Chapitre 17

— Les nouvelles règles se sont retournées contre les clans.

Tige fixa Poussière de l'Aube sans réellement le voir.

— Effectivement, murmura la femelle, en entendant plus l'écho de sa voix contre les parois de la cavité des prisonnières que le son en lui même.

— Ils sont complément idiots, grinça le guerrier brun. "Tous chats du Grand Cratère sans exception pourront rendre visite aux détenues"... et bien personne n'a précisé que ça ne marchait pas pour ceux dont la punition est de ne plus vous voir !

Tige hocha la tête, en jouant avec ses griffes, les rentrant et sortant pour se concentrer.

— Pourquoi n'es-tu pas venu plus tôt ?, demanda-t'elle.

— Je n'avais pas le droit, tu le sais bien, souffla Poussière de l'Aube.

Mistral intervint, fidèle à elle-même, à moitié dans la conversation, et à moitié en dehors.

— Rien ne t'obligeait à respecter ces règles...

— Je ne voulais pas m'attirer d'ennuis !, se justifia le mâle.

Tige renifla, amère.

— Lorsque tu es parti me retrouver, tu allais t'attirer des "ennuis", et pourtant tu l'as quand même fait.

— Je n'avais pas prévu de te ramener au camp... C'est toi as insisté !

— C'est toi qui as proposé, remarqua Mistral.

La chatte écaille de tortue regardait s'écouler un filet d'eau ruisselant sur le mur de pierre de l'antre.

— Je n'y pensais pas sérieusement, soupira Poussière de l'Aube en s'accroupissant près de Tige.

La chatte brune claire haussa les épaules.

— C'est trop tard de toute façon...

Le guerrier aux yeux ambrés détourna le regard. Il essaya de reprendre un minimum de son attitude habituelle, mais n'y parvint pas.

— Et toi...? Que vas-tu faire, pour le Saule ?

— Je ne sais pas, répondit Tige. En venant ici, je ne pensais pas que la haine des chats pour moi était si poussée, et qu'ils m'enfermeraient.

— De toute façon, feula Mistral, ils sont tous timbrés ici !

Poussière de l'Aube affirma.

— Il faut que tu trouves un moyen de tous les convaincre de ton innocence...

— Et comment ?, grinça sa compagne. Personne ne me laissera approcher le Saule, de toute façon.

La prisonnière soupira. Elle pensait pouvoir régler la prophétie en venant ici, comme Poussière de l'Aube l'avait suggéré, mais tout était beaucoup plus compliqué que prévu.
Durant un moment, elle avait été sûre de n'en être pas le danger, et que tout avait été mal interprété...

...Mais plus elle restait au sein des clans, et plus ses doutes grandissaient.
À part Mistral, Poussière de l'Aube, et peut-être Pupille d'Anis, tout le monde la croyait coupable du meurtre de Souffle d'Or et de la maladie du Grand Saule.

Pelage d'Averse et Plume Flamboyante étaient certains qu'elle n'était pas désignée comme un danger par la prophétie, mais ils n'étaient pas vraiment sûrs qu'elle n'ait rien à voir avec la mort de la guerrière dorée.
Et pourtant, malgré son départ du Grand Cratère, les choses ne s'étaient pas améliorées. Était-ce parce que comme beaucoup de guerriers le prétendaient, elle devait mourir pour que tout soit régler ? C'était absurde...

— Et toi, fit-elle en regardant Poussière de l'Aube dans les yeux. Tu as réintégré le Clan Tournoyant, alors ?

Le mâle brun foncé ne soutint pas les yeux verts de la femelle.

— La récompense pour t'avoir ramené était d'obtenir un apprenti, leur apprit le guerrier.

— Et tu as accepté ?!, s'indigna Mistral.

— Bien sûr que non !, s'horrifia Poussière de l'Aube. Ma compagne n'est pas une monnaie d'échange contre un novice...!

— As-tu réintégré le Clan ?, redemanda Tige, imperturbable.

Le mâle brun se mordit la lèvre.

— Et ben... ouais. Mais c'était prévu comme ça...

— Ce qui n'était pas prévu, c'est qu'on soit enfermées comme des bêtes !, s'énerva Mistral.

Tige retint à des larmes amères de souiller son visage, et murmura.

— Laisse, Mistral. C'est toi qui, la première, a accepté d'être fait prisonnière m.

La femelle de grange écaille grogna, et se tut. Poussière de l'Aube, lui, se leva.

— Je vais y aller, annonça le guerrier.

Tandis qu'il s'en allait, Tige interrogea dans un dernier miaulement désespéré le chat qu'elle aimait.

— Es-tu d'accord avec ce que l'on me fait, Poussière de l'Aube !?

Le chat brun foncé, ses yeux ambrés brûlant pareil à une aurore enflammée, se retourna et grinça.

— Évidemment que non ! Dès que tu en as l'envie, appelle-moi, et je te fais sortir de cette bouse de prison ! On vivra comme des solitaires, on aura des chatons, et on emmerdera tous ces..., cracha-t-il avec rage.

— Poussière de l'Aube !, le coupa une Étoile de Lichen horriblement offusquée.

Le guerrier fit face à sa meneuse.

— Que fais-tu là ?, s'exclama la chatte brune foncée. Tu avais l'interdiction de parler à Patte de Tige !

Tige, corrigea le félin brun. Et la nouvelle règle déclare que "Tout chat du Grand Cratère sans exception pourra rendre visite aux détenues", tu te rappelles ?

Étoile de Lichen ouvrit la bouche et la referma, scandalisée.
Poussière de l'Aube en profita pour s'éclipser, et Tige garda un goût amer dans la bouche. Cette discussion lui restait quand même un peu en travers de la gorge.

— Pourquoi l'avez-vous laissé entrer !, s'écria la meneuse brune à Plume de Lierre et Flèche de Coquelicots, qui gardaient l'entrée de l'antre des captives.

— Son argument était bon, miaula avec indifférence le chat brun clair.

— Et ça faisait si longtemps qu'il n'avait pas vu sa compagne, renchérit la guerrière rousse foncée.

Étoile de Lichen se retourna avec fureur vers Tige.

— Toi !, feula-t-elle en la foudroyant du regard.

Elle fit un pas en avant.

— Je t'adorais... Je me retrouvais en toi, je te voyais comme une sorte de fille...! Mais tu n'es qu'une meurtrière dangereuse et folle qui me vole mes meilleurs guerriers !

La cheffe fit crisser ses griffes contre la pierre avec un grognement de fureur.

« Je ne suis pas sure d'être la folle dangereuse ici » pensa Tige.

Étoile de Lichen s'en alla dans un cri de rage étouffé.

— Et bien, dis-donc, ricana Mistral. Elle a avalé un moineau de travers, celle-là ?

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En cherchant à travers les herbes et les cailloux, Nuage de Calme trépignait des pattes pour se réchauffer. La fraîcheur de cette matinée de la saison des feuilles rouges lui faisaient claquer des dents, et des petits frissons lui secouaient parfois le pelage. La novice trouvait ce froid enivrant, et il lui redonnait de l'énergie et de l'adrénaline, les nuages aussi bien présents dans le ciel que dans ses certitudes.

Moustache de Verdure lui avait demandé de trouver des feuilles de soucis, et l'apprentie guérisseuse avait dû se rendre jusqu'au fond du territoire tournoyant, pour espérer en récupérer. Le vent tourbillonnant les ayant ramenées du territoire foudroyant, les feuilles mortes craquaient à chacun de ses pas.

Au pied de la pente des parois du Grand Cratère, quelques pousses de soucis, la petite fleur jaune brillante au cœur marron, jonchaient sur le sol. En en attrapant quelques unes, Nuage de Calme fit s'échapper une maigre souris, et la femelle sursauta. Ses réflexes de chasseuse prirent du temps à lui revenir, et d'un bond maladroit, elle se précipita vers la proie. Trébuchant sur ses pattes, c'est avec grande chance que ses griffes se refermèrent sur le rongeur, qui couina légèrement avant que le félin ne lui apporte le coup fatal.

L'apprentie guérisseuse sourit de satisfaction, et prit dans sa gueule son gibier et les feuilles de soucis fraîchement cueillies.

Malheureusement, la blessure de Nuage de Venin s'était infectée, ce qui était prévisible vu le peu d'effort qu'apportait le félin doré tigré à son entretien, et le remède était nécessaire pour lui guérir la patte.

En retournant au camp tournoyant, la chatte blanche tigrée passa devant le Grand Saule. L'arbre sacré, malade et terriblement fétiche, reflétait bien l'esprit des chats du Grand Cratère.

Nuage de Calme resta planté devant le désastre qu'avait causé Patte de Tige, elle qui n'avait certainement pas tué Souffle d'Or, mais qui allait détruire les Clans. Elle se rappela soudain des paroles de Plume Flamboyante:

« Et si jamais un jour tu t'ennuies, va faire un tour à l'intérieur du Saule avec Nuage de Racine, c'est très joli là-bas... Et puis il y aura sûrement une gentille prophètesse avec qui discuter... »

L'apprentie aux yeux violets fit un pas en avant vers le Saule, et puis un autre en arrière.
Nuage de Venin avait besoin des feuilles de soucis, et les chats du Clan Tournoyant de la souris. Et puis, la guerrière rousse avait bien précisé que Nuage de Calme devait être accompagnée de Nuage de Racine.

Malgré la curiosité qui lui donnait envie de se rendre sur l'île du Saule, la chatte se résigna et continua sa route vers le camp.
En y entrant, elle déposa sa prise sur le tas de gibier, seulement composé d'un petit lapereau, et d'un maigre mulot. En lançant un regard circulaire à la partie principale du camp tournoyant, la novice remarqua avec un pincement au cœur que ses camarades de camp étaient tous plus frêles les uns que les autres, leur pauvres muscles et leurs os saillant sous le peu de peau et de pelage qui les protégeaient du vent, décharnés et affamés.

Souffle de Cerise discutait, ou plutôt monologuait avec son père, Poil de Lumière, le guerrier semblant encore plus fatigué et perdu que d'habitude. Coeur de Stalactites parlait avec Pollen Blanc, et Pelage de Ravin regardait d'un œil méfiant la tanière des prisonnières. Le groupe des apprentis guerriers se chamaillaient, et Nuage de Calme évita soigneusement le regard indifférent de Nuage de Racine.

Un Poussière de l'Aube las déboula l'éboulis donnant à l'antre de la cheffe et des captives, et Pupille d'Anis s'approcha alors de lui, en lui demandant si "ça c'était bien passé" tandis que le guerrier lui répondait avec un grondement insatisfait. Il fut bientôt suivit quelques instants plus tard d'Étoile de Lichen. La meneuse sortit précipitamment du camp tournoyant, et Bourrasque de Jais, sous le Roc du Partage, qui discutait du manque de gibier dans la prairie avec Moustache de Lilas et Fleur de Coriandre, fronça les sourcils en suivait sa cheffe du regard. Le lieutenant haussa les épaules, et continua sa discussion.

Nuage de Calme soupira de la situation de son Clan, espérant pouvoir bientôt régler les problèmes du Grand Cratère, et se dirigea vers la tanière des guérisseurs.
Quelle genre d'élue inutile était-elle ?

Parce qu'après tout, depuis sa naissance, qu'avait-elle fait pour aider le Grand Saule ?





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Chapitre de 1722 mots...

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