J2 - Viviane

J2 Viviane - version complète.

*

Il est dix heures, Viviane poussa la porte de la SPA d'Épinal.

*

Viviane se sentait seule depuis le départ de Robert. Elle avait déjà un certain âge, et avait tellement vécu de choses, qu'elle avait encore beaucoup d'amour à donner.

Elle connaissait la SPA comme un refuge chaleureux où une deuxième chance pourrait lui être donnée.

Viviane poussa donc la porte de la SPA d'Épinal ce matin de décembre. Elle alla se frotter contre les gambettes des quelques humaines sur son passage.

- Miaouuuuu !

- Mais t'es mignon !... t'es qui toi ?

L'humaine prit Viviane dans les bras et la posa sur un meuble, pour lui passer une espèce d'appareil à proximité de la tête.

- Pas de puce, pas de tatouage, commença l'humaine. Mais t'es une fille !

- Miaou ! acquiesça Viviane, ravie qu'on s'occupe enfin d'elle.

À la SPA, on l'installa en quarantaine avec ce qu'il fallait de nourriture et de boisson, en attendant qu'un véto vienne l'examiner. Elle prit ses aises et après s'être remplie la panse, se laissa tomber de sommeil.

- Ah mais je te connais toi ! Tu es la chatte de Robert.

C'était la voix d'une des bénévoles de la SPA. Viviane était en effet reconnaissable au cœur dessiné entre ses yeux bleu saphir.

- Tu connais son propriétaire, Sissi ?

- Oui, c'est le voisin de mes parents. J'ai appris qu'il avait été emmené en EHPAD... c'est donc ici que tu te cachais.

- Miaouuuuu !

« RAS » sont les lettres notées sur son carnet de santé par la vétérinaire. Grâce aux informations données par les parents de Sissi, on put rajouter 7 ans pour l'âge. Viviane était déjà stérilisée, et la véto lui posa une puce d'identification.

Elle était prête pour l'adoption.

Sissi, qui faisait partie des bénévoles du matin, ne partit pas à l'heure habituelle. Elle faisait les cent pas devant la grille du refuge. Elle attendait.

À l'heure d'ouverture de la SPA au public, Sissi conduisait déjà ses parents, Hélène et Gilles, à la chatterie. Viviane les reconnut en premier, et alla se frotter contre leurs jambes. Hélène la prit dans ses bras, et prit la caressa.

- Miaouuuuu ! rôrôrôrô.....

Viviane était aux anges.

La nouvelle petite famille rentra préparer le réveillon de Noël.

Viviane était contente de gambader à nouveau dans le beau jardin des parents de Sissi. Hélène, paysagiste de métier, avait fait du jardin le royaume de Blanche Neige et des Sept Nains. Elle l'avait commencé après une brocante, où elle avait chiné un wagon de train de mine. Il était rouge et vert, dans un état de délabrement avancé. Il portait le numéro 2. Hélène l'avait patiemment restauré.

À l'époque, une rupture amoureuse avec un torero l'avait dévastée, et le travail manuel lui permettait de moins penser à lui.

Dans ce jardin, elle avait aussi créé une petite mare où venaient parfois coasser les grenouilles de l'étang des voisins.

Gilles rentrait tous les week-ends chez ses parents. Il étudiait les sciences politiques à Nancy. Avec Hélène, il partageait cette passion, nouvelle pour l'époque, pour les mangas et les Disneys. À chaque fois qu'il le pouvait, il rapportait une nouvelle figurine pour le jardin des merveilles de celle qu'il aimait en secret.

Hélène appréciait ces moments partagés avec son voisin, mais pour elle, il ne pouvait pas en être autrement.

Août 1990, Gilles partit dans le Golfe pour couvrir la guerre. Il avait besoin de mettre de la distance avec celle qui le punissait de trop l'aimer.

En novembre, il était rapatrié pour blessures multiples. Son convoi était tombé dans une embuscade. Il passa plusieurs semaines à l'hôpital, avant de rentrer en fauteuil roulant.

Pour son retour, ses parents avaient invité tous les voisins. Hélène était là. Elle avait mis une robe en laine rouge et bleu, rappelant les couleurs de Blanche Neige.

- Comment tu vas ?

- Comme tu peux le voir...

- Tes parents m'ont dit que tu risquais de ne plus pouvoir marcher.

- Oui, c'est ce que les médecins m'ont annoncé. Mais je suis un battant...

- Tu sais que tu as de la chance d'avoir un boulot qui te permette de travailler dans un bureau. Tiens, tu pourrais même devenir politicien. Les gens raffolent des héros de guerre.

- Tu parles d'une chance. Perdre ses jambes, pour gagner des voix...

- Promets-moi juste que tu ne partiras plus.

- Qu'est-ce que ça peut te faire que je sois loin d'ici ou pas ?

- Je n'aime juste pas l'idée que tu puisses à nouveau me manquer.

Hélène l'embrassa longuement.

L'histoire ne donne pas les nuances de rouge de leurs joues... mais moi je dirais qu'on était proche de l'écarlate.

*

Pour sa retraite, les collègues de Gilles lui offrirent un fauteuil massant. Pendant que ces dames s'affairaient en cuisine, Gilles s'y installa et invita Viviane à l'y rejoindre.

- Miaouuuuu ! rôrôrôrô.....

- Oui, moi aussi, j'aime beaucoup cette maison.

© WafaBabin

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