Chapitre 11 - Révélation et Animosité
Année 7av. L.P – (Saison des pluies)
La petite pierre bleutée tournoyait entre les doigts d'Athèlme, avachit au fond d'une cellule dont les ténèbres trouvaient écho jusque dans son âme tourmentée. Les idées noires valsaient dans son esprit sur un air dément et rien ne lui apparaissait autre que l'échec de sa vie, la déception qui rongeait son cœur et une incapacité avérée à réussir quoi que ce soit dans sa misérable existence. Un sourire jaune marquait le coin de ses lèvres lorsqu'il se remémorait ses rêves d'enfant. Il voulait devenir « soldat de son altesse royale », le brave petit héro de Sora, fièrement armé et paré d'une armure scintillante. Sa lame comme son accoutrement savamment astiqués refléteraient alors toute sa gloire et son succès. Le jeune homme laissa éclater un pouffement excédé. Que les enfants pouvaient être niais. Que l'adolescence pouvait rendre stupide. Il avait suivi aveuglément un entraînement privilégié. Il s'était laissé persuader qu'il était unique, qu'il serait le seul rempart à l'extermination de son continent. Et il avait laissé un orgueil démesuré prendre possession de son corps, laisser cet orgueil le plonger au plus profond de la persuasion du bien-fondé de son destin et de sa toute puissance. Et diantre ! Que l'âge adulte pouvait être inutile. Il pensait alors gagner en maturité, voir la vie s'éclairer devant lui comme un jour nouveau, tous les secrets de l'existence enfin révélés... Et le voilà en ce jour pluvieux – du moins c'est ce qu'il pensait, à l'entente des clapotis aigues qui résonnaient dans le cachot ; ou était-ce simplement l'humidité des lieux ? – le voilà ici, croupissant au fond d'une lugubre cellule avec pour seule compagnie digne de sa présence des rats et des vers, une pierre bleue dans la main qu'on lui avait pourtant décrite comme exceptionnelle. Qu'avait fait cette pierre jusqu'à maintenant ? Rien du tout ! Elle restait là, entre ses doigts, idiotement plantée et immobile à le regarder bêtement, lui renvoyant sa propre expression insipide. Athèlme réprouva l'envie de jeter le caillou entre les barreaux pour le voir exploser contre le mur de pierre froide qui lui faisait face. L'envie était plus que tentante, mais c'était là encore tout ce qui lui restait en sa possession. On avait réquisitionné son épée, son fourreau... sa dignité et ses rêves. Jamais la nudité ne s'était autant révélée à lui sous cet angle, aussi crue, aussi glaçante et éclatante de sens.
Alors que la Pierre d'Imalt repartait pour un énième tour dans sa paume, des bruits de pas et de porte qui grince le sortirent de ses pensées. Malvina du l'entendre, elle aussi, car il la vit se relever de sa couchette pour observer le fond du couloir obscure. Les nains avaient bien travaillés leur cellule, Athèlme ne pouvait leur enlever cela... Il entendait parfaitement les bruits alentours mais il lui était tout autant impossible de communiquer avec Malvina. Les cellules étaient toutes isolées les unes aux autres, si bien qu'aucun prisonnier ne pouvait converser avec son voisin de galère. Les qualités de la roche de Ninetïa ne lui étaient certes pas inconnues, mais jamais il n'avait supposé une telle efficacité. Il avait vainement tenté de hurler pour se faire entendre, Malvina était restée sourde à toutes ses tentatives... Il avait même entrepris de passer les lèvres au-delà des barreaux pour s'exprimer, dans une allure tout à fait ridicule, rien n'y fit. Tout ce qu'il reçut en échange fut les imprécations des nains qui lui exhortaient de cesser ce boucan.
La porte au loin claqua, les pas se rapprochèrent et bientôt, à la lueur des flammes, une silhouette massive se découpa. Malvina, qui était plus prêt de la porte, sursauta et porta instinctivement les mains devant sa bouche, visiblement scandalisée. Intrigué, le guerrier se rapprocha des barreaux de sa cage et plissa les yeux pour mieux distinguer les formes obscures qui l'entouraient. Il ne lui fallut que très peu de temps pour décrypter l'identité de leur visiteur. Instantanément, les feux de Mélak bouillonnèrent en lui et sa vision se brouilla sous l'afflux sanguin qui inonda sa tête.
— Ah ! Athèlme ! J'avais peur que tu ne puisses me reconnaître, mais me voilà soulagé, face à cette expression particulièrement effrayante. A moins que tu n'observes tout le monde de la sorte, mais ... sincèrement je ne l'espère pas pour eux et pour toi, ironisa le nouveau venu dans un éclat de rire qui fit vibrer la pièce.
Fier de son apparition, Raï Mat'Rai se tenait là, droit comme un « i » devant la cellule d'Athèlme, toutes dents dehors dans un sourire satisfait insupportable.
— Que fais-tu là Raï ? articula difficilement Athèlme dont le sang commençait à lui bruler les tempes.
Trop excité par sa position de toute puissance, Raï prit un instant théâtral avant de daigner répondre, non sans se départir de sa mimique suffisante.
— On m'a dit que tu te trouvais dans de sales draps et je me suis dit que, peut-être, tu aurais besoin de compagnie, pardi. Alors ? Heureux de me voir ?
Les dents jaunies par le manque d'hygiène, Raï ne parvenait pas à se départir de son euphorie tandis qu'il affichait toute sa denture triomphalement. L'angoisse saisit alors Athèlme aux tripes face à ce spectacle désopilant. Il entra dans un tremblement de rage qui ne fit qu'accentuer la grimace de son ennemi. Il voulait le tuer. Le faire souffrir. Lui faire payer son existence orpheline, ses traumatismes, ses peines. Il voulait le lacérer, lui arracher les yeux avec les doigts, lui entailler la peau et le voir rugir de douleur dans son sang. Il voulait lui arracher une à une chaque dent brunâtre qu'il osait afficher et le laisser se noyer dans son propre sang avec pour dernier son la promesse que lui, Athèlme Dan'Tan, serait heureux jusqu'à la fin de ses jours. Oh ! Oui ! Voilà tout ce qu'il désirait maintenant.
Perdant toute notion de contrôle, Athèlme rua contre sa cage tel un animal enragé. Sans même s'en apercevoir, les mains qui agrippaient les barreaux se transformèrent en pattes velues. La bouche tordue en une contorsion absurde se changea en gueule armée de crocs et bientôt, un pelage argenté recouvrit le torse et le dos du guerrier. Toutes griffes dehors, il rugit en envoyant ses griffes au travers de sa cage, manquant de peu Raï, qui ne réprima pas un sursaut inquiet en arrière. L'homme ne se départit pas de son expression répugnante mais se tourna malgré tout vers Malvina, abandonnant Athèlme à sa rage sauvage.
— Vous n'êtes qu'un monstre ! cracha Malvina, avant de lui envoyer un trait de salive en plein visage.
Raï s'essuya d'un geste désinvolte avant de se rapprocher de la cellule avec un plaisir sadique.
— Allons, ce ne sont pas des manières, Malvina. Je suis sûr que tu peux mieux faire, ma mignonne. Voudrais-tu que je te rejoigne dans ta chambre. Je la trouve particulièrement... accueillante, grinça-t-il, sa langue caressant hideusement ses lèvres perfides.
Elle réprima un haut le cœur et tenta tant que possible de chasser les souvenirs de son attaque alors qu'elle tentait de ramener les fleurs du mal pour sauver Sar Ier. Les images la hantaient encore dans ses rêves chaque fois qu'elle se laissait gagner par le sommeil et les deux bandits de Creïka reprenaient vie dans son âme. Avec la force du désespoir, elle refoula cette sombre nostalgie et canalisa toute son attention sur le moment présent, sur Raï qui se tenait là, devant elle, dans toute son abomination. Cet « homme » était pathétique, il n'était que l'ombre pâle d'un humain...
— Par Pashad ! Quelle vie avez-vous du avoir pour être aussi misérable, Raï. Je vous plains. Je plains votre vie, votre existence, votre esprit... Je plains votre essence même. Jamais vous ne serez un Homme. Jamais vous ne saurez ce qu'est le bonheur et la paix. Vous êtes pathétique, exécrable. Vous auriez été élevé par les rats que vous ne pourriez être plus dégoutant que vous ne l'êtes déjà... allez-vous-en !
La face de l'homme s'éclaira d'une lumière nouvelle. Celle qui accompagne les instants clés, les accomplissements d'une quête... Quel genre d'esprit malade pouvait bien le posséder ?
— Comme tu fais bien de parler de mon éducation, Malvina. Car des rats, figure-toi, ne m'auraient pas plus mal traité. Et tu devrais être bien placée pour le savoir, ma jolie... Dis-moi, reprit-il après un temps mort, il me semble que tu possèdes un pouvoir propre à nul autre ?
Alors que Malvina semblait se refermer sur elle-même, prête à lui faire goûter aux forces dont il faisait allusion, Raï se reprit :
— Non, non ! Pas ce genre de magie, elle est bien trop commune pour m'intéresser. Le genre de compétence innée, ancestrale. Tu vois de quoi je parle, bien sûr ? N'est-ce pas ?
Evidemment. Elle ne pouvait ignorer le fond de sa réflexion. Son don de communication avec les animaux était ce qui la caractérisait le mieux. C'était ce qui la définissait. Elle avait grandi à travers ce don, appris qui elle était, s'était épanouie à grâce à la présence de tous ses amis, les seuls qu'elle n'ait jamais eu avant de rencontrer Athèlme - qui tournait toujours en rond dans sa cellule tel le fauve en cage qu'il était.
— Excellent ! Maintenant que j'ai toute ton attention, continua Raï, satisfait, je vais te demander de réfléchir un tant soit peu ; Du moins autant que cela te sera possible dans ta petite tête de bécasse ignorante. Comment, à ton avis, suis-je devenu le plus grand dompteur de lions d'argent de Brazla ? Hum ?
Malvina avait mal au crâne. Non qu'elle soit trop stupide pour raisonner, mais car ses déductions lui faisaient peur. Non, c'était impossible. Ce ne pouvait être ça... Mais quoi d'autre ? Quelles autres possibilités s'offraient à elle ? Comment pourrait-elle trouver une raison qui ne la liait pas à cette engeance démoniaque ?
— Mais c'est que tu cogites vite tout compte fait, ma petite. Alors ? Qu'est-ce que ça fait ? Tu pensais être d'une petite famille parfaite, n'est-ce pas ? Tu pensais être la fille unique des Pal'Ka, petite ignorante idéale, dans un monde idéal ! Eh bien ! Je suis navré de briser ton voile de mensonge ! Tu n'es pas fille unique. Tu es la sœur d'un monstre. D'un... comment as-tu dit déjà ? d'un être pathétique élevé par les rats ? Vraiment très imagé, je te félicite. Maintenant, je vais entrer dans ta cellule, et je vais te montrer ce que font les gens de mon « essence ».
L'homme grimaça à nouveau et brandit un petit trousseau de clé, le regard triomphant. Mais il n'eut pas le temps de faire tourner la serrure. Derrière lui, une explosion d'une violence inouïe résonna. Raï esquiva de justesse un barreau qui lui frôla le sommet du crâne et pris la fuite à la vue de la lionne enragée qui lui courrait dessus, tous crocs sortis. Il tenta, dans son escapade, d'enchanter Athèlme, mais son origine humaine le protégeait de tout ensorcèlement. Il s'enfonça dans les couloirs de la montagne et invoqua le soutien de tous les animaux ambiants. Des chauves-souris, des rats, des vers et même des scorpions sortirent de leur cachette pour se précipiter sur la lionne.
Raï pensa avoir gagné la bataille quand soudainement, non seulement le fauve regagne du terrain mais se trouvait à présent assister par le reste de la faune de Ninetïa.
Malvina, malgré le choc, senti en elle le pouvoir qui avait cours dans les souterrains. Dans une tentative de concentration absolue, elle appela à elle le monde animal, elle toucha leur âme, trouva refuge dans leur cœur. Elle vit, plus qu'elle ne ressentit, les liens néfastes qui contrôlaient les bêtes en chasse. Dans un effort démesuré, elle s'appliqua à trancher les filons maléfiques un par un et étendit sa bonté jusque dans les fibres de tous les êtres vivants qui l'entouraient. Elle ne savait pas s'ils l'écouteraient, mais au moins, Athèlme ne serait plus menacé. Une fois plus ou moins certaine d'être parvenu à canaliser les animaux en piste, elle rouvrit les yeux en quête d'une solution.
Elle se frotta les bras afin de regagner des forces, de reprendre pied avec la réalité, puis elle récupéra les clés qui avait échappées à Raï dans son sursaut, juste derrière les barreaux.
***
Luvac entendit résonner une explosion désastreuse du fond des cachots alors qu'il tentait vainement de trouver un plan pour s'infiltrer dans les geôles. Peu après, un festival de gardes armés dévala les escaliers le long de la montagne. Ils sortaient de toutes parts, hurlant à l'échappée des prisonniers, arme au poing. Ce chaos tombait à pic. Il en profita pour se glisser entre les rangs déchainés, se glissa vers l'escalier où avait disparu les élus et se fondit dans l'ombre pour rejoindre le couloir des prisons. Plus un bruit ne perçait l'obscurité. Le lieu n'était troublé que par une faible flamme qui ondulait sur un mur, juste assez vivante pour distinguer les portes des cellules. Un son de ferrailles résonna lorsque le gros pied maladroit de Luvac vint heurter une pièce éclatée au sol... Il réprima un juron. Que ce corps pouvait être lourd ! Des traces de brûlure apparaissaient le long des murs et il remarqua alors que le lieu était jonché de débris à moitié fondus. Quel genre d'explosion pouvait porter l'acier en fusion ? Luvac prit un instant pour reformer la scène dans son esprit et tenter de comprendre ce qui avait bien pu se passer. Le plus important était bien que Malvina avait su s'échapper. Athèlme également de toute évidence. Que ferait-il s'il était enfermé et qu'il se retrouvait libre par un coup de théâtre ?
Dans sa profonde réflexion, un scintillement vint titiller sa vision. La flamme de la torche se reflétait faiblement dans le pommeau métallique d'une petite cravache laissée à l'abandon sur un plan de travail. Mais bien sûr ! Les chevaux ! Sans perdre de temps, il se précipita au-dehors des geôles à la recherche du moindre indice sur sa destination.
***
Malvina, sans perdre de temps, fit appel à son lien avec Gaïa. Sa jument lui avait été enlevée lors de leur arrestation et il était capital qu'elle la retrouve au plus vite. La détresse de l'animal était telle qu'elle emplissait son âme et il lui était impossible de la calmer. Suivant le fil de sa connexion, Malvina dévalait les escaliers, se faufilait entre deux portes pour échapper aux gardes et reprenait sa course folle sans s'arrêter. Plus d'une fois, elle crut bien qu'elle serait renvoyée dans les prisons macabres de Ninetïa. Un garde entrouvrit une porte derrière laquelle elle s'était cachée. Il l'avait entendu, elle en était sûre. Mais un bruit retentit dans l'édifice et un nain avait rappelé son collègue qui, sans attendre, avait refermé la porte et fait demi-tour. Jamais elle n'avait ressenti un tel soulagement ! Plusieurs fois, le ciel lui offrit ses faveurs et éloigna les ennemis de son chemin. Les écuries perçait au loin et les hennissements désespérés de Gaïa redoublèrent d'intensité lorsque la jument ressenti la présence de sa bien-aimée compagne. Malvina lâcha toutes formes de précautions et courues alors aux écuries, n'écoutant plus que son instinct. Une horde de nains déboula alors juste derrière elle. Elle se retourna vivement, prise au piège. Dans une tentative qui relevait plus du désespoir que de la raison, Malvina convoqua les éléments dans toutes leur puissance. Elle appela en elle l'air, elle laissa le vent souffler dans ses veines jusqu'à prendre possession de son être. Elle invita la terre à la pénétrer jusque dans l'âme et ouvrit son esprit aux racines du monde. La montagne répondit à son appel, son cœur devint roche. Les éléments, qui grondaient en elle, se battaient pour ressortir, rugissaient leur volonté de se déchaîner. Malvina entra dans le duel intérieur et enchaîna à sa volonté les puissances qui vibraient en rythme avec l'univers. Elle ne savait plus ce qu'elle faisait, qui elle était, ce qu'elle était. Elle était le vent, elle était le ciel, elle était la pierre...
Au loin, Luvac arriva vers les écuries, juste à temps pour voir sortir les nains derrière Malvina. Il s'apprêtait à lui venir en aide, au risque de ruiner sa couverture, quand il la vit tourner. Les yeux noisette et pétillants qu'il connaissait virèrent à l'orage. Les cheveux de Malvina s'assombrirent et les reflets d'or s'effacèrent sous les assauts d'un gris anthracite. Même la peau de la jeune femme sembla se tinter d'une couleur verdoyante, étincelante. Sans prévenir, un vent indomptable se leva, la terre trembla, les éléments jaillirent comme une seule entité et formèrent ensemble des tornades de roches alors que les pans de la montagne s'arrachaient pour rejoindre la valse mortelle qui s'animait au pied du royaume. Le ciel, pour le peu qui dépassait du massif, se voila aux yeux de la terre et un chaos divin sembla s'emparer de la ville. Luvac s'abrita sous une arche de pierre qui tremblait, et observa les nains détaler face à la démonstration de puissance de l'élue. Jamais il n'avait été aussi convaincu de l'importance de la jeune fille. Il cherchait le pouvoir depuis sa naissance et jamais il n'avait soupçonné depuis bientôt une année que la plus grande source qu'il lui eut été donnée de rencontrer, se trouvait juste sous ses yeux depuis tout ce temps. Les craquements de la pierre, juste au-dessus de sa tête, achevèrent sa réflexion brutalement et il bondit d'un pas leste pour esquiver l'effondrement de l'arche. Le mur s'effondra dans un nuage de poussière et il dut se protéger le visage pour ne pas devenir complètement aveugle. Lorsqu'il releva le bout de son nez, plus aucun nain n'apparaissait dans le décor et pourtant, la jeune femme continuait de régner entre les éléments. Elle livrait une danse funèbre entre les tornades de pierres et les crevasses qui s'ouvraient sous ses pieds, sans se soucier un tant soit peu de ce qui l'entourait.
— Malvina ! hurla-t-il à plein poumon. Malvina ! Arrête !
Sa voix fut soufflée tel un fétu de paille avant même d'avoir franchi ses lèvres. Jusqu'où irait-elle dans sa destruction ? Son inconscient semblait avoir épargné, malgré tout, les écuries, mais pour combien de temps ? Les chevaux piaffaient, terrorisés, tandis qu'ils battaient leur boxe pour s'échapper. Luvac tentait de s'approcher. Il résistait tant qu'il pouvait à l'aspiration des vents qui hurlaient autour de lui, usant des dernières ressources de sa magie.
Soudain, tout s'arrêta comme si rien ne s'était jamais produit. Les prunelles de Malvina regagnèrent leur douceur, quoique légèrement voilée par une fatigue saisissante, ses cheveux retrouvèrent leur dorure chatoyante et sa peau cessa de vibrer sous les assauts de la nature. Les hurlements du vent cessèrent et les failles se figèrent. Déboussolée, Malvina s'empara de Gaïa et de Mirage, enfourcha sa jument dans une voltige aérienne et s'éclipsa sous le regard ahuri de Luvac, lui aussi épuisé d'avoir du exploiter outre mesure son énergie.
La jeune fille fila vers l'armurerie, lâcha les montures en incitant Gaïa à l'attendre et disparu dans l'édifice. Elle fit éclater les portes en copeaux sans savoir comment maitriser sa puissance. A force de gaspiller son énergie plus que de raison elle allait finir par en manquer... La terre grondait encore légèrement en elle et répondait à chacune des pressions qu'elle lui appliquait. Elle aperçut finalement dans le coin d'une pièce la délicate courbe de son arc et le reflet brillant de la pierre écarlate, chargée de sa magie. Elle allait faire demi-tour, enfin armée, quand de nouveau, des nains surgirent pour lui barrer la route. Elle encocha sans réfléchir une flèche qu'elle chargea d'énergie et la laissa filer dans une course meurtrière jusque dans le « tas » de nains engoncés devant la porte éclatée. La flèche les percuta, une explosion violente répondit à l'impact, mais aucun ne sembla ni blesser, ni même bouger. Leur armure venait d'absorber toute l'énergie du projectile et ils s'avancèrent, un sourire carnassier aux lèvres. Malvina recula, à bout de force. Elle savait qu'elle serait à nouveau capturée, et cette fois, ses ravisseurs ne feraient pas l'erreur de la sous-estimer. Elle allait se rendre, quand une onde de choc parcouru le sol rocheux de l'armurerie, et que les nains volèrent devant ses yeux, le regard ahuri, criant leur étonnement. Ce n'était pas la première fois que les dieux lui ouvraient la voix aujourd'hui. Elle ne prit pas le temps de réfléchir à la situation et se précipita vers les chevaux, prête à prendre la fuite, pour de bon cette fois.
Malvina sauta sur Gaïa, saisit la longe de Mirage et tous les trois prirent s'échappèrent dans la montagne, droit sur le Pic de la Destinée. Malvina sentit rebondir contre sa poitrine l'amulette que Moïe lui avait offerte et pria pour qu'elle lui permette de contacter Athèlme, dont l'absence lui faisait naitre une angoisse grandissante. Une armée de nain en jupe de cuir, rugissant des insultes incompréhensibles, se tassait derrière elle, tandis qu'en tête de ligne se trouvaient les cavaliers sur leur étrange monture. Les bêtes étaient rapides, malgré leur apparence, mais pas autant que les chevaux creïs dont les héros avaient hérités. Malvina transmis une dernière requête à Gaïa qui, immédiatement, allongea la foulée et ils disparurent parmi les sentiers labyrinthiques du massif des Terres Désolées.
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