Chapitre 10 - Mystère d'une vie [Réécriture]

-3 ans avant ADLP- (saison des brumes)

Luvac savourait cette première victoire dans son plan finement mit à exécution. L'occasion parfaite de pouvoir se montrer digne de confiance venait de se présenter à lui, sur un plateau d'argent. Chose, bien que déplorable et à son sens inutile, venait de lui faire profiter d'une aubaine inestimable. Le Prisme avait libéré le lion, sans même le concerter. Les membres ont conspiré et échafaudé de sombres plans, sans prendre son avis ni ses conseils. Dommage pour eux, ils auraient été précieux. Luvac dut retenir un sourire, se sachant épier de toutes parts, rien d'anormal pour une nouvelle recrue. Le lion avait été libéré, deux fois, et cela n'avait servi à rien. Luvac réajusta sa position sur son cheval pommelé, redressa le dos et observa les terres qui l'entouraient comme s'ils étaient siennes. Les échecs des uns faisaient dorénavant la réussite des autres. Autrement dit, la sienne.

Luvac suivait le groupe avec discrétion, gardant une légère distance entre lui et son nouveau supérieur. Ainsi, il pouvait réfléchir à un moyen de rejoindre le Prisme rapidement afin de leur faire part de ses découvertes. Et d'une pierre, deux coups ; Il avait eu le temps de comprendre Malvina. Sa petite âme fragile et charitable allait s'éveiller sous peu. La jeune fille ne saurait supporter longtemps qu'un des leurs soit laissé en retrait. Elle ne pouvait s'empêcher de porter secours à toutes âmes vivantes, qu'elle soit dans le besoin ou non.

Gagné ! Elle ne tarda pas un instant de plus avant de lui donner raison :

— Luvac ! Que faites-vous donc ainsi en retrait ? N'avez-vous pas entendu que nous étions pressés ?

— Je préfère conserver ma place de jeune recrue Ma Dame. Le général Athèlme ne doit rien avoir à me reprocher si je veux pouvoir racheter mes dettes auprès de notre roi.

Comme surprise, Malvina écarquilla encore plus ses yeux suite à cette déclaration, analysant cette réponse sous tous les angles.

— Je comprends, mais vous devez savoir que votre place n'est points à l'arrière de la sorte. En cas d'attaque vous seriez soit trop loin pour nous être utile, ou dans le cas inverse, en danger car trop éloigné.

Etirant ses lèvres parfaites en un sourire faussement attendrit, Luvac joua de tous ses atouts physiques. Comme elle était mignonne de lui apprendre ses quelques faibles notions de combat, cette petite chose. En même temps que son esprit se félicitait pour sa pertinence, son cœur se serrait sous les assauts de ses pensées malhonnêtes. Malvina était là, elle le fixait de ses prunelles éclatantes de bonté, ses lèvres roses étirées dans un sourire bienveillant. Un frisson le parcouru, son sang sembla changer de température et son cœur s'adoucit, comme purifié par cette simple présence.

— Et vous alors ? Comment êtes-vous arrivé à la tête d'une force spécialement dédiée à la cavalerie ? l'interrogea-t-il presque sincèrement.

— C'est une longue histoire, mais parlons plutôt de vous messire. Nous ne savons que peu de chose sur Luvac, fils des terres de Brazla...

Le jeune homme observa longuement Malvina. Pétillante, envoutante, mais sa voix était faussement assurée et elle et prêtait bien trop d'attentions à sa posture. Il le savait, l'affaire était déjà dans le sac ! A nouveau son cœur bondit sous l'assaut du mal qu'il pouvait dire de la jeune femme. La douceur et la beauté simple qui émanait d'elle lui sauta au visage, seule certitude en ce monde, seule vérité universelle. Son âme semblait se rappeler à lui dès que ses yeux irisés croisaient ceux de cette femme si particulière. A nouveau il se sentit basculer dans ses pensées, et c'est une voix cristalline qui le rappela à lui.

— Messire Luvac ? N'avez-vous donc rien à nous apprendre sur vos origines ?

— C'est une bien longue histoire également, mais accompagnez-moi et je vous en conterai l'essentiel, assura-t-il d'une voix suave.

Trop curieuse pour refuser cette offre alléchante, Malvina accepta derechef. Elle donna une petite impulsion à Galia qui dans un léger piaffement, réagit immédiatement en venant se placer pile à côté de son camarade à la robe grise tachetée. Sincèrement amusé par cet empressement soudain, le jeune lieutenant observa encore un instant sa belle compagne de voyage, et ne consentit à commencer son récit que sous son regard très insistant.

— J'ai grandi en arpentant les terres de Brazla. Je n'ai ni père ni mère et je n'ai aucune idée de qui ils sont. J'ai appris à vagabonder en évitant les dangers grâces aux divers animaux que j'ai pu croiser.

— C'est terrible... Mais, personne n'a donc pu vous recueillir ? s'inquiéta Malvina.

— A vrai dire, je me suis caché des humains pratiquement toute ma vie, sans vraiment savoir pourquoi. J'ai d'abord grandit dans les forêts de Flendïa, en bordure de la frontière d'Imalt, là où aucun des nôtres ne se seraient approchés. Plus tard, avide de connaître ce que me réservaient encore ces terres, j'ai pris la route sans trop savoir où j'allais. C'est dans les plaines de Creïka que je rencontrai pour la première fois un homme.

Malvina l'observait, et alors que le conteur gardait une petite pause attisant sa curiosité, elle ne lui fit toutefois pas le plaisir de l'interrompre. Voyant que de toute évidence elle resterait muette, il reprit :

— C'était un homme très grand, son visage était camouflé par une épaisse barbe et il montait un étrange animal. Vous aurez deviné que je rencontrais donc également le premier cheval. D'abord pris de panique, j'ai tenté de m'enfuir, mais c'est d'un geste habile que le géant m'attrapa par un bras, sans violence, sans haine, mais avec une fermeté qui ne trouverait d'égale que dans les matériaux les plus lourds. Je n'étais alors pas plus âgé que vous lors de votre première visite au château de Sora. L'homme me recueilli, m'acceptant comme son propre fils. Je vécu dans sa tribu pratiquement toute ma vie durant. Il me nourrit, m'instruit, m'appris à parler, à moi le petit enfant sauvage, et fit de moi ce que je suis actuellement. Ce n'est qu'il y a peu que ce dernier passa de vie à trépas, à mon plus grand regret. Cet homme était tout ce qui se rapprochait le plus d'un père pour moi. Depuis je suis repartis arpenter mes terres, et mes pas me guidèrent jusqu'à Sora.

Il se reteint de rajouter « jusqu'à vous » ne sachant si cela répondait à ses plans ou à ses sentiments. Malvina ne parlait toujours pas. Elle absorbait ses paroles et semblait essayer de les comprendre, de les ressentir.

— Voilà une histoire bien originale... La vie s'est chargée de vous endurcir avant l'heure il me semble.

— Nous pouvons le voir ainsi, mais ma liberté est en réalité un véritable cadeau des cieux. Je ne l'ai jamais vu autrement. La vie m'a appris à obtenir mes objectifs seuls. Nous vivons seuls Malvina, ne vous leurrez jamais. Les gens qui nous entourent ne sont que des âmes errantes, seules également, persuadées de valoir quelque chose à travers le regard de leurs semblables. Mais la vérité, c'est que ces âmes mourront seules également. Les dieux ont décidé la vie ainsi. Et c'est la plus grande liberté qu'ils pouvaient nous offrir.

C'est dans le silence que la marche continua. Loin d'être un silence pesant, il s'agissait plutôt d'un temps d'adaptation. Luvac souriait, pas peu fier de la tournure qu'il avait donnée à son récit. Sans que ce ne soit un mensonge, il avait évidemment omis d'émettre quelques informations... Mais l'heure n'était pas venue d'accélérer ses plans. Une bonne stratégie prenait sa force et ses racines dans le temps et la patience.

Malvina continuait de cogiter à ce que Luvac venait de lui révéler. Jamais elle n'aurait imaginé que sa vie puisse être aussi palpitante et son âme si torturée. Elle se sentait honteuse de l'avoir jugé si précipitamment. Cela semblait évident maintenant, que sans l'amour d'une mère et d'un père, il ne puisse connaître les principaux codes de la société et de l'affection. Cela expliquait aussi pourquoi il pouvait se montrer si étrange parfois, et c'était sans compter que les cavaliers Creïs n'étaient pas réputés pour leur tendresse. Mais elle n'avait toujours pas d'explication pour cet étrange aura dorée qui l'entourait en permanence. Alors qu'elle redéposa ses yeux sur le large dos du jeune homme, caressé par de longs cheveux ailes de corbeaux, elle ne put que sentir son cœur se serrer dans sa poitrine. Elle voulait le protéger à présent, lui dire qu'il avait trouvé un foyer, une famille. La voix d'Athèlme la sortit de ses pensées moroses.

— Nous allons faire halte pour la nuit ici ! s'écria-t-il, resté au-devant avec le roi.

Leur petit groupe s'arrêta comme un seul homme et tout le monde mit pied à terre. Luvac était de corvée et devait se charger de monter leur campement de fortune, tandis qu'un des hommes se chargeaient de leur préparer de quoi se remplir le ventre. Athèlme quant à lui, profita que tout le monde soit occupé pour se rapprocher de Moïe.

— As-tu découvert quelque chose concernant cette pierre que je t'ai apportée ?

Apparemment secoué par cette question directe, le mage tourna vers son élève un regard étonné. Ses yeux de cristal brillaient, éclairés par les flammes qui dansaient dans ses iris.

— Pas encore Athèlme, mais comme je t'ai dit, je doute trouver quoi que ce soit en elle.

— Si tel est le cas, j'aimerais la récupérer. J'ai promis à mon oncle que je lui rapporterai un souvenir de mon premier voyage. Bien qu'inutile, cette pierre n'en est pas moins agréable à regarder, annonça-t-il d'un air innocent, dans un haussement d'épaule.

Moïe opina du chef en signe d'approbation, mais Athèlme aurais juré voir un pincement imperceptible au coin de ses lèvres. Il connaissait son professeur par cœur, et ce signe témoignait d'une forte perturbation chez ce demi-elfe de nature impassible. Content de lui, Athèlme repartit à ses occupations d'un air entendu. Voilà une excuse que Moïe ne saurait contrer sans explication !

Sur le feu, un doux fumet de ragout commençait à se propager et les ventres affamés ne tardèrent pas se regrouper autour du cuisinier. Luvac et Malvina était resté ensemble une bonne partie de la journée, surveillé de près par Athèlme. Chacun s'installa autour du brasier réconfortant et les bavardages commencèrent. Le roi se mêlait aux conversations avec joie, cachant à ses sujets son inquiétude sur les évènements à venir. Le roi Dal'Aqual, bien que grand seigneur doté d'un fort esprit de justice, n'en était pas moins réputé pour son sang chaud et ses sautes d'humeur. Qu'un régiment entier arrive à ses portes sans avertissements préalables risquaient fortement de compromettre leur relation diplomatique au plus haut point. En tant que roi de Sora, il devait trouver une façon de faire entendre raison au dirigeant mérolt.

— Ma Dame, ma lame est ferme et vive. Je saurai vous le prouver.

La phrase avait fusée, comme par hasard dans un vide sidéral. Un instant de silence qui ne laissait place à aucun doute sur sa prononciation et sa bonne entente. Les regards se tournèrent, Athèlme devint cramoisi, Malvina observa l'assemblée d'un air gêné.

— Je crois bien que sortie de son contexte, l'expression de Messire Luvac puisse être mal perçue, mais il n'en ait rien. Il a simplement hâte de se battre pour son royaume, murmura Malvina, la voix tremblante.

— Je n'en doute pas une seconde Mina. Luvac, levez-vous je vous prie.

Des amusements étouffés résonnaient ci et là, tandis qu'Athèlme se tenait debout, le dos droit, les yeux fulminants d'une rage indescriptible. Il fut rapidement rejoins par sa recrue qui, quant à elle, semblait apprécier la situation. Un sourire en coin menaçait de se transformer en éclat de rire et son regard pétillait de malice.

— Mon général ?

— Ainsi, votre lame est ferme et vive. Si vous avez tant hâte de le prouver, je vous invite à faire vos preuves ici et maintenant. En garde !

Athèlme s'était éloigné de quelque pas du campement et faisait face à Luvac en position de combat. Ce dernier s'empara alors de sa propre épée sans montrer signe d'hésitation et rejoignit son capitaine, la tête haute.

— Est-ce un entrainement nocturne, mon général ? demanda Luvac d'un ton mielleux en prenant position.

Athèlme ne prit pas la peine de répondre. Il entama le premier pas, annonçant le début du duel. Moïe et Sar Ier ne bougeaient pas, observant l'affrontement avec fascination. Les deux hommes dégageaient une telle puissance qu'ils étaient semblables à deux rocs inébranlables.

En réponse aux déplacements d'Athèlme, Luvac reproduisait ses pas fidèlement. Ils se jaugeaient du regard dans une ambiance électrique qui fit lever les yeux au ciel à Malvina. Son frère ne cesserait jamais de jouer les coqs devant elle...

Le combat s'engagea. Une fente parfaitement réussie chez Luvac qui surprit le général. Esquive. Une roulade, un bond et un coup d'estoque de la part d'Athèlme, suivit d'un pas en arrière pour Luvac. Les combattants se tournèrent autour, les pieds volèrent. Une faille, qui n'en était pas une. Une feinte. Luvac riposta, il effectua un moulinet vif et rapide de son poignet, Athèlme lâcha son épée, roula, la récupéra. Un pied le cueillit en balayette. L'air s'électrifia, sa force s'amplifia, comme Moïe lui avait enseigné. Une estafilade se dessina sur le vêtement de Luvac, une roulade et Athèlme fut derrière. Dans un mouvement habile, il lui fit perdre l'équilibre. Luvac était à terre, sa gorge goutant de trop près le tranchant de l'acier.

Un sourire victorieux illumina le visage du général qui rengaina son arme et tendit la main vers son adversaire, sous les applaudissements de son public. Une main que Luvac saisit pour se redresser avec un regard complice vers Malvina. Avait-elle bien vu un clin d'œil ?

— Très beau duel Luvac. Nous nous réjouissons tous que vous démontriez la fermeté de votre lame et sa vivacité, en espérant que ce ne soit pas réservé qu'à notre demoiselle ici présente.

Athèlmeserra l'épaule de Luvac comme le voulait la tradition et repartit s'assoir avecses hommes. Il ne fit pas attention au regard accusateur que la jeune femmevenait de poser sur lui, ni à l'expression triomphante de Luvac qui avaitrejoint sa belle avec fierté. Jamais il ne se doutera que ce duel était perdud'avance. Pour lui. 

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