Chapitre 22 | Vers l'abîme

Mes doigts sont ensanglantés ce matin. Je n'ai aucun moyen d'endiguer les filets rougeâtres qui courent le long de mes ongles, j'en suis la responsable. La pression des derniers jours refuse de redescendre, se contentant de garder captives mes pensées et un poids exagéré contre ma nuque. Je regarde le plafond d'un air absent, en quête d'une raison pour me lever, avant de contempler mon carnage quotidien. C'est fou comme ces petits morceaux de chair peuvent bien me pourrir la vie.

Machinalement, je rejoins la salle de bain. J'évite de croiser le reflet de cette fille marquée enfermée dans le miroir, pour me diriger directement sous la douche. Mi-décembre est toujours une période stressante. Ultimes détails à peaufiner avant la qualification pour le concours, premières angoisses, derniers pleurs de l'année. Maddy est toujours exécrable pendant ces périodes, et j'ai parfois du mal à me retenir d'en faire autant.

Après tout, notre vie a volé en éclats un matin de décembre. En une multitude de fragments de miroir que j'essaye de rassembler afin de présenter un reflet agréable de nous au monde extérieur.

En ce moment, j'ai plutôt l'impression que c'est le contraire qui se produit. Que les morceaux déjà en ma possession se brisent au contact de mes doigts.

Je désinfecte mes plaies avec attention, change mes pansements avec soin. Mes pieds ne ressemblent plus à rien depuis longtemps, les points ont tout détruit pendant les entraînements. Je fais l'ouverture puis la fermeture de la salle. Je me tue à la tâche mais les résultats sont là.

Je deviens excellente.

Tu es à peu près présentable.

Je termine par cette foutue queue de cheval, refaite à trois reprises avant l'effet escompté. Le ruban du jour est choisi, le rouge, déjà entre mes mèches.

Apparence impeccable, état d'esprit stable.

Je plie convenablement le col de ma chemise avant de la rentrer dans ma jupe plissée. Ma mère apprécie ce genre de détails, je ne dois rien laisser au hasard.

Apparence négligée, soupçons infondés.

N'oublie pas de sourire, Madeleine !

C'est tout ce qu'ils veulent voir.

Les premiers élancements d'une migraine me clouent sur place. Les paumes appuyées contre le lavabo, j'attends que les étoiles noires s'estompent. Deux cachets vite avalés viendront donner un coup de main.

Mes lèvres esquissent un sourire alors que je suis en haut de l'escalier. Je descends en toute légèreté pour rejoindre mes parents dans la cuisine.

— Bonjour !

— Oh, ma chérie, tu es magnifique ! lance ma mère en me souriant.

Apparence trompée, maman comblée.

— C'est gentil ! Je suis un peu en retard, je crois que je vais manger sur la route, lancé-je en me servant uniquement un verre de jus d'orange.

Mon père suspend sa fourchette à quelques centimètres de sa bouche. Ma mère, quant à elle, cesse tout mouvement. Ils échangent un regard lourd de sens.

— C'est non, tu connais la règle, lâche-t-elle finalement en terminant d'essuyer l'assiette qu'elle tient entre ses paumes.

— Mais je...

— Sarah, je pense qu'elle est assez grande maintenant, on peut lui faire confiance, me coupe mon père d'une voix douce. Ces choses-là ne sont pas arrivées depuis longtemps.

— Ces choses-là ne sont surtout jamais arrivées, je vous rappelle, nuancé-je immédiatement.

Il confirme, avant de scruter ma mère du regard. Nullement hésitante, elle secoue la tête de droite à gauche.

— On a passé un accord, alors tu respectes ta part du marché. Mange, dit-elle en poussant l'assiette remplie de pancakes jusqu'à moi.

Je tire ma chaise sans rechigner davantage. Cette lutte, je l'ai perdue depuis trop longtemps.

— Tu pourras me conduire ? demandé-je à mon père. Parce que je vais rater mon bus.

— Bien sûr.

Moins d'une seconde plus tard, Maddy débarque dans la cuisine. Elle se penche au-dessus de mon épaule pour atteindre l'assiette comportant notre petit-déjeuner, fourre une des pâtisseries dans sa bouche, l'autre directement dans une boîte, avant d'ajouter :

— Je rentrerai tard.

Et disparaît aussi vite, claquant la porte d'entrée derrière elle.

— Ok, bonne journée à toi aussi, soupire ma mère en s'appuyant contre le plan de travail, le regard dans le vide.

— Elle a l'air d'aller bien pour un mois de décembre, décrète mon père en terminant son café.

— On ne peut pas savoir avec elle, complète sa femme. Tu sais bien qu'elle te mène par le bout du nez depuis des années, Tom. On ne peut jamais comprendre ce qu'elle a vraiment sur le cœur.

— Qu'est-ce qu'on ferait sans Madelinette pour égailler nos journées et nous guider, hein ? dit-il en tapotant mon nez comme on agirait avec une gamine de cinq ans.

Je lui rends son sourire, parfaitement consciente de leur apporter de la joie pour deux, essayant tant bien que mal de cacher l'attitude morbide de ma sœur comme convenu avec elle depuis notre arrivée ici. Je suis son quota de joie, celui qui contrebalance pour rassurer les âmes de nos tuteurs.

La tête contre la vitre, je regarde Los Angeles défiler sous un ciel anormalement gris. Le froid ronge tout ce qui passe, y compris le bout de mes doigts lorsqu'ils s'aventurent sur l'écran de mon téléphone pour choisir une musique. Je m'enferme rarement dans cette bulle intime que représente le quatrième art pour mon corps. Pour une raison indescriptible j'en ai besoin aujourd'hui.

Le cœur teinté de mélancolie sous ce temps alourdi, j'aperçois Maddy avancer à grands pas dans sa jolie jupe à carreaux noirs, distinguant à peine ses mèches dissimulées sous son bonnet de laine. Elégante et discrète, elle vagabonde entre les corps en mouvement d'une manière pressée qui ne lui ressemble pas. Ma sœur s'arrête finalement après avoir déposé sa paume contre l'épaule d'un autre pour l'interpeller.

Hugo.

Je me mords la joue, le regard vagabond. C'est donc ça qu'on appelle la jalousie ? Pourquoi pique-t-elle ma peau curieusement en ce moment ? Ne pas avoir vu le jeune homme depuis plusieurs jours est un douloureux constat, mais qui ne devrait pas prendre autant de place dans ma poitrine. Notre échange sous la pluie me reste en mémoire, son silence avidement ancré dans mon esprit. Cet épisode a été tout simplement ignoré, isolé pour ne pas avoir à chercher de raison. Il a été occupé, je connais les raisons de cet éloignement qui ne peut qu'être forcé.

Il m'apprécie, vraiment.

Peut-être suis-je tout simplement à nouveau dans une de ces phases intrusives, six pieds sous terre, loin des hauteurs souriantes. Mon médecin assimile souvent cela à un grand huit fait de sommets qui coupent le souffle et de redescentes brumeuses dans lesquelles je dois me laisser tomber avec douceur. Sinueusement atteintes, ces boucles de vie ont tendance à dominer mes états d'âme et ses vagues.

Ferme les yeux, respire, et repars.

J'obtempère, estompant d'un revers de manche cette baisse d'énergie significative. Tout ça, c'est pas moi. Métaphoriquement, on pourrait dire que je sors un pinceau coloré pour dessiner le beau sourire mécanique qui écarte mes lèvres à cet instant.

Le hall à peine franchi, ma meilleure amie m'intercepte et signe immédiatement un « qu'est-ce qui ne va pas ? ».

Pas si bien appliquée que ça, cette peinture.

— Tout va bien, dis-je sans prendre la peine de pratiquer sa langue.

« — Non, je le vois bien. Qu'est-ce qu'il se passe ? C'est Maddy ? »

Je lui réponds un non qui se veut ferme, tant mon signe est rapide.

« — Explique-moi alors. » poursuit-elle en me barrant la route.

— Je vais bien, insisté-je.

Hope ne lâchera pas l'affaire si facilement, je la connais bien. C'est tout le problème avec elle. Lorsqu'un sens fait défaut, les autres sont souvent plus développés. Elle observe méticuleusement tout ce qui l'entoure, particulièrement pointilleuse, et le moindre écart lui apparaît comme une évidence.

Elle me regarde de haut en bas, les sourcils froncés.

« — La danse ? »

Je soupire, elle n'en démordra donc pas. Je colle les phalanges pliées de chacune de mes mains l'une contre l'autre, en laissant les pouces tendus, avant de les frotter ensemble. Je l'envoie sur une mauvaise piste en signant que c'est le concours qui me met dans cet état, allant dans son sens vers l'excuse de ma discipline favorite.

« — On peut répéter dans la semaine, si tu veux. » termine-t-elle avec un sourire.

J'ai l'impression qu'il y a une éternité que nous n'avons pas passé du temps ensemble. Habituellement, elle joue du violon devant moi, puis je lui présente ma dernière chorégraphie. Parfois, il arrive que nous confrontions nos arts respectifs dans une alliance improvisée sur les plus beaux morceaux de Lindsay Stirling. À ma demande, et grâce à son oreille absolue, Hope peut jouer n'importe quelle composition, à condition qu'elle l'écoute une fois ou deux en amont.

Mais cette année est différente. Je ne suis plus dans la haute partie de la catégorie, des plus expérimentée. Je figure parmi les plus jeunes, mes concurrentes sont redoutables et font partie des mes idoles d'enfance. Les battre demande beaucoup d'efforts, et arriver à leur niveau de perfection des mois d'entraînement.

— Si tu veux, je réponds pour lui faire plaisir.

Cette complicité me manque sincèrement, mais mes performances me rappellent sans cesse que je dois encore m'améliorer. Qu'il le faut si je souhaite être le centre d'intérêt du jury, si je veux devenir irremplaçable à leurs yeux parmi cette nuée de corps talentueux prêts à en découdre. Si les premières semaines de compétitions se sont passées sans encombre et d'une facilité déconcertante, les prochaines ne tromperont personne. Il est hors de question que je baisse les bras alors que les difficultés commencent à peine à pointer le bout de leur nez.

— On se voit plus tard, je dois aller en cours.

Je souffle seulement une fois assise dans la salle, prête à écouter le professeur de chimie résoudre des équations d'oxydoréductions. Pourtant, mes sens me mènent la vie dure sans que je comprenne pourquoi. Inattentive, je me surprends à regarder l'heure à plusieurs reprises, déconcentrée par le tic-tac de la trotteuse. Les grincements des chaises me font froncer les sourcils, le clapotis des robinets entrouverts des paillasses tourne en un écho intrusif, tout comme le tapotement des doigts de mes camarades sur leur clavier m'agace. Irritée, je jette l'éponge au bout d'une trentaine de minutes, du jamais vu. Baissant la tête pour soulager la raideur de ma nuque, je presse mes mains contre mes tempes en fermant les yeux, essayant de faire disparaître tout ce poids qui barre mon front. Incapable d'expliquer ce soudain malaise, je ferme les yeux. Puis, j'expire lourdement depuis le dernier rang, non sans attirer l'attention des autres étudiants.

Reprends-toi, qu'est-ce qu'il t'arrive ?

Depuis quand quelque chose d'autre se cache dans ta tête ?

D'où te vient ce mal de crâne ?

En suis-je la responsable ?

J'essuie mes paumes moites contre ma jupe, avalant nerveusement ma salive. Une des mes anciennes binômes se tourne dans ma direction, suivie par trois ou quatre autres regards. Ils alourdissent et agrandissent mon malaise, me forçant à relever la tête.

— Madeleine, tout va bien ? Vous... vous voulez sortir un instant ?

Je confirme d'un signe de tête, refusant néanmoins l'accompagnement d'un camarade. Je me dirige tout droit vers les toilettes les plus proches, priant intérieurement pour qu'ils soient vides. Je me regarde sans comprendre dans le miroir. Je n'ai rien, aucun signe physique qui pourrait expliquer ce que mon corps prépare en cachette.

Je tends les mains devant moi et les scrute avec attention. Elles sont gelées, mais ne tremblent pas le moins du monde. J'énumère dans ma tête les symptômes illusoires d'une éventuelle crise d'épilepsie, bien que toujours imprévisible, mais les réfute les uns après les autres. Pourtant, l'angoisse encercle ma poitrine en un étau d'acier que je ne peux pas déplacer. Il m'oppresse, me force subitement à prendre appui sur un lavabo pour reprendre mon souffle. Le mal niché entre mes côtes est similaire à un énorme nœud qui se ressert davantage après chaque inspiration. Il me broie de l'intérieur, jusqu'à former des larmes aux coins de mes yeux.

Mais qu'est-ce que tu fous, encore ?

Ça n'a rien à voir avec l'angoisse.

Respire au lieu de réfléchir !

C'est un tel plaisir de te voir perdre pied...

J'asperge mon visage d'une quantité incommensurable d'eau. Pourquoi je réagis comme ça, qu'est-ce qui ne tourne pas rond aujourd'hui ?

Tout ça ne date pas d'aujourd'hui, Madeleine, souffle-t-elle.

Je finis par me laisser glisser le long du mur sans écouter ma conscience, les yeux à nouveau clos pour mieux évacuer. La fin de la première matinée sonne lorsque je me redresse pour aller chercher mes affaires, bien décidée à oublier cet épisode. La salle est vide de tout occupant, mais les couloirs sont bondés. Je cherche Hugo du regard, prise d'un besoin urgent de lui parler.

Pour trouver refuge en sa présence. Pour qu'il m'aide à comprendre.

Encore quelque chose qui échappe à ton contrôle.

Oh, je sais combien tu détestes ça.

Mon vrai sourire refait surface lorsque mes pupilles se posent enfin sur lui. Je lisse ma jupe et m'avance, subitement apaisée. Mon rythme cardiaque augmente progressivement à son approche, jusqu'à ce qu'il se retourne et m'aperçoive. Seul devant son casier, son regard est fuyant. Il fait un discret signe de main dans ma direction, avant de partir à l'opposée en refermant précipitamment la porte en métal.

Stoppée net par son esquive, je cligne des yeux à plusieurs reprises.

Il ne veut pas te voir, ça me paraît assez clair.

Mais je...

Il n'en a rien à faire de toi, rends-toi à l'évidence.

La douleur de tout à l'heure n'a plus rien à voir avec la sensation qui contamine mon corps. Inexplicablement, je sens mon cœur se fracasser à mes pieds en une multitude d'éclats difformes.

Merde, tu tiens vraiment à lui.

Je... je ne comprends pas.

Il a vu Maddy, ils ont parlé ensemble. Pourquoi ne m'adresse-t-il plus la parole, qu'est-ce que je lui ai fait ? Pour quelle raison refuse-t-il de m'approcher ou même de me regarder ? Qu'ai-je fait de travers cette fois ?

Parfaitement immobile au milieu du couloir, je fouille dans ma mémoire pour trouver une trace de notre dernière conversation, notre dernier moment ensemble. L'échange près du pont, nous avons dessiné en pleine nuit, comme si de rien n'était. Nous avons parlé de Maddy, de notre mère biologique, de l'adoption. Les choses ont-elles changées ? Me considère-t-il lui aussi comme une chose fragile ? Comme un monstre ? Mais pourquoi me rejette-t-il alors qu'il continue de parler à ma sœur ?

Cette injustice complètement incompréhensible me prend à la gorge, m'étouffe. J'ai l'impression que chacune des personnes de passage dans ce lycée me fixe, me juge, comprend avant moi ce qu'il se passe. Je quitte les lieux en courant.

J'avance à grands pas pour fuir le campus. Pas lui, il ne peut pas me laisser tomber ! Après des parents qui me rejettent, une sœur qui veut me voir morte, un ancien petit ami qui me manipule, je ne supporterai pas une énième trahison.

T'es en train de perdre le contrôle, Madeleine.

Encore.

Mes poings se serrent, je bouscule les passants tranquillement en vadrouille sur les trottoirs. Si j'explose ici, je risque de tout détruire.

Souris, Madeleine. Souris à la vie comme tu sais si bien le faire.

Il n'en a rien à foutre de toi.

Respire, garde la tête haute.

Il n'a d'yeux que pour Maddy.

Ne l'écoute pas, elle veut te faire craquer !

Maddy a toujours tout eu, tu es sans intérêt à côté, une ratée !

Arrête d'y penser, arrête !

J'ai envie de hurler, d'appeler à l'aide, de m'époumoner pour évacuer toute ma rage, de crier à en perdre connaissance. Ma tête va finir par exploser, je sens que je chute. Seule avec moi-même, les ravages seront dévastateurs. Mais demander de l'aide ne servirai à rien, je suis mon propre problème.

La violence que je m'inflige me dépasse, elle me mange toute crue pendant la nuit habituellement, mais continue de prendre le dessus. Insatisfaite, elle doit se goinfrer de mon énergie pour survivre. Je n'ai qu'un moyen pour la faire taire.

La porte du centre d'entraînement claque contre le mur, je me dirige droit vers les petites salles mises à disposition pour les élèves de mon niveau, pour leur permettre de travailler à l'abri des regards. Je la verrouille d'un coup sec, jetant mon sac de cours par terre pour sortir toutes les affaires de danse autour de moi. À peine extirpés, mes chaussons claquent contre le parquet.

J'arrive.

Je retire mes chaussures sans même défaire les lacets, arrache presque mes chaussettes pour enfiler mes pointes sans aucune protection. Je retire mon pull afin de tempérer la chaleur qui me contamine, me précipite sur mes écouteurs. La musique passée en mode « répétition », je me place au centre du petit studio à la minuscule fenêtre entrouverte.

Je connais la chorégraphie, j'en connais des dizaines que je pourrais reproduire au geste près tant les douloureuses heures d'entraînements violentent encore ma chair de souvenirs tortueux. Sans aucun échauffement, si ce n'est la rage qui me fend le cœur, je joue avec le feu, je joue avec mon corps, je joue avec mon âme fragile. Je me pousse à bout pour les mauvaises raisons, et je le sais. Alors je me place en troisième position en attendant le signal.

Mais j'en ai besoin.

J'ai besoin de ça pour survivre.

Dès les premières notes, mes pieds suivent le rythme. Ce subconscient artistique est libérateur, alors je m'abandonne complètement à sa douceur. Talentueuse dans ce seul domaine, je garde le regard vague, vide de sens et d'émotions. Comme contrôlée par la musique, j'obéis à la loi du quatrième art telle une vulgaire marionnette que l'on fait pivoter sur elle-même. J'enchaîne tours, développés, entrechats et échappés pendant des heures, défiant la gravité et n'obéissant qu'à la perfection.

Une heure, deux, huit passent et l'obscurité est totale. Comme émancipée de mon propre corps, je répète inlassablement chaque mouvement avec un objectif : qu'aucun ne soit moins bon que le précédent.

Plus de sœur qui te rejette.

Le bout de mon pied d'appui hurlerait de douleur s'il avait don de parole. Je n'ose imaginer l'intérieur de mes pointes, sûrement ensanglanté par l'effort. Accro, je reproduis pour la trentième fois le même enchaînement avec une passion qui me consume.

Plus d'histoire illusoire avec un garçon.

Bouffée par l'amertume de ma folie créatrice, j'ignore les appels de détresse envoyés jusqu'à mon cerveau. Les compteurs sont au rouge, et ma raison les remarque. Elle tente de reprendre le contrôle, mais je lutte. Je ne suis pas prête d'avoir fini, il reste trop de choses dues au hasard.

Plus personne ne te réduit au silence lorsque tu danses.

Tu hurles tous les maux que tu caches jusqu'au fond de tes entrailles.

Je prends l'élan nécessaire pour faire trois tours. Réalisés à la perfection, mon genou plie sous cette réception de trop, créant un décalage désagréable avec la mélodie. Je comble cette erreur en me maudissant, avant de reprendre le contrôle. Voilà celle que je suis, voilà celle que j'ai toujours été.

Mon dos se ligue contre moi, rejoignant le camp des faibles qui veulent abandonner. Mais l'option n'est pas permise, pas lorsqu'on a disparu depuis autant de temps et qu'il est minuit passé. Il refuse d'épouser mes mouvements, de se plier à mes exigences. L'adrénaline court dans mes veines, anesthésie ma peine. Droguée par cette magie dont je suis l'origine, je continue, je tiens bon.

Plus aucune violence, je redeviens innocente.

La faim brouille les lattes du parquet entre elles, me donnant parfois l'impression de marcher dans du sable. L'instabilité du sol, le voile qui fonce temps après temps ma vue, diminue ma productivité.

Ma peau est lavée de tous ses péchés, mon âme de toutes les horreurs dont elle a été témoin.

J'oublie de respirer, une seconde, deux, peut-être trente pour ne pas être déséquilibrée pendant l'enchaînement final. La musique semble s'accélérer, la pièce tourne autour de moi. Je prends l'élan nécessaire pour le saut suivant.

Mais rien. Rien à part l'abîme.

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Bonsoir ! Comment allez-vous ?

On se retrouve aujourd'hui pour un nouveau chapitre, je tiens à m'excuser pour ces quelques minutes de retard ! 

Qu'avez-vous pensé de cette nouvelle partie ? De ces retrouvailles avec Madeleine ?

J'ai beaucoup aimé écrire ce chapitre, parce qu'il me permet d'introduire une dimension plus psychologique qu'auparavant. Et parce qu'écrire du point de vue de Madeleine a toujours été plus simple que les deux autres !

Vous avez bel et bien assisté à du Madeleine dans toute sa splendeur... et aux conséquences du rapprochement d'Hugo et de Maddy. Elle sent ces choses-là.

Sans parler de son état, qui se dégrade au fur et à mesure du chapitre...

Que pensez-vous de sa réaction ?

La partie finale expose son refuge, sa façon à elle de lutter contre tout ça. Parce que oui, ce n'est pas la première fois ! La danse à toujours été son seul moyen d'expression.

Ne me remerciez pas pour cette fin, c'était un plaisir !

Merci à tous pour votre lecture, et votre fidélité à cette histoire. Bon courage à tous ceux qui passent en ce moment-même des épreuves, je suis sûre que vous allez vous en sortir !

Des bisous, Lina.

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