Chapitre 5 : le tailleur
-Jaïre ! Jaïre !
Une voix de jeune femme retentit dans l'appartement. La porteuse de cette voix apparut bientôt. C'était une magnifique jeune femme d'environ vingt-cinq ans aux cheveux châtains longs, aux yeux bruns et au nez recourbé. Elle se précipita vers le jeune homme et l'embrassa.
-Jaïre... Je t'aime.
-Moi aussi ma chérie.
Après une série d'embrassades, la jeune femme reprit :
-Je te souhaite une bonne journée de travail, mon petit Jaïre. Et n'oublies pas ta carte. Le directeur est toujours furieux quand tu l'oublies.
-Ne t'inquiètes pas, chérie. Grâce à toi, je vérifie que je l'ai, et c'est le cas. Je t'aime. À ce soir mon trésor.
-À ce soir !
Le jeune homme sortit de son appartement. Il descendit dans la rue et marcha en direction de la prison d'Ekravor, où il travaillait.
Dans une petite ruelle, alors qu'il passait devant un café et regardait les tables vides, il sentit un choc. C'était une jeune femme, dont on peinait à déterminer l'âge, aux cheveux noirs de jais en carré plongeant, dotée d'une longue frange et d'un regard clair, contrastant avec ses cheveux.
-Oh, je suis désolée ! S'empressa-t-elle de s'écrier.
-Ce... ce n'est rien. Je n'ai pas regardé devant moi... Je... je suis désolé aussi.
-Ne vous excusez pas, c'est entièrement ma f... Oh ! Mais que vois-je là !
Elle le pointa du doigt d'un air enthousiaste.
-Mais... Monsieur ! Votre carrure est EXCEPTIONNELLE !
-Ah... Ah oui ?
-Oui ! Vos épaules et votre torse sont en harmonie parfaite et offrent une forme magnifique que rarement les tailleurs ont l'occasion d'observer !
-Ce... C'est vrai ?
-Oui ! Je vous assure ! Je me ferais un plaisir de vous préparer un beau costume sur mesure, à moitié prix en plus !
-Ah oui ? Un costume... Avec la chemise, le veston, la cravate, et tout ?
-Oui, monsieur. Je ne me fiche pas de vous, croyez-moi. J'aimerais mesurer de plus près votre taille pour pouvoir vous le préparer. Enlevez votre veste s'il-vous-plaît.
-Ma veste?
-Oui, sinon les mesures seraient approximatives, donc faussées. Une carrure comme la votre ne se gâche pas par de mauvaises mesures !
-D'accord.
Le jeune homme se débarrassa de sa veste et la posa sur une des tables du café.
-Voilà, répondit-il, satisfait.
-Oh, mais il vous faudra aussi enlever votre sacoche, je suis désolée, mais elle gênerait mes mesures.
-Oh, je comprends.
Il enleva sa sacoche et la posa précautionneusement sur sa veste, puis se retourna pour à nouveau faire face à la jeune femme.
-Voilà ! C'est génial ! Attendez...
Elle sortit maladroitement un long mètre jaune. Elle mesura ensuite la taille du jeune homme, en long, en large, en travers, et de toutes les façons qu'il possible de mesurer. Elle notait au fur et à mesure les valeurs sur un petit carnet qu'elle manqua de faire tomber à au moins trois reprises.
-Voilà ! C'est super ! Alors, je vous fais ça pour demain ?
-Euh... Oui, ça serait super !
-Par contre, j'aimerais bien que vous me payez maintenant, ne vous en faites pas, je vous jure solennellement de vous le faire si vous me le payez. Mais comprenez, j'ai déjà eu des clients qui me commandaient des costumes et qui, une fois faits, ne les payaient pas et ne les prenaient pas. J'aime autant qu'on annule avant que je le fasse, vous comprenez ?
-Oh, je comprends tout à fait. Ça sera combien ?
-Alors... ça vous fera...
Elle rechercha dans son sac des papiers, puis trouva enfin le bon, et annonça :
-20 000 € tout pile !
-20 000 € ? Mais c'est cher ! Vous m'aviez dit à moitié prix ?
-Oui, le costume fait sur mesure coûte normalement 40 000 €. Du coup ?
-Du coup, je suis navré mais... je ne vais pas le prendre. C'est beaucoup trop cher pour moi, je ne gagne pas ça en un an, vous comprenez ?
-Bon, bah tant pis... Votre carrure est quand même géniale, vous irez voir un spécialiste, il vous le dira.
-N'êtes-vous pas spécialiste ?
-Oh, si, mais je n'ai ici rien pour l'attester, comme je laisse toujours toutes mes affaires dans mon bureau et que je vous croise comme ça dans la rue.
Elle afficha un large sourire, qui découvrait de grandes dents éblouissantes. Une Bucca, probablement.
-Bon bah au revoir, et désolé de vous avoir dérangée...
-Oh, ça n'est rien ! C'est moi qui suis désolée ! Je ne pouvais pas savoir que vous n'aviez pas l'argent pour ce costume, vous savez, j'ai l'habitude d'habiller de riches personnes, j'en oublie presque qu'il y a des gens comme vous qui vivez modestement. Au revoir, monsieur, et n'oubliez pas votre veste !
-Oui, au revoir madame, et merci quand même.
Elle tourna le dos et s'en alla. Lui récupéra sa veste et sa sacoche qu'il enfila immédiatement.
-Très sympathique, cette dame, se dit-il.
Il se dirigea ensuite vers la prison d'Ekravor, son lieu de travail.
Il chercha donc dans sa sacoche sa carte, et pâlit en ne la trouvant pas. Il chercha à nouveau, puis encore, jusqu'à en conclure qu'il ne l'avait pas.
-Mais j'avais vérifié ! Comment ai-je pu l'oublier après avoir vérifié ? Bon, bah j'ai plus qu'à rentrer !
Il prit donc le chemin du retour, énervé.
Son pas était rapide, ses sourcils froncés, ses poings serrés.
Lorsqu'il arriva chez lui, sa compagne n'y était plus. Elle était, elle aussi, partie travailler. Il commença à chercher, mais ne trouva pas sa carte. Il regarda dans tous les tiroirs, pas de carte. Ni sur les canapés, ni par terre, ni dans la cuisine. Il avait beau remuer son appartement de fond en comble, il n'y avait nulle trace de carte.
Ah, c'était probablement une blague d'Ama, sa compagne, qui avait, par on-ne-sait quel moyen, pris sa carte pour qu'il vienne la voir à son bureau.
Il sortit alors son téléphone, et composa le numéro de la jeune femme.
Bip... bip... bip...
-Oui Allô ?
-Oui Allô Ama ? J'ai percé à jour ton petit tour et sache que ce n'est pas drôle, et que mon supérieur va être très en colère.
-Un petit tour ? Quel petit tour ?
-Ça n'est plus la peine de mentir, Ama. Je sais que tu as pris ma carte, pour que je vienne te voir !
-Te prendre ta carte ? Bah non ! Mais ce matin tu l'avais avant de partir mon chéri, tu ne l'aurais quand même pas perdue ?
Jaïre pâlit à l'entente de ces mots. S'il avait perdu sa carte et ne la retrouvait pas d'ici une semaine, il pouvait dire au revoir à son travail dans la prison.
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