Chapitre 4 | En équipe

— Combien de fois je t'ai dit de ne pas monter sur la machine ? grommelé-je en me servant un café fumant, un de plus pour me donner la force de continuer à marcher droit.

— Papa dit pareil que toi Hugo, ricane mon petit monstre en cachant sa bouche de sa petite main pour étouffer son rire.

Je me contente d'hausser les épaules, incapable d'aborder ce sujet d'aussi bon matin. Ni même en fin de soirée d'ailleurs, ce n'est jamais le moment pour parler de lui. J'attrape le petit singe et la force à rejoindre le sol. Elle grimpe absolument partout en ce moment, c'est fatiguant de devoir la surveiller à chaque instant pour éviter l'accident.

Surtout que l'appartement n'est pas fait pour les enfants, il regorge d'endroits dangereux, pensé-je en avalant une gorgé.

Una lavadora, éclate-t-elle de rire dans mes bras, en tirant une mèche de mes cheveux.

Ses yeux pétillent déjà d'une malice sournoise, bien décidée à me faire la misère aujourd'hui. La reprendre une fois de plus sur la langue qu'elle utilise semble inutile, j'abandonne d'office l'idée, elle fait ça uniquement pour me rendre dingue. C'est la période.

Après tout, si dire « machine à laver » en espagnol la rend heureuse, grand bien lui fasse. Il en faut peu quand on est petit, et heureusement pour elle.

— Dis donc, va falloir couper tout ça, constaté-je en passant les doigts dans son épaisse chevelure blonde. Ça pousse de partout !

Elle me tire la langue, horrifiée par mon offre. Son rêve d'incarner la prochaine Raiponce allait très vite être compromis, hors de question de devoir coiffer ça tous les jours.

— Est-ce que je peux aller réveiller Luna ? demande-t-elle en passant entre mes jambes.

Mariposa, il est sept heures du matin. Même si tu débordes déjà d'énergie, ta sœur a envie de dormir, comme tout le monde.

Et moi aussi, j'aurais bien aimé dormir plus de quatre heures, ajouté-je dans ma tête. Entre le service et cette sœur-ci, mes nuits sont souvent trop courtes.

— Mais alors qu'est-ce qu'on fait ? On va se balader sur la plage ?

Je secoue la tête, avant d'essayer au possible de rejoindre le séjour. Quant à Lou, ne trouvant rien de plus drôle que de s'accrocher tel un koala à sa branche sur ma jambe à cet instant, je la traîne péniblement jusqu'à notre pièce principale, sous des rires incessants mais qui ont le don de mettre du baume au cœur, comme à l'accoutumée.

— On peut dessiner si tu veux ? proposé-je en l'asseyant sur une chaise. Je veux bien te prêter mes crayons si tu es sage.

— Je suis très sage, c'est toujours ce que tu dis, sourit-elle.

J'en imaginerais presque l'auréole dorée posée au sommet de son crâne ma parole. Cette petite est vraiment trop forte. Avec un sourire ravi, je sors mes affaires de dessin, lui donnant les quelques crayons de couleurs que nous possédons.

À ses côtés, je dépose mon carnet aux larges pages blanches, munis d'une centaine déjà grisées de pensées, de cris, de revendications invisibles et de rêves parfaits. À travers ce blanc servant de pâle représentation de ma réalité, j'esquisse maux à maux ce que je ressens depuis plus de deux ans, séchant mes larmes interdites sur ce papier cartonné. Simple, efficace, je structure mon monde idéal avec traits et demi-cercles d'un revers de fusain agressif. Jamais je n'ai touché à la moindre couleur depuis l'arrêt des cours de dessins, criant à travers un panel de nuances de gris les injustices que l'on vit.

Ma sœur commence son gribouillage, réalisant avec attention de gros cercles pour y dessiner des « papillons » à l'intérieur, encore une de ses idées incroyables. De mon côté, j'attaque au crayon les premiers traits de construction pour reproduire du mieux possible son petit visage concentré. Comme toujours, ses boucles seront minimes tout comme la courbure de sa mâchoire, que je pourrai retravailler sereinement ce soir à l'aide de son portrait, à l'abri des regards curieux. La plupart du temps, elle m'observe avec attention ne cessant de gigoter pour rendre ma tâche plus compliquée.

Aisément happé par mon nouveau travail j'en oublie les impératifs du jour, dessinant comme si c'était ma seule préoccupation, comme un adolescent normal qui profite d'un simple passe-temps. Pourtant cette échappatoire a autant d'impact dans ma vie que cette ultime clope de fin de journée. Mon existence semble structurée par tous ces traits bafouillés, par toutes ces ombres enfin projetées. Il s'agit peut-être de mon seul moment d'honnêteté. Seul face au dessin, comme un enfant rédigerait son journal intime, illustré car incapable de poser le moindre mot sur son quotidien déchiré.

J'aurais vraiment dû passer sous ce putain de pont depuis longtemps.

En un temps record, ma petite sœur disparaît de ma vue, et mon inattention a pour conséquence le réveil brutal de ma deuxième sœur, assaillie de câlins et de bisous de la part de la plus jeune. Lou ayant lancé la journée de tout le monde, j'en profite pour réveiller l'épave qui nous sert de mère. La traîner à ses réunions est devenu une habitude, le genre de corvée qu'on préfère oublier, bannir à jamais. Malgré tout, c'est le seul moyen que nous avons à disposition pour rester tous ensemble. Ma mère est notre responsable légal. Bien qu'incapable de s'occuper de ses propres enfants, elle reste à ce jour notre excuse pour former une famille. Ici, en Amérique, ma majorité ne vaut rien.

Plus je la regarde, plus je me rappelle à quel point elle a gâché nos vies. Ses rares moments de lucidité font encore croire qu'une mère aimante se cache sous ce tas de ruines, que son cœur bat encore pour nous malgré tout. À quoi bon faire des enfants si on les abandonne dans un monde aussi pourri par la suite ?

Je la laisse se préparer en paix, ayant besoin de satisfaire ce manque d'oxygène qui m'attaque subitement. J'étouffe entre ces murs, dans cette situation, partout où je me trouve en réalité !

Pourtant, avant même d'atteindre la porte d'entrée, c'est la concierge de l'immeuble qui me tombe dessus. Je sais pertinemment ce qu'elle nous veut, et je n'aime pas du tout l'air qu'elle arbore à cet instant.

— Hugo ! Une minute s'il te plaît ! s'écrie-t-elle.

J'ai beau faire semblant de ne pas l'entendre, je ne peux tourner le dos et quitter les lieux comme un malpropre. Mon éducation n'a peut-être pas été la meilleure, mais la politesse est inévitable, c'est avec ces valeurs que je souhaite voir mes sœurs grandir.

— Oui ? demandé-je avec toute l'innocence dont je suis capable.

Pitoyable acteur, crétin. Tu sais qu'elle veut ton loyer... sonne ma conscience comme à son habitude.

— Il faut que vous partiez Hugo, ce n'est plus possible, chuchote-t-elle en se frottant nerveusement les paumes.

Attendez, quoi ?

— Partir ? Mais... maintenant ?

Impossible, rien n'est prêt, on ne peut quitter les lieux ! Ma mère revient à peine à la surface, chaque changement est un pas supplémentaire vers l'arrière !

Vers l'enfer...

— Les ouvriers se mettront au travail demain, à 10h. Ils seront prêts mon grand, et tu savais que ce moment arriverait, je suis désolée...

La jeune femme souffle sur ses mains, comme si elle avait froid. Pourtant, c'est moi qui reçois en ce moment même l'un des pires frissons de mon existence.

Dieu sait combien j'en ai ressenti dans ma vie.

— Je sais que ça va être compliqué pour vous, mais j'ai fait mon maximum Hugo, enchaîne-t-elle. Je ne peux pas faire plus pour vous.

— Alors vous nous mettez à la porte, grogné-je en fourrant mes mains rageusement dans mes poches.

Les sourcils de mon interlocutrice se froncent, et l'instant d'après elle n'hésite pas à employer son plus beau ton hautain pour se faire comprendre.

— Tous les autres locataires ont quitté l'établissement depuis plus de trois mois. J'ai fait tout mon possible pour vous permettre de rester ici quelques temps supplémentaires, mais regarde autour de toi ! C'est un vrai chantier et personne ne devrait vivre ici. Ces travaux auront lieu quoi qu'il arrive, et maintenant je vous demande de partir, toi et ta famille. Les ouvriers arrivent demain et appeler la police n'arrangera personne.

Je hoche la tête, avant de tourner les talons. La poussière et les écailles de peinture ne nous ont jamais posé de problèmes, notre appartement est notre seul bien depuis si longtemps... Le quitter devenant une obligation, je rédige à contre cœur un message s'adressant à Damian pour lui signaler que nous quittons les lieux, et que payer le loyer deviendra bientôt inutile. Comme si nous avions besoin de dépendre davantage de lui et de ses moyens... Incapable d'estimer le moment où il verra ce message, je laisse le texto en suspend, avançant rageusement jusqu'au parking les méninges tournant à mille à l'heure afin de trouver une solution miracle pour démêler tout ce bordel.

Ma mère me rejoint une dizaine de minutes plus tard, et c'est au suspense général, qu'un silence de mort pèse sur l'habitacle. Tapie contre le dossier, c'est à peine si elle lève les yeux vers la route. Son âge mûr se cache encore derrière un joli visage, à croire que le temps l'a épargnée, tout comme ses quatre enfants qui ne se devinent absolument pas sur sa silhouette. Au contraire, elle semble frêle et sur le point de se briser à chaque virage, un vrai gâchis.

— On va être mis à la porte, lâché-je pour la faire réagir.

Elle se redresse, tirant avec maladresse sur sa ceinture de sécurité.

— Oh.

Mes mains se serrent contre le volant, je fulmine. Faut-il qu'un de nous meure pour qu'elle nous accorde la moindre réaction ? Pas une once d'émotion n'apparaît sur son visage, ni même l'ombre d'une humanité dans son regard, si bien que ce spectacle désolant en devient effrayant.

— Demain. On doit partir demain matin, ajouté-je la gorge serrée.

— Et où allons-nous aller Hugo ? m'interroge-t-elle en levant à peine le regard, de manière désintéressée. C'est toi l'homme de la maison maintenant, alors qu'allons-nous devenir ?

Pire qu'une enfant agaçante, pire qu'une adolescente insolente. Sait-elle seulement tout ce que je fais pour elle ? Pour notre famille ?

Elle nous causerait moins de problèmes morte.

— On a un appartement près du centre depuis quelques mois, un espace sous des combles qui a été aménagé, expliqué-je simplement, le regard vague.

— Si seulement tu n'avais pas tout gâché avec ton père, nous n'en serions pas là. Nous ne serions jamais arrivés si bas, perfide-t-elle les lèvres serrées.

— Ne parle pas de cet enculé, tu m'entends ? Je préfère crever que de dépendre de lui ou de le laisser approcher les filles. T'es-tu seulement demandée comment on vivrait si tu avais encore ton travail ? Si tu n'étais pas qu'une simple ombre, un putain de poids mort dans nos vies ? Si tu étais un minimum capable de gérer ta vie et de laisser tomber toutes les merdes que tu consommes ?

Comme toujours à ce sujet, mon calme laisse place à une terrible colère froide, celle qui annonce qu'une tempête est proche, que je suis sur le point de tout envoyer valser pour aller cogner dans le mur le plus proche, les nerfs à vifs et l'esprit en vrac.

Reste calme, ne l'écoute pas. Ce n'est que du rentre-dedans Hugo.

Rien qu'une journée de plus...

— Ton langage, je n'ai en aucun cas élevé un petit con arrogeant, critique-t-elle en rejoignant le trottoir pour entrer dans la salle municipale.

Je la suis en grognant, afin d'être sûr qu'elle ne trouve pas le moyen de s'échapper ou de se faufiler ailleurs. Je claque la portière avec rage, incapable de me contenir plus longtemps. Un jour, elle aura ma peau.

— Oh, Nora ! Tu es venue, je suis contente de te revoir parmi nous, sourit aimablement la secrétaire qui nous indique la salle en question.

— C'est ça, grommèle-t-elle en lui arrachant son tract, qu'elle déchire au virage suivant.

Putain...

La pièce est bondée, comme toujours. À y voir, il y a bien plus de drogués que ce que Los Angeles veut nous faire croire. Des gens de tous âges, toutes origines confondues. Mon cœur se serre instantanément, en imaginant dans un coin de ma tête l'une de mes sœurs sagement assise en attendant son tour de parole. Qui sait ce que leur génitrice leur laissera comme gènes pourris ? Celle-ci se glisse jusqu'au buffet, attrapant sans ménagement un gobelet. Je me laisse aller à ses côtés, m'appuyant sur une chaise pour mieux observer l'assemblée.

— Personne d'autre ne souhaite prendre la parole ? interroge une jeune femme en joignant ses mains entre elles avant de pivoter sur elle-même. Non ? Très bien, dans ce cas, j'aimerais féliciter quelqu'un pour les efforts qu'elle a effectués et qui commencent à porter leurs fruits, dit-elle en cherchant la concernée du regard, avant de lui faire un signe.

Une petite brune se lève, menton vers le haut et un petit sourire aux lèvres. En replaçant ses cheveux, elle vient serrer la main de l'hôtesse celle-ci la félicitant pour ses six mois de sobriété, avant de déposer entre ses doigts une pièce. La jeune fille la fixe durant un instant, la faisant tourner et retourner contre sa paume.

— Tu as quelque chose à nous dire pour fêter ce nouveau cap ? l'incite-t-elle en saisissant ses épaules pour la tourner vers les autres.

Son petit sourire enjoué se transforme en un rictus presque coquin. Elle brandit la pièce coincée entre son pouce et son index, avant de répliquer d'une voix malicieuse :

— C'était bien mieux avant, la vie est chiante quand on est sobre.

Elle lève sa main, trinquant à la santé de ses propres fantômes avant de quitter la salle qu'elle laisse dépourvue de toutes paroles. Un clair de lune* encré contre la nuque, l'insolente rejoint la porte avant de disparaître. L'assemblée muette ne bouge plus, jusqu'à ce que ma mère décide de briser l'incompréhension collective par des applaudissements.

— Enfin une parole censée dans ces réunions de merde ! s'écrie-t-elle sous le regard assassin de la pauvre femme qui tente de corriger le tir.

Ma mère m'adresse un petit sourire, visiblement conquise par sa connerie et joueuse comme le ferait un ado souhaitant rendre dingue ses parents. Nos rôles bel et bien inversés depuis longtemps, je secoue la tête en tournant les talons, incapable d'en supporter davantage.

— Oh, vu ta tête, tu m'as pas fait venir pour aller se balader, constate-t-elle accoudée au battant de la porte d'entrée.

Lunettes en cœur teintées de vert sur le bout du nez, sourcils légèrement relevés, lèvres parfaitement pincées, la voilà qui me vole déjà un sourire.

— Bien vu, y'a urgence Cam, expliqué-je en l'incitant à entrer.

— J'avais compris l'argentin, tes douze textos m'ont bien transmis le message.

Elle traîne les pieds jusqu'au salon, pendant que je profite de son avancée pour dérober le chapeau vert kaki déposé avec soin sur son crâne.

— Hé, non ! Je rigole pas avec Bob ! Rends-le moi immédiatement ! menace-t-elle inutilement.

Ses un-mètre-cinquante ne faisant peur à personne, surtout quand on peut la dominer de trois têtes et la porter à un bras, je l'évite aisément en tendant simplement le bout de tissu pour qu'elle tente de l'attraper. Visiblement pas joueuse aujourd'hui, elle croise les bras en me fixant.

— Tu crois que je vais bondir tel Mario dans son arène ? J'ai une tête de Mario Bros ?

Quel humour de dingue...

— Assume tes cheveux zanahoria, chuchoté-je pour la rendre folle.

— Comment tu m'as appelée ? No me jodas !

J'éclate de rire, aplatissant le bob sur sa tignasse, semblable à des centaines de carottes râpées rassemblées en un seul point, d'où son surnom.

— Comment ça se fait que tu retiennes que les insultes en espagnol d'abord ? soupiré-je en la regardant coincer ses lunettes dans son jean large. Tu ne sais même pas prononcer mon nom comme il faut.

— Oh mais toi non plus je te rappelle, tu as toujours eu du mal !

Elle me fait un petit sourire après un temps, avant de venir se serrer dans mes bras. Camille, bien qu'elle porte un prénom difficile à garder entre mes lèvres, avait toujours été là pour moi. Depuis tout gamin, on avait appris à faire les choses tous les deux, à avancer main dans la main parce que personne d'autre n'était là pour nous guider. Elle paraissait bizarre, mais assumait complètement. Mieux, elle redéfinissait parfaitement le sens du mot, jusqu'à faire comprendre qu'être normale n'avait aucun intérêt et que si les autres la trouvaient différente et peu élégante, ils n'avaient qu'à aller se faire voir.

Qu'est-ce que j'aime sa vision des choses.

— Pourquoi aucune sœur ne sort de nulle part pour me bondir dessus ?

— Elles sont sorties, j'avais besoin d'avoir l'appartement vide.

Elle hoche la tête, commençant instinctivement à rassembler la pile de CD qui s'étale d'un bout à l'autre de la table. Pendant un instant, elle évite les rayons du soleil qui jouent à cache-cache contre sa peau pour ne pas l'abîmer. En tant que petite rouquine, sa peau pâlotte et ses joues saupoudrées de paprika ne lui laissent aucun répit. Un style légèrement à la Billie Eilish, Converses aussi orange que ses mèches, je ne peux que sourire en la voyant.

Après lui avoir expliqué rapidement la situation, et sorti une pile de cartons exorbitante pour empaqueter le peu de biens personnels qu'il nous reste, elle s'active dans un coin et moi dans un autre. Comme toujours, les mots nous manquent mais nos silences parlaient pour nous. Nos dix années d'amitiés passées y sont sûrement pour quelque chose, tout comme les blessures personnelles que chacun porte tour à tour. Ses jointures indéfiniment rougies et abîmées me suffisent à comprendre. Les coups sont depuis longtemps tout ce qui lui reste pour arriver à combattre le regard des autres. Il faut dire ce qu'il est : elle adore répondre de la sorte. Parfaitement incapable de contenir sa colère, nos personnalités opposées se complètent à merveille, tissant entre nous un lien indivisible. Formant une puissante équipe, elle panse mes plaies jour après jour alors que je m'applique à masquer les siennes, à surveiller nos arrières mutuellement pour ne plus jamais laisser quiconque nous poignarder dans le dos comme si souvent auparavant...

Hôpital, sœurs, bain, maman.

Routine inchangée, tout semble aller pour le mieux.

Service, reprise, Luna.

Mécanique du cœur, orchestre machiavélique et habitudes tortueuses. Les rouages de notre journée n'ont une fois de plus cessés de tourner.

Cigarette, obscurité, pont.

Rien qu'une journée, rien qu'une journée, rien qu'une...

Je suspends mon mouvement, le filtre à quelques centimètres des lèvres. Une heure du matin au compteur, et ce point rouge clignotant fiché dans ma direction. Malgré la pénombre, l'objectif effectue sa mise au point vers ma silhouette, mes yeux s'agrandissent à leur tour.

Un seul pas en avant pour traverser la route et rejoindre cet admirateur secret, effrayant si on en croit les aiguilles de l'horloge. L'appareil est baissé d'un geste vif, mais avant d'atteindre son propriétaire, une jeune fille s'immobilise à ma gauche, me fixant droit dans les yeux.

Apparue de nulle part, sportive nocturne au sac visiblement bien rempli, son expression figée semblable à celle d'une morte ressuscitée me glace le sang. Ses traits tout sauf inconnus, l'emmerdeuse de la réunion me revient en mémoire.

Le silence tombe sur la rue, pourtant si proche l'un de l'autre qu'en tendant la main je pourrais presque la toucher si je le souhaitais, les quelques notes délivrées par ses écouteurs comblent le vide qui nous entoure.

Comme plongés dans une stupeur inexplicable, elle, visiblement perturbée d'être découverte à cette heure tardive en pleine rue telle une tueuse échappant à sa scène de crime prise en flagrant délit, et moi incapable de dire quoi que ce soit, tant son attitude est captivante. Rien à voir avec l'insolente de tout à l'heure. Dévisagée et visiblement gênée, son regard fantôme quitte mes yeux pour rejoindre mes lèvres.

Qui fait un jogging au milieu de la nuit avec un sac à dos ? Qui s'arrête alors qu'elle croise quelqu'un ? Pourquoi elle me fixe comme ça d'abord, la ressuscitée ?

C'est un flash qui nous coupe dans nos joutes visuelles, provenant des buissons voisins et de l'appareil suspecté tout à l'heure. La brune en cherche la source tout comme moi, avant de prendre littéralement ses jambes à son cou pour fuir dans la direction opposée.

Incapable de bouger, mes yeux fondent sur sa silhouette mortuaire qui accélère comme si une vie était en jeu. Attrapant au dernier moment un étrange dessin tatoué contre sa nuque.

Telle une éclipse inexpliquée, un soleil flamboyant avait remplacé le clair de lune argenté.

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Hey ! Bonsoir à tous !

J'espère que tout va bien de votre côté pendant ces temps un peu bizarres on va dire...

On se retrouve aujourd'hui avec un nouveau chapitre, vous l'aurez compris on passe au deuxième chapitre de chacun des personnages, et ce rythme restera inchangé ! (pour la première partie du moins...)

Qu'en avez-vous pensé ?

Que pensez-vous du quotidien d'Hugo ? Compliqué, n'est-ce pas ?

Dans ce chapitre, on assiste au quotidien d'Hugo plus en détail, mais aussi aux rencontres avec les autres personnages...

Quels sont vos ressentis ? Comment avez-vous compris la fin ? 

L'arrivée progressive des personnages secondaires ne devrait pas tarder non plus !

Vous en saurez plus la semaine prochaine... D'ici là merci pour vos lectures, bon week-end et bonnes vacances à ceux qui le sont !

Des bisous, Lina.

(*) En référence à mon modèle, à mon héroïne favorite pour qui les astres ont toujours été un guide, de la même façon qu'elle l'a été pour moi.

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