Chapitre 2 : Crypte et Mystère[Réécriture]
-2 ans avant ADLP- (saison morte)
Mélak tournait en rond dans l'infinité de sa prison. Il aurait aimé marteler un sol palpable de ses pas agressifs, mais il ne ressentait même pas le touché sous ses pieds. Faible, handicapé, il s'énervait de ne pas retrouver suffisamment d'énergie pour continuer ses sessions d'espionnage. Son serviteur incapable étant à présent dans l'impossibilité totale d'intervenir, il ne lui restait plus qu'un seul élément pour faire basculer la balance. Ses dernières réserves de pouvoir avaient été gaspillées dans l'invocation de ses cloportes, encore une fois bien inefficaces. Il n'avait même plus les moyens de se renseigner sur le dénouement de l'opération, forcé d'attendre et de faire confiance à sa dernière chance existante.
Sentant sa fureur sur le point d'éclater, il laissa son esprit imaginer l'alcôve qui retenait secrètement son plus précieux trésor. Il lui semblait presque possible d'ouvrir la pierre, de se saisir du joyau... la Bague de Rémission. Il caressa l'idée de toute son âme.
— Où se trouvent donc tes semblables mon mignon ? susurra-t-il à l'objet invisible, tel un serpent.
Il n'en attendait évidemment aucune réponse, mais l'image de la relique restait sa seule compagnie. Il continua de savourer psychologiquement sa douceur glaciale et lisse, sa lugubre beauté. Un imaginaire en appelant un autre, la bague se changea en souvenirs.
Sa fille fut le premier visage auquel il pensa. La beauté de ses yeux noirs, la soie de sa chevelure cuivrée et la cruauté de son regard brulant. Syndra avait tout pour rendre son père fier d'elle. Mais cette empotée, alors qu'il attaquait les plaines astrales, se permit de contredire son commandement. Elle se jeta dans la masse de divinité, trop sûre d'elle et de leur victoire, ne laissant ainsi aucune seconde chance à Mélak en cas de défaite. C'était à cause d'elle s'ils en étaient là aujourd'hui, ragea-t-il en tentant d'écrasant violemment son poing contre des parois inexistantes. Elle s'était bêtement faite capturée et enfermée dans une autre dimension que la sienne, réduisant à néant tous ses espoirs.
Il se calma tant bien que mal, savourant d'un autre côté sa propre ingéniosité. Connaissant sa fille et son impulsivité, il ne lui avait pas fait entièrement confiance, et avec l'aide d'une sorcière aux pouvoirs incommensurable, il avait su prendre quelques précautions. Il avait, lui, le Grand dieu Mélak, su contrer la loi même de l'univers divin dans lequel il baignait.
A présent, cette précaution, prise il y a un millier d'années, était sa seule chance de victoire. Tout n'était pas fini et il ferait confiance à cette partie du plan. Un sourire jaune s'étira sur ses lèvres noires, déformant un visage buriné et roussi.
— Ce n'est pas finit mon frère... et tu le sais très bien. Je te sens trembler jusque-là ! feula-t-il à la face du vide qui s'étendait au-dessus de lui.
***
Moïe, toujours dans ses appartements, avait finalement replacé son petit Tikou dans son armoire, à l'abri de la cruauté des mortels. Il s'était ensuite emparé de la Pierre d'Imalt, réfléchissant longuement à ce qu'il devait en faire. Cet artefact, regorgeant de puissance, ne pouvait tomber entre de mauvaises mains. Mais Athèlme était celui qui l'avait trouvé. Cette pierre, dotée de sa propre volonté, avait dû franchir les barrières de la forêt d'Imalt pour venir trouver son élu. Moïe en avait conscience, mais il ne pouvait se résigner à laisser l'objet à la portée de tous. Savoir que la pierre avait fait son choix ne suffisait pas à convaincre ce demi-elfe, soucieux de l'avenir de Brazla, et méfiant par nature. Il n'avait que trop observé les mortels se battre et détruire ce qu'ils avaient de plus cher. La soif de pouvoir était un mal, une maladie de ces espèces à la vie si courte. Et Athèlme, bien qu'étant une âme jeune et pure, ne faisait pas exception à sa règle.
Moïe faisait tourner le caillou bleu entre ses doigts fins, comme s'il s'attendait à ce que le minéral lui indique la bonne conduite à suivre.
— Kirïa, déesse des elfes et des forêts, protectrice de Flendïa et seule reine de Dame Nature... Je vous implore, je vous demande, à genoux, de m'éclairer. Moi, votre humble serviteur, ne vit que pour vous servir. Indiquez-moi le chemin. Exprimez votre volonté...
Le mage s'était laissé glisser à genoux, serrant toujours la pierre entre ses paumes à présent meurtries. Moïe attendit, encore et encore, mais rien ne vint. Sa déesse resta sourde à ses supplications, l'abandonnant à ses doutes. Désespéré, il se redressa et reposa son petit trésor bleuté à sa place. Il lui fallait trouver rapidement une solution.
***
Malvina illumina sa paume, créant un halo d'énergie pure autour de ses compagnons. Devant eux, l'escalier interminable s'enfonçait toujours plus loin sous terre. Satisfaite de son enchantement, la jeune fille reprit sa descente d'un pas pressé, Luvac sur les talons, tandis qu'Athèlme boitillait du mieux qu'il pouvait derrière eux.
— Puis-je vous demander pourquoi avoir fait ce détour par la bibliothèque, Ma Dame, chuchota le jeune soldat à son oreille, la faisant frissonner.
Il était toujours agacé de ne pas avoir eu le temps de faire ses recherches, mais son ton ne laissa rien paraître et il s'en félicita. Il lui était trop précieux de conserver la confiance de Malvina. Il lui murmura donc la question, afin de ne pas attirer l'intérêt d'Athèlme. Se sentant mise dans la confidence, Malvina lui répondit dans un souffle similaire :
— La bibliothèque est depuis toujours notre repère, au général et moi. Nous souhaitions simplement nous imprégner de l'odeur des parchemins et savourer sa beauté avant d'affronter la cours et les discours. Comment êtes-vous arrivé si vite sur les lieux en passant par l'armurerie d'ailleurs ? Nous n'avons mis qu'un instant à nous changer...
— Si je comprends bien, j'ai été pris en flagrant délit par simple hasard, juste parce que vous souhaitiez vous ressourcer... La vie me semble bien injuste, Ma Dame. Et moi qui pensais impressionner notre général à son retour.
Malvina pouffa silencieusement pour ne pas qu'Athèlme l'entende. Mais, bien que Luvac l'amusa, elle n'avait pour autant pas manquer le fait qu'il ne répondait que rarement aux questions qu'on lui posait. Elle allait devoir se montrer convaincante si elle voulait des réponses.
— Ses escaliers ont donc finalement une fin, grommela Athèlme en posant le pied sur la dernière marche.
Malvina illumina son autre main et elle les leva afin de mieux découvrir l'endroit. Des plafonds hauts comme des arbres s'étendaient au-dessus de leur tête, entièrement sculptés de voutes et de fortifications. Les murs rugueux, taillés dans la pierre, laissaient apparaître de petites alcôves. Le sol ne se différenciait en rien du reste, tout semblait avoir été creusé à même la roche. Quelques chandeliers se dressaient le long des parois. Abandonnés depuis des temps anciens, ils portaient sur leurs bras le poids des années qui s'étaient écoulées.
Tous trois ouvrirent de grands yeux face à l'immensité de l'espace qui s'offrait à eux. Le sous terrain devait courir sous l'intégralité de la surface du château. D'immenses colonnes de pierre venaient soutenir les fondations, tels des troncs majestueux, se répétant à perte de vue. Une forêt de roche interminable s'étalait devant les yeux des explorateurs.
— Qu'est-ce que c'est que cet endroit, murmura Athèlme, sous le choc.
— Je n'en ai aucune idée, souffla Malvina. Luvac, avez-vous entendu parler d'un tel lieu durant vos voyages ?
— Je vais devoir vous répondre par la négative, Ma Dame.
— Combien de fois devrais-je vous dire de ne pas m'appeler ainsi !
— Autant de fois qu'il le faudra pour que vous compreniez que c'est inutile, Ma Dame.
L'air à la fois buté et malicieux de Luvac aurait découragé n'importe quelle argumentation, même la plus délicate soit-elle. Malvina cessa de se formaliser pour le moment. Luvac avait le menton relevé au maximum et tournait sur lui-même, réellement impressionné par cette découverte. S'avançant un peu plus dans la pièce, il décela un énorme autel de pierre. Derrière, s'élevait la statue du dieu cornu. Se rapprochant, Luvac y lut les inscriptions qui y étaient gravées : « Ici seront sacrifiés les fidèles de la haine et de la malice ». Sa mâchoire tiqua et se crispa à cette lecture. Alors qu'il se déplaçait autour de la surface, admirant la représentation de Mélak aussi majestueuse qu'effrayante, quelque chose craqua bruyamment sous sa semelle. Baissant ses yeux, il découvrit un amoncellement d'ossements qui s'étendait tout autour de l'effigie de pierre.
— Quelle horreur ! s'exclama Malvina dans son dos, le faisant sursauter.
— C'était sous un autre règne, Mina, la rassura Athèlme en apposant une main rassurante sur son épaule. Toute allégeance à Mélak, dieu du Mal, était punie de la peine capitale. On renvoyait ainsi ses serviteurs à ses côtés ; en réponse à leur volonté d'une certaine manière.
Il s'était exprimé froidement mais d'un ton qui laissait entendre une connaissance encore bien plus large sur le sujet. Malvina se rappelait plus ou moins de certain cours d'histoire que leur avait prodigué Moïe. Il était certain que son ami s'était renseigné plus en profondeur sur certains passages, sa soif de connaissance étant sans limite.
Continuant son exploration, Malvina remarqua un petit coffre de bois qui reposait dans une des alcôves. Tendant les bras pour le récupérer, elle s'en saisit et l'ouvrit rapidement, curieuse de voir ce qu'il contenait. Trop concentrée sur sa découverte, la jeune femme ne prêta aucune attention au cliquetis qui avait accompagné son geste.
— Elme ! Vient par ici !
Le jeune homme laissa Luvac seul, et rejoignit sa sœur, avide de découvrir ce qu'elle avait trouvé.
— Il y a des inscriptions sur ce billet, lui dit-elle en lui tendant un petit bout de parchemin effrité. Mais ce n'est pas du Sorien traditionnel, on dirait plutôt de l'ancien elfique.
Luvac profitait que les deux jeunes gens soient occupés pour se diriger vers une nouvelle cachette. Trop obnubilés par leur première découverte, ils n'avaient pu remarquer la petite trappe qui s'était ouverte sous l'autel de pierre.
S'y penchant pour mieux voir ce qu'elle recelait, Luvac tendit la main et en ressortit un autre parchemin froissé remplit de poussière ; écrit lui aussi dans une langue inconnue. Il était temps qu'il se rappelle les leçons qu'il avait reçu dans son enfance. Il s'apprêtait à glisser le papier dans sa soutane, quand Malvina arriva derrière lui.
— Qu'avez-vous découvert, Messire Luvac ?
Maline, elle avait accentué le « messire » d'un ton provocateur. Ses grands yeux de biches, dont la couleur noisette brillait sous les flammes qui dansaient à l'intérieur, l'observaient avec intensité. Son air faussement angélique illuminait son visage, encadré par une somptueuse chevelure dorée sublimée à la lueur de son énergie qui brillait dans le creux de sa main.
Cette petite peste ne pouvait-elle pas enfin se mêler de ce qui la regarde, fulmina Luvac.
Il redressa vers elle un regard innocent et lui tendit un morceau de parchemin blanc.
— Qu'est-ce que cela pourrait bien signifier... Il n'y a aucune inscription sur celui-ci...
Elle semblait déçue, mais ne prêta pas plus d'attention au jeune homme à ses pieds. Serrant le poing pour camoufler le morceau qu'il avait conservé, il se redressa.
— Je n'en ai pas la moindre idée. Mais le mage saura sûrement déchiffrer ce qu'il y a d'écrit sur le billet que vous avez trouvé.
Athèlme et Malvina acquiescèrent, et tous repartir rejoindre la surface. Malvina sautillait pratiquement dans les escaliers, montant les marches quatre à quatre, tant l'excitation de leur découverte l'envahissait. Le temps d'un instant, elle était redevenue la Malvina qu'elle était, l'enfant intrépide, insouciante et rebondissante qu'Athèlme avait rencontré la première fois. Ce jour où, devant sa petite frimousse effrayée, il avait juré de la défendre et de la protéger telle une nouvelle petite sœur. Le guerrier la couvait des yeux, admirant les spirales de ses cheveux dans l'air, la légèreté de ses petits pas et l'innocence de son esprit encore pur.
Luvac, quant à lui, ne put détacher ses yeux de sa silhouette aux formes gracieuses, féminine mais pas coquette. Ses jambes fuselées apparaissaient parfois sous les tissus qui flottaient autour d'elle. Sa taille, aussi fine que les roseaux, était contrastée par des hanches généreuses et couronnée de courbes pulpeuses. Sa longue tignasse emmêlée s'agitait sauvagement dans son dos tandis qu'elle se précipitait vers la surface.
— Soldat, l'enjoignit Athèlme, le sortant de son observation. Ne pensez pas que je suis aveugle. Et ne doutez pas que je peux être un ami de valeur mais aussi un ennemi redoutable. Prenez cela comme un conseil.
À ses mots, prononcés sans animosité mais avec une fermeté qui ne laissait place à aucun doute, il prit les devants et passa un bras protecteur autour des épaules de sa sœur, en direction des appartements de Moïe.
Luvac s'éclipsa, prétextant qu'il devait reprendre son entraînement, tandis que les deux élus se précipitaient à la porte du mage. Ils n'eurent pas le temps de toquer, apparemment attendus de pied ferme.
— Mais où étiez-vous donc passé ! Voilà une éternité que l'on vous cherche. Le roi va faire une annonce en hommage aux victimes et il serait inadmissible que vous ne soyez pas à ses côtés !
Penauds, Athèlme et Malvina emboitèrent le pas au demi-elfe, retenant leur excitation pour une autre fois. Ils se lancèrent un regard en coin tandis qu'ils suivaient Moïe de prêt, et ne purent retenir un pouffement. Peu importe leur âge, peu importe leur grade, Moïe demeurerait inchangé et les sermonnerait toujours comme des enfants, pour leur plus grand bonheur. Le roi était déjà installé à son balcon, dominant la foule qui s'amoncelait dans la cours principale. De toute évidence, le territoire entier avait été prévenu sauf les principaux concernés... Athèlme sentit toute la pression dominer à nouveau son corps, brisant les instants jouvenceaux qu'il venait de vivre. Le souvenir de ses hommes avait été vaguement minimisé suite à leur découverte impromptue, mais se retrouver ainsi, face à toutes ces victimes, ouvrait la porte à un mal être indéfinissable.
Sentant son trouble, Malvina lui prit tranquillement la main, rejetant ses propres émotions négatives afin de soutenir du mieux qu'elle le pouvait son frère. Elle était douceur, il était puissance, mais Athèlme n'en restait pas moins un être extrêmement sensible, sujet à des émotions fortes et incontrôlables.
— Cher peuple, comme vous le savez, les temps sont sombres. Comme nous le craignions depuis des années, le Prisme d'Onyx est reformé. La nouvelle est dure, dangereuse, incroyable pour certain, mais la vérité doit être dite.
La foule étouffa bruyamment une exclamation et des commérages commencèrent à monter. Le silence reprit rapidement ses droits lorsque, sans se formaliser, Sar Ier reprit la parole.
— Vous n'êtes pas sans savoir que nos relations avec Merïa ont été misent à rude épreuve. Une guerre politique à faillit éclater, nous l'avons de justesse étouffée dans l'œuf, évitant une situation dramatique pour tout le continent. Et cela n'aurait pas été possible sans la bravoure de nos soldats. Des soldats qui, sans hésitation, ont offert leur vie au royaume et à Brazla tout entière. Nous rendons donc hommage, en ce jour, à nos soldats tombés pour leurs terres, pour vous, pour la paix.
Sar Ier tandis une main vers Athèlme et Malvina, les invitant à le rejoindre. Le jeune homme, en tant que capitaine des armées, savaient qu'il devait s'exprimer. Mais son visage était blême et sa gorge nouée refusait de s'ouvrir. Il reçut finalement une vague de chaleur réconfortante, libérant ses membres de la paralysie, déliant sa langue, adoucissant son âme d'un souffle tiède. Même la chaleur cuisante de l'extérieur n'était plus qu'un pâle désagrément. Il lança un regard à Malvina qui l'observait en souriant calmement. Essuyant une goutte de sueur du revers de la main, le jeune homme s'élança :
— En tant que général de Sora, il est de mon devoir de veiller sur mes hommes. Mais il est aussi de mon devoir de veiller sur nos peuples. Et parfois, les deux ne peuvent être conciliés. La paix est ce qui doit rester intouchable. C'est à travers la paix que nous grandissons, que nous évoluons. Et c'est pour cette paix que vos pères, vos frères, vos femmes et vos filles, ont donné leur vie. Tous avaient fait le choix de combattre pour Sora, pour Brazla et pour notre roi. Ils se sont battus bravement, ils ont affrontés des forces démoniaques, sans jamais faiblir. Et ils ont vaincus les noirs desseins du Prisme d'Onyx qui se sera chargé de retourné les royaumes de Merïa et de Sora l'un contre l'autre. Ces soldats sont des héros, mes héros, et je ne cesserai jamais d'admirer leur mémoire. Nous leur serons à jamais reconnaissants.
Une salve d'applaudissement assaillit Athèlme de plein fouet. Il maintint son regard un instant, la tête haute, heureux que du balcon, on ne puisse percevoir les perle de chagrins qui brillaient dans ses yeux. Après une révérence respectueuse, il se retira dans le réconfort du château. Percevant son trouble, Malvina n'avait pas manqué de voir l'éclat de tristesse qui emplissait le regard de son frère, mais elle ne fit pas mine de le suivre.
Il y a des maux pour lesquels la magie ne peut rien.
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