Chapitre 10 | Reflets illusoires
— Est-ce que tu me suis, Madeleine ? murmuré-je d'humeur taquine.
À croire que notre discussion de tout à l'heure me donne déjà des ailes...
Pourtant, même de dos, je peux sentir qu'elle se tend subitement face à mes quelques mots. Sans vraiment en saisir le sens, je l'observe serrer les poings l'un contre l'autre, fulminant alors que je semble simplement me noyer dans l'incompréhension.
Bon sang, qu'est-ce qu'il se passe encore ? Une nouvelle saute d'humeur ?
— Je ne suis pas Madeleine, s'écrie-t-elle brutalement en s'approchant de moi, index tendu dans ma direction. Je n'ai rien à voir avec elle, alors par pitié, cesse de m'appeler comme ça ! Je ne comprends pas comment c'est possible de nous confondre, on ne se ressemble pas du tout, faut être aveugle ma parole ! Tu as l'impression que je sautille un pas sur deux en souriant à tout va ? Non ! J'arrête de jouer ! Madeleine est ma sœur, nous sommes jumelles, mais ça s'arrête-là ! D'ailleurs, je t'interdis de me regarder comme ça, c'est elle que tu dois draguer, pas moi ! termine-t-elle furieuse.
Ses cris m'atteignent de plein fouet. Même si je n'ai pas saisi l'ensemble de ses mots, le débit de paroles, l'intonation de son timbre ainsi que les hachures provoquées par sa colère me compliquant réellement la tâche, je la regarde chercher son souffle en m'incendiant du regard.
Madeleine est ma sœur.
Ça ne peut qu'être une putain de blague.
Nous sommes jumelles.
Quel con ! Pourquoi n'y ai-je pas pensé avant ? Tout s'explique !
Je reste bloqué un instant, complètement perdu mais surtout, me hurlant dessus intérieurement face à cette évidence. Aller jusqu'à penser qu'elle avait plusieurs personnalités... Pourquoi chercher aussi compliqué ?
Dans un soupir, je relève les yeux jusqu'aux siens. Elle masque son sourire mais je peux d'ores et déjà dire qu'elle est fière de son coup.
Et il y a de quoi, elle m'a bien roulé !
En y réfléchissant bien, Madeleine a mentionné à plusieurs reprises sa sœur, quel abruti ! J'étais à mille lieux de comprendre, elle aurait dû utiliser le mot « jumelle », j'aurais tout de suite compris !
Voilà que je rejette la faute sur elle...
Servant littéralement de divertissement à la garce du jour, qui prend un malin plaisir à se jouer de la situation, j'inspire un grand coup. Ne pas se laisser marcher sur les pieds par cette fille est la priorité.
Encaisser passera après...
— C'est donc pour ça que l'une est à la fois adorable et passionnante, pendant que l'autre est juste chiante et putain d'hautaine, lâché-je d'une voix solennelle.
Assister à la disparition de son sourire, provoque la naissance du mien. Il est évident qu'elle a tout sauf l'habitude d'être remise à sa place, personne ne lui tient tête vu les libertés qu'elle prend vis-à-vis des autres.
Ça lui fera du bien tiens !
À croire que nos deux sourires ne sont pas faits pour être accordés, ne se faisant jusqu'à présent jamais face, uniquement de pâles apparitions pour répondre aux taquineries de l'autre. Comme le soleil et la lune, nous ne semblions pas prêts de nous croiser tout s...
Une minute !
Sans ménagement, je saisis ses épaules sous une plainte ridicule, la faisant pivoter sur elle-même. D'un revers de manche, je repousse ses mèches rebelles pour fixer la pleine lune fièrement encrée contre sa nuque.
Un tatouage. Bon sang, on vient d'atteindre le summum de ma propre stupidité !
— Mais qu'est-ce que tu fais ? grogne-t-elle en plaquant sa main contre sa nuque, masquant de ce geste le dessin si symbolique.
D'un coup d'épaule, elle se dégage avant de me fusiller d'un regard assassin à souhait. Aussi proches, je discerne parfaitement chacune des nuances de verts enlaçant proprement ses pupilles sombres, pour ensuite apercevoir un regard souligné d'un large trait noir, offrant une sombre vision du monde à quiconque s'y aventure.
Envoûtant, n'est-ce pas ?
Je secoue la tête, comme si on me posait la question à voix haute. Ma gorge est complètement sèche face à cette vérité qui s'impose brutalement, me haïr en silence pour ne pas avoir vu l'évidence semble être un doux euphémisme.
— Je ne pouvais pas savoir, me défendé-je. Vous vous ressemblez comme deux gouttes d'eau.
— Ce ne sont que des apparences, rien de plus, grogne-t-elle, acerbe.
— Mais c'est l'image que tu renvoies, insisté-je, je n'y peux rien alors me crier dessus est inutile.
— Les apparences ne sont que détails, mensonges et illusions. Une tromperie inventée de toutes pièces pour envoûter et convaincre les plus faibles d'entre nous. Elles sont néfastes, manipulatrices et trompeuses. Oui, trompeuses, insiste-t-elle en me fixant droit dans les yeux. Les apparences sont trompeuses putain, quand vas-tu enfin le comprendre ?
Scotché par sa répartie, ma bouche se referme d'un coup. Bon, elle ne semble pas ouverte au dialogue, c'est tout ce qu'il faut retenir de cette histoire.
Plus tendue, tu meurs !
N'essayant même pas de répondre, je la contourne afin de rejoindre l'étale de dossiers clos, cherchant désespérément celui de ma famille pour en finir au plus vite.
— Qu'est-ce que tu cherches ? demande-t-elle une main sur la hanche.
Je ne réponds pas, me contentant de fouiller davantage plus haut.
Là où cette crétine ne pourrait même pas toucher le contenu de l'étagère !
Je l'aperçois hausser à peine les épaules, avant de prendre en photo quelques pages qu'elle retourne entre ses doigts. Ça faisait déjà une bonne demi-heure que je tournais en rond dans cette pièce close, incapable de comprendre comment est organisé le classement, comment l'ordre est déterminé et surtout, où est passé notre putain de dossier.
— Tu sais, continue-t-elle, c'est moi qui ai tout rangé l'an passé. Dis-moi ce que tu cherches et je te le trouverai.
C'est de la curiosité, rien de plus. Une fouineuse qui veut mettre son grain de sel dans mes affaires, alors que je ne lui ai rien demandé. Néanmoins, je ne souhaite pas passer mon temps à remuer les pages jusqu'à l'épuisement.
— Garcí, murmuré-je. Hugo et Luna Garcí.
— Hugo... répète-t-elle en promenant ses doigts sur les dossiers avant d'en tendre un dans ma direction.
Je la remercie d'un signe de tête et feuillette rapidement son contenu. Sans vraiment savoir ce que je cherche, un soupir d'exaspération m'échappe.
Autant chercher une aiguille dans une botte de foin...
— Qu'est-ce que tu cherches au juste ? me demande la curieuse, d'un air faussement désintéressé.
— Je pourrai te poser la même question, répliqué-je en tournant les pages.
— Je dois trouver des infos sur ma famille. Pour retrouver... quelqu'un.
Je fronce les sourcils, cruellement en manque de détails.
Alors elle se la joue enquêtrice elle aussi ?
— Je ne sais même pas ce que je cherche, avoué-je. Tout ce que j'ai, c'est un badge de l'établissement.
Je le brandis sous ses yeux, avant de me le faire chiper en beauté.
— Houlà, ce n'est pas de cette année. Ça date ton truc, rétorque-t-elle. Depuis au moins cinq ans, les badges ont complètement changé !
— Qu'est-ce que tu en sais d'abord ?
Complètement agacé par la possibilité de perdre mon unique piste, je croise les bras contre mon torse en la détaillant. Sous ses airs de mademoiselle je-sais-tout, ça crève les yeux qu'elle en sait bien plus que moi, qu'elle ne bluffe pas. Je la pousse d'un petit coup de coude, jusqu'à ce qu'elle daigne s'intéresser à moi.
— Un de mes proches travaille ici depuis un moment... et son badge n'a jamais ressemblé à ça. Où tu l'as trouvée l'antiquité ?
Sur la scène de crime...
— Ça ne te regarde pas, réprimé-je en reprenant mon bien.
— Bon, y'a absolument personne dans le couloir et je... commence Camille en s'arrêtant net sur le pas de la porte, clignant des yeux face à la présence de l'intrus du jour.
— Merci Cam, t'es vraiment la pire en terme de surveillance ! grogné-je en reposant le dossier, vierge d'informations, là où elle l'a trouvé.
— Je pouvais pas savoir, réplique mon amie en fourrant une chips dans sa bouche.
La discrétion incarnée, évidemment.
— Allez, on y va. Y'a rien ni personne d'intéressant ici, chuchoté-je en jetant un coup d'œil à la jumelle.
Elle renvoie ses cheveux en arrière, complètement désintéressée et hermétique aux critiques qu'on fait à son sujet. Encore vexé de ne pas avoir compris plus tôt malgré les nombreux signes, je sors en traînant les pieds, pour suivre mon amie et rejoindre ma sœur par la suite.
⁂
Pourquoi lorsque deux personnes de sexes opposés se rencontrent, les choses sont toujours interprétées dans le mauvais sens ? Comment en est-on arrivés à mentir à ses proches en omettant volontairement de dire qu'on voit une fille par peur de leur regard ? De leurs fausses-interprétations ? Et d'ailleurs, en quoi un garçon qui se lie d'amitié pour une fille est-il forcément homosexuel ?
C'était le cas depuis toujours avec Camille, sa présence plutôt que celle d'un garçon m'a toujours coûtée les jugements des autres.
Société de merde !
— Pourquoi tu te fais beau comme ça ? m'enquiquine ma petite sœur, en venant jouer dans mes jambes.
— Tu veux bien me laisser deux minutes ? Lou, je suis déjà à la bourre !
— Tu vas voir ton amoureuse ? continue-t-elle en éclatant de rire.
— Por fa' Lou, no me jodas, grogné-je en ajustant mon haut.
Elle rejoint le salon en hurlant, pour informer sa grande sœur que j'ai évidement utilisé des gros mots, en espagnol en plus. Bon sang, comment je vais faire avec deux gamines d'ici quelques mois ? Quand Aria se rajoutera au tableau, il est clair que mes nerfs seront mis à rudes épreuves...
— Ton col est mal mis, murmure ma mère dans mon dos.
Ses doigts froids s'activent silencieusement afin de reprendre cette erreur, avant de me sourire dans le petit miroir posé devant moi. Troublé par son intervention, je lui chuchote un merci distant, incapable de comprendre ce qu'elle cherche à me prouver à cet instant. Chaque fois que je suis dans cet espèce de grenier, la chose qui nous sert de chez-nous depuis un mois, j'ai l'impression d'étouffer. Dès que ma mère me sourit entre ces murs, la culpabilité revient à grands pas, jusqu'à déborder de mon cœur pour s'étaler aux yeux de tous.
Peut-être que je deviens claustro, ou intolérant à mes proches, qui sait ?
Ma respiration retrouve un rythme normal une fois le bâtiment lugubre quitté, m'accordant de ce fait un répit mérité. Et c'est bel et bien un sourire que j'accorde à Madeleine lorsqu'elle apparaît dans mon champ de vision. Sautillant presque dans sa petite robe fleurie, elle m'adresse un signe, avant de tripoter ses mèches comme elle le fait souvent en ma présence.
Avec le recul, c'est un miracle qu'elle et Maddy soient différentes. Elle est tellement attentionnée comparée à sa crétine de sœur... Oui, un vrai miracle que leurs apparences ne soient qu'illusoires.
— Hey ! lance-t-elle joyeusement.
— J'ai bien reçu ton petit mot, dis-je en réalité pour la seconde fois. Alors me voilà, souris-je.
Y'a pas de malaise Hugo...
— Super ! Je déteste être redevable à quelqu'un, me répond-elle avec le même sourire. Je te l'avais bien dit ! Par contre, on va être en retard si on ne part pas immédiatement.
— Aucun problème. Tu... tu veux conduire ? proposé-je en me grattant nerveusement la nuque.
— Impossible, je n'ai pas le droit donc je n'ai pas mon permis, explique-t-elle simplement, en ouvrant la portière du côté passager sans plus de cérémonie.
Bon... Ça annonce la couleur !
Je me glisse derrière le volant, à peine gêné par cette situation étrange. Aller je ne sais où avec une fille qu'on connaît à peine, quoi de plus normal ?
— Comment ça se fait ? insisté-je curieux, et surtout pour ne pas laisser le silence alourdir l'atmosphère qui nous sépare.
— Je n'ai pas le droit de conduire à cause de mon épilepsie. Alors je fais sans, ce n'est pas bien grave, développe-t-elle sans jamais desserrer ses lèvres souriantes.
Ai-je un jour vu cette fille s'arrêter de sourire ? Quand il s'agit bien d'elle, évidemment...
Une telle légèreté émane d'elle, c'en est presque étrange. Perturbant certes, le genre de personne qu'on regarde par hasard sans vraiment la connaître, et qui nous transmet un sourire franc, partageant involontairement sa joie à son entourage.
Décidément trop bizarre.
— Tourne à droite sur la quatrième, m'indique-t-elle.
— J'ai au moins le droit de savoir où on va ? questionné-je en suivant sa directive.
— Je me suis retrouvée sans le vouloir dans ton endroit préféré, je crois que la moindre des choses c'est que tu découvres le mien !
Je hoche la tête, tout à fait d'accord avec cette idée. Bon sang, je n'étais pas sorti depuis plus de six mois. Depuis que ma mère nous a annoncé être enceinte, depuis qu'Aria est née, depuis que notre quotidien s'est retrouvé complètement bouleversé et sans-dessus-dessous à causes d'aléas de la vie qu'on a tout sauf mérité...
C'est vrai, depuis quand n'ai-je pas soufflé ?
Le trajet se fait plus ou moins dans un silence idiot, un silence qu'on s'impose parce qu'on ne connaît rien l'un de l'autre. N'osant pas la déranger, je me mure dans cette absence de bruits, répondant à ses sourires et suivant la route qu'elle me trace, incapable de saisir ce qu'elle peut bien penser à cet instant. Ni même, pourquoi elle ne cesse de me regarder en coin sans aucune discrétion qui plus est.
— Merci, lâche-t-elle en détachant sa ceinture une fois le véhicule à l'arrêt. J'espère que tu n'as rien contre un petit peu de marche, sourit-elle en s'extirpant de l'habitacle.
— Non, pas de soucis, répliqué-je, indifférent.
Elle m'a conduit au bord de la mer. Je connais ce coin, le cap plus précisément. Les courants des alentours sont parfaits pour les sessions de surf que mes amis organisent pour se divertir. Je n'étais simplement jamais allé aussi loin.
— Tu aimes aller à la mer ? lancé-je en imitant ses gestes, défaisant mes chaussures à sa suite.
— N'importe qui vivant à Los Angeles aime la mer, tu ne crois pas ? Cependant, nos plages m'écœurent. Elles sont si laides et si peu représentatives des merveilles qui se cachent au loin, à l'abri des touristes et de leur pollution... Ça, c'est ce que tout le monde devrait voir lorsqu'on parle de plages californiennes. Pas simplement le sable blanc et l'eau pâle. Tout le reste est important, l'atmosphère que renvoie un rivage est unique, poétique. Seulement les gens sont trop pressés pour le voir, pas assez patients pour capter la beauté de la nature.
Sandales à la main, ses lèvres laissent passer un énième sourire, son regard luisant d'une sincérité nouvelle. Aucun doute, elle aime venir ici et ce lieu lui tient à cœur. Madeleine descend les escaliers en tirant nerveusement sur sa robe, agitée par les bouraques de vent. La beauté du paysage me mettant du baume au cœur, loin de la ville et des soucis, ce bol d'air m'offre un second souffle.
— Toi aussi, tu trouves ça bizarre n'est-ce pas ? Suivre une fille et la conduire dans un endroit qu'elle aime alors que tu ne sais rien d'elle ? Tout le monde m'a jugée sur ça, et à vrai dire, je ne pensais même pas que tu viendrais, avoue-t-elle.
— Je ne suis pas du genre à laisser tomber, je l'ai déjà dit, chuchoté-je une fois sur le sable.
— C'est gentil.
Elle me dévisage un moment, avant de tenir tête à l'horizon. Perdu non-loin de son regard, mes yeux dérivent sur les vagues et glissent entre ses reliefs. Noyés dans cette immensité, le bruit de l'eau m'apaise presque autant que mon acolyte.
— On va faire quelque chose alors, prend-elle les devants. Trois questions, tu connais ? Avec ma sœur, on le faisait tout le temps, gamines. Quand on n'avait pas les mots, quand on savait plus quoi dire, l'une de nous deux invoquait les trois questions. Trois interrogations pour satisfaire la curiosité, trois réponses pour apprendre à se connaître.
Ça n'a rien d'innovant, rien d'exceptionnel, tout le monde dans ma famille connaît les trois questions. Même si ce n'est en rien un moyen de communication chez nous, ça l'est pour bien d'autres. Cette idée et notre utilisation commune me pousse à accepter d'un signe de tête, incapable de proposer une alternative de toute façon.
— Trois questions pour commencer, dit-elle. Je t'écoute.
En la voyant, c'est plutôt une bonne dizaine qui fleurissent et se battent dans mon esprit pour être choisies. Après une seconde de réflexion, remuant nerveusement le sable entre mes doigts, je déclare.
— Pourquoi cet endroit, qu'est-ce qu'il a de si particulier ?
Dans un petit hochement de tête, elle s'éclaircit la voix avant de répondre de façon décontractée et sincère.
— Depuis toute petite, j'ai toujours eu besoin de marcher pour comprendre le monde. Peu de gens arrivent à adopter mon point de vue, et la plupart du temps on me prend pour une dingue... Mais marcher m'aide à réfléchir, à m'épanouir, à rêver ou à m'émanciper du quotidien. Je cours pour évacuer et pousser mon corps à bout, pour marquer chacun de mes muscles d'une douleur physique qui illustrera enfin les maux qui me hantent moralement. Pour la marche, c'est pareil. Je me déconnecte, je passe à autre chose, et me retrouve seule avec mes pensées. Généralement en musique, c'est comme si je ne faisais qu'un avec la nature, je peux même me faire une ribambelle de films dans ma tête sans que personne ne me juge... Ici c'est le plus beau sentier qui puisse exister, justement parce que le vent modifie les sillons dans le sable et que mon chemin n'est jamais le même que la fois précédente. C'est en vagabondant sans savoir où je vais que je retrouve finalement ma route, finit-elle dans un murmure.
Sans voix, j'ose plonger mon regard contre le sien. Le vert dans lequel je me noie ne révèle qu'une infime sensibilité, et une sincérité à toute épreuve. Il n'y a pas de doute, elle a les mots justes pour illustrer ce qu'elle pense.
— Et puis ici, c'est un peu la liberté, rit-elle avec légèreté. Tu vois, je suis pas sous le tutorat de mes parents, ni sous la domination de ma sœur, je suis juste moi, et c'est tout ce qui me plaît.
À travers son discours, je pourrais presque l'imaginer courir sur le sable jusqu'aux vagues, libre et indomptable, en fermant les yeux face à tant de douceur. Vous savez, ce sentiment si curieux qui nous titille face à une personne qu'on ne connaît pas, mais qui est englobée d'une telle aura qu'on a l'impression de tout comprendre, de la cerner parfaitement.
Quelle blague Hugo, si tu savais quel rôle elle joue avec toi...
Sans plus de cérémonies ni de manières, elle rejette les mèches brunes dérangeantes derrière ses épaules, masquant ensuite ses yeux pour empêcher le soleil de venir jusqu'à ses pupilles.
— Bon, à mon tour, commence-t-elle, en se frottant exagérément les mains. Hum... quel est ton rêve le plus fou ?
J'écarquille les yeux, complètement pris de court par sa spontanéité, autant que par son regard avide de réponses qui gagne le mien.
Qu'on me fiche la paix, pensé-je le plus fort possible. Que mon père ne revienne jamais à la maison, que mes sœurs soient en bonne santé et heureuses, qu'elles puissent retrouver leur maman aimante et bienveillante, que l'argent ne soit plus jamais un souci, qu'on ne manque jamais de rien. Que je puisse passer une journée sans m'inquiéter, simplement avec un sourire.
Je baisse le menton, face à toutes ces idées. Arrêter de vouloir en finir semble aussi un joli rêve, ceux du genre paradisiaque et qui n'arrivent jamais. Cette question résonne comme une grande claque, chacun des souhaits imaginaires ébréchant un peu plus mon âme, me faisant réaliser que rien ne va dans la minable existence que je tente de poursuivre.
Abasourdi par ce constat, je me rapatrie sur mon rêve de gosse.
— Niveau rêve impossible, je suis assez calé, expliqué-je, acerbe. Mais le plus grand, c'est un que j'avais petit, le premier qui a véritablement volé en éclats. Je voulais faire de mon sport favori, qui était à l'époque mon unique passion, mon métier. Je voulais passer ma vie à jouer au basket, à pratiquer pour le plaisir et pour m'épanouir à travers cette discipline. C'est vraiment une belle pratique, et ça rendait ma mère terriblement fière alors... c'était magique de voir ces dizaines d'étoiles traverser ses yeux en même temps. J'étais doué pour ça, alors j'ai nourri pas mal d'espoir à ce sujet.
— Il n'est pas trop tard, tu peux toujours tenter ta chance, dit-elle avec le sourire.
— Plus maintenant, c'est beaucoup trop tard.
Mensonge.
— Je comprends pas... Qu'est-ce qui te pousses à y renoncer ? demande-t-elle incrédule.
— Problème de chevilles. Pas évident quand on est supposé atteindre un panier à plus de deux mètres du sol.
Mensonge, mensonge, mensonge.
— Oh... je suis désolée. Ça doit pas être évident d'être freiné par son corps, alors que ton esprit voit les choses tellement différemment.
Tu parles à une danseuse passionnée Hugo.
Je ne m'attends pas à ce qu'elle comprenne, du peu que je connaisse sur elle si on se fie aux journaux, Madeleine a toujours été faite pour pratiquer la danse. Elle est douée depuis des années, gracieuse depuis toute petite, talentueuse et prédestinée à danser depuis toujours. Vivre de sa passion est le seul but de son existence, son unique direction.
— Dernière question, murmuré-je rongé par l'émotion, voulant en finir avec ces souvenirs douloureux.
Délicatement, j'extirpe de ma poche arrière l'enveloppe contenant son invitation du jour, avant de l'agiter sous ses yeux d'un air taquin.
— Dis-moi Madeleine, si tu recevais dans les jours suivants une invitation similaire à celle-ci, de la part d'un gars qui se sent redevable à nouveau, qui veut simplement continuer à te faire découvrir son petit monde, qu'est-ce que tu lui dirais ?
Ses pupilles s'illuminent brutalement, si bien que j'en viens à m'interroger sur comment cette fille peut-elle être aussi expressive. Avec un sourire radieux, et ce même petit air taquin qu'elle affiche depuis le début, les joues légèrement rosées mais les lèvres illustrant toutes ses émotions en une esquisse, elle m'assure d'une voix joviale.
— Alors je lui dirais que je n'en attendais pas moins de sa part, et que maintenant c'est à lui de me surprendre.
⁂
_________________________
Hey ! Bonsoir à tous !
Je suis sincèrement désolée pour ce retard, j'ai complètement été prise par le temps cette semaine ! En tout cas, j'espère que tout va bien pour vous !
On se retrouve ce soir pour le 10ème chapitre de LRDM (oh mon dieu, déjà ?!)
Qu'en avez-vous pensé ?
On peut clairement le séparer en deux parties, chacune avec une sœur et notre Hugo... La suite de la fameuse discussion que vous attendiez tous, et ses premiers pas avec Madelinette...
Comment avez-vous trouvé le début, avec Maddy ?
Sans parler de la suite, mon moi "auteure de romance" en a le cœur qui palpite, ça fait tellement de bien !
Est-ce que ça vous a plu ?
On se retrouve la semaine prochaine, merci pour votre présence (et votre patience) !
Des bisous, Lina !
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