Perle
TW : Pensées suicidaires, tentative de suicide
Perle est une fille sage. Tout le monde le dit, elle est toujours si gentille, si accommodante, jamais un mot plus haut que l'autre. Dix-neuf ans qu'elle vit et elle n'a jamais désobéi, déçu, désespéré. Toute sa famille la complimente, ses parents se félicitent d'avoir une fille si parfaite comme unique enfant. Jamais eu de crise d'ado, de crise existentielle, de crise tout court. Et pour couronner le tout, de bonnes notes, une fac prestigieuse, un avenir assuré.
Perle est une fille gentille. Tous ses camarades le disent. Dès que quelqu'un se sent mal, elle sait trouver les mots qui calment, qui rassurent ou qui consolent. Elle est toujours altruiste, jamais égoïste, et elle est aussi une oreille attentive et un bunker à secrets pour ceux qui voudraient se confier. Tous ses camarades de promo sont d'accord : tout le monde l'adore. Qui pourrait détester un ange ?
Oui, Perle est un ange. Elle arrache ses propres plumes pour guérir les maux des gens. Et lorsqu'on lui dit que ce n'est pas nécessaire, qu'on lui demande si elle va bien, qu'on lui propose de l'aider à soigner ses ailes à moitié plumées, elle fait son doux sourire céleste et répond qu'elles repousseront.
Mais la croissance est longue, et pour une plume repoussée, dix autres sont arrachées. Les ailes de Perle sont grandes, mais elle ne peuvent pas soigner tout les malheurs du monde, et Perle est à bout.
Ce soir, Perle contemple le ciel depuis le toit de l'université. Les étoiles scintillent doucement comme de petits diamants éclatants. Elle a longtemps rêvé d'en être une, de traverser les nuages pour s'élever à leur hauteur et d'illuminer les yeux et les cœurs des gens. Mais les rêves d'enfance ne sont que des mirages inatteignables, Perle le sait. Ce n'était pas une voie sûre, ses parents le répétaient.
Aujourd'hui, si Perle essayait de s'élancer dans le ciel et de voler jusqu'aux astres, elle n'arriverait même pas à décoller d'un centimètre. Ses grandes ailes d'ange ne sont plus qu'un squelette dépourvu de plumes. Elle n'est plus que l'ombre du séraphin qu'elle était autrefois. Elle a tant porté le masque de fille parfaite qu'elle s'est façonné qu'il a fini par s'incruster sur son visage et elle s'est effacée derrière ses traits angéliques. Peu à peu, elle a sombré sous les attentes et les injonctions de ses parents, de son entourage, de la société. Faire des études. Trouver un travail prestigieux et bien rénuméré. Épouser un ingénieur ou un hommes d'affaires. Avoir des enfants. Fonder une famille. Réussir sa vie.
Mais Perle étouffe dans ces cases bien tracées. Elle ne peut plus continuer. Elle voudrait faire une fac d'art, avoir de vrais amis, une petite copine, être égoïste, faire ce qui lui plait sans se soucier de l'avenir et de tous les problèmes qui vont avec. Elle veut juste se libérer de ces lignes bien droites qui l'entravent et qui l'oppressent. Ses parents, sa famille, ses camarades, tous la voient comme la fille parfaite et raisonnable qui suivra gentiment la vie toute tracée qu'on lui offre sur un plateau d'argent. Mais ils ne savent rien d'elle, de ses rêves, de ses envies. Ils ne l'ont jamais vue faire des crises d'angoisse au milieu de la nuit à cause de tout et n'importe quoi. Ils ne l'ont jamais vue exploser et crier toute sa colère, sa tristesse, sa frustration, toutes les émotions négatives qu'elle enfouit en elle pour ne pas tremper son masque de carton. Ils ne se sont jamais demandé pourquoi elle ne montre jamais ses bras, même en été, ni pourquoi le placard de sa salle de bain était rempli d'antidépresseurs, ni pourquoi elle tentait de cacher ses cernes sous un épais maquillage qui n'arrivait qu'à les estomper. Si ce soir, elle saute, ils se demanderont bêtement pourquoi elle a brusquement arrêté de voler dans le ciel.
L'aube pointe le bout de son nez derrière la ligne d'horizon. Les premiers rayons du soleil viennent caresser le visage de la jeune fille. Perle s'avance, lentement, s'arrête à un pas du bord. Mille et une pensées traversent son esprit, étouffées sous les deux phrases que son esprit répète en boucle, comme s'il se disputait tout seul. FAIS-LE. NE LE FAIS PAS. Elle reste ainsi quelques minutes, debout sur la ligne entre la vie et la mort. Puis soudainement, elle ferme les yeux, avance une jambe et...
Perle ouvre les yeux. Le soleil s'est levé. Elle se tient toujours sur le toit, un talon sur le bord. Deux bras enserrent sa taille. Une voix familière lui murmure à l'oreille : "Reste."
J'ai écrit ça d'une traite, je n'ai rien relu, et je suis pas très satisfait•e de la fin, mais il est presque trois heures du matin alors je laisse ça comme ça x)
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