Chapitre 30
Mon humeur change comme le temps. Aussi loin que je m'en rappelle, le soleil n'a jamais été plus brillant en cette fin de journée que durant toute ma vie... Il est vrai qu'au départ, avec cette rupture je me suis sentie brisée, comme si mon monde s'effritait. Et pourtant, je ne sais pas d'où j'ai bien pu tirer ce courage qui me permettait désormais de rester en vie...
Je me sentais soulagée, légère, tel un lourd fardeau qui s'était déchargé de mes épaules. C'était l'indépendance je crois. Et cela avait un goût de paradis. Je pense que là, même si je finissais par me tuer, ce serait en accord avec moi-même parce que je ne le ferai pas parce que celui-ci ou celle-là m'a fait ci ou ça. Mais plus parce que j'en avais envie. Pour moi.
Je sais que pour certains il est horrible de concevoir la mort comme un pote qu'on côtoie tous les jours au club de Bingo, mais c'est ce qui arrive quand on y a pensé durant toute sa vie. Elle était devenue une seconde peau. Une habitude qui restait encrée en nous...
Passant la porte de mon appartement décrépi, je balance mon sac à dos sur le sol anéanti, quand mon portable se met à sonner. Pour une fois mon père avait tenu sa promesse. Il m'avait laissé tranquille. Vivre ma vie comme je l'entendais et ne me cherchait plus d'ennuis. Il avait même signé un document sans broncher, quand je lui ai dit que j'en avais besoin pour mon futur boulot.
- Salut, finis-je par enfin décrocher mon phone.
- Tu fais quoi ?
- Je suis rentrée plus tôt que prévu. J'avais des choses à faire...
Je n'avais aucune envie de déblatérer sur la visite incongrue de Cardin au lycée. Surtout que Nick n'avait aucunement été pour mon allée à la fête de James la veille.
- N'oublie pas qu'on se voit ce soir. Gina a envoyé un paquet pour toi.
- Si c'est encore un de ces délires apoplectique sur le réveil du moi intérieur qu'elle veut me faire partager, renvoie-le-lui...
Il rigole pleinement dans les écouteurs, ne cachant pas son fou rire.
- Fais le toi-même, ce n'est pas dans ma bouche que tu mangeras ton piment*...
- Ce qui veut dire ?
- Va savoir...
Je parie que c'était l'une des nombreuses expressions que sa sœur nous gratifiait récemment, depuis l'Australie.
- Tu es stupide par moment, rigolé-je de Nick, fidèle à lui même dans la copie de terme dont il ne comprenait pas le sens.
- Pas autant que Gina.
M'asseyant sur le matelas plein de moisissures dans le but d'enlever mes bottes, un coup sur la porte vient perturber ma palpitante conversation. Lorsque j'ouvre, c'est pour voir surprise, un Nick tout sourire, le portable à son oreille....
Il me tend un paquet dans les mains et s'invite à l'intérieur sans demander son reste.
- Qu'est-ce que tu fiches ici ?, rabats-je la porte.
- J'étais dans les parages et j'ai décidé de passer...
- Sérieusement qu'est-ce que tu fiches ici..., en vrai.
Ce n'était pas les beaux quartiers de la ville, il n'y avait aucune distraction pour jeunes par ici. Et je doutais fort qu'il puisse avoir un ami dans cet endroit si reculé...
- En vrai ? Je suis là pour te voir.
- On devait dîner tout à l'heure avec tes parents..., lui remarqué-je.
- Oublie-les, j'avais envie de passer une soirée seule avec toi. Ils le supporteront... En plus, je t'évite un long déplacement...
- Merci cher ami, que ferai-je sans toi ?, ironisé-je. Mais entre les lasagnes de ta mère et une pizza, indiqué-je de mes yeux le carton entre mes mains, je me serais bien autorisée ce déplacement.
Ignorant cette dernière remarque, Nick continue:
- Tout le plaisir est pour moi, jeune homme. Et voici le cadeau de ma sœur
Plongeant ses mains dans une poche, il y sort une petite poupée en bois.
- Je n'ai pas pu résister à l'envie de l'ouvrir. Elle dit que c'est pour concentrer ton mana dans le but de rendre ton champ fertile. J'ai rien compris
- C'est qui cette fois ?
- Un certain Rongo*. Dieu de je ne sais plus quoi. Va savoir ce qu'il fait. Tu liras sa lettre après.
- Combien de fois me l'a-t-elle envoyé?, dis-je en le balançant dans un des cartons rejoindre ces compatriotes. C'est le soixantième...
- Elle veut se faire pardonner, normal...
- Je ne lui en veux pas. On en a déjà discuté elle et moi.
- Déjà? Je ne le savais pas. Alors c'est sûr qu'elle veut juste te faire chier, atterrit-il sur mon lit. j'ai beaucoup de mal à suivre cette femelle. Et cela m'arrive rarement de ne pas savoir lire les autres. Plongé ainsi dans la culture des indiens d'Australie ? Y a qu'à elle que ça pouvait arriver.
Gina et moi nous sommes réconciliés depuis lors. Si l'on pouvait appeler cela une dispute. La raison pour laquelle elle ne m'avait pas contacté avant que Nick ne m'aide à la recherche d'un appartement ? C'est qu'elle se sentait honteuse d'avoir agi comme une petite pute égocentrique imbue d'elle-même alors qu'elle ne savait pas les gros ennuis par lesquels sa merveilleuse amie passait- Je ne fais que citer ces mots ici...
Je me rappelle encore quand j'ai demandé à Nick de venir me chercher après ma dispute monumentale avec Cardin. Il n'a pas hésité une seconde à venir me rejoindre à la station de bus à une heure plus que tardive. M'hébergeant le temps que je me trouve un chez moi.
- Tu ne penses pas que tes parents m'en voudront de ne pas passer ? Ça fait une semaine après tout que j'ai déménagé. Et ils m'ont beaucoup aidé, je dois dire.
Je pose le paquet de pizza sur le lit vu que je n'avais aucun autre meuble et l'italien se saisit prestement d'une part...
- Ils ne t'en voudront pas... Ils ne t'auront pas connu si je ne te les avais pas présentés. Alors tu es à moi, pas à eux. De toute façon, je leur ai dit que je passerai la nuit chez toi.
- Quoi ? Encore ? Tu passes pratiquement toutes tes nuits ici.
- J'aime passer du temps avec toi.
- Je m'en suis rendue compte, souris-je.
Je savais que peu importe les multitudes de raisons qu'il voulait se trouver, il le faisait parce que son père l'exigeait de lui et parce qu'il détestait me savoir seul, loin de tous dans un appartement... Une fille seule, se doit d'être protégée comme le répétait souvent sa mère... C'est le grand avantage à être une femme. Raison pour laquelle elle a épousé un homme aussi baraqué que le père de Nick. Celui-ci n'avait rien à envier à John Cena. Heureusement qu'il ne tombait pas dans le cliché gros muscle, petit cerveau... En plus, il était hyper sympathique...
Après avoir fini de bouffer tout ce qu'il y avait à emmagasiner et m'être défait de mon pantalon pour un short, j'étais allongée aux côtés de mon invité surprise.
- Maintenant on fait quoi ? Je n'ai pas sommeil, me fait-il savoir.
- J'ai gardé le Monopoly de la dernière fois. Qu'on fasse une partie ?
- Non, pas ce jeu stupide. Je le déteste maintenant.
- Parce que tu y perds tout le temps ?
- Non, pas du tout, répondait-il visiblement irrité. Il mentait vraiment très mal.
- Allez, ce sera sympa, continué-je en me penchant sortir le paquet de sous le lit. Je l'installe rapidement et lance le premier dé.
- Malheureusement ce n'est qu'un jeu. Sinon, je serai milliardaire à l'heure qu'il est.
Et il se met à rigoler :
- Pas faux.
Nous nous engageons dans un duel de dés et de regards. Suivis parfois de jurons de la part de Nick quand il retournait à la case prison. L'atmosphère était hyper sympa avant qu'il ne pose la fameuse question :
- Et ta journée ?
- Pas mal... Non, en fait, hésité-je à continuer sur ma lancée, mes yeux traçant mon drap blanc au lieu de ces yeux à lui. Prenant mon courage à deux mains, je poursuis pourtant : "Cardin est passé au lycée aujourd'hui...
Je ne pouvais vraiment pas lui mentir. C'était inutile.
- Et Il te voulait quoi au juste ?, déplace-t-il son chien sans me jeter un regard.
- Je ne sais pas trop. Juste discuter... Je crois?! Enfin, d'après ce qu'il m'avait dit. Mais je n'ai pas perdu mon temps pour l'entendre m'offrir une énième excuse sur combien je lui manquais et qu'il voulait me récupérer. On s'était déjà tout dit à la fête.
- N'oublie pas que c'est moi qui suis venu te chercher ce soir-là, quand tu m'as appelé...
- Oui, je sais.
- C'est moi qui t'ai consolé...
- Tu n'as pas besoin de le répéter...
- Et je ne le referai pas si jamais ça se répétait. J'ai ma propre vie Adeline. Et même si je t'apprécie énormément, je suis de ceux qui pensent que quand une personne ne veut pas se faire aider, ou est trop têtue, ou ne prend pas la main qu'on lui tend, ça ne vaut pas la peine de se casser le cul pour elle...
- Très amical tout ça.
- Io so Principessa.
Déplaçant un pion, il prend ma main dans la sienne, m'arrêtant brusquement dans mon geste. Il l'apporte à ses lèvres et embrasse chacun de mes doigts.
- Mais tu sais mieux que quiconque que je tiens beaucoup à toi...
- Oui, je le sais... Mais n'oublie pas que tu es en banque route. Tu déclares faillite ?, arqué-je un sourcil.
Pensais-t-il qu'il pourrait me distraire du jeu ?
- Argghhh, hurle-t-il avant de jeter le carton de jeu et ces instruments hors du lit.
Puis il me prend dans ses bras et me couche avec lui sur le matelas. Il pose un baiser sur mes cheveux et me caresse doucement le dos.
- T'ai-je déjà dit que tu étais une fille géniale ? Et un peu trop maligne aussi.
Ce contact me fait un bref instant sursauté et sa chaleur m'a rappelé le baiser de la veille avec Cardin que je tentais d'oublier.
- Je penserais que tu essayes de me séduire si je ne te connaissais pas si bien.
En guise de réponse, il laisse échapper un petit rire étouffer, son souffle émettant de petits picotements sur la peau de mon cou. Et je lui réponds pareil.
- Tu es une tigresse Aiden...
- Alors ne laisse personne te dompter..., finis-je la phrase qu'il me répétait sans cesse et qui était devenue depuis peu mon motto.
- Tu apprends bien vite ma princesse, m'embrasse-t-il à nouveau.
Nous vivions ce genre relation qui ne menait jamais à rien. Pas que je voudrais que cela aille quelque part. C'est juste qu'avec Cardin s'aurait rapidement escaladé.
Nous nous endormons bien tôt avant de nous réveiller pour une demi-journée de cours. Les examens s'annonçaient pour dans deux semaines, précédés par une période de révision chez soi où nous n'avions aucune obligation de retourner au lycée.
Deux semaines à ne rien faire d'autre que se bourrer le cerveau, chez soi, en vue des examens. Cela ne m'enchantait guère. Je ne sais pas trop pourquoi je continuais ses idioties alors que je n'étais pas une brillante élève. Pourquoi me levais-je chaque jour pour accomplir ce genre de chose ? Parce que c'était à ce qu'il parait normal. Normal, pour vivre pleinement, rencontrer des amis et se sentir mieux... Enfin...
Par après, j'avais du boulot à la librairie où j'ai finalement réussi à me faire accepter. Quoique je n'avais pas eu à fournir grand effort pour être engagé dans ce lieu où seuls des rats de bibliothèque venait jeter un œil. Très peu pour créer des liens sociales ou avoir des pourboires, l'idéal pour moi. Pour la première option évidemment. J'ai marché sur tout le trajet vu que ce n'était pas si loin du lycée, m'éventant de temps en temps pour lutter contre la chaleur étouffante. Je maudissais avoir porté ce pull par cette canicule. J'aurais volontiers pris le bus, si cela était inclus dans mon budget.
Rangeant passivement les livres sur les étagères, je reçois un appel de Maryne. Ne me demandez pas pourquoi, mais récemment elle et moi avions repris contact. Pas qu'elle savait ce qui s'était passé entre son ex et moi, mais elle avait tenu bizarrement à être présente dans ma vie depuis peu.
- Hello boy ! Comment vas-tu ?
- Bien, roulé-je les yeux au ciel...
C'était toujours un plaisir de l'entendre.
- Et toi ?
J'aurais dû mordre ma langue avant de poser cette stupide question, parce que la réponse qui l'avait suivi ne m'avait point enchanté.
- Un peu fatigué... La grossesse et tout ça, sourit-elle et je pouvais sentir cet air commun à toute femme enceinte de plénitude, filtré même du téléphone.
- Ok !
- Papa m'a demandé de te joindre. Il dit qu'il a fini par obtenir les papiers que tu voulais...
Cette remarque piqua mon intérêt.
- Sérieusement ?
- Je ne suis pas du genre à plaisanter, rigole-t-elle.- Et qu'est-ce que je détestais son rire. Pourras-tu passer ce weekend à la maison ?
- Ce weekend ? Je ne peux pas, répondis-je...
- Mais pourquoi ? Tu me manques. Je ne comprends toujours pas pourquoi tu as déménagé. Et papa ne veut rien me dire à ce sujet.
Cette bitch ! Comment pouvait-elle être aussi aveugle de tout ce qui se produisait autour d'elle ?
- J'ai des choses à faire...
Non, pas que je ne voulais pas ces documents. Je les avais tellement attendus. Ceux qui attesteraient que j'étais une adulte et que je n'avais besoin de l'approbation de personne pour avancer. Mais la simple idée de me retrouver à nouveau dans cette maison me donnait juste envie de gerber.
- Allez dis, oui. On sera toutes seules. Papa est en voyage d'affaire et je m'ennuie un peu je dois dire. On pourra se faire une petite séance devant la télé. J'ai une comédie romantique que tu vas adorer. Tu aimes ce genre de film toujours autant ?
- A peu près, mens-je.
C'est la seule passion que nous ayons jamais vraiment partagée toutes les deux.
Normal, nous l'avions obtenu de notre mère qui nous obligeait à les suivre avec elle. Surement pour échapper à l'amour stupide qu'elle vivait avec un homme stupide.
- Je ne peux vraiment pas...
Bien sûr que l'idée de savoir que mon père n'était pas là était un formidable encouragement. Mais, il y avait cette chose qui m'empêchait d'avoir confiance en cette femme.
- En fait, j'ai quelque chose pour toi Aiden... J'ai retrouvé un truc appartenant à maman... Des partitions et je voulais te l'offrir en avance. Surtout que ton anniv est pour bientôt. Je voulais te faire une surprise quand tu débarquerais mais là, je suis obligée de le dire...
Des choses appartenant à ma mère ? À part ma guitare, je n'avais jamais rien pu obtenir d'elle. C'est à peine si je me rappelais vraiment de son visage, si le seul portrait à la maison, ne m'aidait pas à mettre une image sur mes souvenirs. Je pensais que mon père avait brûlé tout le reste. Et si j'avais encore son instrument avec moi, c'est parce que Maryne l'avait prise de force des mains de celui-ci pour me le remettre...Rien que pour ça, je lui serais éternellement reconnaissante.
- Aiden, Tu es là ?
- Des... La musique de maman ? prononcé-je la gorge nouée, serrant le portable comme si ma vie en dépendait...
- Oui, bébé. Et pas qu'un peu. Est-ce que tu savais que papa avait mis la plupart de ces affaires dans un coin à la cave ? Il n'a pas eu le courage de les brûler... Il l'aimait vraiment trop maman, glousse-t-elle à nouveau.. Je voudrais vivre quelque chose comme ça. Avec Cardin, si possible.
Mais comment arrivais-je à la supporter ?
- Tu pourras passer ce weekend ? Ainsi, tu verras ce que tu veux garder p'ti frère.
Sur le point de protester à nouveau, j'entends la manager demander d'après la nouvelle. Et la nouvelle, c'était moi. Non, en fait j'étais la seule employée. Cependant, être surprise au téléphone après juste deux semaines de travail ne me vaudrait rien de bon. Par conséquent prétextant une excuse, j'ai raccroché rapidement.
- Me voilà, madame Corey, dis-je en retournant dans la boutique, ramenant mes mèches derrière mon oreille. Ces cheveux commençaient par sérieusement obstruer ma vue, mais Nick adorait les voir pousser. Et pour je ne sais quelle raison particulière, je les laissais m'embêter volontiers.
- Adine, dit la vieille dame mieux vêtue que d'habitude. J'aurais besoin de toi à la caisse cet après-midi, je dois sortir faire des courses.
- C'est Adeline madame, lui rappelé-je avant de contourner le comptoir. Désolé pour mon retard.
- Ce n'est pas grave mon cœur. La librairie a été vide de toute façon...
Et oui, c'était une des raisons pour lesquelles j'appréciais énormément ce boulot. Aucune obligation d'interactions avec les clients. Ils entraient, faisaient leur choix et repartaient sans avoir besoin de me demander particulièrement conseil.
- Et ton petit ami ?
Elle parlait évidemment de Nick. Il avait pris l'habitude de me déposer au boulot, rester dans la boutique et me ramener chez moi. Mais il avait autre chose à faire ce soir que m'y amener.
- Il va bien madame. Mais je vous ai déjà mille fois dit que ce n'était pas mon petit ami.
- Pourquoi ? Tu es avec quelqu'un ?
- Non Madame.
- Alors un petit conseil, fonce avant qu'on ne te le prenne. Il est adorable. C'est le portrait craché de mon mari Santiago quand il était jeune.
Ouais, ouais. Avec des piercings et tout. Oui, j'imagine bien.
- Voilà ta paye de la semaine passée.
Elle dépose un chèque sur ma table avant de filer par les portes de la librairie. A peine sortie qu'un groupe pénétrait les lieux. Ils avançaient entre les milliards de livres que nous possédions, cherchant surement cette perle rare qu'ils ne trouvaient plus dans les librairies classiques. Un parmi eux, me jetait des coups d'œil de temps en temps. Et quelque chose au fond de moi m'assurait que je l'avais déjà vu dans les parages... pas dans la boutique, mais souvent aux alentours de celle-ci. Épiant plus Nick que moi. Ou était-ce moi qu'il espionnait depuis tout ce temps ?
Il marchait vers moi, et j'ai immédiatement baissé la tête vers le sol. Par instinct.
- C'est combien pour ce livre ? me demande-t-il.
J'aurais vraiment adoré que l'italien soit là parce que je commençais par sérieusement paniquer, seule, entourée de tous ces hommes.
- Deux dollars cinquante.
- Voilà, me sourit-il.
Ce qui étrangement me détend et me permet de remarquer les traits asiatiques qui brouillaient son visage. Il était mignon.
- Le roux qui travaille avec vous n'est pas là aujourd'hui ?
- Non... Il ne travaille pas ici.
C'est là que ces amis commencent par le presser et il est obligé de s'en aller. Mais avant de courir les rejoindre, il ajoute :
- Si jamais vous revoyez Nickolas, dites-lui que Linn est passé. Et qu'il a très envie de le revoir.
- Ok ! Je le ferai.
- Merci, me sourit-il à nouveau avant de disparaître pour de bon...
C'était étrange.
Sa tête me disait vaguement quelque chose, mais je ne me rappelais plus où exactement je l'avais rencontré avant ses venues à la librairie.
Je me suis rapidement remis au boulot... oubliant cette inattendue rencontre quand d'autres clients firent leur apparition. Le travail... cette nuit, semblait plus mouvementée que d'habitude.
Je m'y suis échappée à l'heure de fermeture, disant au revoir à madame Corey qui refermait derrière moi. Je descendais les rues pour une heure de marche, détestant encore avoir porté ce pull qui m'étouffait quand la conversation avec ma sœur a fait irruption dans ma tête.
Est-ce que je pouvais lui faire confiance ? Je n'avais vraiment pas envie de la revoir. Mais elle possédait des choses qui me tenaient à cœur. Des partitions. Et le fait que je me suis plus que jamais remise à la musique était une bonne raison pour y jeter un œil. Surtout que Gina m'avait encouragé depuis l'Australie quand elle a lu les paroles que je vomissais dans mon carnet... j'avais tellement envie d'en savoir plus sur ma mère, plus que cette nuit de l'accident ou, les souvenirs inventés par Maryne. Je voulais me rappeler plus. Mon cœur en demandait plus.
- Hey. J'ai entendu une voix prononcée derrière moi, suivit d'un klaxon de voiture.
C'était Nick, me suivant lentement dans son écolo-mobile.
- Hey, répondis-je.
- Où allez-vous ainsi belle demoiselle, seule dans les rues malfamées de cette ville ?
- Nulle part...
- Il est tard. Puis-je vous déposez quelque part ?
- Je n'ai pas tendance à monter dans les voitures des inconnus.
- Vous m'offensez beauté... Pas autant d'hostilité entre nous.
A cette allusion, je ne peux m'empêcher de rigoler, avant de reprendre avec un peu de mal:
- Cela n'est aucunement mon intention. Mais vous comprendrez que j'ai un peu peur de me faire agresser par un P.R.
- Un quoi ? Président de la république ?
- Un psychopathe roux.
Il écarquille les yeux avant de finalement plonger dans un fou rire incontrôlable...
- D'où est ce que tu sors cette connerie ? Tu me feras toujours autant rire Aiden... Et si tu montais à présent, abandonne-t-il notre manège en nettoyant sous son œil une larme qui n'existait pas.
Je m'installe immédiatement à ces côtés. Et atterrissant dans sa voiture, j'enlève rapidement mon pullover pour ne laisser place qu'à mon débardeur.
- Ça fait tellement de biens, me soulagé-je.
- Tu devrais arrêter de t'habiller ainsi. Tu finiras par mourir d'insolation un de ses quatre.
- Je ne peux pas, dis-je en pensant à mes cicatrices. Et à sa tête, il l'avait également compris.
- Alors mais des chemises à manches longues.
- Je n'en ai pas les moyens...
- Parce que tu ne me laisses pas t'aider, me signifie-t-il. Et je souffle épuisée qu'il relance une nouvelle fois cette discussion. Je ne voulais l'aide de personne. Je voulais m'en sortir toute seule. Je ne voulais plus dépendre de personne. A quoi aurait-il servi de quitter Cardin, si je ne pouvais pas subvenir à mes propres besoins...
- J'ai reçu de la visite à la boutique aujourd'hui.
- Qui ça ?
- Un asiatique du prénom de Linn...
J'ai senti ces mains se crisper sur le volant mais il n'a rien ajouté de plus, silencieux durant tout le trajet, jusqu'à ce que nous arrivions enfin chez moi...
- On se voit demain en cours ? me demande-t-il.
- Tu ne restes pas cette nuit ? je pensais que...
Était-il fâché contre moi ?
- No, principessa. J'aurais adoré, me sourit-il, ce qui me détend. Mais j'ai un truc à faire ce soir.
- Oh.... Ok !
Je sors en rabattant la portière de la voiture derrière moi.
- Bon, je vais devoir y aller. Je suis assez pressée.
- Ok ! réponds-je.
Il n'avait vraiment pas l'air dans son assiette. Mais vu qu'il ne démarrait pas la voiture, je le regarde sceptique.
- Tu attends quelque chose ?
- Que tu montes dans ta chambre, t'enfermes à double tour et me fasses un coucou par la fenêtre. Je ne bouge pas avant.
- Oh, réponds-je une chaleur étrange dans la poitrine. Peu importe la situation, il s'inquiétait toujours pour moi. Mon visage s'est imprégné d'un sourire si large que j'avais mal aux joues. Qu'est-ce que j'aimais cet homme !
Obéissant à ces ordres, je grimpe rapidement les marches, et lui fait ce fameux coucou depuis la fenêtre qu'il renvoie par un klaxon avant de s'en aller. Je regarde sa voiture disparaitre au loin avant que mes yeux ne tombent sur le ciel dégagé. La brise légère brasse mes cheveux et envahit mes narines de parfums d'été. Tout était si parfait.
La semaine se passa ainsi. Dans une monotonie sereine que je commençais par apprécier, avant de me retrouver devant la porte de ma maison. Je mentirai si je disais que je n'ai pas été hésitante à l'idée de venir la voir. Mais c'était juste plus fort que moi.
- Tu es venue ? , ouvre-t-elle en grand, me placardant un de ces sourires qui me donnait envie de la baffer à chaque fois.
Se dégageant, elle m'offre le passage. Mais je ne peux m'empêcher d'être sur mes gardes, regardant de gauche à droite.
- Je suis trop contente que tu es pu passer, m'enlace-t-elle. Son petit ventre commençant par apparaître...
Et cela m'a rappelé combien juste la voir me rendait malade. Je voulais tellement lui faire mal.
- Il n'est pas là ? demandé-je prudemment.
- Non... Il est parti à un de ses rendez-vous d'affaires stupide. Je me demande bien pourquoi il m'a demandé d'aménager à nouveau pendant ma grossesse s'il n'est jamais libre... C'est vraiment chiant. J'adorerais si tu revenais, me prends-elle les mains dans les siennes. Allez dis oui...
- Je ne peux pas...
- Ok, ok ! s'éloigne-t-elle je ne veux pas plus insister. Tu es une vraie tête de mule.
- Tu peux me monter les objets de maman ?
- Je finirai par être jalouse. J'ai l'impression que tu es venue uniquement pour elle et non pour me voir. Bon, je vais te les montrer. Suis-moi...
Puis marchant vers le fond de la maison, elle me demande par un petit mouvement de la main de l'y accompagner.
- J'ai été surprise de tomber sur autant de choses. Papa avait tout mis en bas. Il y en a beaucoup... Penses-tu pouvoir tout prendre avec toi ?
- Je vais faire le tri, ensuite on verra.
- Tu n'es pas venue avec un copain à toi pour t'aider ? Je ne pourrai t'être d'aucune utilité, j'ai horriblement mal au dos.
- Ça ira.
Je n'en avais pas parlé à Nick parce que je savais qu'il m'aurait interdit de venir. Il l'aurait détesté encore plus que quand il a par hasard appris que j'étais passée chez James.
- Ok ! Voilà, ouvre-t-elle la porte qui menait à la cave. Passe devant et fais attention, les marches craquent un peu. Tout est si poussiéreux en bas...
Je jette un œil à l'intérieur et remarque combien c'était sombre. Je n'arrive pas à croire que je n'avais jamais mis les pieds dans cette pièce de la maison.
- De quel côté se trouve l'interrupteur ? touché-je à tâtons le mur.
- Par-là, tu fais attention surtout pour ne pas te faire mal. Des échardes s'échappent du bois....
Nous descendons rapidement et elle m'indique le gros lot d'objets qui se trouvaient en bas. Il y en avait des tas et des tas, du mobilier aux vêtements, en passant par ces objets de toilettes.
Une heure plus tard, j'y étais encore. J'étais si heureuse, mais si perdue dans ce champ de babioles. Je découvrais des choses. Je recouvrais ma mère. Et ça, c'était la plus belle chose qu'il me soit arrivé depuis ma naissance.
J'entends la porte de la cave s'ouvrir à nouveau et je ne me retourne pas pour voir Maryne s'approcher de moi.
- Est-ce que tu trouves ton bonheur ?
- Je suis à Disneyland, réponds-je enthousiaste.
- Je vois ça, rigole-t-elle à sa façon si spéciale. Même cela ne m'énervait plus du tout. Tiens, je t'ai apporté à boire.
J'étais prête à refuser quand je me suis tout compte fait rappeler que j'avais soif. Je finis rapidement le grand verre de jus d'orange et me nettoie les lèvres d'un trait.
- Je ne retrouve pas les partitions.
- Normal, elles sont là-haut avec moi...
- Tu sais comment ouvrir cette boite ?, dis-je en indiquant au fond une petite malle en bois.
- Tu l'as retrouvé ?!, s'étonne-t-elle. C'est la boîte à trésors de maman. C'est comme ça qu'elle l'appelait. Elle y rangeait la plupart de ces affaires, mais elle ne me laissait jamais y toucher... pourtant elle te laissait l'ouvrir quand tu étais petite. Tu l'adorais. Surtout la musique qui s'en échappait. Tu ne t'en rappelles pas ?
- Non... pas du tout...
- Je dois t'avouer qu'à ce moment, j'étais un peu jalouse de toi. J'ai toujours eu l'impression qu'elle te préférait à moi...
Quoi ? Ça c'était nouveau.
- Impossible...
- Si tu le dis. T'inquiète, me sourit-elle, ce sont de vieilles histoires tout ça... Comment ça va au lycée ?
Le changement brusque de sujet m'a un peu surpris mais je ne me suis pas attardée bien longtemps là-dessus. En temps normal, j'aurais balayé cette question sans lui donner de réponse, pensant de quoi elle se mêlait, mais là, je ne sais pas trop pourquoi, mais j'étais prête à faire un petit effort en son sens. Je me sentais bien.
- Bien, réponds-je un peu étourdie, me sentant subitement fatiguée.
- Bientôt les exams. Pas trop stressé ?
- Non, ça va, réponds-je sincère, mais un instant je perds l'équilibre mais me rattrape de justesse.... J'avais subitement la tête qui tournait.
Elle me retire le verre dans les mains et continue :
- Récemment je suis passée à ton lycée. Pour te voir. Tu me manquais..
- Je n'étais pas au courant..., bégaie-je. Je commençais par avoir beaucoup de mal à aligner plusieurs mots. Cela me demandait tellement d'efforts.
- Ouais, je ne t'y ai pas vu. Tu n'y étais pas.
- Je... Maryne, ma tête.
- En fait si j'y étais, je t'ai vu monter dans la voiture de Cardin.
- De... Quoi ? murmuré-je à peine audible, tentant de sortir de cette maison, mais à peine fis-je un pas que je me suis écroulée sur mes genoux. Et c'est là que j'ai finalement compris, elle avait mis quelque chose dans ma boisson.
- J'en ai assez. Tu es tout ce dont il parle chaque fois qu'on se voit. Et je n'en peux plus. Je te déteste p'tite sœur.
J'ai plongé mes mains dans mes poches retirer mon portable pour appeler Nick mais elle l'avait déjà retiré de mes mains.
- Maryne, la supplié-je à bout de force. Rends le moi.
Mais elle le lance contre le mur, celui-ci s'éparpillant en mille morceaux.
- Sale chienne, reprend-elle. J'ai toujours été gentille avec toi. Et c'est ce que je récolte comme récompense? Papa aurai dû mieux te dresser.
Agrippant mon col, elle m'assène plusieurs gifles que je sentais à peine. Mon corps était totalement endolori. Et je pense que cela lui avait fait plus de mal que cela ne m'en avait fait. J'étais épuisée et tout ce que je voulais, c'était m'endormir.
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Rongo : dans la mythologie australienne et polynésienne, il est le dieu de la fertilité, de l'agriculture et des arc-en-ciel
Ce n'est pas dans ma bouche que tu mangeras ton piment : expression qui veut dire, c'est à toi de régler tes problèmes.
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AN:
Pas d'author note kilométrique aujourd'hui hein. Je veux juste vous remercier pour tout. Parce que grâce à vous, je vais surement finir d'écrire le premier bouquin de toute ma vie. Recevoir vos commentaires et vos encouragements ont été plus qu'un simple plaisir à mes yeux. Cela me touchait au plus profondément. Alors merci pour tout. Et j'espère que vous finirez cette merveilleuse aventure avec moi.
Ps: N'oubliez pas de voter et de commenter.
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