Chapitre 2: L'enfance Innocente [Réécriture]


- Lendemain de la découverte de la prophétie – (Saison de la vie)

Dans la belle campagne du Nord de Sora, une famille discutait sur la vie et les chemins que prendrait leur petite fille. Depuis toujours, son père la voyait prendre le relais de leur ferme. Elle s'occuperait de cette demeure comme son père avant lui, avec amour et dévotion. Sa mère, elle, lui prédisait de grands voyages ! Sa fille parcourrait le monde, ainsi qu'elle l'avait elle-même toujours souhaité. La petite, par contre, n'était pas de leur opinion. Pour elle, rien ne valait plus que la chaleur de son foyer et l'amour de sa famille. Elle se demandait pourquoi on lui prévoyait de travailler. Elle avait vécu et mangé à sa faim pendant ses dix premières années sans jamais avoir eu besoin de se mettre au labeur. Ainsi allait sa réflexion ; puisqu'on peut vivre sans se tacher, elle n'en trouvait pas la raison. Courir dans les bois et jouer avec les bêtes étaient tout ce qui lui importait. Cette innocente mais intrépide fillette se prénommait Malvina.

Vagabonde, elle avait passé son enfance à errer dans les champs. Elle ramenait toujours de merveilleux bouquets de fleurs odorantes qui emplissaient la jolie petite chaumière d'un doux et délicieux parfum de printemps. La petite courait, laissant voler ses longs cheveux couleur des blés derrière elle, arpentait sans relâche la prairie aux mille teintes printanières. Pleine de gaieté malgré son caractère de sauvageonne, elle faisait résonner son rire gracieux et cristallin dans toute la campagne. Malvina avait hérité des beaux yeux noisette et de la fine silhouette de sa mère, contrairement à la soyeuse chevelure qu'elle devait à son père.

Toujours à la recherche de nouveaux horizons, elle inquiétait régulièrement ses parents en disparaissant jusqu'à la nuit tombée. Malvina préférait en réalité nettement la compagnie des animaux à celle des Hommes. Ils lui faisaient d'ailleurs une confiance absolue, et souvent on pouvait l'apercevoir en pleine course avec un cerf, ou juchée sur le dos d'un lion d'argent*. Ses parents, anxieux au début qu'elle ne se blesse, ou pire, prirent finalement l'habitude de cet étrange phénomène. Les animaux de tous genres semblaient se lier d'amitié avec l'insouciante et ce n'était qu'en de rares occasions qu'on ne la découvrait pas recouverte d'oiseaux et d'écureuils. L'enfant était la douceur incarnée, mais gare à quiconque voulait l'empêcher de suivre ses idées.

Un jour, alors qu'elle batifolait avec les sangliers, son père vint la chercher au fond de l'épaisse forêt qui bordait le village.

– Malvina, il est l'heure de rentrer ! Ta mère va finir de préparer le souper ! cria-t-il dans les bois silencieux.

Seul le bruissement d'ailes d'un oiseau apeuré lui répondit. Il balaya la forêt du regard, recherchant n'importe quel signe du passage de sa fillette entêtée.

– Malvina ! Je ne me répéterais pas, la menaça-t-il, certain qu'elle n'était pas loin.

Un bout du nœud blanc qui ornait les cheveux de l'enfant était accroché à une branche non loin de là. Edwinn ramassa le bout de tissu, sentant son cœur se serrer sous une inquiétude naissante.

– Malvina, si tu ne sors pas immédiatement, tu seras privée de sortie.

Son ton, qui se voulait ferme demeura douteux à l'idée qu'il était arrivé malheur à sa fille. Il observa encore un instant les environs, priant pour entendre bientôt la petite voix aigüe de l'insolente mais rien ne lui parvint.

– Malvina ! s'égosilla-t-il cette fois.

Ne parvenant pas à se débarrasser des pires idées qui emplissaient son esprit, Edwinn se mit à courir, tenant toujours fermement le petit ruban entre ses doigts. Alors que son cœur s'affolait, il découvrit un pan de la robe de sa fille dépasser de sous un tronc. Fou d'angoisse, il se saisit de l'habit et tira fermement dessus. Un petit cri retentit aussitôt et une crinière blonde apparut à l'autre bout du tissu bleu.

– Lâche-moi ! Lâche-moi ! Tu me fais mal !

Dans son hystérie, le père de famille avait fait glisser son enfant qui de toute évidence s'était blessée. Mais Edwinn ne s'attendait pas à la riposte qui allait suivre. Trois sangliers lui foncèrent dessus tête baissée, furieux et grognant. Instinctivement, il se jeta sur sa fille pour la protéger des bêtes et fut projeter en arrière. Tandis qu'il se redressait, prêt à retourner au secours de Malvina, il se retrouva face à une horde de cochons sauvages qui le menaçait en entourant la fillette telle une garde rapprochée.

Tétanisé et pâle comme jamais, le père de famille observait la scène, impuissant. Malvina affichait une attitude sereine et calme, caressant de sa main une des bêtes qui l'entourait. Elle leva des yeux innocents vers son père et parut surprise d'y lire autant d'angoisse. Immédiatement, elle remédia à la situation en s'agenouillant face aux sangliers. Il ne suffit que d'un mot pour que les bêtes s'en retournent à leurs occupations. Edwinn avait mauvaise mine ; Il se tenait le bras dans une grimace de douleur, dégoulinant de boue, le visage creusé par la peur. Malvina se jeta dans ses bras en pleurant, se sachant responsable des maux de son père.

— Papa, je suis désolée, papa ! Tu as mal ?

Toujours sous le choc, Edwinn se contenta de la serrer fort contre lui et de reprendre le chemin de la maison, sans prononcer un son. Incapable de comprendre la situation, son cerveau tentait de créer toutes sortes de théories qui pourraient expliquer ce qu'il venait de voir. Jamais il n'aurait cru que le lien existant entre sa fille et les animaux était assez fort pour qu'ils lui obéissent et aillent jusqu'à la protéger. Edwinn ne savait pas s'il devait s'en inquiéter ou, au contraire, être rassuré.

Malvina, penaude et inquiète pour son père, se contenta de le suive sagement sans lâcher son bras un seul instant. Des larmes silencieuses coulaient le long de ses joues roses. Elle était la pire fille de Brazla et son père continuait de la chérir. Elle releva un minois plein d'amour sur l'homme de sa vie.

— Papa ? Tu m'aimeras toujours ?

Edwinn baissa un regard interrogateur sur l'enfant. Ses traits s'étaient adoucit et la frayeur quittait petit à petit son visage.

— Parce que moi, je t'aimerais toujours, papa, ajouta-t-elle en se blottissant contre lui.

— Et moi, jusqu'à par-delà les étoiles ma fille. Tu seras toujours dans mon cœur, murmura-t-il en la portant contre lui.

— Les étoiles, ça fait vraiment longtemps ! Tu seras très vieux alors !

Edwinn se contenta de sourire. La spontanéité de sa fille serait toujours son plus gros soucis mais également ce qu'il préférait.

De retour chez eux, Karence fut affolée de voir son époux tout écorché et sa fille pleine de saleté.

— Maman ! Papa est blessé, il faut lui faire un bisou !

Malvina se tortilla dans les bras de son père jusqu'à retrouver la terre ferme et courut vers sa mère. Rapidement, Edwinn calma sa femme et, tandis qu'elle débarrassait les cheveux de Malvina des feuilles et brindilles qui s'y trouvaient, il lui raconta sa mésaventure. La discussion du repas tourna autour de la vie de la fillette. Les tensions s'étaient vite apaisées devant le bouillon de bœuf qui les attendait sur la table.

Tout en discutant sur les étranges capacités de leur fille, la joyeuse petite famille était loin de se douter du destin de Malvina.

***

A l'opposé du pays, un jeune garçon d'une dizaine d'années s'entraînait au bâton en s'acharnant sur un malheureux épouvantail qui acceptait dignement son sort... Levant son petit bras armé d'une épée en bois, il menaçait le bonhomme de paille avec hargne. Son arme factice effectuait des pirouettes encore maladroites dans les airs avant de retomber plus ou moins aléatoirement sur sa cible, provocant des exclamations de triomphe.

Sa mère l'observait tendrement, le voyait évoluer et s'inquiétait de la ressemblance grandissante à son père. Il lui devait sa grande taille, sa carrure déjà large pour son âge et ses cheveux bouclés aux reflets cuivrés qui coulaient jusqu'à ses épaules. Des yeux rêveurs couleur émeraude se fondaient dans un visage hâlé, apportant un peu de douceur à cette apparence trop mature pour un enfant de son âge. Miranda redoutait les vocations de son enfant. Soucieux de suivre les traces de son père, son unique vœux était de servir les armées de sa majesté le roi Sar Ier et se battre contre l'injustice et les forces ennemies ! Voilà tout ce qui occupait les pensées de ce petit homme. Quelques années après la naissance de leur fils, Miranda avait connu la vie difficile d'une jeune veuve. Athèlme n'eut que peu de temps pour savourer le plaisir de recevoir des cours d'escrime, de l'affection et des jeux avec son père. Il hantait ses rêves et sa mère lui en parlait dès qu'il le désirait, espérant ainsi combler du mieux possible le manque que ressentait son enfant.

Le soleil se couchant, Athèlme ramassa son épée de bois et rejoignit la chaleur de la maison familiale. Une odeur de gratin se rependait dans toute la ferme, le faisant presser le pas. Courant dans sa chambre, Athèlme lustra l'épée de son défunt père avec tout son respect, effectuant ainsi son rituel quotidien. Il salua l'insigne de chevalerie qui se dressait au-dessus de lui et dévala l'escalier rejoindre sa mère à table.

– Alors ? Qui a gagné ce combat épique ? le taquina sa mère.

– Maman, un épouvantail ne peut pas gagner, voyons !

– Ah bon ? J'aurais juré l'avoir vu se défendre comme un creï* pourtant... Tu lui as donné du fil à retordre, c'est moi qui te le dis.

Athèlme rougit au-dessus de son assiette. Que sa mère lui témoigne de la fierté était tout ce qui lui importait.

– Maman ? Pourquoi tu ne veux pas que je sois soldat ? Je pourrais te défendre, comme papa le faisait ! Tu n'étais pas fière de papa ?

Miranda observa son gratin avec beaucoup d'attention, comme si les pommes de terre allaient lui souffler quoi répondre. Sentant le regard inquisiteur de son fils, elle releva finalement la tête, ouvrit la bouche, et au bout d'un moment réussit à lui répondre.

– Aucune femme ne pourra jamais être plus fière de son époux que je l'ai été de ton père, Athèlme. En plus d'être un mari et un père aimant, il était animé d'un courage exceptionnel. Mais je ne peux m'empêcher de vouloir t'offrir une vie en sécurité. Je n'ai plus que toi maintenant et t'imaginer t'éloigner me fend le cœur.

– Mais je ne partirais pas loin. Je serais au château, expliqua-t-il en montrant une direction erronée du bout de son doigt.

Il regarda sa mère plein d'espoir, mais la voir si anxieuse fit fondre son sourire instantanément.

– Maman, papa n'est pas tombé au combat. Ce n'était pas son destin et ce ne sera pas le mien. Ce qui s'est passé, c'était un accident.

Il espérait pouvoir consoler sa mère et vint se blottir contre elle, lui communiquant tout son amour. Miranda le serra contre elle, inspira profondément et essaya de calmer au mieux ses émotions. Ce n'était pas à son enfant de la rendre forte, au contraire.

– J'ai une surprise pour toi ! s'exclama-t-elle. Ton dessert préféré ! Va vite voir dans la cuisine.

Ne se le faisant pas dire deux fois, le petit garçon se précipita vers le four.

– De la crème de marron ! Merci !

Il se saisit du petit bol et d'une cuillère et courut rejoindre sa mère à table afin de déguster la sucrerie, fermant les yeux de bonheur.

Miranda observa son fils, admirant ce spectacle qui lui faisait chaud au cœur. Elle savait que la tragédie avait laissé des traces dans l'esprit du garçon, bien qu'il évoluait à merveille et déborde de joie de vivre. Athèlme vouait naturellement une peur maladive à tous les animaux existants. Pourtant courageux et fier, jamais il ne sut être capable de contrôler cette phobie des bêtes. Un chien aboyant au loin suffisait à le faire paniquer et trembler. Il se méfiait même de sa propre vache.

Toutefois, sa détermination était sans faille. Athèlme savait qu'il saurait se débarrasser de cette peur. Il ressemblait tellement à son père... Chaque fois qu'elle observait son petit front se fendre d'une ride, annonçant une intense réflexion, elle ne pouvait s'empêcher de voir son époux bien aimé en son fils. Finissant leur repas dans la bonne humeur, cette mère et son enfant étaient loin de se douter que la destinée honorerait Athèlme ainsi que ses ambitions.

Lexique:

Lion d'Argent: Animal à quatre pattes. Sa ressemblance est flagrante avec celle des lions qui peuplent notre univers, mais cependant tous deux sont très différents. Son pelage est couleur argent ce qui lui permet de se faire passer pour une statue s'il reste immobile. Deux canines dépassent de sa lèvre supérieure. Habituellement pacifique, il n'hésitera tout de même pas à attaquer s'il croit sa femelle ou sa progéniture en danger.

Se défendre comme un creï : Allusion aux cavaliers creïs, redoutables combattants du continent de Brazla.

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