Tarte aux poireaux
Il se fichait de lui.
Forcément.
En tout cas il ne voyait que ça. C'était la seule solution qui expliquerait pourquoi il se trouvait actuellement face à ...
« Une tarte aux poireaux ? s'indigna Elias. Vraiment ?
– Et alors ? lui répondit Adam. Quel est le problème ?
– Tu sais bien que je n'aime pas les poireaux !
– De la même manière que tu n'aimes aucun légume de couleur verte. Il va falloir que tu arrêtes de te comporter comme un enfant. »
Alors là, Elias était vexé. Pire encore. Il se sentait trahi par son compagnon et sa tarte aux poireaux. Il détestait vraiment les poireaux. ... Bon, effectivement, il détestait aussi les haricots, les brocolis, les petits pois et n'importe quel autre légume de couleur verte. D'ailleurs, il n'aimait pas le vert tout court et ça, Adam le savait parfaitement. Alors comment avait-il pu ne serait-ce que penser à faire ça ?
« Et si je veux être encore un enfant ?
– Comment ça ? »
Ah ! Un point pour lui. Adam ne s'y était pas attendu. Il le traitait d'enfant ? Eh bien, il allait jouer l'enfant !
« Et bien quoi ? Si j'ai envie de rester un enfant, c'est mon droit non ?
– T'es sérieux ?
– Très sérieux.
– Ok ... donc tu seras traité comme un enfant. »
Elias opina vivement de la tête avec un petit sourire satisfait. Il avait gardé cette manche. Et maintenant, il allait se chercher quelque chose de bien meilleur à manger.
« Je peux savoir où tu vas ? lui demanda sèchement Adam.
– Me chercher quelque chose à manger qui soit comestible et surtout qui ne soit pas vert.
– Hors de question.
– Qu-quoi ? Comment ça hors de question ?
– Tu as voulu être traité comme un enfant ? Eh bien, c'est ce que je fais. Maintenant, mange ta tarte aux poireaux. »
Il était sérieux là ? Il était réellement en train de l'obliger à manger cette chose ?
« Je refuse, lui dit-il alors en croisant les bras.
– Eh bien moi je t'y oblige. Après tout, c'est ce qu'on fait aux enfants. On les oblige à manger des choses qu'ils l'aiment pas parce que c'est bon pour leur santé. Et tu as dit que tu voulais être un enfant. Tu dois donc m'écouter.
– Tu fais ça uniquement pour me contrarier parce qu'être enfant est tellement mieux qu'être adulte.
– Si tu le dis. »
La manière détachée avec laquelle Adam lui avait répondu le mit presque hors de lui. Il lui parlait comme s'il savait tout tellement mieux que lui et ça l'agaçait vraiment. Mais vraiment. Il fallait qu'il se défende, qu'il lui prouve que pour une fois, c'était lui qui avait raison et pas son compagnon.
« Bon, très bien. Faisons un deal, proposa Elias. Dis-moi ce qu'il y a de si merveilleux à être adulte et moi, je te dirai ce qu'il y a de meilleur dans le fait d'être un enfant. Si finalement tu décrètes qu'être un enfant est effectivement mieux, je gagne et tu ne pourras plus m'obliger à manger ces trucs écœurants. »
Il avait là la meilleure idée du siècle. Il n'y avait aucune chance pour qu'Adam gagne. Après tout, tout le monde savait que l'époque où l'on était enfant restait la meilleure période de la vie de chacun.
« Très bien, répondit Adam. Je t'écoute.
– Alors quand on est enfant, on a pas besoin d'aller travailler et encore moins d'avoir un job que l'on n'aime pas.
– D'accord ... mais du coup, pas de compte en banque rempli.
– C'est vrai. Mais ça veut aussi dire pas d'impôt, ni de factures.
– Lorsque tu es adulte, tu passes ton permis et tu as une voiture pour te déplacer où tu veux.
– Les transports en commun sont assez développés maintenant pour qu'on puisse facilement se déplacer n'importe où facilement.
– Puisque tu es un enfant, tu peux dire adieu à la moindre goutte d'alcool. »
Ouille ... c'était dur ça. Pas la moindre petite bière ... et adieu le Mojito de l'été ... mais bon, il pourrait se contenter d'un Ice Tea ou alors d'un bon diabolo menthe. Puis quoi de mieux qu'une citronnade maison ?
« Pff ... l'alcool c'est dangereux pour la santé en plus. Mais bon, quand on est enfant, on a accès aux menus enfants ! Beaucoup moins cher et puis avec des choix plus sympas, surtout en dessert.
– Sauf que tu es obligé d'attendre qu'un adulte soit avec toi puisque tu n'as rien pour payer. Etre adulte c'est avoir une carte bancaire et donc pouvoir se payer toute la nourriture que l'on veut.
– Oui, mais quand tu es enfant, du coup, tu ne payes rien. Les autres payent pour toi.
– Mais ce sont les adultes qui choisissent pour toi.
– Pas grave tant que c'est gratuit. Puis quand tu es enfant, tu crois encore à tout. Au Père Noël par exemple ! Et du coup, tu as tous les cadeaux que tu veux pour Noël. »
Il avait fait mouche. Elias savait qu'il avait totalement fait mouche. Adam adorait les fêtes de Noël. Et à cette période de l'année, il passait son temps à râler que les traditions se perdaient, que les adultes devenaient trop pragmatiques et laissaient bien trop souvent l'imaginaire de côté. La magie de Noël disparaissait. La fête en elle-même perdait tout son sens. Mais lorsqu'on était enfant, on avait encore cette magie en nous. On croyait au Père Noël et s'émerveillait chaque 25 décembre de la présence magique de tous les cadeaux. Alors oui, Elias en était sûr. Il était en train de gagner la partie.
Cette certitude n'expliqua donc pas pourquoi Adam avait un sourire des plus satisfait sur les lèvres.
Elias le sentait mal. Comme un pressentiment qui signerait la fin du jeu.
« Je suis d'accord, avoua finalement Adam. Noël est bien mieux lorsqu'on est enfant. »
Quoi ? Il déclarait forfait ? Comme ça ?
« Mais ... »
Ah ... oui, forcément, c'était trop beau pour être vrai. Il y avait forcément un mais dans tout cela.
« ... Puisque tu es un enfant et que je suis un adulte, nous allons devoir arrêter certaines choses que nous faisions ensemble ... assez souvent ... et avec très peu de vêtements ... voire aucune vêtement sur nous. »
Il avait osé ... il avait joué la carte S.
« Et oui. Vu que tu es un enfant, si on fait quoi que ce soit, ce serait du détournement de mineur, ce qui est interdit par la loi. Et il ne faut pas contrarier la loi, n'est-ce pas ? »
Il était fort ... beaucoup trop fort pour lui-même ... Argh, c'était trop compliqué ! Il fallait qu'il trouve un argument de choc. Un qui retournerait la situation du tout au tout. Il leva les yeux et planta son regard dans celui de son compagnon. Celui d'Adam avait un quelque chose de victorieux et de malicieux ? Cela aurait dû énerver Elias. Il venait de signer sa défaite. Mais il devait se l'avouer ... ce regard lui donnait beaucoup trop chaud.
Alors sans détourner le regard, il engloutit rapidement la tarte aux poireaux, une manière de dire à Adam qu'effectivement il était un adulte. Un véritable adulte avec ses envies.
Lorsque sa part de tarte eut totalement disparu, il n'attendit pas une minute de plus avant de se lever et de s'approcher d'Adam. Il l'attrapa par le devant de sa chemise et l'obligea à se lever et à le suivre jusqu'à la chambre à coucher. Il allait lui montrer s'il était un enfant !
Et bien sûr, à aucune moment il ne lui avouerait que sa tarte aux poireaux ... bon sang qu'elle avait été bonne.
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