Chapitre 6 | Chère société

Sans plus attendre, sa bouche se colle contre la mienne avec précipitation. Les présentations ont assez duré, les quelques mois de séparation ne suffisent pas à éloigner mes envies actuelles, si bien que je le laisse faire ce qu'il souhaite de moi dans les minutes qui suivent. Assise contre lui, ses mains font des miracles sur mon épiderme mis à nu. Mon dos heurte contre le bord du volant pendant qu'il s'acharne à me couvrir de baisers le long de la carotide.

— Ça m'avait terriblement manqué, chuchote-t-il au creux de mon cou.

Je souris sans le vouloir, caressant sa nuque du bout des doigts.

— Moi aussi, affirmé-je.

Pas vraiment, mais l'avouer maintenant reviendrait à cesser toutes activités, ce qui semble absolument impossible. Cette échappatoire m'avait tendu les bras il y a six mois, me permettant d'oublier son absence auprès d'autres âmes aussi paumées que la mienne. La souffrance causée semblait s'estomper grâce à la présence de ces intrus sans importance, simplement utiles à satisfaire nos besoins les plus primaires sans s'encombrer de sentiments et de tendresse. Mes cris meurent contre les lèvres d'imposteurs pour oublier que ce n'est pas lui que j'embrasse. Je garde les yeux ouverts, pour ne pas croiser son regard.

— C'était comment ? m'interroge mon partenaire en cessant ses caresses, retirant ses mains de mon jean déboutonné.

— Quoi donc ? répliqué-je, agacée.

— L'armée.

L'armé ? Hein ? De quoi parle-t-il ?

— Il paraît que tu étais en école alternée avec un cursus militaire ces derniers mois, c'est pas ça ? me demande-t-il en fronçant les sourcils.

Si seulement !

C'est pas comme si je voulais étaler ce genre de détails devant tout le monde... Comment peuvent-ils penser ça d'abord ?

Je me mets à parler comme ma sœur... C'est toujours comme ça lorsque je panique.

— Maddy ? me rappelle celui devant qui je viens ouvertement de me figer.

— Je n'ai pas envie d'en parler, je croyais qu'il n'y avait pas de ça entre nous.

— Ne t'inquiète pas bébé, tu n'as aucune raison d'être impatiente, j'ai encore beaucoup de choses à t...

— Comment m'as-tu appelée ? relevé-je en plongeant mon regard dans le sien.

Mes mains se crispent contre son torse, alors que mon visage laisse apparaître une grimace. S'il y a bien une chose que je déteste plus que les niaiseries au sein d'un couple, c'est ce surnom débile. Contrairement à la majorité des gens qui le qualifient de « mignon », je le trouve hideux et complètement vide de sens.

— Je ne suis le bébé de personne, encore moins le tien, c'est bien clair ?

— Heu... d'accord, si tu veux, hausse-t-il les épaules.

— Maintenant va t'en, ordonné-je en attrapant ma chemise sur le siège passager, avant de l'enfiler assise sur ce dernier.

De toute façon, le moment est rompu. Cet idiot a coupé la faible envie que j'éprouvais pour lui il y a encore quelques minutes, sa présence ne sert à rien s'il est incapable de me faire oublier le reste.

— Tu déconnes ?

— J'ai l'air ? Sors de ma voiture tout de suite, l'incriminé-je en ouvrant la portière de son côté.

Incrédule, son regard ne quitte pas le mien, visiblement en quête d'une éventuelle blague que je pourrais lui faire. Mes propos apparemment incompris, je joins le geste à la parole en envoyant valser par la fenêtre ses affaires personnelles, téléphone et chaussures compris. Complètement déboussolé sans tous ses gadgets, il se précipite à leurs suites, me permettant de regagner la place du conducteur.

— Tu comptes quand même pas te barrer ? s'époumone-t-il de l'autre côté de l'habitacle.

Je vais me gêner tiens.

— Si tu cours assez vite, le bus cinquante-trois passe dans cinq minutes au bout de la rue, expliqué-je en allumant le contact.

Je quitte les lieux aussi sec, énervée de la tournure que prennent les évènements. La rentrée allait déjà être compliquée à gérer, supporter sa présence agaçante n'est pas envisageable. Mes doigts peinent à ouvrir le paquet de cigarette qui gît contre le pare-brise, une habitude que je ne gère pas tout à fait pour le moment. Une fois allumée et glissée entre mes lèvres, mes fantômes reviennent aussi vite que prévu, sa voix résonnant dans mes méninges.

« — Une femme qui fume, c'est putain de sexy, réplique-t-il en me tendant le joint.

— C'est pour ça que tu m'as fait plonger avec toi là-dedans ? ris-je en prenant soin de ne pas avaler la fumée.

— Possible, oui.

— Merci du cadeau, ce n'est pas la définition que j'ai de l'amour, roulé-je des yeux en lui rendant son bien.

— C'est pour ça que j'ai parlé d'une jeune fille sexy, pas de sentiments amoureux, nuance-t-il. Toi, tu es mignonne, c'est différent.

Je me laisse tomber en arrière contre la pelouse, les bras au-dessus de la tête et les yeux rivés sur lui. Un fin sourire esquisse ses lèvres. Il est beau quand il regarde le ciel, il me fait penser à l'homme aux étoiles que nous avons croisé la veille sur des airs de David Bowie.

— Mignonne, j'aurais espéré un peu mieux de ta part, marmonné-je en arrachant quelques herbes pour lui jeter à la figure.

— C'est déjà pas mal pour toi, rit-il, regarde ce que tu deviens à cause de moi, la petite fille à sa maman ne suit plus le chemin tout tracé qui lui est destiné par ma faute.

Ça fait bien longtemps qu'elle s'est égarée des sentiers battus, et qu'elle n'est plus une enfant... Quand un certain quota de drames est atteint, on bascule sans le vouloir dans le monde des adultes et celui des responsabilités, il n'a pas besoin que nous soyons prêts pour nous montrer sa cruauté. »

Mes yeux papillonnent rapidement, embués par la nostalgie qui me gagne déjà. Mécaniquement, je jette ma cigarette par la fenêtre pour oublier l'effet qu'aurait sa présence sur ma vie, l'impact de ses mots sur mes songes, le poids de son regard contre mon cœur.

J'erre sans but dans les couloirs, traînant les pieds en serrant mon sac contre moi, tête baissée pour éviter les yeux curieux qui se tournent dans ma direction. Un petit fantôme qui a perdu son acolyte, son partenaire de jeu comme de vie, qui subit son absence seule comme à son habitude. Une ombre qui glisse sur le lino pour fuir la joie et le soleil chaleureux, pour se tapir dans un coin tranquille où personne ne lui rappellera ce qu'elle a perdu au cours des derniers mois. Une simple âme égarée, une étoile qui vagabonde depuis qu'elle a perdu son astre favori, celle qui a perdu le sourire qu'elle avait retrouvé depuis qu'il l'avait incitée à tout surmonter.

Ça craint l'amour, pensé-je intérieurement en prenant place à une table.

Mes cahiers gribouillés de l'an passé suivent le mouvement, j'avais oublié ce que ça faisait d'être en cours. Ce n'est pas au centre qu'on nous embêterait avec ça, dire que j'ai dû batailler pendant des semaines pour obtenir un roman... La classe de littérature se remplit progressivement, tout ça m'avait manqué. Contrairement à d'autres, aller au lycée me fait du bien, j'aime ce que je fais et prends beaucoup de plaisir à suivre ces cours. Ce qui me dérange, c'est tout le reste. Les élèves jouant aux idiots, les filles se sentant inutilement supérieures et ceux profitant des plus faibles comme s'il s'agissait d'un stupide jeu pour les rendre dingues.

Les heures de cours s'écoulent, mes pages se nourrissant des différents savoirs qu'on nous explique avec attention, le tout sans penser un instant que la place à ma gauche est restée vacante. Celle de droite l'est également, la plupart des élèves n'aimant ni le deuxième rang, ni ma compagnie, pour mon plus grand bonheur. Quand mon ultime heure avant la pause s'achève, mon professeur s'avance d'un pas discret dans ma direction. Elle dépose timidement une copie sur ma table, avant de la faire glisser le regard fuyant.

— Je ne sais pas où vous en êtes dans votre vie personnelle, ni comment vous vous en sortez avec cette situation Madyson. Mais je tenais à ce que vous l'ayez, dotant que j'ai rarement eu la chance de lire un travail aussi remarquable, murmure-t-elle. Nous sommes tous très heureux de vous retrouver parmi nous.

Je lui souris en saisissant le devoir qu'elle me propose. Mes yeux s'attardent sur le titre, en mémoire de cette dissertation datant de l'année précédente.

— Votre plume mêlée à ses idées, le résultat est simplement remarquable. Je savais qu'il avait des préjugés et des avis intéressants sur le monde qui l'entoure, mais je dois dire que j'ai été bouleversée par cette lettre, ajoute-t-elle en pianotant du bout des doigts sur le pupitre. Quant à vous, vous devriez sérieusement envisager à vous mettre à l'écriture.

Je confirme d'un signe de tête, avant de ranger la copie proprement dans mon sac. Mes yeux fuient tout contact, embués par son nom et sa calligraphie qui dansent contre mes rétines. Subitement, mon cœur s'affaisse sous le poids de son absence, me forçant à me battre pour respirer suffisamment. Je me lève sans attendre, débarrassant le plancher devant tant de bienveillance et de bons souvenirs.

— Madyson ? m'interpelle-t-elle.

J'ose à peine hausser le regard vers elle, la honte me ronge déjà, mes joues s'enflammant subitement. Rougir ne me pose pas de problèmes, c'est tous les effets qu'une simple coloration de pommettes peut avoir par la suite. Ils vont rapidement songer que j'ai perdu mon masque, que les situations survenues dernièrement m'affectent au point d'endommager mon joli minois en me transformant en une poupée de porcelaine fragile et ébréchée par la vie...

Jamais !

— Il a toujours su faire ressortir le meilleur de vous-même... Ne redevenez pas cette jeune fille que nous avons connue à votre arrivée dans l'établissement.

C'en est trop.

Ni une, ni deux, je quitte la salle en enfonçant le passage à coups d'épaules bien placés pour tracer ma route. Les poings serrés et le cœur lourd, je grimpe les marches de l'escalier de service quatre par quatre avant de passer par l'entrebâillement de l'issue de secours. À l'abri des regards, Je me laisse glisser dos contre le mur en ciment jusqu'au sol. Depuis ces marches en colimaçon, Los Angeles délivre pratiquement tous ses secrets. Son front de mer presque perceptible, j'apprécie depuis toujours la compagnie de ma ville natale pour me changer les idées.

Rentrée de merde, comme toujours, pensé-je en allumant ma cigarette.

La fumée se dissipe rapidement autour de moi, alors que je cherche machinalement sa maison des yeux. Les toits se confondent peut-être, mais le sien nous servant habituellement d'observatoire à étoiles se repère entre tous.

« — À n'importe quel point de vue de la ville, j'aime chercher ma maison. Je trouve ça sympa de retrouver ses repères et de voir ce qui nous entoure vraiment, vu d'en haut.

— C'est surtout vraiment bizarre, répliqué-je en haussant les épaules.

— Je ne trouve pas. Vas-y toi, si tu es si forte, où habites-tu petite Maddy ?

— Je dirais vers là-bas, proche du parc, montré-je du doigt en me penchant contre la rambarde.

— Tu comprendras l'intérêt plus tard, quand tu seras plus grande, rit-il.

Je lui souris, charmée sans trop comprendre pourquoi daigne-t-il m'accorder autant d'intérêt, même après avoir appris par cœur chaque ligne de mon histoire personnelle. Il est toujours là, il n'a pas encore pris la fuite suite au conte invraisemblable qui me sert de quotidien. »

Je ferme les yeux, m'affaissant contre le mur pour revenir à l'instant présent. Me souvenir que ma solitude est pire qu'auparavant, que je n'ai jamais ressenti pire abandon durant une existence que sa disparition, alors que ma vie se résume en une série de petites solitudes sordides. Pas d'attache, pas de contacts, pas d'amis, seulement des connaissances pour soulager les peines qu'engendrent des trahisons qui finissent toujours par arriver, malgré les promesses infondées. Mon cœur doit apprendre à battre de nouveau sans son aide, je ne peux plus marcher dans ses pas à présent...

Les yeux brûlants de larmes, je me maudis en silence. Ne pas pleurer fait partie de mes règles fondamentales, les enfreindre pourrait m'être de nouveau fatal. Mes doigts plongent dans mon tee-shirt pour trouver le bout de ma chaîne, retrouvant mon souffle uniquement lorsque l'anneau regagne sa place à mon annulaire. Sa bague en argent, gardée au plus près de mon cœur comme le seul trésor inestimable que je possède. Je dépose mes lèvres contre le bijou avant de l'observer nerveusement, jusqu'à ce qu'il retrouve sa place entre mes seins.

Prenant mon courage à deux mains, je décide de sortir notre ancien devoir, écrit à quatre mains pour l'occasion. « Dénoncez les travers de la société environnementale en justifiant vos choix de manière organisée sous la forme d'un discours argumenté que vous présenterez à l'écrit. » le genre de sujet nous inspirant une demi-douzaine d'idées à la minute, mais qui se révèle en réalité impossible à classer ou à manipuler avec élégance. Pour ce devoir-ci, nous avions choisi d'écrire sous la forme d'une lettre adressée directement à notre belle société afin de lui faire comprendre la manière dont elle était elle-même vêtue et combien elle était pervertie et pourrie jusqu'à la moelle. Finalement, nos arguments s'étaient révélés démesurés et nombreux, ayant tous les deux des idées bien classées sur le monde qui nous entoure.

« Chère société,

Tu sais, j'en ai assez de vivre ici. Ton monde m'épuise, j'ai l'impression qu'il me vole chaque jour un nouveau fragment de mon âme, une partie de mon identité pour me faire entrer dans une case. J'étouffe parmi toutes ces règles, ces attentes m'emprisonnent. C'est une pression continuelle, un besoin vital d'être « normale » mais qu'est-ce que ça veut dire au juste ? Qui a décidé qu'un jour, le mot « normal » n'engloberait pas celle que je suis ? J'en ai assez de devoir me planquer derrière des sourires et des masques pour ressembler à une personne que je ne veux pas être. On vit dans un monde pourri, perverti par les jugements et le regard des autres, moi, je suffoque là-dedans. Et... »

— T'en aurais une pour moi ?

Prise d'un sursaut incontrôlable, j'en lâche ma feuille, fusillant du regard par la suite la personne qui ose m'interrompre. Un jeune homme blond s'assoit sur une marche en contrebas, me tendant la copie mine de rien.

— Qu'est-ce que tu veux ? demandé-je en rangeant mes affaires furieusement.

— Une cigarette, demande-t-il en réalisant le geste devant mes yeux.

Me prend-il pour une idiote ?

Je hoche la tête sans trop savoir pourquoi, tendant mon paquet vers le squatteur impoli. Ses doigts s'aventurent trop loin, dansant dangereusement au-dessus de ma cigarette favorite.

— Non, pas celle-ci, l'informé-je en bloquant de l'index l'intéressée.

— Qu'est-ce qu'elle a de particulier ? s'étonne-t-il en choisissant sa voisine de droite.

Il y a mon numéro inscrit dessus.

Je hausse les épaules, rangeant mon bien et m'appliquant ensuite à allumer le bout de sa cigarette sans trembler.

— Merci, dit-il en tirant une première taffe. Tu ne veux pas me dire ce qu'il y a dedans, c'est ça ?

— C'est plus pour moi ces trucs-là, répliqué-je simplement en croisant les jambes.

Il secoue la tête, avant de regarder le ciel d'un air absent. Je n'ose pas briser son mutisme, le silence étant depuis toujours mon meilleur moyen d'expression. Il me suffit amplement, telle une douce musique raisonnant dans mon esprit acharné. Le profil de mon acolyte me fait soudain tilt, m'évoquant ma rencontre nocturne de l'autre jour. Ce même air vague, vaste pâleur sur des traits tirés à souhait, lèvres serrées autour d'une cigarette, tenant tête à l'horizon...

Le garçon du pont...

— Tu ne serais pas la fille des photos ? demande-t-il subitement.

Il m'a... hein ?

— Heu, je... commencé-je inutilement.

M'aurait-il reconnue ?

— La danseuse qui s'est fait prendre en photo samedi, complète-t-il.

Madeleine... Il me confond avec Madeleine.

Je hoche la tête, agacée par sa réflexion, puis me lève rapidement pour le laisser tranquille. Je bous de l'intérieur, prête à hurler que je ne suis pas cette idiote, à prouver à la Terre entière que je suis Madyson Williams, que j'existe moi aussi, indépendamment de ma sœur et qu'elle ne vaut rien comparé à celle que je suis.

— À l'avenir, sache que quand je suis ici c'est pour avoir la paix et être seule. Pas pour qu'un boulet me suive pour me taxer mes clopes et mon feu, le sermonné-je en fermant l'issue de secours derrière-moi, condamnant mon compagnon à faire le tour par devant.

« Chère société,

Chez toi, l'asphyxie commence dès le plus jeune âge, il fait partie de notre éducation. L'effet de groupe prend le dessus, et les plus différents sont écartés. Je ne sais quel mécanisme engendre cette perpétuelle haine chez les tous petits, mais la voilà notre réalité. Les moqueries fusent dans tous les coins, les messes-basses complètent les rumeurs, je n'avais pas l'ombre d'un complexe à l'époque. Ce sont eux, qui me les ont dessinés les uns après les autres. Tatoués à jamais contre mon cœur, une simple remarque... »

— Lâche-moi, je t'interdis de me toucher ! couine une voix au loin.

Je lève les yeux de ma lecture. Pas besoin d'un instant de plus pour saisir à qui appartient ce timbre ridicule, mon fichu instinct de jumelle est déjà au garde-à-vous. Qu'est-ce que je rêverais d'anéantir à coups de ciseaux ce lien qui nous unit pour enfin avoir paix et indépendance...

— Laisse-moi tranquille, je n'ai rien à te dire !

Sa fragilité arrive jusqu'à moi, ne m'étonnant qu'à moitié. Son petit côté « bébé à protéger » me rend dingue, je lui collerais moi-même deux baffes pour lui rappeler dans quel monde on vit. La réveiller pour la sortir à coups de pied de cet univers de contes de fée qu'elle s'est construit pour mieux dormir la nuit, empiétant sur mon propre espace vital à longueur de journée.

Je me demande si ce n'est pas elle que j'aimerais anéantir à coups de ciseaux...

Sauf si...

Dans le coin du couloir, j'ose regarder dans sa direction pour voir ce dont la fille à sa maman est encore responsable. Collée contre le mur, elle tient son téléphone comme on protègerait sa propre vie d'une mort certaine. Un brun la dépasse d'une bonne tête, la main pratiquement déposée contre son visage. Je ne sais pas ce qu'elle a encore fait, mais attirer regards et ennuis a l'air d'être ce qui lui colle à la peau en ce moment.

Bien fait, tu n'as que ce que tu mérites pauvre garce, pensé-je avec le sourire.

— On t'a déjà dit combien tu étais ridicule Madeleine ? C'est parce que tu as fait trois pirouettes de suite que tu t'imagines une vie, c'est ça ? ajoute une jeune fille en rédigeant un message depuis son portable.

Chacun son tour...

Je lui tourne le dos, une fois certaine qu'elle m'ait bien aperçue. Elle pourra me supplier autant qu'elle le souhaite, jamais je ne rebrousserai chemin pour l'aider. Plus jeunes, les rôles étaient inversés et son indifférence à mon égard engendre davantage ma colère. Elle ne m'offrait pas le moindre signe, pas le moindre soutien dans ces moments où seule la solitude me rongeait les os. À présent, je compte bien lui faire goûter la fade saveur qu'offre mon quotidien.

Satisfaite de ce que j'ai pu voir, je termine la journée en retirant mes affaires de mon casier. Légèrement éloigné des autres, je l'avais choisi il y a deux ans pour sa proximité avec la sortie, et donc le moins d'exposition possible qu'il révélait. Pourtant cette fois, ça n'empêche pas un curieux de m'approcher et de saisir mon bras pour le tordre derrière mon dos.

— T'es déjà de retour joli cœur ? Il paraît que ça t'a bien calmée l'armée, susurre-t-il à mon oreille.

Mais qu'est-ce qu'ils ont tous avec ça, bon sang ?

Je serre les dents, cet abruti me faisant un mal de chien avec sa prise.

J'ai peut-être pas fait l'armée, mais un coup de pied dans l'entrejambe, c'est inné, pensé-je.

Mentalement, je liste qui peut-être cette personne, avant de tirer d'un coup sec sur mon poignet pour l'inciter à me lâcher. Avec une force pareille, je parviens tout juste à le bousculer, traduisant un mécontentement et une prise resserrée qui m'arrache une grimace.

— C'est joli ça dis donc, chuchote-t-il en glissant son pousse contre mon poignet. Une blessure de guerre inachevée ? C'est l'autre camé qui t'a demandé de le suivre ?

Je me tends. Personne ne me touche, encore moins mes cicatrices. Personne n'a le droit de savoir, c'est ma vie personnelle et elle demeurera privée à jamais. Avec force, je parviens à me libérer de son emprise pour inverser les rôles. Je le plaque contre le mur et colle ma main vers son entrejambe.

Pour l'élégance, on repassera.

— Qu'est-ce que tu viens de dire ? Je n'ai pas bien entendu ! crié-je en serrant ma prise sur ses bijoux de famille.

Y'a que comme ça qu'ils comprennent ces gros porcs.

— Rien, je... bredouille-t-il entre deux gémissements.

— Je ne suis pas Madeleine, je ne me laisse pas faire sans rien dire, compris ? Tu n'as pas le droit de me toucher sans que je t'en donne l'autorisation, je me suis bien fait comprendre ? Et répète un peu ce que tu viens de dire connard !

Il hoche la tête les larmes aux yeux, avant de la secouer dans un « non » vague et sans aucun sens.

— C'est bien ce qu'il me semblait, quand il s'agit de mettre sa masculinité sur la table, y'a plus personne. La prochaine fois je te les fais manger si je te revois, menacé-je en le fixant droit dans les yeux.

Je le libère la seconde d'après, envoyant mon sac sur mon épaule pour quitter ce lycée de malheur.

— On dirait bien que la violence est de famille, Madyson, ajoute-t-il simplement en reprenant son souffle.

Mon cœur dégringole dans ma poitrine, si violement que j'en ai un haut-le-cœur. Comment ? Mon souffle se fait la malle, un violent frisson remplaçant ses battements réguliers le long de ma peau. Non, il ne peut pas... Au bord de l'agonie, je me réfugie dehors, derrière l'entrée du parking. Ce ne sont que des paroles en l'air. Respire, putain. Personne n'est au courant. Sa voix résonne déjà dans ma tête. Il ne peut pas savoir ce qu'elle a fait... Non.

L'affolement est tel, qu'une ruée de larmes dégringolent le long de mes joues. Je reste immobile une éternité, jusqu'à compter le moindre brin d'herbe qui m'entoure pour faire disparaître ce début de crise foudroyant. Respire.

Donc chère société, tu l'auras compris.

Pour tout ce dont j'ai hérité de la vie, pour pointer du doigt tous les problèmes que tu m'as offerts à travers cette pâle existence, pour justifier cette réalité injuste dont tu m'as dotée, pour toutes les frayeurs passées et celles à venir...

Je t'emmerde.

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Hey ! Bonsoir à tous ! Comment vous allez ?

Le nouveau chapitre est enfin en ligne, j'avais beaucoup trop hâte de vous partager la suite, on arrive dans une petite série que j'apprécie beaucoup ! (et ça a été une épreuve de vous mettre en ligne tout ça, Ame en est témoin !)

Qu'en avez-vous pensé ?

On a une vision interne de ce qui se trame dans la tête de Maddy, autant dire que c'est un cafouillage sans fin... L'absence d'une certaine personne la hante, et vous réverse pas mal de mystères quant à cette aventure-ci... Vous n'êtes pas au bout de vos peines ! 

Mais surtout, on a enfin un premier dialogue entre Hugo et Maddy, youpi, il était temps !

Vous l'avez compris, ce n'est que le début d'une longue embrouille du côté du petit Hugo qui n'a absolument rien compris à ce qui lui arrive ni à qui il a affaire...  Sans parler de cette fin, Maddy semble avoir une jolie réputation qui la précède... 

J'espère que la suite vous plaira, merci d'avoir lu, et à la semaine prochaine !

Des bisous, Lina.


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