— « La liberté commence où l'ignorance finit » affirmait Victor Hugo, grand auteur francophone du 19ème siècle, chef de file du romantisme... Oh non, c'est trop nul comme début ! s'exclama Luke en raturant sa feuille. Faire une introduction correcte en philo', c'est vraiment compliqué !

— A aucun moment Mme Stark n'a exigé qu'on démarre par une citation, lui rappela Gaël. Tu te compliques la vie en voulant absolument commencer comme ça !

   C'était samedi après-midi. Ce soir, le premier show aurait lieu. Caitlin avait choisi de chanter Style de Taylor Swift, et était très fière du résultat. En attendant, elle, Mike, Gaël et Luke travaillaient dans une salle. Les trois garçons faisaient leur dissertation de philosophie exigée pour mardi  tandis qu'elle travaillait son étude de document d'histoire pour lundi.

— Sauf que c'est beaucoup plus stylé que de commencer par « De tout temps les hommes se sont interrogés sur le concept de la liberté », répliqua immédiatement Luke. Je suis sûr à cent pour-cent que c'est une erreur de commencer une dissertation par ça.

— Peut-être, répondit Gaël, mais en attendant j'ai déjà fini de rédiger la première partie. Toi tu es encore au début.

— Je soigne mes entrées, c'est tout, rétorqua pensivement Luke. Oh, je sais ! « Lorsque les mots perdent leur sens, les gens perdent leur liberté » expliquait Confucius... Non, en fait, en le disant je me suis rendu que ça ne sonne pas comme je veux.

Caitlin soupira et chercha sur internet des citations sur la liberté pour aider son ami.

— Et que penses-tu de « La liberté n'est pas l'absence d'engagement, mais la capacité de choisir. » ? lui demanda-t-elle. C'est de Paulo Coelho d'après Google.

— Mmh, bof, fit l'intéressé en mordillant son crayon.

— Monsieur est difficile, commenta-t-elle en reposant son téléphone.

Luke resta un moment silencieux, l'air pensif. Dans ces moments-là, Caitlin savait qu'il ne valait mieux pas interrompre le fil de ses pensées, au risque de l'entendre vider son répertoire de noms d'oiseaux.

— « Quand on se suffit à soi-même, on arrive à posséder ce bien inestimable qu'est la liberté. » enseignait Epicure. Oh, j'adore celle-là !

Mike leva le nez de sa propre composition (visiblement un mélange de carte mentale et de dessins).

— Ça m'étonne que tu ne commences pas ta dissertation en te citant toi-même, le taquina-t-il en haussant un sourcil.

— Quelle bonne idée ! Je le ferai la prochaine fois, affirma-t-il en notant sa citation d'un air satisfait.

— Pauvre de nous, marmonna Mike en feuilletant son cours raturé.

   Caitlin replongea dans ses pensées, cessant de se concentrer sur autrui. Elle avait un dessin à rendre lundi, et elle n'osait pas le sortir de son sac pour l'avancer. C'était ridicule, elle le savait, mais là où Mike et Luke l'auraient laissée tranquille, Gaël lui aurait mis des bâtons dans les roues, incapable de la laisser faire quelque chose sans avoir son aval, surtout qu'il fallait représenter une personne qui avait de l'importance pour soi et qu'elle avait souhaité dessiner Anna.

Gaël lui piquerait une crise parce que ce n'était pas lui qu'elle avait dessiné avant même qu'elle n'ait eu le temps de lui expliquer sa démarche.

— Tout va bien, Dobblekay ?

Caitlin hocha la tête, se rappelant d'à quel point Luke pouvait parfois faire preuve de perspicacité. Il pourrait tout à fait comprendre des choses qu'elle ne voulait pas comprendre, lui dire des choses qu'elle ne voulait pas accepter. De ce fait, elle devait faire attention aux émotions qui transparaissaient sur son visage. Elle se remit au travail.

Elle dessinerait ce soir, après le show. Pour une fois, elle utiliserait à bon escient l'adrénaline de la soirée. L'après-midi fila aussi vite qu'une soirée d'été, si bien qu'il fallut bientôt retrouver Mme Young près de la porte.

   Après un rapide appel, tout le monde monta dans le bus pour aller à la salle. Caitlin s'installa à côté de Luke, observant Zoey s'asseoir à côté de Mike.

— Dis-moi, Cait', tu n'aurais pas, par le plus grand des hasards, parlé à Eileen ? demanda Luke en détachant sa vision des immeubles pour la reporter sur elle. Parce qu'elle est étonnamment supportable, ces temps-ci.

Caitlin lui offrit un sourire espiègle.

— Il se pourrait bien. Moi et Zoey, précisa-t-elle, en l'observant d'un air insolent.

— Ah, fit Luke, une allure sceptique sur le visage. Elle est au courant qu'on ne sortira jamais ensemble ?

Le sourire folâtre de la jeune fille s'élargit.

— Que veux-tu, Luke, tu fais tourner la tête à tout le monde, soupira-elle, un sourcil dressé.

— Bien-sûr. Ma prestance a toujours ébloui le monde. C'est moi le Soleil, répliqua-t-il, le regard rivé sur les piétons.

Caitlin s'esclaffa.

— Je pensais que tu te serais plutôt comparé à la Lune. La reine de la nuit, seule au milieu des étoiles sans personne pour l'écouter, objecta-t-elle en levant les yeux au ciel.

— La Lune ne brûle pas les gens. Le Soleil, si. Il ne faut pas s'approcher trop prêt, expliqua-t-il en se tournant vers elle, un sourire enjôleur aux lèvres.

— Mouais. Réserve tes phrases de drague à quelqu'un d'autre. Et la technique du « Non, ne t'approche pas de moi, je vais te briser le coeur », elle est franchement nulle, rétorqua Caitlin en secouant la tête.

— Mais efficace ! Tout le monde me fiche la paix !

Il s'était redressé pour clamer ces mots, si vite qu'une mèche blonde s'était faufilée devant son oreille. Il la repoussa d'un geste impatient.

— Ah, oui ? s'étonna-t-elle.

— Parfaitement.

— Ah, eh bien, John n'est pas du même avis, et moi non plus. Tout le monde parle de toi et te regarde, lui apprit Caitlin, un sourire désolé sur le visage.

Au fond d'elle, elle savait pourquoi son prénom était sur toutes les bouches. Ça tenait en un mot : Anna.

— Je ne peux pas reprocher aux gens d'apprécier la Beauté quand ils la croisent au détour d'un couloir, objecta Luke en haussant les épaules.

— Bah voyons ! commenta Caitlin en secouant la tête d'un air faussement affligé.

  Il leva les bras et pencha la tête en signe d'impuissance, amusé. Caitlin soupira, souriant tout de même. Luke ne changerait jamais. Et elle devait admettre que ce côté mutin de sa personnalité avait son charme. Le bus freina. Ils étaient arrivés.

   Caitlin, soudainement impatiente, se détacha. Elle adorait cette excitation, ce mélange d'adrénaline et d'appréhension qui précédait chaque show. Tous descendirent du bus et suivirent Mme Young dans les coulisses. Elle les informa qu'elle voulait entendre tout le monde une fois avant le spectacle et que toute la classe pouvait faire le public, puisqu'elle prévoyait de les interroger au hasard.

Après avoir laissé leurs affaires en coulisses, Caitlin, Zoey, Mike et Luke s'assirent en tailleur face à la scène.

— Je crois que la salle était plus grande, il y a deux ans, analysa Mike en parcourant la pièce du regard.

— Oui, confirma Luke, perdu dans ses pensées. On pouvait même monter au-dessus de la scène. On avait une très belle vue !

— On n'avait pas le droit d'y aller, dommage ! se souvint Caitlin.

Les lèvres de Luke s'étirèrent en un sourire suffisant.

— Moi, j'y suis allé.

— Ça ne m'étonne pas, commenta Zoey en plissant les yeux. Et je suis sûre que d'autres ont réussi à se faufiler.

— Ça, dit-il, les yeux voilés par les souvenirs, c'est un mystère.

Mme Young tapa dans les mains, si fort que le son entier se répercuta dans toute la salle. Elle prit un micro et lança :

— On va commencer. J'appelle à la barre... Zoey Graybird !

   Caitlin, Mike et Luke tournèrent la tête vers la concernée.

— Bon eh bien, adieu, plaisanta Mike en frottant ses mains d'un geste nerveux.

— Say you'll remember me, chantonna-t-elle en réponse.

— Rien que ça, épilogua Luke.

— Tu ne sais pas à qui je m'adresse, riposta-t-elle en lui tirant la langue. Ça pourrait très bien être à Cait', conclut-elle en se levant.

Elle rejoignit leur professeure sur l'estrade.

— Tu crois qu'elle la chante pour qui, cette chanson ? questionna Mike, à mi-voix.

— Je ne sais pas, répondit Luke. J'espère que c'est pour elle-même. C'est important de faire les choses pour soi.

   Caitlin tressaillit. « C'est important de faire les choses pour soi. » Elle ne savait pas pourquoi cette phrase l'avait autant percutée. Elle n'eut pas le temps de se questionner davantage ; Zoey venait de prendre le micro.

— Cette chanson rendrait bien avec la voix d'Emmy, lui chuchota discrètement Mike.

— Wildest Dreams ? Sans doute, confirma-t-elle.

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Les premières notes retentirent, faisant taire les derniers murmures.

— He said, "Let's get out of this town drive out of this city, away from the crowds" I thought, "Heaven can't help me now". Nothing lasts forever, entama Zoey d'une voix grave qui donna la chaire de poule à Caitlin.

— But this is gonna take me down ! s'exclama-t-elle d'une voix plus aiguë. He's so tall and handsome as hell ! He's so bad, but he does it so well ! I can see the end as it begins my one condition is : Say you'll remember me, standing in a nice dress, staring at the sunset, babe ! Red lips and rosy cheeks. Say you'll see me again even if it's just in your wildest dreams, ah-aah, haa ! Wildest dreams, ah-aah, haa !

Elle reprit avec le deuxième couplet :

— I said, "No one has to know what we do". His hands are in my hair, his clothes are in my room and his voice is a familiar sound. Nothing lasts forever.

En cet instant, Caitlin la trouva très grande. Elle dégageait quelque chose, une maturité qu'elle ne comprenait pas et qu'elle n'avait pas, un peu comme l'aura qui émanait de Luke lorsqu'il était sur scène.

— But this is gettin' good now ! He's so tall and handsome as hell ! He's so bad, but he does it so well ! And when we've had our very last kiss, my last request, it is : say you'll remember me ! Standing in a nice dress, staring at the sunset, babe ! Red lips and rosy cheeks ! Say you'll see me again even if it's just in your wildest dreams, ah-aah, haa ! Wildest dreams, ah-aah, haa !

   Venait ensuite la partie préférée de Caitlin, le bridge. A chaque fois, son cœur battait fort, comme un tambour, de plus en plus intensément, jusqu'à qu'il explose en une multitude d'étincelles en entendant la craquelure dans sa voix.

— You'll see me in hindsight, tangled up with you all night ! Burnin' it down ! Someday when you leave me, I'd bet these memories ! Follow you around, you'll see me in hindsight, tangled up with you all night ! Burning it down ! Someday when you leave me, I'll bet these memories ! Follow you around !

Caitlin ne put tarir le sourire fier qui naquit sur ses lèvres.

— Say you'll remember me ! Standing in a nice dress, staring at the sunset, babe ! Red lips and rosy cheeks ! Say you'll see me again even if it's just pretend..., reprit-elle d'une voix très douce qui fit frissonner le cœur de Caitlin

   Sans réfléchir, Caitlin chanta le dernier refrain avec elle. Elle fut saisie de joie en entendant les voix de Luke, Mike et le reste de la classe chanter avec Zoey.

— Say you'll remember me ! Standing in a nice dress, staring at the sunset, babe ! Red lips and rosy cheeks ! chanta toute la salle, d'une seule et même voix. Say you'll see me again even if it's just in your wildest dreams, ah-aah, ha ! In your wildest dreams, ah-aah, haa ! Even if it's just in your wildest dreams, ah-aah, haa !

— In your wildest dreams, ah-aah, haa ! termina-t-elle, seule.

Tout le monde applaudit à tout rompre, et Mme Young la félicita avant d'appeler quelqu'un d'autre...

🦝🦝🦝

Caitlin savourait l'excitation qui régnait dans les coulisses. Elle adorait ces moments forts, ces moments où plus rien d'autre ne comptait la musique. Déjà en tenue, elle observa son reflet dans le large miroir de la salle d'eau. Ses cheveux crépus ressortaient joliment, mis en valeur par la blancheur de sa chemise et le rouge vif de ses lèvres. La lumière du miroir mettait en valeur sa peau cuivrée. Elle se sentit belle. A côté d'elle, Luke se recoiffait sous les regards subjugués de Lily et Wesley. Caitlin contint un rire en voyant les joues de son meilleur ami rougir.

— Arrête de me regarder comme ça, c'est suffisamment gênant, lui chuchota-t-il en grimaçant.

— Je ne sais pas ce qui est le plus drôle : les mimiques inconscientes que tu as en te coiffant ou leurs bouches grande ouverte, rétorqua-t-elle en retenant un gloussement.

— Pff, tu ferais moins la maligne si tu étais à ma place !

Cette fois, la jeune fille ne put contenir son rire.

— Alors, on se fait beau ?! les accosta Mike. Ah, je savais bien que c'était toi qui avait pris notre pot de cire et notre pot de gel !

— Tu veux dire mes pots, corrigea Luke en inspectant (encore) son reflet.

— Si tu veux, répondit Mike en trempant ses doigts dedans.

Caitlin secoua la tête et les laissa s'occuper de leurs cheveux. Elle rejoignit Zoey, qui, vêtue d'une longue et jolie robe bleue pâle était assise sur une des tables disposées au fond des coulisses.

Say you'll remember me, standing in a nice dress, staring at the sunset, babe.

Effectivement, il ne manquait plus que le coucher de soleil et Zoey ressemblerait à une princesse dont tout le monde voudrait se souvenir. Ses lèvres peintes en rouge et ses cheveux qu'elle avait bouclés la rendaient encore plus attirante.

— C'est vraiment la robe parfaite pour ta chanson, la complimenta Caitlin en s'asseyant à côté d'elle.

Un sourire éclaira son visage.

— Je te retourne le compliment, répondit-elle. Gaël va adorer.

Caitlin se sentit vaciller à la mention de son petit-ami.

— Si j'ai choisi cette tenue, c'est avant tout pour moi, dit-elle simplement.

— J'espère bien ! On ne fait jamais quoi que ce soit pour les autres si ça nous met mal à l'aise ou si ça nous fait plus de mal que de bien, affirma-t-elle, sur un ton très tranquille.

Caitlin sourit et hocha la tête. Luke et Zoey s'étaient passés le mot pour dire des phrases qui la percutaient de plein fouet, aujourd'hui ?

— Ça fait longtemps que je ne suis pas allée au cinéma, confia tout d'un coup Zoey. Ça me manque, on n'a pas vraiment le temps d'y aller. J'adore regarder des films.

— Moi aussi, j'adore ! On devrait se faire une soirée entre filles un de ses quatre !

Caitlin regretta aussitôt ses mots. Elle n'était pas sûre que Gaël apprécie.

— Oh oui, bonne idée ! Je suis sûre qu'Eileen sera d'accord ! approuva Zoey.

— Il faudra trouver un film à regarder alors, remblaya Caitlin, feignant l'enthousiasme.

— Laisse-moi réfléchir. Ah, j'ai trouvé. Toi comme Eileen n'avez pas vu ce chef-d'œuvre qu'est Forrest Gump. Et je ne parlerai même pas du fait que vous n'avez pas vu non plus La Ligne Verte. Ni Pulp Fiction, ni V pour Vendetta. Ni Le Tombeau Des Lucioles, et ça c'est inacceptable.

Elle masqua son trouble par un sourire.

— Je n'ai jamais regardé d'animés, avoua Caitlin.

— Alors je te recommande Ponyo sur la falaise. Celui-là, il faut vraiment que tu le vois, lui conseilla Zoey. Si tu n'arrives pas à trouver le sommeil, regarde-le.

— Kris l'aimait bien, se souvint Caitlin.

A la pensée de son grand frère, son cœur se serra. Serait-elle proche de lui un jour ? Ils s'entendaient mieux, c'était vrai. Mais aux yeux de Caitlin, cela ressemblait plus à de la tolérance qu'à de l'affection.

— Il aimait beaucoup regarder des animés, poursuivit-elle. Si je n'en ai jamais regardé, c'est parce que je sais que je vais penser à lui et je ne sais pas si je vais supporter toute la douleur, même s'il est revenu.

— Oh, je ne savais pas, répondit Zoey avec compassion. Dans ce cas, tu n'es pas obligée de le regarder.

— Pour toi, dit Caitlin, je serais prête à faire une exception. On est amies, non ?

— C'est vrai, acquiesça-t-elle en souriant. Tiens, voilà la diva !

  Caitlin suivit son regard et aperçut Luke marcher dans leur direction, suivi par Mike. Elle éclata de rire, si bien qu'elle riait encore lorsqu'ils arrivèrent à leur hauteur.

— Ça va bientôt commencer, annonça joyeusement Luke.

— On a vu les deux premiers solistes aller vers la scène, ajouta Mike.

Il avait pâli, par rapport à l'instant où Caitlin les avait laissés.

— Dans ce cas, je vais doucement commencer à y aller, répondit-elle en se levant.

Elle passait en troisième, pour son plus grand bonheur.

— Bonne chance ! lui crièrent ses amis tandis qu'elle se dirigeait vers la porte d'un pas assuré.

   Bientôt, les projecteurs seraient sur elle, et déjà, son cœur battait plus fort. Un de leurs surveillants, qui gérait les entrées de scène, la fit patienter quelques instants avant de la laisser passer jusqu'à la petite salle tout à côté de la scène.

  L'estomac plein de papillons d'excitation, Caitlin écoutait attentivement Kyoko chanter du Blackpink. Il fallait avoir vraiment beaucoup de talent pour réussir à rapper et chanter aussi bien. Caitlin eut le cœur gonflé de fierté et de joie pour sa camarade en entendant le tonnerre d'applaudissements qui accueillit sa prestation.

   Elle la félicita lorsqu'elle passa devant elle et attendit que Mme Young l'appelle, ce qui ne tarda pas à arriver. Elle respira un grand coup et vérifia sa coiffure en effleurant ses cheveux. C'était le moment.

Sa respiration perçait le silence de la salle. Des applaudissements l'accueillirent quand elle entra sous la lumière et son plus beau sourire apparut de lui-même. Le temps d'une chanson, elle pourrait être elle-même sans être effrayée par ses sentiments. Les premières notes turent la foule.

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— Midnight. You come and pick me up, no headlights, commença-t-elle en balayant la foule du regard. Long drive. Could end in burning flames or paradise. Fade into view, oh. It's been a while since I have even heard from you, heard from you.

Dans son élément, son cœur ouvertement tourné vers Gaël, elle poursuivit :

— And I should just tell you to leave, 'cause I know exactly where it leads, but I watch us go 'round and 'round each time.

Elle enchaîna avec le refrain, toujours souriante.

— You got that James Dean daydream look in your eye and I got that red lip classic thing that you like and when we go crashing down, we come back every time ! 'Cause we never go out of style, we never go out of style ! You got that long hair, slicked back, white t-shirt and I got that good girl faith and a tight little skirt ! And when we go crashing down, we come back every time ! 'Cause we never go out of style, we never go out of style !

Oubliant tous ses tracas, elle se perdit dans la mélodie.

— So it goes. He can't keep his wild eyes on the road ! Mmm ! Takes me home ! The lights are off, he's taking off his coat, mmm, yeah ! I say, "I heard, oh that you've been out and about with some other girl" Some other girl ! He says, "What you heard is true, but I can't stop thinking 'bout you," and I, I said, "I've been there too a few times" !

Sous les battements de mains du public, elle reprit le refrain.

— 'Cause you got that James Dean daydream look in your eye and I got that red lip classic thing that you like and when we go crashing down, we come back every time ! 'Cause we never go out of style, we never go out of style ! You got that long hair, slicked back, white t-shirt and I got that good girl faith and a tight little skirt ! And when we go crashing down, we come back every time ! 'Cause we never go out of style ! We never go out of style !

Mme Young lui offrit un sourire satisfait et Caitlin entama le bridge, encore plus confiante.

— Take me home ! Just take me home ! Yeah, just take me home ! Oh-oh, whoa-oh, oh ! Out of style !

Les papillons entamèrent leur dernière danse tandis qu'elle entamait déjà les dernières notes.

— Oh, you got that James Dean daydream look in your eye and I got that red lip classic thing that you like and when we go crashing down ! We come back every time ! 'Cause we never go out of style, we never go out of style ! acheva-t-elle, légère comme un ballon empli d'hélium.

On l'applaudit à tout rompre. Elle sentit son cœur s'élever très haut dans le ciel du bonheur, si haut qu'elle n'était pas sûre qu'il redescende un jour. Son cœur était devenu le soleil tout entier.

🦝🦝🦝

— J'ai adoré ta performance hier soir, tu étais magnifique.

Caitlin sourit et remercia Gaël. Tous deux étaient pris dans les premières feuilles de l'automne, comme s'ils étaient enveloppés par la saison elle-même. La matinée était fraîche malgré la douceur des après-midis. Elle s'appuya contre le muret derrière elle.

— En plus, tu as chanté cette chanson pour moi, poursuivit-il en l'enlaçant.

Malgré elle, Caitlin sentit son corps se raidir alors que ses lèvres se posaient sur son cou.

— Qui te dit que je l'ai chantée pour toi ? questionna-t-elle en passant ses bras autour de son cou.

Il était vrai que quelques paroles étaient pour lui, mais la majeure partie... C'était plutôt pour elle.

— Pour qui d'autre aurais-tu pu la chanter ? demanda-t-il en réponse.

« Pour moi. » songea Caitlin. « C'est pour moi que je chante. » Gaël aurait dû le savoir. C'était comme la peinture et le dessin, elle faisait tout ça pour elle, pour aller mieux, pour supporter la douleur et espérer refermer les brèches que les gens laissaient au plus profond d'elle-même.

Elle tressaillit et fut saisie de frissons glacés en sentant les mains de Gaël descendre plus bas, trop bas.

— On le fait quand ? questionna-t-il d'une voix que Caitlin devina comme étant langoureuse.

Un sentiment de dégoût la prit au nez et elle se dégagea, loin de ses mains, loin de lui.

— J'ai mes règles, prétexta-t-elle. Désolée.

Caitlin était tout sauf désolée et n'avait jamais été autant ravie d'être dans sa semaine qu'en ce moment.

— Tu ne veux jamais, soupira-t-il.

Elle sursauta encore.

— Ce n'est pas de ma faute, répliqua-t-elle. Je ne me forcerai pas pour toi.

— Il n'en a jamais été question, répondit-il en secouant la tête.

Subitement, Caitlin se mit à se demander ce qui se passerait si Gaël la plaquait parce qu'elle ne voulait pas coucher avec lui. Mike l'exploserait verbalement et Luke l'achèverait d'une boutade tellement sarcastique et méprisante qu'il en ferait des cauchemars la nuit. Non, Gaël n'était pas comme ça. Elle repoussa cette idée.

— Je ne suis pas encore prête.

— J'attendrai, affirma-t-il en promenant malgré tout sa main sur son corps.

   Caitlin ferma les yeux et n'esquissa pas le moindre geste pour le repousser. Elle n'en était pas capable, elle se sentait coupable. Et même si elle l'avait voulu, elle n'aurait pas pu. Elle était hors de son corps, plongée dans un royaume entre effroi, cauchemar et réalité. Son corps ne lui appartenait plus, ce n'était plus qu'un pantin désarticulé.

— Mon mien, chuchota-t-il à son oreille.

Cette seule phrase la ramena subitement parmi les vivants.

— Je ne suis à personne, répondit-elle en prenant ses deux mains.

— Si, à moi, minauda-t-il.

— Je ne suis pas un objet, affirma-t-elle autant pour elle que pour lui.

   Elle détestait ce genre de surnom et ce concept d'appartenance à l'autre. Elle n'était pas d'accord avec ça. Gaël aurait dû le savoir depuis le temps.

— Oh, mais je rigole ! T'as vraiment zéro humour, lui reprocha-t-il, une moue boudeuse sur le visage.

— Je ne trouve pas ça drôle.

« Depuis quand on en est là ? » songea Caitlin. « Depuis quand il me connaît si mal ? »

Elle tourna la tête et aperçut Zoey se diriger vers la sortie. « Je crois que ça prend l'eau. »

— J'ai promis que j'aiderais Eileen à faire notre devoir de maths, mentit Caitlin. À plus tard !

   Et elle le laissa en plan, partant effectivement à la recherche d'Eileen pour travailler. Elle repoussa toutes ses idées noires et ferma les yeux sur la situation.

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Hello ! Comment allez-vous ? :)

Merci d'avoir lu ce chapitre ! Que pensez-vous de ces premiers chapitres ?

On se retrouve samedi prochain pour le chapitre 3 ! Prenez soin de vous !