Chapitre 2
La vie en vaut-elle la peine ? Je veux dire par là, est-il nécessaire de continuer par vivre si l'on ne se sent pas plus vivant qu'une feuille de papier? Ne gaspille-t-on pas l'oxygène et l'espace dont les autres ont besoins ?
Il parait que le suicide est une bien mauvaise chose. Un péché qui nous conduirait sans détour sur le chemin des enfers. Et si c'était cela qu'il fallait pour me sauver? Serais-je toujours condamnée? Car là, je n'en pouvais plus. Ce monde est bien plus suffocant que toutes les images des abysses qu'on a bien voulu peindre. Je ne demandais tout simplement qu'un peu de liberté.
Adossée au casier, je regardais mes camardes aller et venir depuis quelques minutes dans le long couloir du lycée, me demandant comment ces personnes pouvaient continuer par vivre et même penser à un avenir. Qu'est ce qu'ils avaient que moi je n'avais pas ? Pourquoi pouvaient-il aimer, rire, et être aimé sans que moi je ne le puisse? Est-ce un don accordé à certains?
Une ombre vient se déposer sur mon carnet de note et je lève ma tête pour voir, les longs cheveux rouges de l'intruse venue perturber le flux de mes pensées.
- Aiden, me dit-elle de son accent italien reconnaissable entre mille. Bonggiurno. Qu'est-ce que tu fais ? J'ai essayé de te joindre en vain ce week-end.... Où as-tu disparu ces deux dernières semaines ? Je me suis inquiétée comme une folle. C'est quoi ce plâtre ? continue-t-elle en se penchant plus pour jeter un œil à mon bras. Qu'est ce qui s'est passé ?
Comme toujours, elle parlait un peu trop vite et m'affluait d'interrogations.
- Ne t'approche pas de moi, sifflé-je en refermant mon cahier.
Je me mets en route dans ce long couloir, passant entre la foule éparse d'étudiants, alors qu'elle me suivait pour me poser des questions auxquelles, je n'avais visiblement pas envie de répondre. Je m'échappe de son interrogatoire quand le professeur entre en salle.
Gina était une personne pleine de vie. Alors normale que j'essaye de l'éviter au maximum de mes capacités. Elle et moi ne pourrions jamais nous entendre. La joie et la dépression ont beaucoup de mal à cohabiter.
- Nous allons continuer où nous nous sommes arrêtés, disait le professeur d'histoire de sa voix chevrotante.
La journée se passe ainsi sans aucune autre interruption. Plus paisible que d'ordinaire. Quand je rentre chez moi, je trouve un message de mon père m'annonçant qu'il ne rentrerait pas ce soir. Alors je me fais un sandwich rapidement à la cuisine et me détend devant la télé une bonne trentaine de minutes. J'enchaîne des verres de Soda et ne m'étonne pas quand l'envie de vider ma vessie s'invite à la fête. Je me dirige rapidement à la salle de bain.
Quand je finis ce que j'ai à faire, je me lave les mains au lavabo et fixe mon image dans la glace. Je me surprends à paraître si vivante, alors que je me sentais morte à l'intérieur. Mes yeux bleus si doucereux, reflétaient une personnalité contraire à la réalité et cela m'effrayait. Devrais-je me considérer comme une hypocrite ? Je vois des larmes s'en échapper et je n'en connaissais pas la raison. Comme la moitié du temps où cela m'arrivait d'ailleurs. Mais heureusement, ils avaient le don de m'apaiser par moment.
Je les nettoie quand j'entends sonner et ne me presse pas pour aller ouvrir. Décidée enfin, c'est surprise que je tombe sur un Cardin souriant, révélant des dents blanches qui manquaient de m'éblouir.
- Salut Aiden, commence-t-il. Est-ce que ton père est là ?
Il jette un coup d'œil en biais à l'intérieur et j'en profite pour me faire une impression, sur son costume noir impeccablement taillé.
- Non, réponds-je. Dois-je lui laisser un message ?
- C'est important que je le vois moi-même. Puis-je entrer ?
- Il ne rentrera pas ce soir, tu devrais repasser demain.
- Dommage! dit-il visiblement embêté. C'était important pourtant. Tu n'aurais pas son numéro?
Je ne voulais pas être plus longtemps dérangée en cette paisible soirée. Et si lui donner ce numéro était ce qu'il y avait à faire, alors oui, je le ferai.
Je me dirige vers le salon et attrape mon portable qui trônait sur le canapé. Cardin saisit cette opportunité pour me suivre. Je le lui transmets rapidement et il me fait comprendre qu'il l'a parfaitement enregistré.
- Qu'est ce que tu fais de ta soirée ? me demande-t-il.
- Rien... Je traîne, réponds-je nonchalamment.
Un long silence s'installe et je vois bien par sa position stationnaire qu'il n'avait pas l'intention de bouger. Alors j'interviens :
- Tu veux autre chose ? Parce que sinon, je te prierais de sortir de chez moi. Il se fait tard et j'aimerais me coucher.
- Il est à peine vingt heures Aiden. Tu ne vas pas me dire que tu vas au lit à cette heure. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai l'impression depuis le dîner que tu ne m'apprécies guère. Alors que tout ce que je veux, c'est être ton ami.
- Et pourquoi voudrais-tu devenir mon amie ? demandé-je en passant la main dans les cheveux.
- Pourquoi pas ? Qu'y a-t-il de mal à devenir des amis ? Tu me parais cool.
Je souris sarcastiquement à cette remarque. Il ne me connaissait manifestement pas. Je le regardais curieusement. Personne n'est aussi gentil de nos jours. Encore plus s'il n'a aucune intention derrière la tête.
- Avoue que c'est parce que je suis simplement ton futur beau-frère, croisé-je les bras sur ma poitrine.
Il soupire longuement avant d'ébouriffer ces mèches blondes de ses deux mains.
- En partie, répond-il. Mais je veux vraiment être ton ami.
- Je ne le veux pas, lui coupé-je. Alors si tu n'as rien d'autre à ajouter. Je te prierais de sortir de ma maison, tout.de.suite.
Je lui indique gentiment de la main le chemin vers ma porte d'entrée, Et il le prend mécontent, sans aucune autre forme de protestation.
Quand je l'entends refermer celle-ci derrière lui, involontairement, une pluie de larmes ruisselle le long de ma joue alors qu'un désespoir insupportable s'empare de mon cœur. Je cours les marches et m'enferme dans ma chambre pour me diriger la main tremblante, vers le placard en bois d'où je sors une boite noire.
Sans réfléchir, j'opère le parcours machinal que j'avais pris l'habitude d'exécuter: Ouverture du coffre. Étalage de rouleaux de papiers hygiéniques sur le sol. Bras gauche tendu au dessus. J'agrippe une lame de rasoir dans la boite et sans aucune hésitation je me trace deux longues lignes sur la peau. Pas trop profonde pour me tuer, mais pas superficielle non plus pour ne pas me faire mal. Une traînée de sang apparaît à mon poignet et imprègne le papier qui les accueillait. Alors que la douleur me gagnait, je sentais mes nerfs s'apaiser et ma solitude s'envoler. Puis la culpabilité et les regrets commençaient par me ronger et je pleurais bien plus fort qu'au départ. J'inspirais et expirais fortement, essayant de reprendre une respiration normale.
Je détestais me faire cela et je ne comprendrais jamais pourquoi, je m'adonnais à ce genre de pratiques. Tout a débuté, depuis mon retour de l'hôpital, à la suite du dîner avec ma sœur et son fiancé, il y a deux semaines de ça. J'étais tranquillement allongée sur mon lit quand l'envie soudaine m'est venue de faire subir à mon corps, les sévices auxquels il était habitué.
Auparavant, Il m'arrivait de tenir un briquet allumé longtemps dans ma main, en attendant patiemment que la douleur devienne insupportable pour le lâcher ensuite. Quand une fois, j'ai brûlé mes draps et que mon père me l'a mentionnée par une gifle, j'ai choisi une autre option qui consistait à plonger une serviette dans de l'eau chaude et me brûler l'intérieur des cuisses.
Parfois, à mes heures perdues, il m'arrivait de m'affliger des coups moi-même... Mais avec mon bras blessé, il m'était à présent difficile de continuer sur cette lancée. Chauffer l'eau prenait trop de temps, et avec une seule main valide, cela m'était presque impossible. Me rabattant sur la bibliothèque du savoir universel, internet, je trouve la solution à tous mes soucis...Les taillades à la lame. Par moment, je me demande pourquoi je ne m'y suis pas mise bien plus tôt.
Je me déchire une nouvelle fois et une autre cascade de larmes s'en suit. J'étais si émotionnellement atteinte que je ne pouvais rien sentir de ce qui m'entourait. Alors n'ai-je pas entendu quand quelqu'un a monté les marches et a appelé mon nom. C'est quand je vois une ombre se dessiner sur mon corps recourbé que je réalise que je n'étais pas seule comme je le pensais.
- Que fais-tu ? me demande Cardin choqué.
- Je... Je.. Qu'est ce que je fais ? Qu'est ce que tu fous ici ? hurlé-je comme je pouvais, essayant de contenir les larmes qui n'arrêtaient pas de couler.
- Tu ne m'as pas donné le bon numéro. Je suis revenue le récupérer. Mais p*tain, qu'est ce que tu fous Aiden ?
Il s'agenouille et déballe un grand rouleau de papier qu'il met sur mon bras, pour nettoyer le sang qui ne coulait plus vraiment à présent. Le contact du papier me fait grimacer de douleur.
- Pourquoi ? me questionne-t-il énervé. Pourquoi t'infliger cela ?
- Vas-t-en!, pleuré-je.
- Non, je ne partirai pas.
- Tu n'es qu'un étranger, tu ne peux pas comprendre. Ne fais pas semblant de t'intéresser à moi. Va-t-en je te dis... Lâche mon bras, me débâté-je à travers mes larmes, mais il me répond en augmentant la pression sur celui-ci.
- Tu vas te calmer oui ? m'ordonne-t-il en colère. Aiden, calme -toi.
- Je veux mourir, hurlé-je bien plus fort, criant un désespoir mêlé d'une certitude évidente.
Je me débattais de plus belle et essayais une main toujours maintenue par Cardin, d'attraper de l'autre une seconde lame dans ma boite. Il me retient et m'en empêche. Mais voyant que je n'abandonnais pas l'idée, il me porte une gifle qui rend un instant ma vision floue et mes pensées vierges. M'imprégnant la bouche d'un cocktail de sang et de salive.
J'ai un instant tout oublié et me suis concentrée sur la douleur qui grandissait au niveau de ma joue.
- Je ne voulais pas, s'excuse-t-il.
- Va-t-en, lui ordonné-je calmement, mon visage dans la position imposée par son coup.
- Laisse moi désinfecter cette plaie et ensuite je m'en irai.
On reste ainsi, enfermé dans un mutisme, alors qu'il trouvait dans la boite ouverte le matériel nécessaire pour nettoyer ma blessure. Il devait se douter en voyant tout l'attirail que je possédais que ce n'était pas la première fois que je m'adonnais à ce genre de pratiques. Quand il finit son pansement, il referme le coffret et le prend avec lui.
- Pourquoi ? me demande-t-il à l'entrebâillement de la porte.
- Je ne sais pas, réponds-je sincère. Puis je continue en plongeant mes yeux azur dans les siens :'' N'en parle à personne s'il te plait.'' Et il s'en va après m'avoir fixé un long moment.
Lorsqu'il part, je me lève et m'étale sur mon lit. J'étais à la fois vide, mais effrayée à l'idée de savoir ce que cet homme allait bien pouvoir faire de l'information qu'il venait de gagner. Je n'y réfléchis pas bien longtemps pourtant et m'endors roulée en boule, alors que les larmes n'étaient toujours pas sèches sur mes joues.
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