Chapitre 24


Le lendemain, je me suis d'une façon sentie mal d'avoir profité de lui. Parce que c'était le terme exact. Je l'avais utilisé pour cacher mes désirs. Le désir de me mutiler.

Je ne voulais pas le trahir. Le voir triste ou déçu quand il aurait vu les blessures sur mon corps, m'aurait déchiré de l'intérieur.

Quand je suis descendue, c'était à nouveau pour lire des instructions déposées par ses bons soins sur le frigo. Il me demandait de l'appeler si jamais j'avais envie qu'on aille faire un tour dehors ce soir. Ainsi il prendrait son après midi. Et je n'ai pas pu retenir mes larmes quand je les ai lus. Mais comment arrivait-il à me supporter alors que même moi je n'y arrivais pas ? Sa patience n'avait pas d'égale.

Il était à peine dix heures quand j'ai revêtu une veste et suis sortie sous ce soleil étouffant. L'été s'annonçait de partout, alors que je me camouflais sous mon pull-over. Quand je suis entrée dans les bureaux Monique m'a tout de suite dévisagé.

- Est-ce qu'il est occupé ? lui ai-je demandé

- Oui, mais son rendez-vous finira dans quelques minutes, tu peux l'attendre si tu veux.

Avant que je n'aie eu le temps de m'asseoir, la porte de son bureau s'ouvre. Il reste paralysé une seconde, surpris de me voir. Madame Vincetti, une de ses clientes les plus fidèles, viens vers moi.

- Aiden, quel plaisir de te revoir. Cela faisait une éternité.

- Bonjour madame.

Il était clair que l'atmosphère était tendue entre nous. Mais il n'avait rien laissé paraitre ; il m'a gentiment demandé de l'attendre dans son bureau le temps de raccompagner sa patiente. J'étais très tendue, debout, au beau milieu de la pièce, rabattant une mèche imaginaire derrière mon oreille, et ne sachant pas si je devais m'asseoir ou tout simplement resté planté-là.

- Il s'est passé quelque chose ?, me surprend-t-il en entrant brusquement.

Il s'adosse dans le fauteuil, tout en frottant ses yeux. Il avait l'air si fatigué. J'avais l'impression d'être responsable tout le temps de son manque de sommeil.

- Non, rien du tout. J'avais envie de te voir.

- Adeline, soupire-t-il, j'ai du travail, tu sais ?.

Il n'avait pas l'ai ravie de me revoir et je me suis tout de suite sentie bête. Inutile. Pourquoi étais-je venue au juste ? Prête à sortir de son bureau, je l'entends me demander :

- Comment tu te sens ce matin ?

- Je n'ai pas voulu t'utiliser Cardin, me précipité-je à ces côtés.

- Oui, je sais. Je ne t'en veux pas.

- Tu devrais pourtant.

- Oui... je devrais pourtant. Mais je ne peux pas... Qu'est ce qui s'est passé hier au juste ? J'ai un peu de mal à comprendre

- Je ne sais pas... Je sais juste que j'étais fatiguée, d'être tout le temps triste.

- Et seul moi peux te rendre heureuse ? me demande-t-il pleins d'espoirs.

- Je ne sais pas. Je sais juste que tu me fais bien plus d'effets que n'importe quelle lame.

C'était la plus franche des déclarations que je pouvais faire. Celle dont j'étais le plus sûr. Hésiter entre ''un je t'aime'' ou '' je tiens à toi'' ne servirait pas dans cette situation vu qu'il ne me croirait pas.

- Je ne comprends pas Aiden. Explique-toi mieux, se penche-t-il en arrière.

- Ça veut juste dire que je ne peux être heureuse qu'à tes côtés. Je ne sais pas de quoi demain sera fait... Et avant toi, j'espérais qu'il n'y aurait jamais de lendemain. Mais maintenant, je rêve d'un avenir et je n'arrive pas à l'imaginer sans toi à mes côtés.

Il n'avait pas répondu sur le coup, penchant sa tête entre ses mains tout soupir. Il n'avait pas réagit comme je l'avais prévu. Est-ce qu'il allait enfin me quitter ?

- Je tiens sincèrement à toi. Qu'est ce que tu veux que je f...

- Arrête ça Aiden, m'ordonne-t-il. Et je sens ma bouche s'asséchée de peur.

Il apporte une main à son visage, cachant ses yeux, et un petit silence s'installe entre nous.

- Tu dis des choses tellement embarrassantes. Laisse... Donne-moi le temps de me calmer. Et dire qu'on a rendez-vous cet après midi. Tu n'aurais pas pu attendre que je rentre à la maison pour me dire tout ça. Je n'arriverais plus à me concentrer désormais.

Je venais de remarquer combien son visage était aussi rouge que ces oreilles... Il rougissait... Il était embarrassé. C'était la première fois que je le voyais ainsi. Et je n'ai pas pu retenir un sourire.

Je m'approche de son bureau et il se lève pour me prendre dans ses bras.

- On rentre maintenant ?, me demande-t-il impatiemment, cachant son embarras dans mon cou. N"anmoins il se reprend très vite et me dévisage à nouveau.

- Où ça ?

- Ou tu veux qu'on sorte ? Je veux me coller à toi toute la journée

Il cligne de l'œil très coquin et je ne peux réprimer un éclat de rire.

- Ok !

- Je vais faire faillite si ça continue, rigole-t-il.

...

...

...

Inutile de dire que la malchance je l'attirais toujours. Parce que même si j'avais passé une soirée magnifique au côté de Cardin, mon père n'a pas oublié d'envoyer un message m'exigeant de me pointer à un rendez-vous des plus importants...

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Je n'avais aucune envie de le voir. J'avais résisté parce que je savais que Cardin aurait détesté si je m'étais aventuré ne serait-ce qu'à penser le rencontrer. Mais quand il m'a écrit à nouveau pour dire qu'il avait une chose qui pourrait faire couler mon petit ami, mon estomac n'a fait qu'un tour.

J'avais pris soin de ne le croiser que dans un lieu public, un endroit où j'étais sure qu'il ne me ferait aucun mal -et même si je savais que nous serions très entourés- rien n'a empêché la moiteur de mes doigts quand l'heure du rendez-vous approchait.

Et plus celui-ci avançait, plus j'avais peur. J'avais eu si peur que j'ai finalement décidé de ne plus y aller. Jusqu'à ce que ne commence enfin la rentrée des cours.

Oubliant toutes les menaces qui planaient au-dessus de moi. Je m'étais pour le moins fondu dans le décor...Enfin, plus ou moins, même si je ne passais plus inaperçue, entourée désormais par la bande à Nick.

- J'ai toujours détesté cette prof, commente Gina en s'asseyant face à moi à la cantine.

Et Nick et son groupe, composé de Paul et Nate font de même à mes côtés.

- Tu n'as jamais aimé personne, lui fait remarquer Paul.

- Tu es sûr ? Et pourtant je suis sure que « je t'ai-mais ».

- Heureusement. J'aurais bien trop de soucis si j'avais une petite amie comme toi.

Quand il dit cela, même si ma tête était ailleurs, j'ai vu une lueur traversée les yeux de Gina et s'évanouir aussitôt.

- Je te comprends, tu ne ferais pas le poids...

- On mange, là. Arrêtez vos chamailleries de couple et mettez vous ensemble pour qu'on puisse enfin reposer nos oreilles, soupire Nick.

- Ce n'est pas ma faute si ta sœur me lance tout le temps des piques. Ce doit être un trait de famille.

- Moi j'aime bien, commente Nate.

- Oh ! l'embrasse-t-elle sur la joue. C'est pour cela que tu as toujours été mon préféré, pose-t-elle sa main sur la sienne.

Nate a rougi comme une tomate en plein soleil. Mais quand il a jeté un œil à Paul, il a immédiatement raclé sa gorge et a ramené son attention à son appétit.

Il n'a pas fallu plus d'une minute pour que je sache ce qui se passait exactement. Mais, ce que j'ignorais c'est la profondeur des eaux dans lesquels, ils étaient plongés tous les deux.

- Paul n'est qu'un con, sort-elle des toilettes, rabattant la porte en un grand bang.

- Je n'avais pas remarqué.

- Remarqué ? Qui pourrait remarquer cet enfant pourri gâté qui dépense à tue tête la fortune de ces parents.

- Tu craques sur lui n'est ce pas ?

- Oui, enfin... Craquer serait bien petit. Disons qu'on est un peu plus lié que ça, sans être vraiment lié.

Comprenant que je n'avais pas saisi où elle voulait en venir, elle ajoute :

- Nous sommes ce qu'on appelle des sex-friends. N'en parle pas s'il te plait à Nick. Il n'est pas au courant. Il nous tuerait s'il le savait.

- Tu n'exagères pas un peu ?

- Pas le moins du monde.

- Bon, si tu le dis...

Rabattant mon cartable sur mon dos, je continue : '' Je te devance. J'ai des courses à faire.

- Ciao MISS.

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Je sortais tranquillement du bâtiment, quand une main s'agrippe à mon bras. Voyant mon père à mes côtés, je fais un brusque mouvement de recul. Il venait de me prendre en embuscade à l'entrée du lycée.

- Tu ne vas quand même pas faire une scène ici, me demande-t-il.

Sincèrement, je voulais fuir mais mes jambes ne me permettaient point de bouger.

- Aiden, j'ai un truc à te demander.

Nick venait de nous rejoindre et j'étais plus que ravie de le voir. Il s'avance vers moi et ne manque pas de dévisager la personne qui me faisait face. C'était plaisant de voir mon père tiquer à la vue de ces piercings.

- Hey, ça va ? Tu m'a l'air un peu pâle, me demande-t-il.

- Je ... Qu'est ce que tu voulais ?

- Ton num si possible

Il agite son phone et me sourit, inconscient du drame qui se produisait devant ces yeux.

- Tu disais vouloir apprendre à conduire alors je veux bien te donner des leçons si ça te dit..

- Euh... Oui, évidemment.

Je prends le portable qu'il me tendait et y grave les chiffres rapidement. Entre temps, il se tourne vers mon père:

- Vous êtes qui vous ?

- Je suis son père... Aiden, c'est vraiment important ce que j'ai à te dire. Ton ami peut nous accompagner si tu veux. Tu veux que Cardin finisse en taule ?

Je n'avais absolument, mais absolument pas, envie de l'accompagner. Sentir ces mains qui s'étaient agrippées à moi, m'avait dégoutée. Cette partie de mon bras me grattait. Mais il avait su toucher mon point faible. La seule personne pour laquelle j'étais prête à tout.

J'ai finalement décidé de le suivre dans un café, suppliant Nick de m'y accompagner. Il a cédé sans effort, ravie étrangement de rester à mes côtés.

- Je... qu'est-ce que tu voulais me dire ? trituré-je mes doigts les uns contre les autres. Je sentais ces viles intentions d'aussi près.

- Comme je le disais, j'ai de quoi amener Cardin en prison.

- Explique-toi...

- Je sais qu'on a jamais eu la meilleure des relations tous les deux. Toutefois, en tant que « ton père », je me dois de te protéger... J'ai fait des recherches récemment. Est-ce que tu savais qu'il était illégal d'avoir une relation avec une mineure si la différence d'âge équivalait à huit ans et plus ?

- Oui. Et alors ? Il n'y a pas cela entre...

C'est là qu'une chose à fait tilt dans ma tête. Cette différence existait belle et bien. Il venait de passer son anniversaire, et il y'avait huit ans entre nous désormais.. Mais...

- C'est récent...

- Tsk, tsk.. Je te comprends Aiden. La loi peut être si cruelle, boit-il une gorgée de son café dans un silence pesant. J'ai une image de ce fameux jour, chez moi, enregistrée sur mon ordi, avec la date bien en gros. Alors je te demanderais de bien y réfléchir. Je ne voudrais pas te voir triste quand il te sera pris de force...

- Si tu le fais, lui également portera plainte...

- Ce n'est pas grave. Je ne serai pas le seul à couler dans cette histoire.

Il me plante là, me laissant en proie à des doutes immenses. Il avait tout dit ou pas assez, si je devrais dire. Quand je me suis levée c'était avec beaucoup de difficultés et Nick a dû me rattraper. Il n'avait surement pas compris grand-chose à ce que Carl avait dit. Mais il a quand même décidé de me raccompagner.

Le trajet s'est fait silencieux. Quand nous arrivons, c'est pour me retrouver en face de mon ancienne demeure.

- Ce n'est pas chez moi. Je n'habite plus ici.

- Ah bon ? me demande-t-il surpris.

Je n'ai pas réfléchi quand je lui ai indiqué l'adresse de chez Cardin, quand il m'a déposé en face de chez lui, Et quand je suis rentrée m'enfermer dans les toilettes.

Je n'ai pas réfléchi quand la voix de mon père a tonné dans ma tête, des larmes striant mes joues, laissant des scarifications humides sur mon cœur.

Je n'ai pas réfléchi quand je me suis sentie vidée, épuisée et que l'endroit où il m'avait touché me démangeait.

Et je n'ai pas réfléchi quand j'ai volé un des rasoirs de Cardin et me suis déchirée le bras. Et pas d'un coup. Ou de deux comme j'en avais pris l'habitude. C'était des dizaines. Encore et encore dans la baignoire, avant que mon corps ne se frotte contre la porcelaine.

Qu'allais-je faire?

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An : Hello. Encore désolé pour mon retard. Je sais que ce chapitre n'est pas très long, mais c'est le mieux que je pouvais faire pour le moment. Et j'ai une folle envie de commentaires... S'il vous plait. Ça me remonterait le moral...

Ah! J'oubliais. Bonne et heureuse année 2016...



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