Chapitre 13 - Doutes et Méfiances [Réécriture]

-6 ans avant ADLP- (saison de la vie)

Athèlme, à son réveil, se sentait quelque peu bouleversé par ses pensées nocturnes et ressentait un véritable malaise à l'idée de prendre les armes aujourd'hui. Toujours allongé sur son lit, il fixa un moment le plafond puis posa son regard sur son épée d'entraînement qui dépassait de ses vêtements. Instantanément, son ventre se noua et sa gorge s'asséchât. Il n'aurait su dire pourquoi son corps et son esprit réagissaient ainsi à cette simple vision, mais une chose était sûre, la journée n'allait pas être évidente. Toujours nauséeux, il réveilla Malvina, toujours endormie. Elle sortit difficilement du sommeil, faisant papillonner ses yeux noisette avant de se redresser en baillant. Fronçant les sourcils face à la lumière du jour, elle grogna enfin un son, signifiant qu'elle allait se lever. Athèlme se sentit coupable d'être rassuré de voir que Malvina n'avait pas mieux vécu la nuit que lui.

Après s'être préparés dans une ambiance de lassitude, ils prirent tout deux le chemin qui les mènerait au petit déjeuné. En descendant de leur tour pour rejoindre la grande salle, Malvina fut la première à briser le silence matinal.

- Je me demande ce que Moïe nous a prévu pour aujourd'hui.

En prononçant sa phrase, elle se rendit bien compte que le ton, qu'elle voulait détaché, n'avait absolument pas fonctionné. Athèlme fit cependant honneur à son effort, en lui répondant le plus naturellement du monde.

- Nous verrons bien, les jours s'enchaînent et se ressemblent... ou pas, ajouta-t-il dans un sourire complice.

Voilà pourquoi elle admirait tant Athèlme, et pourquoi elle avait tant besoin de lui. Malvina fut frappée par la vérité qui venait de s'imposer à elle. Peu importe la situation, Athèlme la suivait toujours et le ferais jusqu'à la fin. Il savait quand jouer le jeu et quand refuser d'y prendre part. Cette maturité la rassurait sans qu'elle ne puisse dire pourquoi. Elle répondit à son sourire, sans rien trouver d'autre à dire. Mais elle n'avait pas cessé de cogiter pour autant. En songeant que cela faisait déjà deux étés qu'ils passaient dans ce château, elle se rendit compte que le temps passait vraiment vite... trop vite...

Autour d'eux, comme une moquerie à leur humeur maussade, le château entier était afféré à préparer la fête des Temps. Les domestiques grouillaient de toutes parts, les hommes assemblaient de grandes estrades faisant circuler d'immenses planches de bois pendant que les femmes assemblaient de ravissantes banderoles de fleurs.

Alors qu'ils faisaient tout deux passer leur nourriture d'un bout à l'autre de leur plat sans rien avaler, Athèlme finit par exprimer tout haut son ressentit.

- Mina, comment peut-on encore faire comme si de rien n'était ? Je n'ai plus envie de cette vie et tu ne me feras pas croire que cela t'enchante non plus...

Elle releva de petits yeux pétillants afin de croiser son regard d'émeraude. Athèlme la fixait plus intensément que jamais. Avalant de travers le petit bout de pain qu'elle avait finalement réussit à mettre dans sa bouche, elle prit son temps pour répondre.

- Elme, nous en avons déjà discuté. Ce n'est pas en notre pouvoir de décider, et tu le sais très bien.

- Donc nous allons faire semblant de vouloir être des « héros » jusqu'à la fin de nos jours ? Ça te semble normal ça peut être ?

Son ton calme et endormit avait laissé place à un timbre rauque et agressif.

- Non... seulement jusqu'à la fin de la prophétie... murmura-t-elle hésitante.

- Ho mais bien sûr ! Une prophétie qui ne sera pas plus longue que quoi... ? Huit ans ? En effet ce n'est rien, pourquoi en faire tout un plat n'est-ce pas ?

Aucune de ces questions n'en étaient vraiment une. Athèlme avait craché cette vérité avec une véhémence que Malvina ne lui connaissait pas. Replongeant dans son émiettement intempestif, Malvina ne releva plus les yeux de son assiette, recroquevillée sur elle-même. Elle ne supportait pas qu'Athèlme s'emporte, et le sentir souffrir ne lui faisait ressentir rien d'autre que de la tristesse. Elle avait l'impression d'être liée, comme connectée à ses émotions. Après tout, songeât-telle, il était possible qu'ils aient tissés des liens particuliers au cours des dernières années.

Ils rejoignirent finalement Moïe, qui, ne se doutant pas de l'orage qui menaçait, les attendait comme d'habitude dans sa tour, prêt à leur enseigner leur première leçon du jour. Assis sur leur coussins de lin, ils écoutèrent en silence le demi-elfe qui leur expliquait les différentes vertus de la Cimïa et autres plantes de Brazla.

- ... J'ajouterais que cette plante garanti un avenir sain pour plusieurs siècles aux arbres. Elle a évidemment d'autres particularités. Très recherchée étant donné sa rareté, elle peut prendre l'apparence d'une simple pâquerette si elle se sent menacée. Mais sa propriété la plus recherchée est à la foi extraordinaire et dramatique. Cette plante, voyez-vous, permet d'avoir droit de vie ou de mort sur n'importe qui une fois en notre possession.

Voyant le regard de ses élèves s'illuminer, Moïe s'empressa de rajouter la négativité qui devait suivre.

- Mais tout à un prix. Si on décide de l'utiliser pour ressusciter un individu, un autre mourra sur l'instant. Aucun sortilège, aucune potion, rien ne permet jamais de contrer la mort sans un coût extrêmement élevé.

Malvina hésitait entre la fascination et la crainte... Un pouvoir pareil existait-il vraiment? Comment se faisait-il que les dieux autorisent cela? Elle jeta un coup d'œil à Athèlme apparemment réfléchissait intensément à la perspective de pouvoir ressusciter quelqu'un. Ils ne manquèrent pas d'en discuter tout en empruntant le chemin de la cours. Une fois en bas, leur discussion avait pris une toute autre tournure. Athèlme n'avait toujours pas cessé de ressasser son avenir et ses inquiétudes. Malvina fut soulagée de savourer l'air frais au dehors, le discours d'Athèlme devenant de plus en plus morose. Afin de mettre fin à son monologue austère, elle lui lança son épée et l'invita dans un combat singulier. Observant la lame à ses pieds comme s'il s'était agi d'un serpent venimeux, Athèlme s'empressa de refuser l'invitation.

- Elme ! Ne regarde pas ton épée comme si elle allait te mordre voyons... Ramasse-la et vient me montrer quel genre d'homme tu es ! Ou alors tu as trop peur pour m'affronter... le charia Malvina, le regard pétillant de défi.

Sans grande conviction, Athèlme ramassa l'épée du bout des doigts et s'avança pour croiser le fer. D'abord lent et incertain, sa prédisposition au combat prit rapidement le dessus. Ses pas devinrent souples et ses mouvements plus appuyés. Lorsqu'elle se battait, Malvina laissait sa chevelure d'or se balancer dans le vent, fouettant l'air entre deux esquives. Tous ses gestes n'étaient que grâce et élégance. Elle dansait en trio avec sa lame et le vent, déstabilisant l'adversaire. Athèlme dégageait un style complètement opposé. Sa force brute et son maniement d'épée puissant et sauvage contrastait avec la souplesse de sa rivale. Ils continuèrent à perfectionner leur maniement des armes pendant encore plusieurs heures, jusqu'à ce que soudainement, Athèlme s'arrête net. Moïe les observait un peu en retrait, insouciant du combat intérieur qui faisait rage chez Athèlme. Lorsque ce dernier se retourna violemment vers lui, le regard emplit de haine, la surprise l'empêcha de bouger.

- Pourquoi s'entraîne-t-on?

Encore une fois, c'était plus un cri de rage qu'une interrogation. Athèlme le regardait fixement sans ciller, plongeant son regard d'émeraude dans le cristal sans fond des yeux de Moïe. Un air de révolte se lisait très clairement sur son visage, dont la peau paraissait plus mat qu'à l'accoutumée.

La surprise laissant place à l'agacement, Moïe ne détourna toutefois pas le regard et prit un ton excessivement calme et sec:

- Je pensais que vous le saviez jeune gens. Vous vous battez pour votre continent, votre famille et votre roi.

- Tout ce charabia, nous l'avons déjà entendu, le coupa pratiquement Athèlme. Mais je refuse de continuer un entraînement sans fondement. Rien ne nous a encore été expliqué. Nous ne savons même pas ce que nous devrons affronter! Le temps passe, le délai se raccourci, et nous en sommes toujours à se battre dans la cours du château, sans même savoir ce que nous aurons à affronter. Je ne continuerais pas inlassablement sans autres raison.

La sincérité de ses paroles fut presque choquante. Malvina observait et suivait le duel silencieux qui se déroulait entre les deux adversaires. Elle était partagée entre la volonté de soutenir son frère d'arme et sa foi en son roi. Mal à l'aise, elle se tortillait sur place, implorant du regard Athèlme de se calmer.

- Jeune garçon, tu le sais très bien. Tes terres sont en péril et seule ta magie, ainsi que celle de Malvina, pourra y remédier. C'est ton devoir, ton destin. Tu ne dois pas le fuir, tu ne peux pas le fuir.

Malgré le calme et l'absence d'expression qui constituait le masque habituel de Moïe, Malvina aurait juré y déceler de la crainte. Non pas contre Athèlme, mais bien plus profonde que cela. Une crainte qu'ils ne pouvaient ni l'un ni l'autre ressentir...

- Mais bon sang! Regarde autour de toi! Moïe, ne vois-tu pas que ces terres comme tu dis, sont paisibles et prospères! Quel danger pourrait bien les guetter? Tout cela ne mène à rien... Nous nous tuons à la tâche pour une cause inexistante! Pour une étoile qui soit disant aurait prédit un désastre. Je ne gâcherais pas ma vie pour un hypothétique message céleste. Et même si l'envahisseur était bel et bien existant, pourquoi devrions-nous accepter de participer à un tel carnage? D'autres en serait tout aussi capable. Je n'ai même pas plus de puissance que toi et Malvina pourra bientôt annihiler le continent tout entier d'un geste de la main.

Elle ne se permit pas de répondre à la remarque, mais Malvina fut particulièrement vexée qu'Athèlme parle d'elle de cette façon. S'écartant des deux hommes, elle partit s'assoir un peu plus loin, ne voulant plus rien entendre d'autre. Leur tournant le dos, elle s'entraîna discrètement à créer des arcs d'énergie entre ses deux mains. Plus loin, elle remarqua Joack caché derrière une colonne de marbre, en train de les observer. Le voyant agir de la sorte conforta Malvina dans ses soupçons... c'était donc bien lui qui les épiais constamment. Devait-elle être plutôt soulagée que ce ne soit que lui ou furieuse après ce comportement, elle ne savait pas. Tout ce qu'elle était capable d'affirmer en ce moment, c'était que la situation était déjà suffisamment pénible sans que cette petite vipère vienne encore l'accabler d'avantage. Au loin, elle entendait encore malgré elle la dispute faire rage.

- Tu ne comprends donc pas? Vous êtes les deux êtres les plus puissants de cette planète! Tu ne t'en rends pas compte car tu ne maîtrise pas tes émotions. Ta magie ne se libérera que quand tu sauras l'accepter et la contrôler. Il est de votre devoir de nous protéger. La prophétie stipule bien que seuls les deux plus grands pouvoirs seront de taille à combattre l'ennemi. Les deux plus grands pouvoirs sont nécessaires à la survie du continent! Tu préfères peut-être laisser mourir tous les peuples de ces Terres et vivre une vie de paysan? tonitrua Moïe, déserté de toute retenu. Ou alors tu veux attendre jusqu'à te faire tuer toi aussi par la menace qui pèse sur nous? Ou justement t'entraîner et être prêt à affronter n'importe quel adversaire de taille?

Ses yeux flamboyaient en direction d'Athèlme qui n'avait pour autant pas l'intention de se laisser démonter. Il souffla comme buffle et partit d'un pas précipité vers la bibliothèque, tout son être exprimant la frustration et la colère. Moïe souffla à son tour et grogna des paroles inaudibles.

Malvina hésitait entre continuer de garder Joack à l'œil, qui de toute évidence n'avait pas raté une miette de leur conversation, où essayer de renouer le dialogue avec Moïe. Finalement, elle opta pour la seconde option, réalisant que Joack serait toujours un problème présent après sa discussion. D'un pas qu'elle voulait dénué de toute agressivité, Malvina s'approcha de Moïe, laissant pratiquement ses pieds glisser sur le sol.

- ... Professeur... contre quoi exactement allons-nous devoir nous défendre? Sincèrement, je vous en prie... nous devons le savoir.

Pour la première fois en trois ans, Moïe vu naître un réel trouble dans le regard de Malvina. Elle paraissait désespérée, perdue... Le demi-elfe au naturel si sûr de lui resta cette fois confus. C'est avec tendresse qu'il regarda Malvina, essayant de trouver les mots justes.

- Hé bien... pour être franc ma chère enfant... je n'en ai pas la moindre idée... c'est moi même qui ai déniché cet avertissement dans l'obscurité du ciel et à travers les astres qui la compose, mais aucune autre précision ne me fut apportée. Cela fait déjà trois hivers que je prie la déesse Saruïa de nous venir en aide... mais jamais encore elle n'a répondu à mes appels... Si j'en savais plus, crois-moi je vous l'aurais fait savoir mais je me trouve aussi égaré que le reste du continent. C'est pour cela que la meilleure chose à faire est d'être prêt pour quand le moment sera venu. Il faut être prêt à tout. C'est la raison pour laquelle je rends votre entrainement si complet.

Malvina entendit la vérité percer au travers des paroles de Moïe. Elle comprit aussi qu'il était de son devoir de convaincre Athèlme d'accepter sa mission. Sans rien ajouté, elle s'engouffra à l'intérieur du château, sachant exactement où elle le trouverait.

Athèlme, dont le cœur s'emballait et la respiration se faisait saccadée, se laissa tomber sur un des bancs de la bibliothèque. Il resta un long moment à fixer le vide, sans pouvoir bouger. Alors qu'il n'aspirait à rien d'autres que la solitude, la grande porte de bois grinça.

- Alors Athèlme, on abandonne...

La voix trainante qui se fit entendre lui hérissa le poil. De tous les habitants de Sora, la personne qu'il avait le moins envie de voir venait le perturber jusque dans son espace le plus tranquille.

- Va-t'en Joack, avant que je te mette moi-même dehors, le menaça sombrement Athèlme.

- Je te comprends tu sais, continua-t-il. A vrai dire je suis bien heureux que cela ne m'arrive pas à moi...

Athèlme laissa pour toute réponse échapper un ricanement.

- Je te fais rire on dirait ? Joack arriverait-il à faire rire la grand Athèlme ? Attention que Malvina ne soit pas trop jalouse en l'apprenant.

- Tu es pathétique Joack. Et non, seul ton insignifiance me fait rire. Maintenant va ailleurs.

Joack laissa échapper un sifflement qu'Athèlme ne sut définir comme étant une moquerie ou un soupire. Mais il ne bougea pas. Joack restait assis à côté de lui, à le regardé fixement de ses deux petits yeux sombres, une expression de défi gravé sur le visage.

- Moïe aurait dû vous avertir de ce qui vous attendait. Il aurait dû vous dire que vous ne seriez peut-être pas à la hauteur. J'ai vu comme Malvina te regarde quand tu fais de la magie... avec son air de princesse « Je-Sais-Tout ».

Guettant une réaction qui ne venait pas, Joack continua, ne se laissant pas décourager pour autant.

- Ta magie n'est pas bien puissante c'est vrai... mais ce n'est pas une raison pour te laisser mépriser.

- Tu ne sais rien de ce qu'est la magie ou le mépris Joack !

Cette fois Athèlme était hors de lui et il n'entendit pas Malvina arriver à son tour dans la bibliothèque.

- Malvina ne sait pas non plus ce qu'est le mépris ! Ma magie ne saura jamais aussi bonne que la sienne, mais mon bras sera toujours plus puissant que le sien ! Et si tu crois que je la laisserais me rabaisser tu te trompes, personne ne me rabaissera jamais ! Je deviendrais rapidement bien plus fort et puissant qu'elle et elle ne sera rien sans moi ! Ne parle pas de ce que tu ne connais pas ! Vous êtes pareils tous les deux, toujours à essayer de vous mêler de ce qui ne vous regarde pas ! Maintenant fiche-moi le camp !

Athèlme avait formulé cette dernière explosion de colère sans même reprendre son souffle. Des larmes brillaient dans ses yeux clairs et lorsqu'il croisa le regard blessé de Malvina, rien ne saurait décrire le trouble qui s'empara de son visage.

Malvina qui avait tout entendu, resta un moment debout sans savoir quoi faire. Elle n'arrivait pas à se décider entre la tristesse et la colère. Devait-elle se vexer ou comprendre la détresse d'Athèlme. Elle savait qu'elle ne serait pas assez forte en cet instant pour le comprendre. Les paroles d'Athèlme résonnaient encore dans son esprit comme marquées au fer rouge.

- Mina, je...

Mais elle ne le laissa pas finir sa phrase. Elle ne voulait pas de ses excuses, elle ne voulait pas savoir pourquoi il avait dit ça et elle ne voulait encore moins être dans la même pièce que lui. Sentant ses yeux se remplirent de larmes, elle se détourna d'un geste sec avant de quitter la bibliothèque en courant. Elle ne lui donnerait pas la satisfaction de la voir pleurer. Malvina courut sans se retourner et s'enferma dans sa chambre, bien décidée à ne plus en sortir. Comment Athèlme avait pu dire toute ces choses, elle n'en avait que faire. Cela ne la regardait plus et ne la regarderait certainement plus jamais. Il pouvait bien récupérer son honneur et sa gloire sur son dos, peut lui importait.

Alors qu'elle était assise sur son lit, elle se releva rageusement, empaqueta ses affaires en les roulant en boule au fond de son sac de lin et prit la direction de la sortie tandis qu'elle continuait de grogner des mots incompréhensibles entre ses dents. Peut-être Athèlme pensait-il qu'elle était peinée... elle aurait voulu qu'il voit à quel point il se trompait. Elle était furieuse !

Dévalant les escaliers, elle s'apprêta à rejoindre les écuries quand une voix l'intercepta dans les couloirs.

- Malvina ma chérie, que fais-tu ?

C'était sa mère. Voilà des mois que ses parents étaient retournés vivre dans leur ferme et il fallait qu'elle les croise en cet instant. Soupirant jusqu'à l'âme, elle s'arrêta, tenta d'adoucir au mieux son visage qu'elle sentait contracté sous la colère et se retourna pour faire face à Karence.

- Maman ! Depuis quand es-tu au château ?

Malvina usa de tout son don de comédienne pour avoir l'air surprise et détendue, mais cela ne sembla pas marcher. Il lui faudrait vraiment retravailler sa capacité à feinté le naturel...

- Ne fait pas comme si tout allait bien Malvina, je te connais. Qu'est-ce qui te tracasse ?

Sa mère alla s'assoir sur un banc qui semblait n'avoir été placé ici rien que pour l'occasion et elle invita sa fille à la rejoindre en tapotant le bois de la main.

Malvina, qui avait espéré pouvoir entretenir le feu de sa colère un peu plus longtemps, fut forcée de constater avec déception que de voir sa mère ici la réconfortait plus qu'elle ne l'aurait imaginé. Abandonnant tout esprit de rébellion, elle laissa filer ses émotions et fondit en larme dans les bras de Karence qui se contenta de l'enlacer en lui caressant les cheveux, attendant patiemment que sa fille se calme. Malvina inspira profondément, le nez toujours enfuit dans le cou de sa mère et elle savoura son doux parfum qui lui avait tant manqué. Savourant l'instant, elle essaya de capter le plus possible de fragrance, comme pour en remplir un réservoir imaginaire, bien camouflé dans son âme. Finalement, elle ressortit sa tête de l'étreinte maternelle, les yeux gonflés de larme, ornés de lourdes poches rouges et humides.

- Je veux rentrer à la maison maman, articula-t-elle d'une toute petite voix enrhumée.

Sa mère, en plein désarroi face à la tristesse de sa fille, la fixa tendrement un instant, prenant le temps de réfléchir à sa réponse.

- Ma chérie, si ce que tu souhaites, la maison te sera toujours ouverte, tu le sais bien. Ton père et moi t'aimons plus que tout, c'est d'ailleurs pour ça que nous voulions te faire la surprise de venir pour ton anniversaire, annonça Karence avec un grand sourire.

- Mon anniversaire ?

Malvina parut d'abord sonnée par la nouvelle. La dernière année avait été si mouvementée qu'elle en avait oublié leur anniversaire à tous les deux, Athèlme étant né le même jour qu'elle.

- Mais oui ma chérie ! Cependant, bien que tu sois toujours la bienvenue chez toi et auprès de nous, demande-toi si c'est bien ce que tu veux. Si tu es apte à te déroger à tes obligations. Si tu te sentiras mieux en cessant tes entraînements et en quittant Athèlme...

Malvina détestait sa mère quand elle faisait ça. Elle savait toujours quoi lui dire pour lui faire entendre raison. Elle savait toujours lui mettre l'évidence sous le nez... cette même évidence qu'elle voudrait ignorer pour toujours. Faisant la moue, Malvina regarda le bout de ses pieds, ne sachant que répondre. Sa mère lui avait vraiment manqué.

- Si tu savais comme tu as grandi ! Ton père ne va pas en revenir. Nous sommes si fiers de toi !

Saisissant l'occasion que sa mère lui présentait pour changer de sujet, Malvina lui raconta alors tout ce qu'elle avait appris, ses compétences à l'arc, sa magie incontrôlable, son lien avec Athèlme... Athèlme. Plus elle relatait leur amitié et plus elle sentait sa colère laisser place à de la tristesse. Une aventure en amenant une autre, elle finit par raconter la raison de son trouble à sa mère et la présence de Joack, cette petite fouine insupportable qui les suivait partout.

- Malvina, tu sais l'amitié n'est pas toujours une chose évidente. Si j'étais toi, je partirais à la recherche d'Athèlme maintenant et j'essayerais de comprendre la situation. D'après tout ce que tu m'as raconté ce garçon tient énormément à toi, crois-en mon œil avisé de mère.

Karence adressa un clin d'œil complice à sa fille. Voyant qu'il lui faudrait un peu de temps pour réfléchir à la question, elle se releva et partit retrouver Edwinn, invitant Malvina à les rejoindre pour le souper. Toujours assise sur son banc, Malvina observait le néant, laissant ses pensées profiter de leur liberté.

Athèlme n'avait pas quitté la bibliothèque avant un long moment. Jamais il ne s'était trouvé aussi idiot, même lorsqu'il avait essayé de surpasser Malvina en cours de géographie, exposant ses réponses plus vite que son ombre, la privant de toute reconnaissance. Ne se supportant plus lui-même, il tapa violemment du poing sur la table en bois qui lui faisait face, crachant des injures à la douleur qui l'avait saisi au poignet juste après. Joack s'était quant à lui contenté de le laisser seul, satisfait du désordre qu'il avait su créer.

- Si par hasard tu souhaitais me parler ou te confier, tu sais où me trouver, avait-il sifflé en quittant la pièce sans se retourner.

Athèlme, après s'être calmé du mieux qu'il le pouvait, entreprit de retrouver Malvina. A son grand désarroi il ne la retrouva pas dans leur chambre. Pire, ses affaires avaient toutes disparues. L'inquiétude le submergeant, il se précipita dans les autres ailes du château, la cherchant dans chaque recoin. Alors qu'il allait abandonner ses recherches, il entendit des domestiques ragoter sur l'humeur apparemment exécrable de la jeune Malvina. Saisissant l'occasion, il leur demanda où ils l'avaient aperçu et s'empressa de rejoindre les jardins, comme indiqués. Et c'est là, au beau milieu des bosquets de plistine et de leurs fleurs violettes, qu'il la trouva. Elle errait de buissons en buissons, semblant hésiter sur la direction à prendre. Il l'observa d'abord un instant... La stratégie d'approche devait être bien étudiée s'il ne voulait pas se rater et la faire fuir. Hésitant entre l'interpeller ou la laisser venir avec lui, il resta debout comme un idiot. Si Joack le voyait en cet instant, pensa-t-il, il ne pourrait plus jamais se débarrasser de ses moqueries. Alors que son esprit partait dans tous les sens, incapable de savoir quoi faire, trop occupé à ressentir la honte lui lacérer les tripes et la culpabilité l'envahir, Malvina se retourna et le vit.

Elle le vit, debout et immobile, le regard vide, en train de l'espionner. A quoi pouvait-il bien ressembler en cet instant, parvint-il à se demander. A rien. A un lâche, un traître et un escroc... Cloué sur place, Athèlme pria la déesse Saruïa de lui venir en aide. « Faite qu'elle me parle, faite qu'elle me pardonne » implorait-il au plus profond de lui-même.

Comme si ses prières avaient été entendues, Malvina s'approcha à petits pas de lui, et il découvrit ses yeux gonflés et ses joues striées du sel de ses larmes. A cette vue, il aurait voulu disparaître, peu importe de quelle manière. Il aurait aussi voulu que Malvina l'insulte, lui crie dessus, le gifle... Mais plus que tout, il voulait la prendre dans ses bras et la réconforter. Lui expliquer qu'il ne pensait rien de tout ce qu'il avait dit, qu'il avait été trop faible pour résister aux provocations de Joack. Et c'est ce qu'il allait faire ! Prenant son courage à deux mains, il s'avança d'un pas déterminé vers Malvina, prêt à se faire pardonner, avant d'être brusquement coupé dans son élan.

- Ne t'avise pas de me prendre les bras, le menaça-t-elle, brandissant sa main brillante d'énergie en signe d'avertissement.

Ne s'y attendant pas, il mit un moment à réadapter sa stratégie du pardon.

- Mina, je suis vraiment désolé. Si tu savais...

- Et ne pense pas un instant que je suis triste Athèlme.

Elle avait appuyé fortement sur son prénom et l'entendre le prononcer, sans utiliser leurs petits diminutifs finit de saper toutes sa détermination, durement acquise. La témérité qui se dégageait de lui une seconde auparavant s'éclipsa et il ne resta qu'une loque à sa place.

- Mina... Je comprends. Je ne sais pas quoi dire, rien de ce que je pourrais expliquer de pourrais justifier ce que tu as entendu...

Athèlme s'arrêta un instant de parler, guettant la réaction de Malvina. Les bras croisés sur sa poitrine, le regard flamboyant, elle le fixait sans ciller. Au moins était-elle peut-être attentive à ce qu'il disait, s'encourageât-il pour poursuivre.

- Tu es énervée et...

- Furieuse, corrigeât-elle sèchement.

- Oui d'accord, tu es furieuse, et c'est normal.

- Ah bon normal ?

- Non, non je voulais dire qu'après ce que j'ai fait... bref tu me comprends...

Malvina avait peut-être décidé de lui laisser une chance, mais elle n'était apparemment pas décidée à lui rendre la tâche facile.

- Non, justement, je ne te comprends pas Athèlme. Ou devrais-je dire plus ?

Athèlme se ratatina sur lui-même comme s'il avait été sermonné par sa mère. La sauvagerie qui émanait à présent de Malvina lui donnait des airs de harpies et il détestait cela. Se voir être impressionné par une fille, voilà que son honneur venait d'en prendre pour son grade.

- Mina, tu me fais peur, se décida-t-il à avouer. Et je n'aime pas ça du tout. Je me sens humilié et tout ce que je peux te dire c'est que tu viens de réduire mon égo à la taille d'une crotte de mulmopi...

Après tout, il pouvait toujours essayer la carte de l'humour. Perdue pour perdue, la situation ne pouvait s'empirer. Voyant le coin des lèvres de Malvina se crisper, Athèlme su qu'il avait vu juste.

Malvina essaya de contenir ce stupide sourire qui menaçait de pointer sur sa bouche, menaçant de mettre à néant toute sa crédibilité. Athèlme avait vu son état de faiblesse car il en rajouta, faisant la moue et s'applaventrant devant elle de la même manière que les prêtres du temple dont ils aimaient tant se moquer. C'est ainsi, en se relevant et se rabaissant au sol en agitant ses bras tendus devant lui, qu'Athèlme eut raison de la détermination de Malvina. N'ayant que trop retenu des éclats de rire, elle partit en crise d'hystérie face au spectacle. Des larmes, de joies cette fois, perlèrent aux coins de ses yeux et rien n'aurait pu plus réjouir Athèlme.

- Voilà les seules larmes que je te ferais verser à partir de maintenant, je te le jure.

Il saisit l'opportunité de la serrer dans ses bras, savourant la complicité qui les liait.

- Au fait, Elme, mes parents sont au château.

Bien que ravi de l'apprendre, Athèlme ne comprit pas pourquoi elle semblait attendre une réaction particulière de sa part. Il savoura cependant l'usage de son surnom, apparemment à nouveau d'actualité.

- Heu... C'est super Mina, ils devaient sûrement te manquer, répondit-il sans grande conviction.

- Oui, oui. Mais il y a une raison à cela..., elle attendit un moment attendant de voir s'il penserait par lui-même à la réponse, mais elle ne vint pas. C'est bientôt notre anniversaire ! Toi aussi tu l'avais oublié apparemment, rajouta-t-elle devant l'expression ahuri d'Athèlme.

En effet, lui non plus ne s'en rappelait plus, mais une chose était sûr, il allait falloir organiser cela.

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