Torsades au gruyère
Il devait être saoul. Enfin, il n'avait bu qu'une bière mais il devait forcément saoul. Pas au point de tout oublier ou de danser nu sur la table. Quand même pas. Mais disons qu'il commençait à avoir des pensées assez particulières et surtout il se posait des questions étranges. Comme pourquoi est-ce que ce soir Michaël semblait encore plus beau que d'habitude ? Avait-il mis quelque chose sur ses lèvres pour qu'elles paraissent aussi attirantes ? Et aussi ...
« Charlie ?
– Je ... oui ! répondit-il vivement.
– Super ! Je vais chercher ce qu'il nous faut alors ! »
De ... quoi ? Charlie sursauta et suivit Seon Ho du regard. Il agissait comme s'il venait d'accepter quelque chose. Mais quoi ? Il se mit à frissonner. Connaissant le coréen, il pouvait s'être engagé dans tout et n'importe quoi. Et surtout dans n'importe quoi. Si cela se trouvait, il venait d'accepter de donner son âme au diable. Ou pire ... peut-être qu'il venait d'accepter ...
« Je suis là ! On va pouvoir jouer ! »
... de jouer à un jeu.
Mais dans quel pétrin il s'était mis ? Pas qu'il n'aimait pas jouer. Mais son ami Seon Ho était réputé pour ses connaissances en jeux étranges et inconnus au bataillon. Et bien souvent Charlie se tapait une honte monumentale à l'issu de ces jeux. Sauf qu'aujourd'hui, il ne fallait en aucun cas qu'il ne se ridiculise. Il semblait déjà ne pas être très frais à cause d'une bière. Que dirait Michaël si en plus de cela il découvrait qu'il avait un talent certain pour se mettre dans des situations improbables en jouant ? Et puis d'ailleurs, pourquoi est-ce qu'il s'en souciait autant de Michaël ? Ok, il était séduisant, extrêmement gentil, beaucoup trop intelligent, avec un humour décapant, et puis des fesses ... enfin, des lèvres ... ou non, plutôt des yeux. Oui c'était ça, il avait des yeux magnifiques ... et donc, oui, en fait il avait totalement craqué sur Mike. Mais il était parfait et lui beaucoup trop faible face à cela. Donc oui, il craignait réellement le jeu qu'avait prévu Seon Ho.
« J'avais pas de Mikado alors on va faire le jeu avec les torsades au gruyère que j'avais prévu pour plus tard ! annonça gaiement Seon Ho. »
Des torsades au gruyère ? A la place de mikados ? Ils n'allaient quand même pas jouer à ...
« C'est partie pour le Pepero Game ! s'écria Seon Ho. »
Enfer ...
« Alors tout le monde connaît le principe du jeu ? Chaque duo tiré au sort va tenir dans sa bouche l'extrémité d'une torsade. Le but est de manger petit à petit la torsade sans la casser et de laisser le plus petit bout possible à la fin. »
Ok. Charlie compta rapidement. Ce soir, ils étaient dix. Il y aurait donc cinq duos. Et il avait une chance sur neuf de tomber sur Mickaël. La chose était de savoir maintenant s'il souhaitait se retrouver avec lui ou au contraire, s'il ne le voulait absolument pas ! Il allait devoir laisser le hasard le guider parce qu'à l'instant présent, il n'était absolument pas en condition pour faire un choix de cette importance.
« Charlie avec ... Mickaël ! »
Enfer et damnation. Laisser Seon Ho constituer les duos n'était pas forcément la meilleure solution ... et n'était pas forcément synonyme de laisser faire le hasard. Et lorsque Charlie reçut un clin d'œil plus ou moins discret du coréen, il sut qu'effectivement, le hasard n'avait absolument rien à voir avec tout cela.
Il se mit alors face à Mike. Le plus dur à présent était de ne pas rougir d'autant plus qu'il avait hérité de sa famille d'une peau pâle très friande des rosissements intempestifs. Et là, face à l'autre jeune homme, il sentait vraiment son corps échapper à son contrôle. Son cœur semblait battre un peu plus vite, sa température avait grimpé d'au moins cinquante degrés et il commençait à transpirer. Il sentit quelque chose contre ses lèvres et comprit qu'on venait de lui mettre l'extrémité d'une torsade dans la bouche.
Et Mickaël commença à s'approcher.
Est-ce que tout allait se passer comme ça ? Genre une fête entre ami, un jeu qui va permettre à l'un des mecs d'embrasser le garçon pour qui il craque et puis ... et puis quoi d'ailleurs ? A partir de ce jour là il vit avec le souvenir de la proximité de l'autre garçon et rien de plus. Il fait semblant de rire lorsqu'ils se remémorent tous cette soirée alors qu'au fond de lui le souvenir fugace du moment où il s'est le plus rapproché du bonheur tourne en boucle. Et puis, même si ce n'était qu'un jeu ... il risquait bien d'avoir son premier baiser là. Alors certes, avec le garçon qui lui plaisait mais quand même ici, pour un jeu, entouré d'autres personnes. Et ils allaient forcément passer près du baiser vu la compétitivité de Mickaël. Et Charlie trouva alors cela triste.
Il ferma les yeux. Finalement, il aurait préféré ne pas tomber sur lui. Mais il était trop tard pour cela, alors à la place, il préférait ne pas regarder et ainsi continuer à imaginer ce que pourrait être un baiser entre eux deux et faire passer ce qu'il arrivait pour un simple songe.
Croc.
La torsade tomba entre les deux garçons, faisant sursauter Charlie qui ouvrit instinctivement les yeux. Mickaël regardait les autres d'un air peiné.
« Désolé ... je crois que j'ai un peu trop bu, j'arrive pas à mesurer ma force. On peut recommencer ?
– Même pas en rêve, s'exclama un de leurs amis. Pour une fois que tu perds facilement, on va pas tenter le diable ! A nous ! »
Charlie soupira de soulagement avant de s'absenter, prétextant vouloir aller boire un verre d'eau à cause de la torsade, et sans faire attention aux bouteilles d'eau juste à côté de lui. Il se dirigea vers la cuisine avant finalement de bifurquer vers la salle de bain pour se rafraîchir un peu.
Il se pencha, mit ses mains sous l'eau et s'aspergea le visage.
« Pourquoi t'as eu l'air aussi triste ? »
Charlie sursauta, manquant de peu le meuble au-dessus du lavabo. Il releva la tête et vit Mickaël appuyé contre le chambranle de la porte.
« Je ne vois pas de quoi tu parles ...
– Tes yeux ... quand on jouait. D'un coup, ils ont eu l'air tellement triste. Pourquoi ?
– C'est rien. J'ai juste ... je me suis juste rendu compte de quelque chose d'un peu idiot.
– Rien est idiot. Surtout si ça t'a rendu triste tu sais ? La tristesse n'est jamais à prendre à la légère et ses causes encore moins.
– Si on était allé jusqu'au bout de la torsade, ça aurait été mon premier baiser, lui répondit subitement Charlie.
– Je ... je comprends ... Tu aurais préféré une autre personne pour un premier baiser.
– Non ! s'exclama-t-il rapidement avant de rougir. Si, enfin, c'est pas le problème. C'est plutôt que ... avoir son premier baiser lors d'un jeu ... c'est pas forcément ce à quoi j'aspire. Tu dois me trouver mièvre, ricana-t-il.
– Je ne crois pas, sinon je n'aurais pas fait exprès de perdre. »
Charlie se figea de stupeur. Mike qui faisait exprès de perdre à un jeu, c'était tout simplement du jamais vu.
« J'allais pas m'approcher de toi alors que tes yeux me criaient de me reculer, que me voir approcher était la chose la plus horrible au monde.
– Mais c'est pas toi, hein ! tenta maladroitement de le rassurer Charlie.
– J'espère bien. Parce qu'en vrai ... c'est moi qui ai demandé à Seon Ho de nous mettre ensemble tous les deux.
– Qu- quoi ? Mais pourquoi ?
– Bah, parce que tu me plais, répondit Mickaël comme si cela coulait de source. Tout le monde le sait ici ! Sauf ... toi apparemment.
– Bien sûr que non je le savais pas ! »
Charlie s'était presque mis à crier à cause de la surprise. Il s'installa sur le rebord de la baignoire et réfléchit. Il pensait être actuellement évanoui. Après tout, le choc de s'être retrouvé aussi proche du mec qui lui plaisait avait sûrement causé des dégâts sur son cerveau. Il se mit à établir toute sorte de théorie expliquant la situation et lorsqu'il revint à lui, ce fut pour trouver l'autre garçon juste en face de lui.
« Maintenant qu'on ne joue plus, est-ce que je peux t'embrasser ? »
Si quelqu'un demandait à Charlie ce qu'il avait répondu à cet instant-là, il aurait été incapable de le dire. Il ne se souvenait même pas avoir l'avoir fait. Pourtant, en son for intérieur, il se doutait de ce qu'il avait dit. Ou plutôt, la présence des lèvres de Mickaël sur les siennes en était un bon indice.
Avait-il répondu ? Ou au contraire était-il resté figé ? L'avait-il rapproché de lui ou alors l'avait-il repoussé ? Ça non plus, il ne s'en souvenait plus. Il savait juste que ce qui avait rendu les lèvres du jeune homme encore plus attirante ce jour-là, ce qui l'avait rendu encore plus beau que d'habitude,c'était son sourire. Un sourire plus éclatant à l'idée de mettre son plan en action et de se rapprocher du garçon qui lui plaisait. Un sourire que Charlie sentait désormais, sur le bout de ses propres lèvres.
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