11. Le poids du regard
Contrairement à ses craintes initiales, Jiahao s'intègre rapidement parmi les étudiants en droit. Au lycée, il ne s'était jamais trop fait d'amis car il n'en voyait pas l'intérêt et prenait la majorité de ses camarades pour des idiots finis. Cela ne signifie pas qu'il ne pense pas la même chose de la plupart des personnes qu'il côtoie à la fac, mais leur stupidité endosse une autre forme, plus arrogante et compétitive, qu'il accepte plus facilement car elle signifie qu'il se rapproche de son objectif final.
Il n'avait pas prévu de traîner avec Noam et ses amis. En réalité, quand ce dernier l'a interpellé la première fois, il s'est dit qu'il allait manger avec lui pour lui faire plaisir et pour qu'il lui foute ensuite la paix. Mais le jeune homme ne s'est pas dégonflé. Chaque fois qu'ils ont un cour en commun, il l'attend devant la salle, tout fier et guilleret dans ses chemises repassées à la perfection et ses pantalons faits sur mesure. Il le salue systématiquement d'une tape sur l'épaule en lui offrant l'un de ses sourires qui étirent tellement ses lèvres fines qu'ils les font presque disparaître.
Pendant plusieurs semaines, Jiahao s'est demandé si le gars ne cherchait pas simplement à se faire sauter. Il n'avait encore jamais côtoyé d'autres hommes attirés par la gente masculine, mais à force de traîner avec Noam et ses amis, il a fini par comprendre que le groupe avait une sexualité débridée, loin des convenances et des interdits qu'on lui rabâche à la cité. Et honnêtement, cela lui plait. Sauf qu'il n'a aucune envie de sauter Noam.
C'est au bout de trois mois qu'il a fini par accepter le fait que ce dernier ne cherchait aucunement à l'attirer dans ses bras. En réalité, il ne l'aurait jamais deviné si son camarade ne l'avait pas un jour invité à boire un coup chez lui. A l'instant-même où il a mis les pieds dans cet immense appartement aux murs immaculés qui s'étirent jusqu'à un plafond rehaussé de moulures, à la décoration plus sobre qu'une chambre d'hôpital, au dressing rempli de vêtements identiques et au bureau agencé comme une pub pour les grandes écoles, il a compris que ce gars qui s'efforce constamment de maintenir les bonnes apparences est complètement vide à l'intérieur.
Cela s'est confirmé lorsqu'il a dû l'accompagner déposer des cartons chez ses parents. Leur immense villa en bord de mer était en réalité un temple à la gloire de l'enfant prodige dont le visage angélique était figé sur des centaines de photographies. Ce jour-là, Jiahao a senti un frisson dévaler sa colonne lorsqu'il a remarqué que partout où il tournait son regard, ce dernier s'accrochait à celui du gamin blondinet qui forçait un sourire sur tous les murs de la maison. D'une oreille distraite, il a écouté la mère dudit garçon en parler avec extase et émerveillement, brouillant les limites entre le gosse qu'il était et l'adulte qu'il devenait, comme s'il n'y avait eu aucune évolution entre les deux, comme si l'enfant sur les photos n'était qu'une entité dénuée de libre-arbitre, modelée dès sa naissance pour être ce que ses parents voulaient bien qu'il soit. Une sorte de pantin à l'effigie de la réussite familiale. Un être humain vidé de sa « substantifique moelle ».
Alors quand ils sont enfin sortis de ce mausolée doré et que Noam a tourné vers lui ses petits yeux bleus ternis par leur voyage, c'est Jiahao qui lui a tapé l'épaule. Et depuis, sa méfiance à l'égard de son désormais nouvel ami s'est envolée.
Maintenant, quand il a un trou dans son emploi du temps, il ne cherche pas à fuir immédiatement l'enceinte de la fac ou à se réfugier dans les tréfonds de la bibliothèque universitaire. Il prend le temps de se faire un café serré, en fait couler un long et dégueulasse pour Noam puis va attendre ce dernier devant sa salle. Ensemble, ils vont se poser dans le parc du campus où les rejoignent Bastien, Marie et Maya.
La première fois que Jiahao aperçoit cette dernière, il sent que quelque chose cloche dans son apparence. Ce n'est pas grand-chose, des petits détails ; la ligne trop carrée de sa mâchoire, la couche épaisse de fond de teint qui recouvre son visage mais laisse cependant entrevoir l'ombre d'une pilosité qu'on s'acharne à retirer, ses avant-bras anormalement musclés, sa voix rocailleuse, comme si elle avait trop fumé ou souffrait d'une maladie pulmonaire.
— Vas-y, dis-le c'qui traverse ton esprit, l'enjoint-elle une après-midi alors que le groupe est étendu dans l'herbe au soleil.
Jiahao prend le temps de se redresser sur les coudes avant de répondre.
— T'es un gars ? demande-t-il finalement en la sondant du regard.
Autour de lui, Noam s'étouffe en buvant son soda tandis que Marie laisse échapper un éclat de rire gêné.
Seule Maya ne réagit pas brusquement, se contentant de le fixer de ses grands yeux bruns aux cils aussi longs que ceux de Zyad. La brise fait voleter ses longs cheveux blonds autour de son visage maquillé avec précision. Elle n'est pas jolie à proprement parler, mais quelque chose dans son regard sombre et dans l'insolence de son menton ne laisse pas indifférent.
— Avant, ouais, répond-elle en arrangeant les plis de sa jupe. Mais ça m'a soûlé quand j'avais douze ans alors j'ai décidé de changer de camp.
Jiahao aperçoit du coin de l'œil le rictus amusé de Bastien dont la tête est posée sur les cuisses de Maya.
— OK, acquiesce-t-il avant de s'allumer une clope.
Il ne réalise pas immédiatement que tout le groupe le fixe avec des expressions allant de l'amusement à l'incrédulité la plus totale.
— T'as le droit d'être plus intrusif, hein, précise Maya qui s'est mise à caresser les cheveux de Bastien.
— Je sais pas quoi te dire.
— T'es pas surpris ?
— Je m'en doutais.
— Y a des gens comme ça en cité ?
— Non. Enfin je crois pas.
Noam roule sur le flanc et sonde son ami de ses yeux clairs.
— Qu'est-ce qui peut donc choquer cet homme aussi froid ? fait-il semblant de réfléchir en se tapotant le menton.
Jiahao hausse les épaules avant de reporter son regard sur Maya et Bastien.
— Tes parents, ils ont rien dit ? s'enquiert-il plus par curiosité que par réel intérêt.
— Au début, ils n'ont pas trop compris. Mais j'ai des parents cool, ils m'ont vite soutenue.
— Du coup t'as plus de queue ?
Cette fois, Noam et Bastien partent dans un réel fou rire tandis que Marie cherche à dissimuler le sien, trop embarrassée pour savoir comment réagir.
— Si, j'en ai une, sourit mystérieusement Maya.
Jiahao fronce les sourcils.
— Du coup t'es gay ? lance-t-il à Bastien qu'il a vu embrasser Maya un nombre incalculable de fois.
— Non, sourit à son tour ce dernier. C'est plus subtil que ça.
— Je capte rien, grommelle le jeune Chinois en tirant sur sa clope. Tout ça, c'est trop compliqué.
— Ça l'est pas, le contredit calmement Noam. Et t'as clairement été maladroit en posant ta question, y a des gens qui l'auraient très mal pris.
— Tout le monde n'a pas la chance que j'ai, précise Maya. Mes parents m'ont toujours soutenue moralement et financièrement, j'ai pu faire les chirurgies que je voulais et je sais que je pourrai faire les suivantes si je le souhaite. Je suis bien entourée et j'ai jamais trop rencontré de problème donc je suis à l'aise avec le fait d'en parler et de faire des blagues. Mais mon pauvre, toute ta culture LGBT est à faire ! Si tu parles comme ça à n'importe qui, tu vas te faire casser la gueule.
Jiahao s'empêche de rétorquer que pour lui casser la gueule, il en faut bien plus que cela. Il est conscient d'avoir été à la limite de l'irrespect mais ne comprend pas encore entièrement pourquoi.
— Faut vraiment que tu sortes avec nous le soir, continue Maya en étirant ses lèvres glossées. Faut que t'ouvres ton esprit, que tu rencontres d'autres personnes comme moi, que tu vois comment on fait la fête et de quoi on est capable.
Immédiatement, le visage de Zyad se matérialise dans son esprit et il songe avec amusement à la tête qu'il ferait s'il le voyait écumer les bars avec ses amis.
— Et puis, tu te choperas peut-être un p'tit gars ? tente Maya en le transperçant du regard.
Le sujet de sa sexualité n'a jamais été abordé dans le groupe. Parce qu'il traîne avec eux et n'a jamais tiqué en entendant leurs histoires de cul, ses amis en ont déduit qu'il ne devait pas être entièrement hétéro, mais leur curiosité à ce propos n'a jamais décru. Tous conviennent que Jiahao est un bel homme, un très bel homme même, grand, musclé, intimidant à bien des égards mais incroyablement charismatique. Pourtant, ils ne lui connaissent aucune histoire d'amour.
— J'ai déjà quelqu'un, se contente de répondre le concerné en haussant les épaules.
Et ce jour-ci, personne n'en saura plus.
***
Ce soir de juin 2010, Zyad est venu attendre Jiahao à la sortie des cours. Généralement, il ne fait jamais ça : peur d'être reconnu par de potentiels acheteurs, honte de se présenter tel qu'il est devant la façade rutilante de l'établissement, inquiétude de voir son meilleur ami évoluer dans une sphère trop éloignée de la sienne, jalousie de le voir si bien réussir quand lui ne fait que sombrer, colère envers tous ces étudiants dont les parents ont porté au pouvoir ce gouvernement qui le méprise tant, crainte de reporter tout cela sur le dos de Jiahao.
Pourtant, ce soir-là, il décide de laisser tout ça sur le côté et de récupérer son ami devant la fac. Ces derniers jours, il s'est fait suffisamment d'argent pour pouvoir sortir la tête de l'eau et il souhaiterait fêter cela avec son âme-sœur. Il a prévu de l'emmener dans un restaurant sur le port, un pas très cher mais quand même bien mieux que les kebabs dans lesquels ils traînent habituellement. Pour l'occasion, il a quitté son survêtement pour un jean qui était à son père, ridiculement usé au niveau des genoux. Mais il n'avait rien d'autre. Le sweat, il l'a trouvé dans les vieilles affaires d'Abdenour.
Quand il aperçoit son ami en haut des escaliers qui descendent vers la place du palais de justice, son cœur bondit dans sa poitrine. Assis en retrait sur le rebord d'une fontaine, il observe l'aisance naturelle avec laquelle Jiahao évolue parmi les étudiants, sa démarche assurée et son port de tête altier, le sourire amusé qui illumine son visage pâle, le pantalon en lin trop grand qu'il a marchandé pendant des jours et qu'il cintre fortement à sa taille, ses vieilles chaussures en cuir que Zyad a réparées trois jours auparavant, sa beauté, époustouflante, qui le ravit à chaque fois.
Il observe tout cela et songe un instant à repartir sans se faire voir. Après tout, il a l'air si heureux, si épanoui... Peut-être vaut-il mieux qu'il le laisse passer la soirée avec ses nouveaux amis.
Pourtant, à l'instant même où il se fait cette réflexion, son regard croise celui de Jiahao. En une fraction de seconde, un frisson agite ses épaules tandis que les yeux plus noirs que la nuit se verrouillent aux siens, comme s'ils avaient ressenti sa présence avant même de l'apercevoir. De là où il est, Zyad voit le visage de son ami s'illuminer et il ne peut empêcher une vague de soulagement de déferler en lui en constatant qu'il est encore celui qui crée un tel effet chez son amant.
Ce dernier salue rapidement trois personnes à ses côtés avant de dévaler les marches pour se précipiter vers Zyad qui ne pense même pas à le retenir lorsqu'il le prend dans ses bras.
— Sois plus discret, grogne-t-il, le visage enfoncé dans le cou de son ami.
— On s'en branle, personne nous voit, personne nous connaît.
Ce n'est pas entièrement vrai. Postés en haut de l'escalier, Noam, Bastien et Maya dévisagent le couple avec de grands yeux curieux, avides de discerner les traits de celui qui a ravi le cœur de leur ami. Mais la distance qui les sépare est trop grande. Ils ne comprennent même pas comment Jiahao a pu le repérer.
— Qu'est-ce que tu fais là ? s'enquiert ce dernier en se retenant de ravir les lèvres de son partenaire.
— Je t'invite au resto, bébé, répond Zyad en exagérant son accent aux intonations sudistes.
Le concerné lui décoche un sourire incrédule.
— Sérieux ?
— Sérieux. Tu vois pas comme j'suis bien habillé ?
Pour faire rire son ami et pour dissiper la gêne qui continue de l'envelopper, il fait un tour sur lui-même en écartant les bras, révélant les pans trop grands de son sweat et la ceinture éliminée qui maintient son jean autour de sa taille.
Ému comme il n'aurait pas cru l'être en voyant l'homme qu'il aime se présenter à lui avec un rictus embarrassé, Jiahao le reprend dans ses bras et en profite pour déposer un baiser discret dans le creux de son cou.
— T'es magnifique, ya omri.
Zyad manque de rougir et le repousse d'un geste brusque.
— Eh ça suffit ton comportement de canard là, tu deviens un vrai babtou* à force de traîner avec eux, grommelle-t-il pour dissimuler sa gêne.
Loin de s'offusquer, Jiahao lui offre un immense sourire avant d'enrouler un bras autour de ses épaules et de le tirer en direction du port.
— Et que me vaut cet honneur ? demande-t-il pour faire diversion.
— J'avais envie, élude Zyad en évitant son regard. On se voit moins souvent en ce moment.
Les deux amis marchent en silence quelques secondes avant que Jiahao ne reprenne la parole.
— J'suis désolé... J'ai beaucoup de taf avec la fac, mais si tu veux, je peux...
— C'était pas un reproche, le coupe son ami. Je sais que tu fais de ton mieux, j'suis fier de toi, tu sais ?
Le concerné sourit pour s'empêcher de déposer à nouveau ses lèvres dans le cou de son partenaire, là où ses boucles ébènes tombent délicatement.
— Au fait, c'était qui les trois guignols avec toi dans l'escalier ? reprend Zyad d'un ton qu'il s'efforce de rendre détaché.
— Des potes à moi. On va en cours ensemble, ils sont sympas. J'pourrai te les présenter à l'occas' si tu veux.
— Pas de fou.
Jiahao lui lance un regard en coin puis l'attire un peu plus contre lui.
— Tu restes mon préféré, hein ! le taquine-t-il juste pour le plaisir de le mettre mal à l'aise.
— Aargh mais arrête avec ça wAllah, tu commences à saoûler.
Le rire du jeune Chinois s'envole vers le ciel tandis que les deux amis atteignent enfin le fameux restaurant dont l'enseigne clignotante miroite dans l'eau du port. La serveuse les accompagne à une table offrant une vue magnifique sur les bateaux avant de leur laisser un peu de temps pour choisir ce qu'ils souhaitent manger.
— Putain, elle est sacrément bonne, lâche Zyad en la suivant du regard tandis qu'elle slalome entre les tables pour atteindre d'autres clients.
Un regard noir le fusille instantanément mais il ne fait qu'adresser un sourire moqueur à son propriétaire qui broie la carte entre ses mains.
— Ça te fait rire ? aboie ce dernier d'une voix qui en aurait fait frissonner plus d'un.
Zyad hausse les épaules avant d'appuyer nonchalamment son dos contre le dossier de sa chaise.
— Ça va, j'plaisante. T'es pas d'accord ?
— Non, répond le jeune avocat d'un ton catégorique.
Sur ces mots, il replonge le nez dans la carte en grinçant des dents, laissant les grands yeux cannelles de son ami le scruter en silence. Parce qu'en réalité, Zyad est à deux doigts de pousser la provocation plus loin. Sans qu'il ne sache pourquoi, son inconfort est revenu à grands pas et il ne sait plus comment réagir face à cet homme qu'il aime tant mais qui éveille parfois chez lui une certaine crainte quant à l'affection qu'il lui porte. Il l'a bien vu, le visage de Jiahao s'est illuminé comme un matin d'été lorsqu'il l'a invité au restaurant. Il a bien vu ses yeux pétillants, son sourire ravi et son air tendre lorsqu'ils se sont avancés sur la terrasse comme un couple épanoui pour prendre place au milieu d'autres couples tout aussi épanouis.
Il sait que son ami voudrait cela, constamment, pour toujours. Pouvoir s'afficher à son bras dans la rue, l'embrasser sans craindre d'être remarqué, aller au restaurant ou dans n'importe quel autre endroit sans devoir s'efforcer de paraître le plus platonique possible. Il sait cela. Et indéfinissablement, cela le met mal à l'aise.
Se retrouver ici, rien que tous les deux, en tête à tête mais aux yeux de tous, tout ça est trop solennel, trop officiel, trop... grand. La situation l'impressionne, l'assurance avec laquelle l'aborde son ami encore plus. Il a l'impression de ne pas faire le poids, d'avoir commis une bêtise.
Mais parce qu'aujourd'hui est un jour particulier et qu'il trouve Jiahao incroyablement beau sous les néons du restaurant, il ose attraper délicatement son poignet pour en caresser l'intérieur de son pouce.
— Pardon, ya omri, chuchote-t-il avec embarras. Fais pas la gueule, OK ? J'suis désolé. Y a que toi que j'ai envie de baiser.
Malgré lui, le concerné laisse échapper un soupir amusé qui n'échappe pas à Zyad et qui fait bondir son cœur.
— T'es vraiment naze pour les mots doux, grogne Jiahao, c'est pitoyable.
Le sourire du concerné s'étire davantage tandis qu'il laisse sa main proche de celle de son amant, sur la table.
— Mais c'est comme ça que tu m'aimes, pas vrai ? le charrie-t-il d'un air espiègle.
Ce dernier déserte bien vite son visage quand seul le silence de son ami lui répond. Un silence lourd de toutes ces émotions qui agitent leurs cœurs en continu, un silence rempli de leurs doutes et de leurs différences, un silence qui englobe à la fois leur passé et leur futur, un silence qui conserve jalousement ce qu'ils sont et qu'ils ne peuvent révéler aux autres.
— Oui, répond Jiahao d'une voix vibrante, c'est comme ça que je t'aime.
* babtou : blanc, occidental (peut être employé de façon péjorative)
NDA : Hello la compagnie ! J'espère que vous vous portez bien et que ce chapitre vous aura plu.
Maintenant qu'on a dépassé les dix chapitres, comment vous trouvez mes persos ? Qu'est-ce que vous pensez de Zyad et de Jiahao, est-ce que vous comprenez leur mentalité ?
Je suis curieuse de savoir :)
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