Chapitre 12 - Magie et Contrôle [Réécriture]
-6 ans avant ADLP- (saison de la vie)
Deux années passèrent ainsi, suivant le même quotidien. A présent, Athèlme et Malvina, devenus adolescents à part entière, surpassaient leur professeur Moïe dans plusieurs domaines et savaient se battre face à trois adversaires entraînés. La puberté amenant avec elle ses changements et son développement, permis de faire naître au grand jour d'autres parcelles de leur magie, restées inconnues jusqu'alors... et les problèmes commencèrent...
Cours après cours, Malvina, dont la magie restait encore très sauvage, comprenait de plus en plus à quel point sa puissance était incroyable. La canaliser pour en faire ce qu'elle voulait relevait du miracle. Durant leur dernière leçon, Moïe lui demanda de créer un projectile guidé.
- Moïe, je ne peux me permettre de créer une attaque... je ne contrôle même pas encore ma défense... qui ressemble plus à une attaque d'ailleurs, finit-elle de marmonner pour elle-même.
- Malvina, l'heure n'est plus à l'hésitation. Peut-être qu'en te confrontant directement à ta puissance cela débloquera le contrôle que tu te dois d'avoir.
En professeur intransigeant, Moïe retourna s'occuper d'Athèlme sans autres explications. La simple idée de créer une attaque par le biais de sa magie instable suffit à lui nouer l'estomac. Elle ne se souvenait que trop bien du jour où un domestique avait failli finir carboniser, alors qu'elle ne voulait que créer un bouclier. Jusqu'à présent, et ce malgré tous ses efforts fournis avec l'aide du mage, elle ne parvenait toujours pas à retenir le feu de ses mains.
Sa maladresse avait déjà été responsable d'un petit tremblement de terre dans les écuries. Des mois avaient été nécessaires à leur réparation et les chevaux avaient été traumatisés des jours durant. Cela était sans compter une bonne demi-douzaine de bottes de foin parties dans une tornade et du nombre de chutes d'Athèlme parce que des ronces venaient s'enrouler autour de ses chevilles,... ; Un jour même, Athèlme avait fini suspendu dans les airs, emporté par une bourrasque. Malvina n'avait alors que voulu se protéger d'une mouche s'étant trop approchée de ses yeux. Surprise et affolée de voir son frère d'arme aussi loin du sol, Malvina perdit alors sa concentration, le vent disparu et Athèlme se retrouva les fesses dans la boue.
Malvina secoua la tête pour chasser le mauvais souvenir de cette mésaventure. Athèlme lui avait déjà pardonné maintes et maintes fois. En réalité il semblait bien plus amusé par l'incident que traumatisé. Malvina aurait bien aimé pouvoir en dire autant... Depuis ce jour en particulier, elle avait limité son apprentissage de la magie et se contentait de s'entraîner à l'arc et aux dagues. Elle était par ailleurs devenue digne d'un archer d'élite elfique. Elle voyait bien qu'Athèlme lui enviait cette qualité bien qu'il n'ait jamais exprimé sa jalousie ouvertement.
- Malvina, je ne me répéterais pas une fois de plus. Je ne t'ai pas demandé de rêvasser, je veux te voir te concentrer sur ton exercice maintenant !
Trop occupée à ruminer son malheur, Malvina n'avait pas vu que Moïe avait reporté son attention sur elle. Athèlme l'observait également les bras croisés, un air compatissant sur le visage. Apparemment il avait fini son propre exercice, elle était donc cernée. Concentrée pour rassembler tout son courage, Malvina entendit un vague bruissement de tissus provenant de l'arrière cours. Elle se retourna brusquement, parcourant du regard les nombreuses allées qui entouraient la place centrale du château, cherchant la cause de ce bruit étrange. La dernière chose que Malvina souhaitait en cet instant, c'est être épiée par Joack. Il serait bien trop heureux de pouvoir se moquer ouvertement d'elle devant tout le monde.
- Malvina, n'essaye pas de te dérober. Je ne bougerais pas d'ici tant que tu n'auras pas au moins essayé, la prévint Moïe d'un ton ferme.
Scrutant encore un instant les environs, elle se força finalement à reprendre position pour lancer sa magie. Éloignant avec difficulté cette impression d'être observée, elle ferma les yeux et porta sa concentration sur son foyer d'énergie après une brève prière à la déesse Saruïa. Elle sentit la chaleur de son pouvoir l'envahir lentement. Respirant profondément pour ne pas céder à la panique, elle laissa la force magnétique progresser et visualisa une petite sphère magique. Aussitôt, ses doigts crépitèrent et des étincelles bleutées se formèrent à leur extrémité.
Plus rien autour d'elle n'avait d'importance. Elle n'était plus physiquement présente. Elle n'était que chaleur et électricité. Elle n'était qu'énergie et pouvoir. Lentement le globe grossit encore et encore. Rouvrant lentement les yeux, elle observa son œuvre avec fierté. Mais à peine sa concentration mise à mal, que déjà la sphère vacilla et menaça d'exploser. Rapidement, Malvina reprit le contrôle, observa le parcours indiqué par Moïe et visualisa le trajet. Elle écarta lentement les doigts, libérant la boule d'énergie qui s'en alla flotter devant elle. Elle serrait si fort les dents que cela la faisait souffrir à présent. Guidant l'orbe qui volait devant ses yeux, elle le fit traverser le parcours pour finalement l'envoyer pulvériser la cible. L'épouvantail visé fut instantanément désagrégé.
Sortant petit à petit de son esprit, un peu essoufflée par l'effort, Malvina observa l'emplacement ou le bonhomme de paille devait se trouver puis à tour de rôle Athèlme et son professeur. Tous deux l'observaient dans un mélange d'appréhension et d'émerveillement.
- Heu... ce n'était pas le bon parcours ? demanda timidement Malvina, inquiète de n'avoir à nouveau pas respecté l'exercice.
- Malvina, tu n'aurais pas pu mieux faire mais... comment dire ? Je suis désolé de n'avoir pas compris plus tôt d'où venaient tes réticences. Moïe avait prononcé ces mots d'un ton empreint d'une certaine culpabilité mais Malvina ne comprenait pas pourquoi.
- Tu l'as pulvérisé ! Vraiment... Tu l'as... il n'y a plus rien !
Athèlme, qui avait retrouvé l'usage de la parole, semblait hésiter entre le rire et l'ahurissement.
- Malvina, si j'avais su que ce que je te demandais je... je comprends pourquoi maintenant. Je te demande pardon, un tel pouvoir n'est pas destiné à une enfant de ton âge, murmura Moïe dans un souffle.
- Je ne suis plus une enfant Moïe ! s'énerva Malvina.
Si sa magie refusait de lui obéir, cela n'allait certainement pas être la responsabilité d'un âge quelconque. Elle n'accepterait pas qu'on lui trouve de nouvelles excuses à son manque évident de talent.
- Non, non, c'est vrai. Mais tu es encore très jeune. L'exercice ne demandait que d'atteindre la cible. Au mieux je m'attendais à ce que tu brûles un peu de paille. Regarde ça... Il n'y a même pas de cendre...
- Cela revient au même. La cible a été atteinte et ça veut dire que je contrôle mieux ma magie. Ce n'est pas trop tôt vraiment.
- Tu es trop dure avec toi-même Malvina, la contra Moïe. Et dorénavant nous ne nous entraîneront plus aussi prêt du château. La prochaine fois vous me retrouverez dans le champ Ouest les enfants. Demain vous serez libres, reposez-vous bien et profitez-en. Moïe s'en alla en direction de la tour du roi sans plus se retourner, laissant Athèlme et Malvina seuls sur le terrain d'entraînement.
Ils se regardèrent un instant sans parler... Malvina voyait bien qu'Athèlme voulait dire quelque chose, mais il ne semblait pas décider à en parler.
- Quoi Elme? Dit-moi !
Le voir l'observer sans bouger, le regard emplit de doutes l'agaçait plus que tout, sans qu'elle ne sache pourquoi.
- Mina... tu sais que je n'arrive qu'à créer de petites étincelles inoffensives ?
- Peut-être mais toi tu y arrives depuis très longtemps. Tu t'entraînais déjà à l'attaque pendant que moi j'étais toujours bloquée avec mes boucliers.
- Tu ne comprends pas, reprit-il. Je ne me sens pas capable, de créer une telle attaque. Non pas que je ne sache pas le faire. Je n'en ai juste pas la puissance !
Malvina avait du mal à comprendre ce qu'il voulait dire par là. Athèlme avait toujours su contrôler sa magie bien mieux que quiconque. Moïe n'avait jamais manqué de le préciser. Véritable surdoué de la magie, il réussissait tous les exercices que Moïe lui imposait, au point que le demi-elfe lui-même ne savait plus quoi lui demander. Elle préféra donc passer à autre chose, trop fatiguée pour réfléchir d'avantage à des problèmes qui n'étaient pas les siens. Entraînant Athèlme avec elle, elle se dirigea vers les cuisines, décidées à trouver de quoi reprendre des forces. Elle hésitait à lui parler de cette sensation d'être observée qui la suivait depuis la séance d'exercice. Athèlme allait surement juste la charrier sur son zèle excessif et se moquer d'elle sans prendre quoi que ce soit au sérieux. Malvina garda donc ses craintes pour elle et conserva le silence. La tête lui tournait et ses jambes menaçaient fortement de céder.
Comme promis, le lendemain Moïe les avait dispensés de leçon.
- Regarde comme il fait beau, s'exclama Malvina au matin, en montrant le soleil du bout des doigts. Que dirais-tu qu'on aille faire un tour ? Juste toi et moi et des chevaux !
Athèlme ne pouvait la contredire. Les prairies de Sora étaient illuminées de mille feux, resplendissantes sous les rayons du soleil. On devinait une certaine fraîcheur à la vue des oiseaux gonflés de plume, mais refuser de profiter des derniers instants de soleil avant l'hiver aurait été impardonnable. Ils partirent donc sceller les chevaux après le déjeuner.
- Es-tu sur de vouloir y aller à cheval ? demanda Athèlme qui n'avait aucune confiance en l'animal qui lui faisait face.
- Bien sûr, nous pourrons aller bien plus vite !
Malvina ne remarqua pas son camarade cloué sur place et s'était déjà lancée dans le brossage de son étalon.
- Mina tu sais, je crois que je préférerais vraiment y aller à pied...
- Arrête de dire des bêtises ! Il faut sortir ces pauvres chevaux avant que le temps ne nous l'empêche.
Se disant, elle couvrait de caresse la bête à ses côtés qui lui rendait en frottant fermement son museau contre son épaule. Sans qu'il ne l'ai vu arriver, Joack arriva derrière Athèlme, son habituel air malin gravé sur les lèvres.
- Malvina à raison Athèlme ! Pourquoi tu ne veux pas prendre les chevaux ?
La question n'en était absolument pas une et il respirait la fourberie. Athèlme ne se rappelait que trop bien le jour où Joack avait hurlé à qui voulait l'entendre qu'il s'était évanouit face aux poules du maraîcher. La vérité étant qu'il avait juste préférer changer d'itinéraire... Les poings serrés, il se retourna vers Joack, se voulant l'air menaçant.
- Fiche-nous la paix Joack ! Tu n'as pas quelques corvées à faire pour « papa » ?
Tout ce qu'il avait actuellement contre son ennemi était son dévouement évident envers son paternel. Dévouement que le capitaine de la garde ne semblait pas apprécier à sa juste valeur. Athèlme avait souvent entendu Joack être rabaissé, même publiquement, par son père. Mais cela ne semblait pas le décourager, bien au contraire. Il redoublait d'effort, se pliant aux quatre volontés de son père.
- Les garçons ça suffit, les sermonna Malvina. Athèlme je vais t'aider à sceller ton cheval.
Elle quitta le box de sa propre monture sous les contestations de celle-ci qui continuait de tendre son museau pour réclamer des caresses. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, Malvina avait équipé la jument d'Athèlme et Joack, non sans cracher un dernier ricanement, repartit en direction du château. Athèlme ne voulait pas se rabaisser au point de supplier Malvina de changer d'avis, mais ce n'est pas l'envie qui lui manquait. Maudissant sa fierté qui le traînait toujours dans de mauvais pas, Athèlme accepta de s'approcher de la bête.
- Bien, maintenant tend ta main avec moi.
Malvina avait une voix douce et réconfortante. Elle saisit le poignet d'Athèlme et leva leurs deux mains dans un geste souple. Pétrifié, Athèlme, même s'il l'avait souhaité, ne pouvait plus même bouger un orteil. Il laissa donc sa main être guidée jusqu'aux naseaux de l'énorme mammifère, pantin dénué de force, spectateur de sa propre action. Le cheval avança gentiment sa tête jusqu'à la poser dans le creux de la main d'Athèlme, et souffla doucement de contentement quand Malvina lui flatta l'encolure de sa main libre.
- Très bien Athèlme. Tu vois, il t'aime déjà, l'encouragea tendrement Malvina. Viens, je vais t'aider à monter ! Tu vois la corde, là ? Je la tiendrais, pendant la promenade comme ça tu n'auras pas à t'inquiéter de quoi que ce soit !
Toujours dénué de toute volonté face à la situation, Athèlme se laissa glisser jusqu'au niveau des étriers et entreprit d'escalader sa monture. Sans savoir comment, il se retrouva juché sur son dos et la ballade commença.
Ils partirent ainsi explorer les campagnes du sud du royaume. Ils passèrent dans de ravissants vallons à travers champs, accueillis dans chaque village par les sourires enchantés des paysans au travail. Ils s'orientèrent vers le territoire de Merïa sans pour autant avoir l'ambition d'y aller. Ce royaume était bien trop loin, il leur faudrait au minimum deux jours de cheval pour y arriver. Mais les deux voyageurs firent une pose dans la fraîcheur d'un magnifique étang pour laisser leur monture se désaltérer et reprendre leur souffle. Malvina, après avoir fini de s'occuper de son étalon, prit librement le temps de savourer la beauté des lieux. De grands arbres étendaient leurs bras tout autour de l'étendu d'eau limpide, laissant couler un feuillage tombant jusqu'au sol.
Fatigués, ils s'allongèrent dans l'herbe et l'humus douillet, parsemé de multiples fleurs multicolores.
- J'espère que l'hiver ne sera pas trop long cette année... murmura Malvina.
Elle n'attendait pas vraiment de réponse et ne fut donc pas inquiétée du silence d'Athèlme. Elle se contenta d'imaginer des formes dans les nuages, se remémorant sa ferme, sa vache favorite et les lions d'argent de la forêt. Athèlme quant à lui, s'était rapidement assoupi, bercé par les rayons du soleil et leur chaleur si apaisante. Mais à peine ses yeux étaient-ils clos que des souvenirs de son enfance revinrent le hanté :
Comme chaque jour, il accompagnait sa mère dans les champs. Il attendait avec impatience le retour de son père, parti chasser, regrettant de n'avoir pu l'accompagner. Il lui semblait qu'une éternité s'était écoulée depuis son départ et Athèlme vibrait d'impatience en guettant la lisière des plaines de Sora qui s'étendaient à perte de vue. Jason avait promis des cours d'escrimes à son fils dès son retour et ce dernier ne pouvait plus attendre. Ces moments partagés avec son paternel étaient toujours ceux qui égayaient sa journée. L'admiration qu'il avait pour lui gonflait à chaque séance et à chaque fois, il souhaitait suivre ses pas avec encore plus d'intensité ; son rêve était d'être enrôlé dans la garde royal de Sar Ier.
- Athèlme, mon chéri, ton père ne rentrera pas plus vite si tu continus d'hypnotiser le paysage, se moqua doucement Miranda.
- Mais, il m'avait promis de rentrer avant la nuit, se plaignit le garçon en jetant un regard triste vers le ciel, observant le soleil qui commençait déjà à disparaître derrière les montagnes.
- Il n'a pas dû être chanceux, tu sais bien que la chasse n'est pas des plus simples à cette période de l'année, le rassura sa mère.
Athèlme continua d'observer les alentours un instant, puis sur un coup de tête, s'élança dans la direction ou Jason était parti. Il courut à perdre haleine, n'écoutant pas les cris que sa mère lançait en le suppliant de revenir à la maison. Aucune phobie ne guettait alors ce petit, plus brave et courageux que la plupart des autres garçons de son âge. Ses petites jambes parcouraient le terrain avec force et agilité, mais malgré toute sa vigueur, son cœur et ses poumons encore peu développés le brûlaient déjà. Il ralenti donc l'allure et suivi les traces de son père laissées dans la boue, comme il lui avait appris à le faire.
Le nez baissé sur ses pieds, il suivit les empruntes sans se retourner. Quand enfin il releva le regard, il se rendit compte qu'il ne savait pas du tout ou il était. Mais ce n'était pas pour l'inquiéter, car aussitôt qu'il aurait retrouvé son père, ce dernier saurait les ramener à bon port. Il tourna sur lui-même, observa les traces de pas qui continuaient plus loin et recommença sa course. Il ne s'arrêta que lorsqu'un étrange bruit de bête sauvage retentit dans les plaines herbeuses. Se figeant, le jeune garçon ouvrit de grands yeux et tendit l'oreille, le souffle saccadé par l'affolement.
Il était sûr d'avoir reconnu le rugissement d'un fauve. Les lions d'argent n'allaient pourtant pas si loin en général, songea-t-il. La terreur le guettait tandis que les grognements continuaient. Seule l'idée que son père serait toujours là pour le secourir parvenait à le rassurer. Tandis qu'il restait là, immobile, attendant tout autre signe de danger, il sursauta en entendant un homme hurler. C'était son père. N'écoutant que son courage, il s'élança dans la direction d'où provenait le bruit, sa petite épée de bois à la main. Il recommença sa course effrénée, n'écoutant plus les douleurs de son corps, se rapprochant de l'affrontement qui continuait à faire rage au loin. Le mélange de cris de douleur humains et de grognements de bête sauvage s'intensifiait, tandis qu'Athèlme sentait ses genoux commencer à trembler.
Il arriva finalement à l'origine même de la bataille, mais trop tard. Il se retrouva face à un spectacle qui le cloua sur place. Un lion d'argent, le regard fou, était penché sur son père, la gueule grande ouverte, mettant en évidence ses incisives déjà bien développées et d'où s'écoulaient de grosses gouttes du sang de sa proie. Il rapprochait ses crocs du corps inerte de l'homme à terre, prêt à le dévorer vivant. Jason était déjà recouvert de plaies béantes. Une de ses jambes était à moitié arrachée et son flanc à moitié éventré créait une mare de sang. Athèlme, d'abord tétanisé par ce spectacle traumatisant, reprit finalement ses esprits et s'élança en hurlant vers la bête, se redressant de manière menaçante et en dominant le monstre de toute sa petite taille, l'épée de bois levée bien haut. Surprise, la bête gênée d'être interrompue, finit par prendre la fuite.
Le jeune garçon, se jeta sur le corps sanglant et mutilé de son père. Ses jambes lâchèrent, il s'effondra plus encore, parcouru de tremblements ininterrompus. De ses petites mains, en pleine frénésie, il tenta désespérément de refermer les plaies qui laissaient la vie s'échapper sans pitié. Les griffes démesurées du fauve n'avaient épargné aucune parcelle de chair. Son habits dégoulinait à présent du sang de son père,ses membres, son visage, maculé alors qu'il essuyait une larme. Mais il n'en avait que vaguement conscience. Son monde s'écroulait, bientôt, il ne ressentirait plus rien car jamais son cœur ne résisterait à la pression qui l'étouffait. Il déchira le bas de sa tenue afin de faire un garrot, comme son père le lui avait appris... Il lui avait tout appris en fait. Il était son modèle, son mentor. Voyant les yeux de cet homme qui avait été toute sa vie devenir vitreux et se fermer dans un dernier souffle, Athèlme hurla de désespoir. Il devait évacuer la peine qui prenait possession de son cœur, mais elle ne le quittait pas. Elle se répandait en lui, tel un poison insidieux, plantant ses racines auplus profond de son être. Indélogeable. Il s'affala sur le corps sanglant et continua de hurler, hurler jusqu'à ce que sa voix l'abandonne à son tour. L'abandonne comme son père. L'abandonne comme la vie qu'il venait de voir s'éteindre. Il ne lui restait alors plus rien pour exprimer son chagrin, même pas le flot de ses émotions, salé, qui se trouvait à présent asséché, absorbé dans les restes de l'homme qui reposait, inerte à tout jamais.
Alerté par les pleurs, un paysan de son village arriva finalement sur les lieux et découvrit le spectacle affligeant. Il apposa une main douce sur l'épaule d'Athèlme qui ne réagit même pas à son contact, toujours étendu sur le corps sans vie de son père.
- Vient mon garçon, il faut rentrer, ça va aller je te le promets.
Tandis qu'il tentait de soulever le petit pour le remettre sur pied en l'éloignant de son père, ce dernier se débattit corps et âme pour rester auprès de lui, refusant de rompre le contact. Évidemment, c'était en vain. Le nouveau venu, à la corpulence généreuse, referma sa prise et entraîna Athèlme avec lui qui finit par perdre connaissance, vidé de toutes sources d'énergies.
Une main le secouait violemment, tandis qu'il se débattait avec fougue.
- Elme ! Réveille-toi ! Ce n'est qu'un rêve !
Athèlme ouvrit finalement les yeux, se redressant vivement et lançant des coups d'œil affolés dans toutes les directions. Il se calma enfin lorsqu'il croisa le regard doux et inquiet de Malvina qui lui caressait délicatement l'épaule en signe d'apaisement. Ses esprits récupérés, il ne put cependant pas se résoudre à raconter ces souvenirs douloureux qui hantaient ses songes. Mais Malvina n'avait nul besoin qu'il lui explique ses cauchemars pour comprendre qu'ils relevaient de traumatismes vécus et enfouit depuis longtemps. Elle respecta son silence, sans pour autant mettre de côté ses inquiétudes.
Après avoir profité pleinement de ce moment à deux, Athèlme et Malvina reprirent la route dans l'autre sens pour rejoindre le château et être présent à l'heure du repas.
Le lendemain serait chargé ; toute la cours allait être affairée à la préparation de la fêtes des temps. Malvina trépignait d'impatience à cette idée. Elle se rappelait encore son village décoré de toutes les couleurs, parsemés de fleurs odorantes. Sa mère lui avait expliqué que cette cérémonie célébrait la chute du démon du ciel, Mélak. Il avait été banni, il y a de cela un million d'année, par son frère Pashad, Dieu suprême de la paix et de la prospérité. Ayant tenté de prendre le contrôle de l'univers en empoisonnant la fille de Pashad qui tomba dans un profond sommeil, puis en déclarant une guerre dans son royaume pour détruire le détruire, il provoqua alors le courroux des divinités. Mais ses sinistres plans avaient échoués ; lui et ses armées furent vaincus, puis bannit des plaines célestes. Depuis, on ne savait pas ce qu'était devenu Mélak et son armée, emprisonnés dans les limbes pour l'éternité. Ce jour marquait la fin des temps obscurs pour laisser place à une ère nouvelle.
La tradition voulait ainsi que chaque habitant du peuple de Sora porte une guirlande de fleur, symbole de pureté et de bienveillance. Ainsi, à l'occasion, les royaumes étaient décorés de toutes les variétés de fleurs possibles et des animations étaient organisées dans tous les villages et hameaux de Brazla. Chaque année cette fête emplissait de bonheur le cœur du peuple et laissait place aux rires et aux chants pour oublier quelques instants les divers problèmes du quotidien.
- Peut-être oublierons-nous que notre vie ne nous appartient plus, grommela Athèlme tandis que Malvina ne cessait d'étaler son amour pour l'évènement.
- Elme, ne soit pas si dramatique ! Notre position est extrêmement importante. Nous n'avons pas le droit de la dénigrer.
- Si quelqu'un en veut, qu'il vienne. Je cèderais ma place avec plaisir.
Malvina ne savait que répondre face à ce nouvel état d'esprit de son camarade. Elle allait finalement trouver quoi dire quand Athèlme reprit la parole.
- Mina, n'essaye pas de trouver d'explications à tout. Rien ne prouve que nous sommes les véritables sauveurs. Tout ceci n'arrive que parce que Moïe l'a interprété ainsi. Uniquement parce qu'il pense que nous sommes les élus. Quels autres signes avons-nous ?
- Elme, nous...
- Exactement, aucun !
Désemparée, Malvina se contenta de rester muette. De toute évidence, Athèlme ne l'écoutait pas de toute façon. Son rêve de la journée avait sûrement dû le chambouler plus qu'il ne le laissait paraître. Avec le temps, il comprendrait bientôt qu'on ne peut aller à l'encontre des dieux. Alors qu'elle continua son chemin en compagnie de son ami, Malvina vit un pan de cape noir disparaître au coin d'un couloir. Elle était pourtant certaine que les lieux étaient désert un instant auparavant... Levant les yeux vers Athèlme, elle vit à son expression, toujours renfrognée, qu'il n'avait de toute évidence rien remarqué. La sensation de malaise qu'elle ressentait déjà n'en fut que plus amplifiée et un nœud douloureux commençait à se former au creux de son ventre. Bien que mourant d'envie d'en parler à Athèlme, elle savait que le moment serait vraiment mal choisit. Une fois de plus, il ignora son mauvais pressentiment. Après tout, peut-être que son esprit lui jouait simplement des tours.
De retour chez eux, Athèlme et Malvina, toujours silencieuse, partirent se réfugier à la bibliothèque. Ils se plongèrent dans quelques ouvrages sur la magie et ses secrets. De cette salle il pouvait voir la tour de jade. Celle-ci se trouvait aux abords de la frontière avec le royaume de Creïka. C'était la plus grande tour du continent, entièrement construite dans la pierre de jade la plus pure. Elle servait de tour de guet mais nombreux étaient les différents peuples de Brazla venu découvrir cette tour légendaire qui faisait l'honneur des cavaliers Creïs. Le soleil se reflétait sur ses façades reluisantes et créait un halo d'émeraude autour du monument. Malvina observait par la fenêtre le paysage, savourant le moment de quiétude qui s'échappait de l'instant. Depuis la découverte de cette pièce, ils n'avaient cessé de venir s'y reposer avec Athèlme. La bibliothèque était devenue leur havre de paix, leur point de rencontre. La pierre des druides qui recouvrait le sol et les murs avait été témoins de nombreuses confidences et d'innombrables fous rires.
- Elme ? Tu voudrais parler de quelque chose ? l'invita Malvina à se confier.
Il se contenta de relever la tête de son livre et de grogner un vague « non » avant de retourner à sa lecture. Malvina récupéra donc un nouvel ouvrage. Histoires et Découvertes de Brazla brillaient en lettre d'or sur la couverture de cuir. Se plongeant à son tour dans de nouvelles découvertes, Malvina essaya de mettre de côté son inquiétude le temps d'un instant.
« Chaque royaume a sa particularité...», commença-t-elle à lire. Elle apprit dans ces pages des anecdotes propres à chaque peuple de Brazla. Les mérolts avaient les meilleures danseuses, les Forêts de Flendïa possédaient le bois de shakam et on pouvait trouver la pierre des druides sur les terres des nains. Sora avait sa bibliothèque et Creïka leur tour de jade. Enfin, on disait de l'eau de la rivière Démerêka qu'elle possédait des pouvoirs divers, variant selon la volonté de chacun. Elle longeait tout le continent, partagée par tous les peuples de Brazla. Mais Malvina fut déçue de ne trouver aucune information intéressante sur la forêt d'Imalt. Aucune donnée n'était répertoriée, comme si elle n'avait jamais existé. Cependant, l'inconnue n'empêchait pas la naissance de nombreuses légendes vantant les vertus de sa flore, la diversité de sa faune et l'existence de « monstres » peuplant son territoire. Cette forêt n'avait pas été foulée depuis bien des millénaires d'après l'ouvrage. Lassée de sa lecture, Malvina se leva gracieusement pour aller dénicher un nouveau manuscrit, cette fois parlant plus précisément sur la fête des temps.
- Elme, tu veux bien m'aider à organiser au mieux les festivités? Il ne nous reste que quelques jours...
Elle espérait pouvoir renouer le contact à l'aide de différentes excuses et cela fonctionna à merveille. Athèlme sortit finalement de sa torpeur et rejoignit sa consœur en souriant. Ensemble, ils trouvèrent des renseignements utiles pour les préparations festives. Entre autre, quelle fleur était plus particulièrement appréciée ; en l'occurrence il s'agissait de la jincïan. Fleur au pouvoir de vérité. Certains grands alchimistes parvenaient à tirer de sa sève un nectar permettant la création d'un puissant sérum de vérité. De son doigt délicat, Malvina tourna les pages avec curiosité, s'abreuvant de toutes nouvelles connaissances.
Toujours nostalgiques malgré son moment de complicité avec Malvina, Athèlme se pencha à la fenêtre de sa chambre, aussitôt après avoir rejoint ses appartements. De son point de vue, il pouvait observer le soleil couchant qui déversait ses flots d'or liquide dans les montagnes de Ninetïa. Quelques conifères se détachaient de la lumière pour laisser courir leurs ombres déformées par la position de l'astre. Le paysage était simplement grandiose. Un fin rayon de lumière vint chatouiller son visage de ses filaments incandescents, répandant une agréable chaleur dans tout son être. La fuite de lumière s'en alla ensuite éclairer la tapisserie de guerre qui ornait le mur au fond de la pièce. Son regard se voyant attiré, Athèlme s'intéressa pour la première fois à la bataille qui surplombait son lit. La vision de ce bain de sang, des lames perforant les corps et des expressions de terreurs figées à tout jamais sur les visages peuplant l'œuvre, poussa Athèlme à se demander si réellement il souhaitait se retrouver au beau milieu d'un tel massacre.
- Jamais je n'aurais pensé prendre part à de telles batailles, confessa Malvina à Athèlme, le faisant sursauter.
Elle qui était si pacifiste, douce et gracieuse... jamais son éducation, n'avait été dirigée vers un quelconque acte de violence. Sa destinée l'effrayait plus qu'elle ne le laissait deviner.
- Je ne peux malheureusement pas dire la même chose, souffla Athèlme. Depuis que je suis en âge de marcher, mon seul rêve était de suivre les pas de mon père... Je ne pensais juste pas que cela arriverait si vite.
- Il serait fier de toi Elme. J'en suis sûre.
Malvina serra Athèlme contre elle, essayant de s'imprégner de son courage et espérant que cela lui suffirait à passer la nuit sans cauchemar. Athèlme, plus solide et droit que jamais, lui rendit son étreinte laissant saillir les muscles qui se dessinaient à présent sur ses bras. Il était le reflet de leur évolution, du temps qui passe et de la vie telle qu'elle les avait formés. Durs, combattants et à jamais liés. Mais Malvina ne se sentait toujours pas à la hauteur et seul Athèlme savait l'apaiser et la rendre confiante, sans même s'en douter. Il ne remarqua d'ailleurs pas le regard que Malvina posait sur lui et s'enfuit sous ses couvertures. Tous deux se souhaitèrent bonne nuit comme si de rien n'était, sachant pertinemment que celle-ci ne serait pas différentes des autres. Jamais ils ne dormaient bien, leurs songes étant en permanence hantés par des scènes de violence, de batailles sanglantes et de monstres déchus.
Encore une fois, leur nuit fut agitée... Malvina se battait au côté d'Athèlme dans une bataille qui semblait perdue d'avance, des cadavres mutilés gisants tout autour d'eux. La jeune fille décapitait, tranchait et exterminait les envahisseurs démoniaques. Des êtres putrides, parfois en décomposition, se jetaient sur elle et son frère d'arme. Après avoir éradiqué une vague nauséabonde de ces démons venus d'ailleurs, elle vit un monstre se rapprocher de son compagnon, l'arme au poing. La bête était énorme, elle dépassait Athèlme de deux bons mètres. Sa tête de taureau se balançait autour d'un large cou, rattaché à une montagne de muscles couverts d'une peau rougeâtre. Le corps humanoïde qui leur fonçait dessus voyait ses membres se terminer par d'énormes sabots poilus. Malvina se débattait toujours et encore contre ses assaillants en tentant de venir au secours d'Athèlme. Dans un dernier espoir, alors que le monstre continuait sa course, elle lança son bouclier magique pour tenter de le protéger... trop tard. La bête termina son parcours et empala le jeune homme sans ménagement au bout de sa lame sanglante laissant entendre les derniers hurlements de douleur du soldat et ses os craquer, perforés...
D'un sursaut si brutal qu'elle en eu le vertige, Malvina se réveilla, haletante et en sueur. Au même moment, Athèlme eut un sursaut à son tour et se redressa brusquement dans son lit, en nage. Pour se vider de leurs émotions, les deux rêveurs se racontèrent leurs cauchemars. La découverte qu'ils firent alors n'allait pas les rassurer le moins du monde : chacun avait la même version à une différence près : leur place était intervertie. Athèlme ne pouvait cependant s'empêcher de penser qu'il ne serait pas à la hauteur pour protéger sa sœur. Sa magie restant trop faible, il serait responsable en cas de malheur, il en était sûr.
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