Serre de l'Aigle et Coeur de Racine étaient directement allés discuter ensemble de leurs nouveaux chatons, et Éclair de Griffe avait rejoint ses camarades qui dévisageaient avec curiosité Tempête de Calme et Croc de Venin. Ceux-ci étaient restés en retrait, gardant Petit Survivant et Petit Miracle, qui dormaient paisiblement tous les deux.

— On a enfin un groupe auquel se rattacher, soupira de soulagement le mâle.

— Oui, acquiesça la guérisseuse avec un petit sourire.

L'autre lança un regard au petit groupe de félin foudroyant qu'ils venaient de rejoindre.

— J'espère tout de même qu'ils nous accepteront.

Tempête de Calme haussa les épaules.

— Nous sommes dans des temps trop difficiles pour prendre en compte les anciennes frontières qui nous séparaient.

— Tu as raison.

C'est alors qu'une femelle marron foncé s'élança vers eux, en souriant.

— Croc de Venin ! Tu es vivant !, s'écria Aile de Ronce, la sœur de ce dernier, avec un grand sourire. Et Tempête de Calme aussi !

— Alors, toute notre fratrie a survécu, s'extasia le chat doré tigré. Sais-tu ce qu'est devenue Fleur de Coriandre ?

Aile de Ronce secoua la tête.

— Non, Serre de l'Aigle m'a sauvée des flammes sans que je n'ai pu revenir sur mes pas. On a rencontré les guerriers foudroyants le lendemain de l'incendie, et ils nous ont bien accueillis.

— Que penses-tu que nous devrions faire, maintenant ?, s'enquit Tempête de Calme. Partir de notre côté ?

L'autre femelle secoua la tête avec résignation.

— Jamais, tu es folle... On ne les lâche pas tant qu'on n'a pas retrouvé Étoile de Bourrasque ou Flèche de Coquelicots !

Il s'agissait du chef et de la lieutenante du Clan Tournoyant, qui avaient tous deux succédés à Étoile de Lichen, celle-ci ayant décidé de s'installer dans la tanière des anciens. En repensant à cela, une boule se forma dans le ventre de la soigneuse, qui ne savait combien de morts son Clan avait à déplorer.

Elle espérait aucune autre que celle de Moustache de Verdure.

— Étoile de Buisson a de bonnes idées, compléta Aile de Ronce.

— Étoile de Buisson ?!, répéta Tempête de Calme avec surprise.

Ce n'est qu'à ce moment-là qu'elle remarqua qu'Éclair de Griffe était en fait aller discuter avec la meneuse du Clan Foudroyant. La guérisseuse tigrée comprenait mieux l'avis de l'autre femelle. Rester avec un dirigeant était une priorité.

Celle aux yeux mauves se sentit étrangement soulagée, et elle se rendit compte que la perspective de ne plus avoir à prendre de décisions pour ses camarades la déchargeait d'un poids.

— Étoile de Buisson dit que sa priorité est de retrouver le plus de félins des clans possible, avant de rentrer dans le Grand Cratère. Certains auraient vu d'étranges chats à l'intérieur, raconta Aile de Ronce.

— Mais il s'agit de nos camarades, non ?, répliqua Croc de Venin.

Sa sœur soupira.

— Je ne crois pas, non.

— Aïe, grimaça l'autre.

Il lança un regard à Tempête de Calme, et celle-ci, en rencontrant ses prunelles, sentit sa respiration se couper. Elle détourna le regard avec malaise, en sentant son cœur battre anormalement vite.

— Ça va ?, questionna la guerrier.

Le besoin de partir enserra le ventre de la soigneuse, qui bredouilla quelque chose d'inintelligible. Sa sœur, Cœur de Racine, la sauva de sa désagréable situation en la rejoignant avec une mine préoccupée.

— J'ai de mauvaises nouvelles..., grommela-t-elle, revenant d'une discussion apparement mouvementée avec Serre de l'Aigle, son compagnon. Votre frère veut vous parler aussi, ajouta la femelle à l'adresse d'Aile de Ronce et Croc de Venin.

Les deux chats hochèrent la tête et rejoignirent Serre de l'Aigle. Tempête de Calme se tourna vers sa propre sœur en haussant un sourcil.

— Que se passe-t-il ?

La guérisseuse ne quitta pourtant pas du regard Croc de Venin, parti retrouver son frère.

— Serre de l'Aigle me quitte. Il est tombé sous le charme d'une guerrière foudroyante, Museau de Caresse. D'après lui, les relations inter-clans seront autorisées après le traumatisme que l'on vit avec cette apocalypse.

La grise soupira.

— Peu importe... Il propose que l'on élève nos enfants ensemble mais en leur faisant comprendre dès le début qu'aucun lien affectif ne nous relie à présent. Et il veut aussi que l'on change leurs noms.

Tempête de Calme ouvrit la gueule avec consternation, prise de court.

— Je...

— Oh, je t'en prie, grogna l'autre, épargne-moi tes excuses et ta compassion.

La guérisseuse riposta.

— Non, j'y tiens ! Parce que je suis vraiment désolée, je... Serre de l'Aigle est un abruti. Te faire ça juste après ta mise à bas, c'est vraiment un coup bas...

— Ça ne me fait pas grand chose, à vrai dire, contredit Coeur de Racine. Je crois que je ne l'ai jamais vraiment aimé comme j'aurais dû. C'était plus un ami qu'un amant, et je n'arrive pas à me sentir malheureuse de notre situation, à part envers nos enfants.

Sa sœur hocha à moitié la tête.

— Je comprends, mentit Tempête de Calme, qui n'avait aucune expérience amoureuse. Si tu as besoin de parler...

— ... tu es là, termina la grise avec un demi-sourire. T'inquiète, je sais.

La soigneuse se sentait tout de même terriblement humiliée à la place de sa sœur.

— On reste ensemble malgré les épreuves ?, miaula-t-elle.

— On reste ensemble malgré les épreuves, confirma Coeur de Racine.

Elle ajouta en pointant un point de la queue.

— Mais pour l'instant, il me semble qu'Étoile de Buisson a très envie de nous parler, et que ça aura un impact sur la suite des événements.

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— C'est pas trop tôt !, grinça Pupille d'Anis alors que Poussière de l'Aube accompagné de Patte Tachetée s'approchaient lentement d'eux.

Ils avaient passé toute la nuit loin de la femelle écaille et de Patte de Tige, et venait de rentrer, alors que le soleil brillait déjà haut dans le ciel.
Le chagrin de la guerrière brune claire s'était mué en une sorte de colère sourde, qu'elle refoulait du mieux qu'elle pouvait.
Elle lança un regard indéchiffrable à Poussière de l'Aube, qui la dévisagea froidement, en expliquant.

— On s'est un peu baladé.

— Je vois ça, répliqua Pupille d'Anis avec mécontentement, levant les yeux au ciel. On n'avait pas dit qu'on partait rejoindre le Grand Saule dès l'aube ?

Patte de Tige intervint.

— On doit aussi retrouver Petit Azur...

Son compagnon lui lança un regard plein de reproches, comme si le droit de prendre la parole lui avait été retiré. Patte Tachetée exposa à son tour.

— En rentrant, on a aperçu des silhouettes félines autour de l'île du Saule.

— Vous êtes surs ?, s'étonna la femelle aux yeux verts, surprise de la nouvelle.

Pupille d'Anis ajouta.

— Qu'est-ce qu'il vous dit que c'était des chats ? D'aussi loin, ça aurait aussi bien pu être des lapins que des renards.

— On est presque sûrs que c'était des chats, insista la guerrière ombragée.

Poussière de l'Aube compléta avec satisfaction.

— Nos camarades se sont réunis près de l'île du Saule, comme on l'avait prévu...

— Ce n'était peut-être pas nos camarades, contredit Patte de Tige avec provocation, voulant fait disparaître le regard suffisant du matou.

— Qui veux-tu que ce soit ?, ricana-t-il. Nos ancêtres du Clan Nocturne venus enterrer leur arbre sacré !

Pupille d'Anis soupira avec lassitude.

— Ah ah, très drôle, Poussière de l'Aube.

— Peu importe de qu'il s'agit, de toute façon, rétorqua Patte Tachetée, nous verrons bien en arrivant. Partons au plus tôt.

Patte de Tige haussa les épaules avec agacement.

— Comme vous voudrez...

— Attendez, s'inquiéta Pupille d'Anis, où est Petit Saule ?

Le cœur de Patte de Tige s'arrêta. Elle regarda la litière vide où son fils jouait quelques secondes auparavant, son ventre se contractant.

— Non, non, non, balbutia-t-elle avec angoisse.

— Bordel, jura Poussière de l'Aube en se redressant précipitamment.

Pupille d'Anis remarqua.

— Il était pourtant là il y a à peine une seconde.

— On va le retrouver, miaula Patte Tachetée avec une grimace.

Patte de Tige n'attendit pas que ses camarades la suive pour s'élancer à travers la forêt dans laquelle ils se trouvaient.

— Petit Saule !, criait-elle avec affolement.

La guerrière trébucha sur une racine, dévalant une courte pente terreuse avant d'atterrir en couinant contre un tronc d'arbre. Elle grogna, se relevant en grimaçant.

— Petit Saule !, gémit-elle.

Elle entendit alors une plainte étouffée provenir de derrière elle, un son ressemblant parfaitement à la voix de son fils. Sans perdre de temps, la guerrière se précipita vers la source de ce bruit. Traversant un buisson épineux avec difficulté, la femelle retrouva Petit Saule adossé contre un arbre, le visage défiguré en une expression horrifiée.

Sa mère, après l'avoir vivement enlacé, lança un regard vers la source de la terreur de son enfant.

Sur le sol gisaient deux corps, l'un sur l'autre, recouverts de sang.

Deux chats, un blanc, et un gris foncé.

Morts.

Les yeux de Patte de Tige s'écarquillèrent, son souffle se coupa...

Patte Tachetée surgit alors brusquement à sa suite, la respiration haletante, Poussière de l'Aube et Pupille d'Anis sur ses talons. La guerrière ombragée avança de quelques pas, avant de repérer les cadavres.

Elle les fixa avec effarement.

— Ils sont du Clan Ombragé, souffla-t-elle avec émotion.

Elle s'approcha d'eux en retenant un sanglot.

— Il s'agit d'Ombre Froide et de... et de Museau Enneigé... Mon frère.

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