CHAPITRE 14 : Mission accomplie [Réécriture]


-3 ans avant ADLP- (saison de cristal)

Tikou leva les yeux vers son ami qui lui adressait une dernière caresse. Il frissonna sous la main délicate de Moïe qui finalement se leva et, nonobstant les complaintes du petit mulmopi, le replaça dans sa cachette, à l'abri de la cupidité des êtres. Ses séances complices avec Tikou s'étaient avérées être particulièrement restreintes depuis la menace qui pesait sur Sar Ier. Moïe accorda un dernier sourire apaisant à son compagnon et prit la direction des appartements du roi, perdu dans ses pensées.

Les jours passaient et l'état du monarque empirait. Équipé d'une vasque d'eau tiède, de chiffon, et de diverses herbes médicinales, le guérisseur atteignit finalement la chambre de son seigneur et ami.

– Moïe ! Cela faisait presque longtemps que je ne t'avais pas vu, l'accueilli ce dernier sur un ton taquin, la voix éraillée.

Il est vrai que le demi-elfe passait ses journées à lui prodiguer des soins et à lui tenir compagnie, profitant de chaque instant qui lui restait à ses côté. Le roi lui adressa un large sourire, particulièrement blafard et dénué de substance. Sar Ier essayait de faire bonne figure, mais son visage émacié par la maladie et son regard vitreux ne pouvaient être ignorés... Moïe passa outre l'ironie et rendit au roi un sourire qu'il voulait confiant avant d'aller s'installer à ses côtés.

– Je vois bien que vous essayez de paraître vaillant mon roi, mais cessez ces subterfuges enfantins devant moi. Je suis votre guérisseur, ne l'oubliez pas, le sermonna-t-il gentiment tout en passant un chiffon imbibé sur le front en sueur du malade.

Devant la mine penaude de Sar Ier, Moïe sourit de plus belle. Cet homme, après toutes ces années, demeurait un mystère pour lui. Ce roi, si brave, si intimident et juste, avait des fois des mimiques de bambins qui ne demandait qu'à être réconforté et cajolé. S'émouvant de ses yeux pleins de tendresse, le mage sorti son fidèle jeu de stratégie de sous la couche.

– Et à présent, reprenez-vous car ma victoire approche à grand pas, messire !

– Que de belles paroles mon cher serviteur, mais tes victoires restent à présent aussi mystiques que tes fameuses « Reliques du Damné ». Vient donc me prouver que les légendes existent, j'attends !

Et c'est dans cette nouvelle bonne humeur que les deux amis entamèrent leur duel sur le luxueux plateau de jeu.

Moïe ne laissait rien percevoir, mais il s'inquiétait pour le remède. Ses protégés auraient déjà dû arriver la veille au matin. Il n'osait imaginer ce qui se passerait s'ils venaient à disparaître. Le continent ne pouvait perdre à la fois son monarque le plus influent et ses deux héros, seul espoir de survie. Moïe chassa rapidement ses sombres idées, ne souhaitant pas alerter son souverain. Il se devait de leur faire confiance.

Sar Ier voyait bien les sourcils de son serviteurs se froncer d'inquiétude indiscrète. Mais il ne soulignait pas non plus ce retard, se contentant d'accepter les soins aussi mauvais qu'inefficaces de son mage, armé de toute sa bonne volonté.

– Ah ! Vous voilà en mauvaise posture mon roi ! Je crois bien que cette fois sera la bonne. Votre guérisseur vous aura surpassé en stratégie guerrière.

Faisant la moue, Sar Ier étudiait le plateau de jeu avec une concentration absolue, laissant un doigt courir sur son menton émacié. Mais il fut interrompu quand le son familier des vigies retentit avec violence dans les lieux. Il sursauta, faisant basculer le plateau de jeu, auparavant en équilibre sur ses genoux... Les pièces, sous les yeux affolés de Moïe, s'éparpillèrent au sol, ruinant la partie en cours et son unique victoire par la même occasion. Devant la mine déconfite de son ami, le roi ne put réprimer un éclatement de rire, et du se forcer pour articuler ses moqueries.

– Eh bien Moïe... je crois que ... je ne verrais jamais... à quoi peut bien ressembler ta victoire...

Et il reparti de plus belle dans son rire moqueur, face à un mage désabusé. Le demi-elfe, bien que frustré de la situation, ne pouvait qu'admirer l'entrain et le goût qu'avait Sar Ier pour la vie. Ses démonstrations de joie le faisaient tousser et cracher du sang, faisaient pleurer ses yeux ternes, mais il ne les abandonnait pas pour autant !

Le son de cloche qui avait retentit portait en lui ses derniers volutes d'espoir du royaume. Moïe fui les dernières railleries à son égard et s'élança en direction de la cour, impatient de savoir qui pouvait bien être annoncé. Dans une prière rapide à la déesse Kirïa, il traversa le château en une course effrénée. Rejoignant les sentinelles à leur poste, il porta son regard à l'horizon.

– Avez-vu vous quelques chose ? Ce sont eux ? brusqua-t-il les gardes, hystérique.

N'attendant aucune réponse, il plongea son regard perçant vers les plaines. Au loin, il pouvait apercevoir un étrange groupe qui avançait vers le château. Son cœur se serra d'angoisse... Il crut bien reconnaître Malvina et les deux destriers, mais où donc était Athèlme ? Et que faisait-elle en compagnie de ce couple de lions d'argent ?

****

Malvina entendit parvenir le son tonitruant des cloches des sentinelles. Que c'était bon de savoir qu'elle rentrait enfin chez elle. Ce périple lui avait paru durer une éternité. Athèlme leva vers elle un regard qui, bien qu'animal, cachait la même hâte de retrouver les siens. Il songea également qu'il était bien impatient de retrouver forme humaine. Le corps d'un lion était certes utile et puissant, mais serrer Malvina dans ses bras lui manquait plus qu'il ne l'aurait imaginé. Il se réjouissait bien sûr de pouvoir la railler à nouveau, et Pashad seul savait qu'il avait accumulé du retard sur ses taquineries. Malvina allait devoir en supporter les conséquences !

Mais malgré toute sa positivité, Athèlme ne pouvait nier qu'une crainte plus grande le tiraillait. Espérant que les dieux écouterait un simple animal tel que lui, il adressa son souhait à Saruïa, redoutant d'être prisonnier de cette nouvelle enveloppe charnel à jamais. Tandis que les murailles du château grandissaient devant eux, le petit groupe pressa le pas. L'enceinte de pierre se dressait fièrement, protectrice immobile et accueillante pour quiconque venait en paix.

– Ecoute-moi ma mignonne, j'ai une idée ! On vous verse tout notre butin, et vous nous laissez repartir, susurra le plus petit de leur prisonnier.

– Je ne veux pas de votre butin, et je ne veux pas non plus entendre votre petite voix grinçante, répliqua froidement Malvina qui accéléra encore un peu l'allure.

– Alors que veux-tu ? Hein ? De l'or ? des bijoux ? Des chevaux ? Demande-moi et je t'en trouverai ! Mais laisse-nous partir mignonne !

– Et cessez de m'appeler mignonne, si vous ne voulez pas que je vous bâillonne. Vos sales mains ne toucheront plus aucun trésor et ne brusqueront plus aucune femmes, je m'en assurerai moi-même.

A ces mots, Athèlme adressa au petit homme un grognement sourd mais particulièrement expressif, tandis que Malvina usait une nouvelle fois de sa magie pour tenir à distance le lion fou. Reis poussa un petit soupir aigu et cessa ses négociations. Il était dans de beaux draps... Le cri des vigies résonnait comme le son de sa captivité et il pouvait sentir sa liberté s'éloigner tandis que les plaines de Creïka le narguaient à l'horizon.

Déjà, le bruit grinçant des poulies du pont levis se répercutait sur les terres herbeuses de Sora. Le chemin leur étant ouvert, Malvina et Athèlme avait un aperçut de la grande cour de marbre blanc que renfermait les murs. A l'Est, la tour de Creïka, aux couleurs vert-de-gris, nimbait les frontières d'un halo azuréen, sublimée par les rayons solaires. Malgré cette perspective merveilleuse, Malvina lutait tant et plus contre un évanouissement imminent. Avoir dû faire usage de sa magie toute la journée l'avait vidée de toutes ses forces. Les yeux rivés sur les quelques mètres qui la séparaient encore de son foyer, elle força son corps à tenir encore un instant, éloignant une fois de plus le lion d'argent à l'aide de sa magie.

***

Moïe se précipita à la rencontre de ses jeunes élèves. Priant pour qu'ils soient en possession des fleurs du mal et qu'Athèlme, où qu'il soit se porte bien, il attendit sagement devant l'entrée, les bras croisés dans les manches amples de sa tenue verdoyante. Bien qu'en pleine possession de son calme ordinaire, le mage ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter pour le jeune général... Qu'avait-il bien pu arriver au garçon ? Puisant en lui toute sa force, il s'arma de patience et fit tout son possible pour conserver son flegme habituel. Le grand mage de Sora ne pouvait se laisser aller à de quelconques états d'âme. Mais ses efforts furent mis à mal.

— Est-ce que ce sont eux ? hurla une voix derrière lui.

La mère d'Athèlme avait accourut, renversant sans pitié tout le monde sur son passage. Edwinn était accroché à sa main, tâchant tant bien que mal de suivre son sillage. Il arriva finalement aux côtés de Moïe à son tour, le teint rouge et le souffle court.

— Bonjour Moïe, articula-t-il tout de même avec le peu de dignité qu'il lui restait.

— Edwinn, ravit de vous revoir en si belle compagnie. Miranda, je pense que ce sont eux mais...

— Mais où est mon enfant ! Mon fils, où est-il ? Je ne le vois ?

Dans sa folie, Miranda n'avait pas même laissé le temps au demi-elfe de finir sa phrase. Elle se dressait inlassablement sur le bout de ses orteils afin de mieux voir arriver les nouveaux venus.

— Mais, comme je le disais, je ne vois pas Athèlme pour le moment. Malvina est accompagnée d'un couple de Lion d'argent et de deux prisonniers.

Miranda se tourna vers Moïe, le teint cramoisi, les yeux furieux. Son air doux et paisible avait laissé place à un masque de harpie enragée.

— Moïe, prononça-t-elle pourtant calmement, trop calmement. Comment pouvez-vous m'annoncer avec tant de quiétude que... que mon fils a disparu ! finit-elle par hurler.

Moïe fut sauvé par l'arrivée de Malvina et le brouhaha que cela entraîna. Saisissant l'occasion, il s'extirpa des griffes de Miranda et s'élança à la rencontre de sa protégée.

Alors que le drôle de petit groupe franchissait le pont levis, Malvina se laissa glisser immédiatement au sol. Ses jambes ne la portant plus, elle s'écroula telle une poupée de chiffon, rapidement relevée par deux gardes royaux.

Moïe n'avait pas attendu une seconde de plus pour se précipiter auprès de sa protégée, accompagné d'Edwinn.

— Malvina ! Que t'arrive-t-il ? s'inquiéta son père en la saisissant par la taille.

Trop faible pour lui répondre, la jeune fille se contenta de poser sur les deux hommes un regard épuisé mais bienveillant.

Un des gardes repéra rapidement les deux prisonniers. Ils furent emmenés en même temps que les montures, non sans laisser planer l'écho de leurs vociférations sur la grande place de marbre blanc. Le couple de lions d'argents fit forte impression. Les gardes s'éloignèrent instinctivement face aux deux fauves, faignant d'avoir moult occupations en vue. Le lion sauvage vociférait tant et plus, toujours retenu par ses liens qu'Athèlme s'était empressé de saisir à la chute de sa sœur.

— Malvina, je vais te remettre sur pied rapidement mon enfant. Mais je t'en prie, dit-moi ce qui est advenu d'Athèlme ? Où est-il ? supplia Moïe, les yeux embué par le désespoir.

— Malvina répond vite voyons ! s'emporta Miranda. Dit moi qu'il ne lui ai rien arrivé de mal, je t'en prie.

La mère, effondrée, était à présent au bord des larmes. Mais à l'évocation de son nom, la lionne s'avança timidement vers le petit attroupement et poussa un léger grognement. Baissant les yeux vers l'animal, le mage resta un instant interloqué, sa raison semblant réfuter l'information. Petit-à-petit, il ouvrit de grands yeux, exposant à tous ses iris de cristal. Malvina, toujours soutenue par les gardes, le laissa prendre le temps de la réflexion sans le brusquer. Il n'allait pas tarder à prendre conscience de la situation.

— Mais ... comment est-ce possible... ? Athèlme ? Tu es... heu... une lionne ? Une lionne d'argent ?

— Pardon ? comment ça Athèlme ?

Miranda s'était à nouveau tournée vers Moïe et faisait voyager ses yeux dans un aller et venu constant entre Malvina et le mage.

Moïe ne répondit rien et effectuait des tours autour de sa cible, semblant la détailler sous tous les angles, comme pour s'assurer que ce qu'il voyait était bien réel. Malgré son observation poussée, la surprise semblait l'empêcher de voir qu'Athèlme n'était pas au meilleur de sa forme.

— Oui, leur confirma Malvina d'une voix à peine audible, c'est bien lui.

Cette fois, Miranda semblait à court de mots. Elle conservait une expression béate, le regard rivé sur l'animal qui lui faisait face. Moïe observa encore la scène. Ses yeux se posèrent finalement sur le lion d'argent tenu en laisse qui une fois encore tentait une attaque sur Malvina. De sa magie il immobilisa le fauve et se tourna vers la jeune fille blafarde.

— Tu m'as tout l'air d'avoir trop abusé de ton énergie mon enfant, observa Moïe tout en agitant ses mains souplement autour du poignet de Malvina.

Finalement, il la saisit délicatement et envoya de petites étincelles dorées courir sous sa peau.

— Tu devrais te sentir un petit peu mieux maintenant, mais attention ce n'est qu'éphémère, tu n'échapperas pas à un long repos.

Se redressant de son mieux, Malvina fut soulagée que ses jambes acceptent finalement son poids et s'éloigna lentement de l'étreinte de son père.

— Merci. Moïe, il faut l'aider à sortir de ce maléfice, il ne sait plus s'en dépêtrer.

— Et comment qu'il faut l'aider ! Faites quelque chose !

Miranda avait de toute évidence récupéré l'usage de la parole et du bon sens.

Voyant les joues de la guerrière regagner leur teinte rosée, la mage reprit son interrogatoire.

— Un maléfice dites-vous ? Non ! sur cette exclamation il fixa Athèlme sans ciller. Serait-ce possible ? Les dieux auraient-ils décidé de reprendre leurs créations ? Ça serait une bénédiction au contraire !

Moïe, tout en s'extasiant, continuait d'effectuer des rondes autours d'Athèlme comme s'il s'était agi d'un spécimen d'une grande rareté. Après un certain temps, tandis que le manège continuait, Malvina se racla légèrement la gorge afin de récupérer un peu l'attention de son professeur. Il tourna un regard mêlé d'émerveillement et d'incompréhension vers elle et le reste de son petit public.

— Ecoutez-moi ; autrefois, il y a des siècles de cela, certains Hommes, Mérolts, Nains et autres habitants de Brazla, avaient la capacité de changer de forme. Une seule et unique forme, déterminée par leur caractère, leur chemin de vie et leur aura. On appelait ces spécimens des animutatis. Ils ont cependant été chassés et tués par le reste du continent, jaloux et envieux de leur pouvoir. On les a accusés d'être des bêtes sauvages, dangereuses pour les villages. Je les croyais tous disparus... jusqu'à aujourd'hui.

Buvant ses paroles, Athèlme et Malvina n'avaient pas bougés. Ceci étant, bien que cette petite leçon d'histoire eut été très intéressante, elle n'informait toujours pas comment inverser la transformation. Moïe du le lire dans les yeux félins d'Athèlme, car il ajouta rapidement :

— Un animutatis peut se métamorphoser quand il le souhaite. Cependant, c'est une capacité qui demande extrêmement d'énergie. Il est donc déconseillé de changer de forme à tout bout de champ, surtout pour les plus jeunes, inexpérimentés. Malheureusement je ne connais pas la marche à suivre exacte, c'est une question de ressenti. Tu vas devoir te concentrer, rechercher au plus profond de toi ce pouvoir qui t'habite, et le comprendre. Il faut savoir que les animutatis, sans un contrôle absolu de leur corps et de leurs émotions, peuvent se transformer contre leur volonté, s'ils sont face à une menace ou soumis à un stress intense.

Miranda ne répondait plus rien. Elle observait son fils avec crainte et pitié, atterrée.

Plissant ses sourcils de fauve, la lionne aux pieds de Malvina poussa un long soupir. Il allait encore devoir apprendre à gérer ses propres compétences. Son apprentissage semblait ne jamais prendre fin après toutes ces années. S'éloignant un peu du tumulte ambiant et du jugement de sa mère, Athèlme tenta de s'isoler, décidé à reprendre forme humaine ce jour même.

— Pas si vite Elme ! Tu es blessé je te rappel, le rabroua Malvina.

— Comment ça il est blessé ? Que lui est-il arrivé ? Mais parlez-donc !

Miranda semblait au bord de la crise de nerfs. Supporter ainsi l'absence prolongée de son fils, son hypothétique disparition suivit de sa transformation en fauve et le fait qu'il soit blessé faisait beaucoup trop à assimiler pour une seule mère.

— Miranda, tout va bien se passer. J'ai transmis à Athèlme une part de mon énergie vitale. Il ne lui reste plus qu'à se reposer et à bénéficier des soins de Moïe, la rassura doucement Malvina.

— Malvina à raison Athèlme, rend-toi rapidement à l'infirmerie du château, je t'y rejoindrai.

Déçu de ne pouvoir s'essayer à son nouveau talent tout de suite, le jeune homme bifurqua à contre cœur vers les couloirs de l'édifice, traînant les pattes. Miranda s'empressa de le suivre, de toute évidence prête à affronter cette nouvelle apparence pour rester en compagnie de son fils.

— Par Pashad, tout ceci m'en a fait oublier l'essentiel ! s'exclama le mage dans un sursaut. Les fleurs Malvina, les avez-vous trouvées ?

Un sourire rayonnant illumina le beau visage de Malvina, et elle sortit victorieusement le bouquet de sa ceinture, caché dans son dos. Moïe plissa les yeux face aux feuilles qui trônaient fièrement devant lui.

— Malvina... es-tu bien sûre que cela soit les Fleurs du Mal ? A s'y méprendre, on dirait plutôt...

— ...des feuilles de plistine ? s'étonna Edwinn.

Le mage ne pouvait cacher plus longtemps son désespoir et son masque de quiétude, jusque-là bien contrôlé, laissa place à une consternation absolue.

— Ce sont bien les Fleurs du Mal, Messieurs. Moïe, laisse ta magie parler ! Nous t'expliquerons cela plus tard, pour le moment, le remède doit être préparé au plus vite ! le rassura Malvina.

Plus ou moins convaincu, Moïe s'activa, n'osant mettre en doute plus longtemps la parole de son élève. Il suivit son conseil, sous le regard interloqué d'Edwinn, et laissa ses sens courir le long des plantes qu'il tenait entre ses mains. Sous leur apparence misérable, un voile sembla se lever, révélant un bouquet de fleurs noires et rouges. Explosant d'émotion, Moïe cessa sa concentration, et seul des feuilles de plistine se présentaient à nouveau à lui.

— Étrange, murmura-t-il.

— Comment ça ? Qu'est-ce qui est étrange ? Je n'ai rien vu...

Le père de Malvina semblait à présent déçu de ne pouvoir assister au même spectacle que ses congénères. Mais l'expression de fierté et de satisfaction que Malvina lut sur les traits du demi-elfe réchauffa son cœur et l'empli d'une joie à peine contenue. Elle ne se soucia donc que très peu de l'état d'âme de son père. Ils allaient enfin pouvoir sauver le roi ! Sans autres pertes de temps, le guérisseur s'enfuit en direction des appartements de Sar Ier, Malvina sur les talons.

— Je te rejoins tout de suite après, je t'expliquerai tout, lança-t-elle tout de même à son père, avant de disparaître dans les couloirs.

En entendant sa porte de chambre être pratiquement pulvérisée, le souverain souffrant sursauta pour la deuxième fois de la journée sous sa pyramides de couvertures. Il posa un regard interrogateur sur Moïe qui gardait un bras précieusement caché derrière son dos. D'un geste théâtrale, il sortit le bouquet camouflé, comme un amant offrirait des roses à sa promise.

— Une tisane et tout sera oublié majesté ! s'écria-t-il, ravi.

— Moïe... Si les plistines étaient le seul remède, il n'était pas nécessaire d'envoyer nos héros courir de tels risques...

Il se garda bien de préciser qu'il aurait également été inutile de le laisser souffrir aussi longtemps et de lui faire ingurgiter des breuvages infects, mais son orgueil était bien trop élevé pour avouer la moindre faiblesse.

— Votre Majesté, ne vous y méprenez pas, s'enquit Malvina. Il s'agit bien des Fleurs du Mal. Leur protection magique les camoufle derrière un voile d'illusion. Mais Athèlme a su voir au travers.

Le visage de Sar Ier s'illumina sous la force de l'espoir. Un espoir qu'il avait abandonné depuis quelques temps, sans rien n'en dire à personne.

— Malvina, je savais que nous pouvions compter sur vous, je n'ai jamais douté de votre réussite, mentit-il à moitié. Mais où est donc Athèlme, que je puisse le remercier également ?

— C'est une longue histoire, votre grâce. Mais nous aurons tout le temps de vous narrer nos aventures quand vous serez rétablit. C'est un honneur pour nous que d'avoir pu protéger notre roi bien aimé, annonça la jeune fille avant d'effectuer une légère révérence et de s'en aller sereinement.

Elle ferma doucement la porte derrière elle, laissant Moïe qui s'activait déjà à la préparation des plantes, le cœur léger.

Le roi était sauf. Il leur fallait à présent trouver la cause du mal mystérieux qui avait failli le faire passer de vie à trépas. Bien des mystères avaient vu le jour depuis leur départ. Il était temps de mener l'enquête. 

***

– Chères Pierres ! Grâce à vous, le Grand, le Mal, Mélak lui-même, exprime sa reconnaissance absolue au Prisme, s'exclama Tourma d'un ton solennel.

Un « Hourra ! » accueillit ses paroles, naissant de la foule d'adeptes qui lui faisait face. La lune planait au-dessus de la clairière maudite, parfaitement positionnée au centre des frondaisons, spectatrice spectrale d'une scène macabre. Les arbres, dénudés par le froid cristallin, entouraient les membres du Prisme d'Onyx, agitant leurs branches mortes comme autant de nouveaux disciples morbides.

– La première Relique du Damné est à nous ! Notre famille, notre force, notre fraternité ! Vous venez de participer à la création d'un monde nouveau !

La foule se laissait encenser, s'enivrant des paroles reconnaissantes de leur guide.

Tourma se tourna vers ses trois adjoints, les invitants à le rejoindre au centre de l'assemblée.

– Ebe, grâce à son intuition et son don pour découvrir les informations cachées, a su nous guider jusqu'à la Bague de Rémission !

Ebe observa Tourma avec gratitude. Elle balaya l'assemblée de son regard argenté, la tête haute, sans se soucier du vent qui agitait ses cheveux assortis à la Dame Lune qui la baignait de son halo blafard.

– Charb et Obsi ont prouvé leur courage sur le champ de bataille ! Comme vous, ils n'ont reculé devant aucun sacrifice pour atteindre le but ultime de leur dieu ! Et comme moi, ils ont su vous guider sur la voix de la raison et de la victoire !

Une nouvelle salve d'applaudissement accueillit les paroles du Grand Doyen.

– J'en profite pour féliciter une recrue jeune et vaillante. Joack ! Malgré ses airs réservés, il a su mener sa tâche avec bravoure. Nous avons donc décidé qu'il ne sera pas désigné coupable des événements qui ont suivi.

Joack observa le bout de ses pieds tandis que les membres du Prisme lui tapaient avec affection sur les épaules. Jamais il n'avait été ainsi mit en avant et ce manque d'habitude transpirait de tous ses pores. A son grand soulagement, Tourma continua son discours.

– Pierre d'Onyx ! Vous devez à présent savoir une chose ! Vous pouvez dès à présent acclamer notre ensorceleur de lion : Raï Mat'Rai ! Le lion est libre ! Le lion est libre ! Mes amis, suite au sacrifice dévoué d'un des nôtres, Raï a su agir dans l'ombre. Il n'est ainsi pas mort sous le tranchant de la lame du garçon. Son lion, en ce moment même, est en train de menacer de mort les deux héros du continent ! Vous pouvez l'accueillir une nouvelle fois parmi nous !

A ces mots, un mélange de hurlement de dégoûts à l'encontre d'Athèlme et de cris de joie fêtant la quasi-résurrection d'un des leurs s'éleva de la clairière.

Raï Mat'Rai s'avança au milieu de la place, récupérant à son tour les acclamations du Prisme d'Onyx.

– Le petit homme pense m'avoir tué ! rugit-il, tandis que la foule pouffait de rire à cette idée. Mais il ne se doute pas que, comme son père, il va goûter aux crocs de mes fauves ! rugit le géant sorien.

Plus rien ne contenait à présent l'assemblée. Ils s'égosillèrent tous en paroles indistinctes, promesses de mort et de souffrance.

– Mes amis ! La saison de cristal arrive bientôt à son terme. Nous pourrons alors étendre plus rapidement encore notre influence. Mais en attendant, festoyez mes frères ! lança Ebe dans une bienveillance absolue.

Tous se ruèrent alors sur les plateaux de viandes et de légumes récoltés par les chasseurs du Prisme.

Tourma s'approcha d'Ebe de son habituel démarche de prédateur. Il se glissa dans son dos, posa une main affirmée sur son bras et se pencha à son oreille, la faisant à nouveau perdre ses moyens.

– Qu'en est-il de notre nouvel ami, Ebe ? susurra-t-il dans son cou.

Un frisson parcouru son échine avant de rejoindre le point de contact entre sa peau et celle de Tourma. Elle détestait quand il agissait ainsi, quand il utilisait sa vulnérabilité pour son propre plaisir.

– Il ne devrait pas tarder à se manifester, répondit-elle d'un ton sec.

– Excellente réponse, Ma Dame, siffla Tourma.

Ebe se raidit à la sensation du souffle chaud qui lui caressa la nuque et sous sa main qui lui enserra avec plus de pression le bras.

– Cesse de faire comme si cela te déplaisait Ebe, tu en as envie. Assume-le.

Sans autres explications, le Grand Doyen se détourna et abandonna la jeune femme sur place, chancelante. Un malaise menaçait de la mettre à terre et elle posa une main réconfortante sur son front en sueur. Les images de son enfance l'envahissaient, les parties de son corps que son père avait souillées la brûlèrent, tandis que ses émotions prenaient ses yeux d'assaut, les noyant de larmes silencieuses.

Ne pourrait-elle donc jamais oublier ces souffrances et profiter d'une vie simple ? Elle chassa ces obscures pensées d'un mouvement de tête et se rassura en songeant que bientôt, le Prisme se verrait agrandit par un membre de grande importance. 

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Et voilà mes petits aventuriers! 

Ce chapitre marque la fin de la Partie II! Je ne vous remercierai jamais assez pour nous avoir suivit jusque là! N'hésitez pas à donner vos impressions, à voter si vous avez aimé :) 

Cher lecteur fantôme, un simple petit vote marquant ton existence sera reçu comme un véritable cadeau, alors je t'invite vivement à te manifester à travers ce simple geste! 

Merci encore à tous! 

Maintenant, place à la Partie III! 

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