, pour autant qu'ils puissent être exhaussés par un arc bien sûr.
A peine son doigt fut-il mit en position qu'une petite bague de lierre vint s'y enrouler. Un dôme doré se forma autour et Malvina vit son énergie être puisée devant ses yeux. Comme un écoulement régulier de vapeurs scintillantes, son doigt abreuvait l'arc. Une petite pierre incrustée vira alors d'une couleur violette et terne à un rouge lumineux.
- Voilà, il est plein, souligna Athèlme.
- Elme, c'est plus que...
- Non, non, rien n'est trop pour ma petite sœur, la charia-t-il.
- Eh mais je ne suis pas...
- Bonne nuit Mina !
Sans lui laisser le temps de dire quoi que ce soit, il la poussa en dehors des lieux et ferma sa porte.
Tous deux passèrent enfin une nuit paisible. Les mélodies de l'orchestre berçaient les rêves de Malvina tandis qu'Athèlme se voyait adulé par ses soldats. Comme avertit que la paix ne serait que de courte durée, leur esprit les laissa nager à travers fantasmes et rêveries jusqu'au petit matin.
Quelques jours passèrent ainsi, sans que rien ne vienne perturber le court du quotidien. Athèlme reprenait tranquillement les responsabilités de Yal. Malvina fit la connaissance des chevaliers déjà présents à la cours et Moïe profitait de son temps libre pour s'occuper de Tikou.
Mais un matin, alors que tout le monde commentait les récents événements, riaient, déglutissaient leur petit déjeuner et soufflaient les dernières rumeurs, la porte de la grande salle s'ouvrit violemment, le bois craquant sous l'assaut. Deux sentinelles entrèrent en précipitation afin de signaler l'arrivée d'un visiteur, visiblement à bout de souffle.
- Laissez-le entrer ! ordonna le roi, saisit par l'urgence immédiate de la situation.
S'écartant, les gardes laissèrent passer le nouveau venu. L'homme apparu, s'élança vers le roi et, avant même qu'un son ne puisse sortir de sa bouche, s'évanouit.
Malvina fut la première à ses côtés. Il devait être paysan d'après sa tenue et la corne que le dur labeur des champs avait créée sur ses mains rugueuses. Le teint halé, les cheveux gras... il n'était pas difficile de deviner le milieu de vie de cette personne. Ces guenilles, rongées par les mythes, tombaient en lambeaux. Des servantes arrivèrent au pas de course pour prodiguer des soins au pauvre homme qui reprenait lentement ses esprits. Elles l'emmenèrent dans une pièce adjacente pour ne pas importuner plus longtemps le roi et sa cours qui déjà commentait activement la scène actuelle.
Soupirant face à ce remue-ménage, Athèlme rejoignit Malvina, sans savoir quoi dire. Échangeant des regards inquiets, ils attendirent patiemment des nouvelles de l'homme, murés dans un silence pesant.
Une fois remis sur pieds, nourri et hydraté, l'étranger fut mené dans la salle d'audience pour s'exprimer devant son monarque.
Athèlme aurait pu parier qu'une éternité s'était écoulée depuis la brusque et fracassante entrée du paysan. Pourtant, tout cela n'avait pas duré plus d'un instant. Le jeune homme, déjà nerveux, n'avait pas vu son état s'arranger avec cet incident. Il traînait, faisait les cent pas et se concentrait pour ralentir les battements de son cœur qui martelait violemment sa poitrine. Tout ça ne présageait rien de bon.
Debout à la droite de Sar Ier, il attendait que l'homme s'exprime, devant se faire violence pour n pas le brusquer. De toute évidence, le paysan avait vécu une expérience traumatisante et il peinait à trouver ses mots. Il jeta un coup d'œil à Malvina, essayant de décrypter son expression. Elle observait l'homme avec douceur, aucune imperfection ne venant perturber les traits lisses et harmonieux de son visage. De toute évidence, sa patience était bien supérieure à la sienne.
Finalement, le voyageur prit la parole. Il prononça des mots qui réchauffèrent le cœur d'Athèlme: l'homme provenait de son village. Mais les secondes paroles qu'il perçu lui glacèrent le sang jusqu'aux os. Un frisson parcouru son corps et une rage presque palpable se dessina sur son visage. BANDITS! Il avait bien entendu. Athèlme restait sourd et aveugle à ce qui se passait autour de lui. Son sang bouillonnait dans ses oreilles, le coupant du monde. Rien, absolument plus rien n'avait d'importance depuis que ce mot avait franchi les lèvres du paysan.
Il sortit de la pièce sans même savoir où ses jambes voulaient le mener. Il atteignait pratiquement la porte des écuries lorsqu'une main se posa sur son bras, le ramenant plus ou moins à la réalité.
- Athèlme, que fais-tu ?
Le roi l'observait avec attention. Une ride anxieuse sillait son front en deux, juste sous la tiare de rubis.
- Sir! Je veux mener cette mission!
- Il te faut plus de réflexion que cela avant de te jeter dans une mission Athèlme. Tu dois...
- Sir, sauf votre respect, ce que je sais, c'est que ma famille se trouve, en ce moment, aux mains de ces bandits, que mon village se fait piller et que ma ferme va être dévastée si ce n'est déjà fait. Je suis intimement convaincu que je saurais mener une armée avec une main de fer. Je vous conjure de m'en accorder la permission!
Sar Ier observa intensément Athèlme qui vibrait d'une énergie nouvelle. Le regard du roi, habituellement si doux transpiraient à présent les responsabilités et l'angoisse.
- Bien si tu insistes, finit par trancher le roi. Je te laisserais suivre ton cœur jeune homme. Dépêche-toi, le temps presse. Prend donc une de ces montures... et prend Malvina avec toi, ajouta-t-il avant de repartir en toute hâte.
Le monarque eu à peine le temps de finir sa phrase que déjà, après une vague révérence, Athèlme courait vers les écuries qui lui avait été désignée. Un étalon, au moins aussi stressé que les soldats alentour, attendait qu'on vienne le sortir de son étable exiguë.
Athèlme, dans la précipitation, en oublia sa phobie et d'un geste adroit sortit l'animal de son boxe et l'enjamba sans inquiétude. Une fois en selle, il vit sa jeune camarade se précipiter elle aussi dans les écuries et en ressortir presque immédiatement, une jument à la main.
- Non Malvina! Je ne veux pas que tu viennes!
- Ce n'est pas à toi d'en décider Athèlme, répliqua-t-elle tout en enfourchant son destrier. De plus le roi a demandé à ce que je t'accompagne!
- Je ne peux prendre le risque que tu viennes! Je te conjure de rester. Comment ne pas m'inquiéter de ton sort...
- En jouant ton rôle, pendant que je jouerais le mien! Allez ! En marche tout le monde! Cria-t-elle vers la file de soldat qui attendait le départ, puis elle s'élança en avant entraînant le reste du régiment avec elle.
Effondré, le jeune cavaliers remonta rapidement la file et pris la tête d'une quinzaine de chevaliers aux côtés de sa sœur.
***
Ebe observait le serviteur de Mélak se rapprocher, ombre louvoyante entre les arbres. Si ses sens affûtes ne lui confirmaient pas qu'il s'agissait bien de la chose, jamais elle ne l'aurait reconnu. La puissance de son dieu transpirait à travers la créature qui lui faisait face. Grand, musclé, affublé de griffes et de crocs meurtriers, le monstre incarnait le chaos et la désolation.
– Il semblerait que le Maître ait su récompenser ton travail, l'accueilli-t-elle froidement.
Pour toute réponse, la créature grogna un semblant d'affirmation.
– Eh bien. Quelles sont les nouvelles, chose ?
Le monstre raconta grossièrement ses dernières découvertes. Il expliqua l'ascension d'Athèlme au poste de Capitaine de la Garde de Sora et la puissance incontrôlable de Malvina.
– Rien d'autre ? le pressa Ebe, impatiente.
La créature aux allures de batracien félin secoua son énorme tête dans un signe de négation.
– Bien, je vais tout de même avertir le prisme de cette nouvelle. Athèlme risque de poser problème ainsi affublé de ce nouveau titre. Quant à Malvina, cette petite empotée risque bien de se pulvériser elle-même avec un peu de chance, grinça Ebe.
Elle se détourna du messager dans un mouvement souple, aérien, qui fit voltiger sa chevelure sous les rayons de la mère lune. Voyant qu'il n'était plus d'aucune utilité ici, Chose se remit en route pour Sora, prêt à récolter des informations de valeurs.
Ebe passa par chez elle se reposer, décidée à avertir le Grand Doyen de ses nouvelles connaissances.
Le lendemain, elle prit la route de nuit pour rejoindre la demeure de Tourma, une maisonnette de pierres blanches, bordée d'un petit jardinet fleuri. Jamais elle ne parviendrait à s'habituer au contraste que cela engendrait. Elle n'eut pas le temps de frapper à la petite porte de bois clair que déjà, le battant s'ouvrait.
Poussant la porte avec timidité, elle fut étonnée de ne trouver personne derrière. Des pas s'éloignaient dans les profondeurs de la maison, faiblement éclairées par quelques chandelles.
– Tourma ? se risqua-t-elle.
Aucune réponse ne lui vint, si ce n'est un grincement de gond à l'étage. Sur ses gardes, le Premier Messager entreprit de gravir les escaliers de bois, les marches laissant échapper de sinistre craquement sous ses pas.
– Tourma, si c'est un jeu ce n'est pas amusant.
Ebe se sentait totalement idiote de parler ainsi dans le noir et seule. Les claquements ne provenaient peut-être que du vent, et si Tourma rentrait et la découvrait ainsi terrifiée, il ne cesserait jamais de se rire d'elle.
Cette simple idée suffit à la rengorger de courage et elle finit fièrement de gravir les marches. Un filet de lumière filtrait par-dessous une des portes de l'étage. Si Tourma se trouvait là, c'était forcément dans cette pièce. Inspirant profondément, Ebe poussa le battant de la porte éclairée, prête à affronter n'importe quoi. Du moins c'est ce qu'elle croyait.
Tourma était en effet présent, dans sa chambre, allongé sur son lit. Nu comme un vers.
Ebe réprima un hoquet face au spectacle qui s'offrait à elle. Le corps musculeux de Tourma se dessinait dans la lueur du clair de lune, les ondulations de ses muscles finement dessinés par les rayons translucide de l'astre nocturne.
– Eh bien, tu ne me rejoins pas ? lui demande-t-il innocemment, rabattant sa longue natte de cheveux noir sur une de ses épaules.
Ebe n'osait plus bouger, ancrée dans le vieux plancher grinçant.
– Tu sais très bien que tu en meurs d'envie. Moi aussi je le sais, lâchât-il dans un sourire mutin qui retroussa ses lèvres charnues.
Ebe, trop habituée aux mauvaises blagues de son ami ne savait plus quoi penser. Evidemment qu'elle en mourrait d'envie... mais elle en mourrait également de honte. La honte de la situation, la honte pour sa famille, la honte d'aimer son...
– Ebe, voyons, rejoins donc ton frère quand il te le demande !
Ebe se redressa vivement dans son lit. Le soleil lui transperça les pupilles, venant la narguer de bon matin de son habituel éclat. Comment cela pouvait-il être un rêve ? Tout semblait si réel... La jeune femme se leva timidement, les jambes toujours cotonneuses après ces violentes émotions. Elle ne savait pas comment se sentir ; rassurée que ce ne soit qu'un rêve ? Déçue que la vérité soit tout autre ? Ou en colère contre elle-même de ressentir une telle attirance pour son frère adoptif ?
Errant dans sa cuisine à la recherche de quoi grignoter, Ebe sepréparait déjà à affronter le regard de Tourma à présent qu'elle l'avaitimaginé nu.
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