Pain d'épice

Cette année, il ne se ferait pas avoir. Il avait absolument tout prévu de A à Z ! Il avait terminé sa pâte à pain d'épice il y a presque une heure et depuis, le gâteau était toujours en train de cuire. Il regarda son minuteur. Il lui restait encore cinq minutes et il pourrait aller le sortir du four. Il serait alors ... 15h40. Nickel. Il serait encore seul à ce moment-là. Pas de distraction, pas de voleur. Cette année, il se l'était promis, il aurait son pain d'épice.

Le minuteur sonna. Il était enfin temps de rejoindre la cuisine. Gabriel se leva de son bureau, sautilla presque dans le couloir pour finalement se figer sous le cadre de la porte de la cuisine.

La porte du four était ouverte.

Et son pain d'épice avait disparu.

Il ne pouvait y avoir qu'une personne capable d'un tel crime. Premièrement parce qu'il était la seule autre personne vivant ici. Mais aussi parce qu'il lui faisait ça chaque année.

« ADRIEN ! »

Gabriel était furax. Il sortit de la cuisine et se dirigea le pas lourd vers le salon où il trouva le fameux Adrien assis sur le canapé ... mangeant un bout de son pain d'épice !

« Coucou mon cœur ! J'ai fini plus tôt aujourd'hui, lui annonça Adrien un grand sourire aux lèvres.
- Je vois ça ... Et tu t'es donc dit « tient ! Et si je rentrais plus tôt pour voler le pain d'épice de mon fiancé comme tous les ans » ?
- Tu sais bien que j'en suis raide dingue ! »

Il lui adressa un clin d'œil impertinent avant d'enfourner une nouvelle bouchée du pain d'épice qu'il avait volé.

« Tu ... argh ! Tu m'énerves ! cria Gabriel. Et comment tu as pu l'entamer aussi vite ! Le temps de cuisson vient à peine de se terminer !
- Ah, ça ... j'ai peut-être légèrement avancé ton minuteur de quelques minutes pendant ta dernière pause pipi. Mais de pas beaucoup hein ! Peut-être juste ce qu'il faut pour que je sorte le gâteau et le laisse un peu refroidir. »

Gabriel bouillonnait intérieurement. C'était la quatrième année qu'Adrien lui faisait ce coup là et il avait beau chercher toutes les parades possibles, tous les ans, il se faisait voler son pain d'épice et n'avait pas le droit à une seule bouchée.

Il pourrait très bien en faire un autre, c'est ce qu'on lui répète à chaque fois. Mais c'était une tradition dans sa famille. Tous les premiers décembre, on faisait du pain d'épice qu'on partageait avec les personnes qu'on aime afin de commencer le dernier mois de l'année dans l'amour et le partage. Mais depuis qu'il vivait avec Gabriel et qu'il lui avait fait goûter la première année son premier pain d'épice, il n'avait pas pu en manger un seul morceau parce que son cher compagnon le mangeait en entier et seul.

Ça lui donnait envie de pleurer. C'était idiot mais il avait l'impression que tant qu'ils ne partageraient pas ce gâteau ensemble, ils ne seraient pas une véritable famille.

« Ça compte vraiment pour toi ? demanda alors Adrien qui s'était levé et approché de lui. »

La gorge nouée, il opina simplement du chef. Adrien s'approcha de lui et le prit dans ses bras, posant son menton sur une de ses épaules. Ils restèrent un petit moment comme ça, profitant de l'étreinte.

« C'est important pour toi de le manger ce pain d'épice ? »

Gabriel hocha à nouveau de la tête. Il vit alors l'autre jeune homme bouger légèrement mais suffisamment pour planter son regard dans le sien. Il semblait être en proie à un dilemme interne. Comme si le laisser manger un morceau lui demandait un énorme sacrifice. Adrien vint coller son front contre le sien en soupirant. Il ferma les yeux quelques secondes, comme s'il réfléchissait à ce qu'il allait bien pouvoir faire.

« Ok ... tu as gagné ... tu m'énerves ... sert-toi, mais ...
- Mais quoi ? demanda Gabriel.
- Rien. Bon appétit. »

Puis il le relâcha et sortit du salon. Son comportement était extrêmement étrange, mais soit, il n'allait pas en faire toute une histoire, il allait enfin avoir droit à un morceau de son pain d'épice fait maison. Alors sans plus attendre, il se jeta sur le canapé et attrapa un morceau déjà coupé de gâteau. Il le mit dans la bouche avec un petit cri ravi et commença à mâcher.

Puis d'un coup, il se figea et partit à la recherche d'Adrien. Il le trouva dans la salle de bain, en train de se déshabiller pour prendre une douche.

« Adri, l'appela Gabriel.
- Quoi ? répondit Adrien en continuant à se déshabiller.
- C'est infect. »

Son fiancé se tourna finalement vers lui un air contrit sur le visage.

« C'est pour ça que tu m'empêchais d'en manger tous les ans ?
- Bah ... je voyais que ça te rendait tellement heureux de le faire, alors j'ai pensé que tu serais triste si tu remarquais que ...
- Que mon pain d'épice est mauvais. Mais toi, tu l'as mangé ... tu aurais pu le jeter discrètement.
- Ça t'aurait fait de la peine.
- Mais tu sais que j'aurais pu modifier la recette si je l'avais découvert plus tôt ? Ou alors demander des conseils à Mamie Cookie.
- Je ... c'est vrai ... mais je voulais pas te voir triste. »

Finalement, Gabriel se mit à rire. Il ne put s'en empêcher avant de se jeter dans les bras de l'autre jeune homme.

« Tu es vraiment le meilleur copain du monde ! lui dit-il en entrecoupant chaque mot par un baiser. Et dire que je te détestais chaque premier décembre parce que tu m'empêchais de manger un morceau de gâteau.
- Bah je t'aime tout simplement. »

Finalement plus qu'heureux, Gabriel embrassa une dernière fois Adrien, tentant de faire passer lui aussi son amour et ses remerciements pour son geste avant de le laisser et de repartir dans le salon. Il attrapa le plat à gâteau et l'emmena dans la cuisine. Il prit quand même une dernière bouchée du pain d'épice, grimaçant à nouveau lorsqu'il sentit le goût affreux qu'il avait. Et dire qu'Adrien l'avait mangé en entier chaque année. Si ce n'était pas de l'amour, il ne savait pas ce que c'était. Alors pour le remercier à nouveau, il allait lui préparer son dessert préféré, un gâteau qui avait déjà été approuvé par plusieurs personnes et par lui-même. Mais avant ça. Il ouvrit la poubelle et jeta le pain d'épice sans aucun regret. Son fiancé avait désormais assez souffert.

Et maintenant, Gabriel avait quatre ans d'immondices à se faire pardonner.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top