Chapitre 19


Comment allait-il le pendre ? Lui qui désirait me voir à son réveil ,serait bien servi. Il sera content de savoir que je ne pouvais plus m'enfuir désormais. 

Cependant comment allait-il réagir quand il m'apercevrait avec mon sac...devant chez lui ? J'avais trente minutes pour réfléchir à comment le convaincre avant qu'il ne finisse sa sieste, pensé-je en poussant la porte. Mais mes plans sont tombés rapidement à l'eau.

- Tu étais où ? me demande-t-il habillé pour sortir, les bras croisés, m'attendant en bas des escaliers. Il n'avait pas l'air content et paraissait encore plus endormi qu'il y a quelques heures.

- Nulle part... Je suis rentée à la maison prendre quelques affaires... Tu es debout bien tôt.

- Pourquoi tentes-tu de changer de sujet de conversations ?. Il s'est passé quelque chose ?

Merde. Je me suis trahie. Mais comment arrivait-il à deviner ce que je cherchais à faire ?

- C'est rien, répondis-je calmement.

Parce que c'était vraiment rien. Juste mon père qui a volé mon argent, m'a dit ce qu'il pensait de moi et a tenté de me frapper. Des trucs que je l'imaginais facilement capable de faire. Alors aucune surprise quant au fait qu'il était un être bas.

- Tu penses à quoi ?

- A rien, je te dis.

Il me dévisage scrutant mes traits à la recherche de la réponse.

- Entre toi et moi Aiden, tu peux tromper tout le monde, sauf moi. Alors laisse-moi reformuler la question, Qu'est ce que Carl t'as fait quand tu es rentré?

J'étais prête à balayer cette question comme toutes les précédentes. Cependant, tenter autre chose contre Cardin serait du pur gâchis. Il le saurait de toute façon. En plus l'inquiétude qui émanait de lui, commençait par me tuer. Il méritait de le savoir.

- En fait, pincé-je mes doigts les uns contre les autres. Je me suis disputée avec lui.

L'agressivité avec laquelle y répond Cardin, en décroisant ces bras, m'aurait fait peur si je ne savais pas qu'elle n'était pas dirigée contre moi. 

- Mais il ne m'a pas frappé, rectifié-je le tir. On s'est accroché sur certains sujets et j'ai fini par quitter la maison. Il m'a souhaité d'aller où bon me semble... Alors je me demandais, continué-je en rassemblant tout mon courage, est ce que tu veux bien que je reste chez toi pendant quelques jours?

- Comment peut on être aussi irresponsable ? Laisser une gamine de dix sept ans seule dans la rue, s'emporte le jeune homme sans répondre à ma question.

J'aurais voulu lui crier : « Ouais. Eh bien tu as couché avec cette fille que tu traites de gamine ». Mais je m'en ravise.

- Je ne voulais pas qu'on en arrive à là, se tourne-t-il dans le but d'escalader les marches, mais il est temps qu'on aille voir la police.

Quoi ? Qui ? Où ? Avais-je bien entendu ? Mais non!!!

- Cardin attends, avancé-je vers lui alors qu'il atteignait la fin de celles-ci.

- Quoi encore ? Je vais juste pendre mon permis, pivote-t-il la tête brusquement, sa voix vibrante d'une autorité qui me fait avoir un mouvement de recul.

- Rien... Il n'y a rien... Mais est-il vraiment nécessaire qu'on en arrive à là ?

- De quoi est-ce que tu parles ? Tu t'écoutes quand même ? Ne me dis pas que tu veux protéger cette pourriture après ce qu'il t'a fait?

- Non. Pas le protéger. Juste..., hésité-je en détournant mon regard de ces yeux qui me fixaient intensément. Juste que c'est la première fois qu'il me donne ainsi le champ libre. Et je peux désormais aller où je veux. Il a promis de me laisser en paix. Il ne me reste plus que trois mois avant la fin du lycée. Alors s'il te plait, ne gâche pas tout en allant à la police. Je vais bien désormais... Ou plutôt, le dévisagé-je à nouveau, est-ce parce que tu ne veux pas m'accueillir chez toi ?

- Arrête de dire des bêtises. Pourquoi ne te voudrais-je pas chez moi ?...

J'attendais toujours cette phrase qui me dirait exactement si oui ou non, je pouvais rester chez lui. Car un '' Pourquoi ne te voudrais-je pas chez moi '' était tout sauf clair. Qualifié même de vague dans mon esprit soupçonneux. J'avale donc ma salive en anticipation et je l'entends souffler: « J'ai compris. Monte installer tes affaires dans la chambre. »

Je suis restée figée sur place car j'ai cru avoir mal entendu cette dernière phrase. Devant mon manque de réaction, il poursuit tout sourire: « Tu vas rester planter là éternellement ? ».

J'aurais bien voulu répondre à ce sourire ou même à la blague. Mais j'étais si abasourdie, que tout ce que j'ai pu articuler est un « Merci » inaudible, avant de courir lui sauter dans les bras.

- Putain Aiden, on est dans les escaliers, me réprimande-t-il car il a failli tomber.

- Désol..., me retiens-je de finir en me rappelant l'interdiction qu'il avait proclamée.

Il se met à rigoler avant d'ajouter : "Dans ce cas là, tu peux le dire.", détendant de beaucoup l'atmosphère.

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Comme demandé, je suis montée dans la chambre de Cardin ranger mes affaires. J 'ai été plus que ravie qu'il ne prenne pas mal le fait que je vienne vivre chez lui. Au contraire, sa gentillesse ruisselait de bonnes intentions. Et cela me plaisait bien.   

Je ne cacherais pas qu'il m'arrivait par  moment, de lui jeter des regards en coin, alors qu'il bossait sur son ordinateur. Essayant de déceler cette petite trace qui me dirait qu'il ne jubilait pas à l'idée de m'avoir à ces côtés, mais était bien obligé d'aider sa copine. 

- Je vais descendre, lui dis-je au bout d'un moment .Tu veux que je t'apporte quelque chose ?

- Non, ça va, rétorque-t-il.

Le laissant donc seul dans la chambre, pour ne pas ronger sa patience, je descends m'occuper comme je pouvais.

M'asseyant en tailleur dans le canapé, je porte ma guitare entre mes cuisses. Cela faisait longtemps que je n'y avais pas joué et dès les premières notes, elle me l'a rappelé en m'exigeant de réajuster les cordes.

Ce vieil instrument avait fait son temps. Ma mère le possédait bien avant ma naissance. C'est chez elle que j'ai eu cette passion pour la musique. Elle et madame Muller, avaient soi-disant, tentées de former un groupe quand elles étaient jeunes. C'était en ces moments-là, qu'elles étaient devenues copines.  Vu que son rêve ne s'est jamais concrétisé, elle a mis tous ses espoirs sur moi lorsqu'elle a découvert que j'avais un certain don pour la musique. C'est bien pour cela que quelques temps après ma naissance, elle y a gravé , "A ma Adeline chérie. De Maman. "

C'est l'histoire que Maryne a bien voulu me conter un jour en passant, sur cet objet en bois. Un de ces jours où elle se montrait très sentimentale. Par contre, je doute qu'elle soit véridique parce qu'à six mois, je n'ai pas l'impression qu'un talent artistique pour quoi que ce soit, puisse vraiment s'exprimer. Mais bon, essayer de la contredire et vous vous retrouverez avec un mensonge bien plus gros que le précédent.

- Hello ma belle, salué-je mon instrument.

Je n'étais pas préparée quand la première bonne note s'est échappée du caisson. Des vagues de sons percutaient les murs du salon, pour me revenir en tempête. Les notes s'enchaînaient à une vitesse fulgurante quand j'ai enfin repris la main. J'avais oublié la sensation que cette musique me procurait. La liberté et les émotions qui m'imprégnaient chaque fois que mes mains glissaient sur ces cordes. La musique avait le don de raviver mes souvenirs. Des plus agréables aux plus douloureux. Des plus anciens aux plus récents. Cela se traduisait par ces poils qui s'hérissaient sur chaque centimètre de ma peau, saluant les notes de musique dans les airs comme s'il pouvaient les toucher. C'était simplement comme si je respirais puis mourrais en même temps.

Fermant les yeux, j'ai essayé en vain de lutter contre cette sensation sans pour autant pouvoir m'arrêter. J'étais partagée entre le désir de poursuivre ou de tout interrompre. Mes doigts commençaient par me faire mal et je suais de partout sans en connaitre la raison. Mais au son que l'instrument engageait, il me demandait de continuer ainsi jusqu'à épuisement. Je me battais pour ne pas pleurer. Surtout quand j'ai revécu cette nuit où ma mère était morte.

Je me rappelais encore, quand je me suis réveillée du coma six mois plus tard et qu'on m'a annoncé son décès. Pas une seule fois, je n'ai versé de larmes à ce moment-là. J 'avais même abandonné la musique, jusqu'au jour où, je me suis retrouvée au collège avec Muller qui m'a, en quelque sorte forcer à m'y remettre. Dès cet instant, j'ai joué sans cesse. Pratiquement tout le temps. Pleuré sans arrêt. J'ai même séché une semaine de cours pour m'y plonger entièrement. Jusqu'à ce qu'un fameux soir, j'ai pu à la fois mêlée tristesse et joie dans ma vie tout simplement chaotique.

Cette lutte acharnée qui ne finissait pas, ne s'arrêtera pas avant que je ne mette le point final. Combien de mélodies avais-je déjà enchaînées ? Je n'en ai pas fait le compte. Et à présent, j'avais plus envie de m'arrêter qu'autre chose.

Heureusement pour moi, j'ai pu me stopper brusquement, en plein milieu d'un solo, quand j'ai entendu un bruit derrière moi. J'ai tourné la tête rapidement pour voir Cardin debout en train de m'espionner.

Je respirais rapidement et chacun de mes souffles meublait le silence pesant, lourd d'anticipation à la remarque de celui-ci, sur cette folie musicale.

- Je ne savais pas que tu jouais si bien, me félicite-t-il plutôt. Et je souffle rassurée de savoir qu'il n'avait rien remarqué d'anormal.

- Je me débrouille.

- Se débrouiller ? ça se sens que tu aimes ce que tu fais. Tu sues comme un chameau. Tu as oublié de mettre l'air conditionné en marche, dit-il en allant chercher la commande de l'appareil qu'il allume.

- Ouais, rigolé-je en nettoyant mon front de ma veste. Chose que j'avais oublié d'enlever également.

Il  vient se planter entre mes jambes et me force à soulever ma tête pour le regarder.

- Je ne connaissais pas.

- Quoi ça ?

- La plupart des sons que tu as joués. Ils étaient bien.

- Tu trouves ?

- Oui, continue-t-il sincère.

- En fait, c'est moi qui les ai composés.

- Incroyable! Tu as vraiment du talent Aiden. Je comprends pourquoi Maryne te voulait absolument à notre mar..., puis comprenant sa gaffe il s'arrête en chemin. Et si on sortait ce soir ? poursuit-il.

- Sortir ? Pour aller où? Tu veux acheter quelque chose?

- Non. Je veux juste qu'on sorte.

- Attend, réalisé-je enfin où il voulait en venir. Sortir? Comme dans rendez-vous?.

- Non, comme dans accoucher, plaisante-t-il. C'est Dimanche et je ne serai pas libre avant Samedi prochain. Alors autant en profiter pour faire un tour dehors. On doit t'acheter une brosse à dents qui plus est. Je n'en ai pas de rechange. Qu'est ce que tu en dis ?

- J'en dis que c'est bien. Et ton boulot ? tu m'as dit en avoir pour deux heures au moins.

- Oui. Mais après une heure, j'en ai eu marre. Il est difficile de se concentrer en sachant que tu es dans les parages.

- Ma musique a dû te déranger, m'excusé-je, aveugle du vrai sens de sa phrase.

- Non. Pas du tout. Je n'entendais rien là haut... Et quand je parle de ne pas pouvoir ''se concentrer'' c'est dans le sens où, ta petite amie est chez toi. Vous êtes seuls dans une maison. Et toi tu te dis : ouais tiens, je vais bosser un peu voir. Vraiment stupide.

- Qu'est ce qu'il y a ?, continue-t-il quand il remarque que j'avais écarquillé les yeux.

- Euh... Tu me surprends Cardin.

- Je suis plein de surprises, me tire -t-il contre lui. Va prendre une douche. On ira où tu veux ce soir, m'embrasse-t-il enfin.

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Le soleil avait perdu de son intensité et annonçait qu'il allait bientôt se coucher, par la lueur orangée dont il peignait le ciel.

Je refermais la portière derrière moi, alors que Cardin contournait la voiture pour venir se mettre à mes côtés.

- Il fait un peu frais ce soir, heureusement que tu as mis une veste... Tu me donnes la main ? me questionne-t-il en tendant la sienne. Et j'hésite un peu avant de la prendre dans la mienne.

Je trouvais toujours un peu déroutant quand on affichait ce genre d'affections à l'extérieur. Je ne pouvais pas m'empêcher de me demander ce que les autres pouvaient en penser.  Mais il faut croire que c'était moi seul qui avais ce genre d'idées, car personne ne nous prêtait aucune attention. Enfin si, mais elles étaient plus adressées à Cardin qu'à moi, dans son tee-shirt vert et son jean bleu. Ces cheveux semblaient briller sous cette lumière et ses yeux cachés sous ses lunettes, lui donnaient un air si mystérieux qu'il ne perdait aucune once de sa magnitude. J'étais fière d'être à côté de cet homme et de me dire que son attention était essentiellement tournée vers moi.

Quand je lui ai proposé qu'on aille au cinéma, je me disais qu'il allait peut être mal le prendre. Qu'à ces yeux se devait être un lieu pour adolescents en pleine puberté. Mais non, il m'a juste souri et a dit oui. Sans rien demander d'autre. Dites-moi comment pouvait-on être plus parfait qu'il ne l'est déjà ? 

Passant, le hall en silence, je m'émerveille de voir autant de personnes remplir l'espace. Mais en même temps qu'espérais-je un soir de week-end? La salle d'attente était immense et sur les murs était accroché un écran géant sur lequel passaient, le programme et les publicités de certains films.

- Science-fiction ou comédie musicale? me demande Cardin.

- Science-fiction.

C'était un truc de mecs non ? Avoir tiré le jeune médecin jusqu'au cinéma était déjà assez. Si je devais également le forcer à voir un film qu'il n'aime pas, ce serait de trop.

- Dans dix minutes alors. Tu veux prendre quelque chose avant la séance?

Nous nous dirigeons rapidement vers les vendeurs avant qu'il ne m'abandonne là, pour aller acheter les billets.

- Vous allez prendre ? me demandait le jeune homme derrière son comptoir. 

Il portait une chemise rayée bleue aux couleurs du cinéma et avait une petite toque sur la tête qui lui donnait l'apparence d'un apprenti cuisinier.

- Je ne sais pas encore. J'hésite beaucoup, dis-je alors que mon ventre gargouillait. 

Je rougis à cette situation. Être en face de ces plats avait réveillé mon appétit endormi. Depuis ce matin, je n'avais vraiment rien pris à manger si ce n'est les boissons sucrées englouties chez Cardin.

- Je vais prendre une portion de frite, un hamburger, ces petits bâtonnets de réglisses que je vois-là. Des bonbons gélatineux, un milkshake fraise banane avec une bouteille d'eau. Ah ça aussi, ajoutez moi ce paquet de biscuits.

- N'est ce pas un peu trop? me demande l'employé, qui paraissait moins professionnel tout d'un coup.

Je m'empourpre gênée car ma commande était vraiment faramineuse. C'est juste que quand j'ai faim, j'ai des envies de sucres, de gras et de bouffes.

- Ce n'est pas uniquement pour moi, mentis-je à moitié. Car si Cardin en voulait, j'étais prête à partager.

- Tu as fini ?, me surprend justement celui-ci en arrivant à ma hauteur.

- Presque. Tu as fait vite.

- Je n'ai pas pu avoir des billets pour le film de science fiction alors j'ai pris comédie musicale à la place. Ça te va?

- Oui, répondis-je.

- Voilà, votre commande, me tend le serveur et Cardin se charge de la prendre avant que je n'ai eu le temps de l'intercepter.

Nous nous installons au dernier rang, loin des autres. Et je profite de cet instant pour lui présenter un paquet de pop corn qu'il refuse aussitôt. La lumière venait d'être éteinte dans la salle alors que la séance s'annonçait, par les publicités du studio qui avait produit le film.

Quarante minutes plus tard, celui-ci me plaisait de plus en plus. Et entendre Cardin bailler à mes côtés, me faisait savoir qu'il ne partageait pas mon point de vue. Il n'a surement pas entièrement récupéré de sa sieste du matin, mais a voulu me faire plaisir malgré tout.

Nos mains entrelacées, posées sur l'accoudoir, ne se sont pas séparées depuis qu'elles s'étaient trouvées entre deux scènes. J'avais frissonné à ce contact. Le seul inconvénient qui en avait résulté, était le fait qu'il m'était difficile de manger d'une seule main. Mais cela ne me dérangeait pas plus que ça.

Alors que j'entamais la dernière bouchée de mon repas, j'ai été surprise de voir que j'avais pu absorber toute cette quantité de nourriture seule. Sans aucune aide de l'homme à mes côtés. Il devait penser que j'étais une gloutonne. Je tourne la tête dans sa direction pour inspecter sa réaction, et il ne faisait que fixer l'écran jusque-là. Sentant ensuite sa main se serrer un peu plus, je me rends compte à son sourire qu'il savait que je le fixais ouvertement depuis tout ce temps.

Il se penche à mon oreille pour me murmurer :

- Tu veux aller aux toilettes ?

- Non, réponds-je écarlate.

Tout compte fait, j'ai rapidement pâli quand j'ai noté qu'Il était bien trop près de moi. Beaucoup trop près. Et je n'arrivais plus à suivre la suite du film qui me paraissait passionnante une minute plus tôt.

Je sens sa main se serrer un peu plus autour de la mienne tandis que ces yeux fixaient ma bouche. Je savais ce qui allait suivre. Et je me préparais mentalement à le recevoir.

Se rapprochant de moi, il ne m'a pas donné le luxe de sortir de mes pensées et a préféré caresser du pouce mon menton.

- Je ne me moquais pas, murmure-t-il, caressant ma bouche de son souffle chaud.

 Il m'a regardé longuement, ses iris teintés d'une lueur de déjà-vu avant de se pencher pour faire la seule chose que j'attendais. Ses lèvres ont rapidement trouvé les miennes. Et Les papillons dans mon ventre ce sont mis, comme toujours, à battre frénétiquement dans mon ventre. Je me demandais si cela cessera un jour. Parce qu'à chaque fois, leur vols devenaient bien plus intense que les précédents.

M'attendant pourtant à plus, j'ai été déçue quand il s'est momentanément séparé de mon corps. Toutefois, quand Il a ouvert ces yeux à nouveau dans les miens, j'ai compris dans le long silence qui s'en est suivi qu'il me demandait par ce geste, la permission de poursuivre sur cette lancée. Il savait combien ces exhibitions en public me gênaient.

Dans l'impossibilité d'articuler un seul mot, je n'ai pas su quoi faire d'autre que répondre à son regard. Heureusement, qu'il a retenté sa chance.

Je ne me rappelais plus du titre du film, quand sa langue a forcé le passage de ma bouche. J'avais même oublié que nous étions presqu'à la fin, quand il a posé son autre main sur ma taille pour m'attirer plus vers lui. Et j'ai tout de suite détesté ce bois qui nous empêchait de nous coller l'un à l'autre.

J'avais même oublié que nous étions dans une salle de cinéma, avant que la lumière ne se remette en marche pour me le rappeler. Je me dégage de lui, allongeant ainsi la distance entre nous. Mon visage s'empourpre rapidement en prenant conscience que nous n'étions pas seuls comme je le pensais.

Au lieu de le fixer lui, je regarde plutôt mes doigts posés sur son torse. Eux aussi était incroyablement rouges. Il les attrape de sa main qu'il a enlevé de ma taille et m'oblige surprise, à me lever avec lui.

N'attendant pas que je reprenne mon souffle, il me force à accompagner la marrée humaine qui sortait de la salle.

- Comment s'était ? me demande-t-il alors que nous étions dehors.

Comment qu'est ce qu'était ? Le film ou le baiser ? L'un était génial et l'autre je n'en sais trop rien, étant donné que j'ai été très souvent distraite par quelqu'un. Mais ne sachant pas de quel sujet il parlait exactement, j'ai répondu :

- Bien.

- Good... Maintenant on fait quoi ? , plonge-t-il ses mains dans ses poches, attendant une réponse de ma part.

C'était impressionnant la rapidité avec laquelle il pouvait changer de sujet, alors que moi je me rappelais encore des sensations qu'il m'avait procuré.

- Tu m'écoutes ? me demande-t-il.

Je n'avais pas la moindre idée de ce que je voulais faire. Poursuivre ce qu'on a laissé en suspend? Je ne pense pas que je veuille continuer sur cette voie tout compte fait. Le noir de la salle était autre chose comparé au hall d'entrée. En plus, je pensais qu'on irait juste au cinéma deux heures de temps, puis serait rentré chez nous. Enfin, chez lui... Il faisait déjà nuit et il avait boulot demain. C'est là qu'un enfant qui passait par là, m'a donné une brillante idée.

- J'ai envie de glace.

- Glace ? Après tout ce que tu as ingurgité ?.

Pas vraiment brillante comme idée, en fait. Mais tout d'un coup, la remarque de Cardin m'en a donné très envie.

- Pardonne-moi si j'ai un si gros appétit, boudé-je.

- Ok, me touche-t-il la joue, la caressant de haut en bas avant de la pincer. Tu peux manger comme tu veux. Mais je vais être clair avec toi, je n'ai aucune préférence pour les grosses.

- C'est vache ce que tu viens de dire.

- Oui, je sais, se penche-t-il m'embrasser en guise d'excuse. Et si on allait à cette crèmerie ? Il y'en a une en bas de la rue, me lâche-t-il enfin la joue.

Passant ensuite devant moi dans le but d'avancer, je lui rattrape le bras avant qu'il n'aille plus loin.

- Non. En fait, je voulais aller à la supérette d'à côté. Pour pouvoir acheter la glace et en même temps une brosse à dent, dis-je dans le but de lui épargner de perdre du temps dehors. Il avait besoin de se reposer.

- De l'industriel ? En tant que Médecin, je ne cautionne pas cela.

- Dis celui qui commande une pizza pratiquement tous les soirs.

- Touché..., plante-il un doigt sur sa tempe. Avant de tirer sur son crâne avec un fusil imaginaire. 

- Je ne peux vraiment pas gagner contre toi. Bon, on va faire ceci : on commande de la glace à emporter à la crèmerie et on achète rapidement cette brosse à dent. Qu'est ce que t'en dis ?

J'en dis que parler de mon hygiène buccale en plein hall, devant la poubelle où je venais de jeter l'emballage de mes gourmandises qui plus est, n'était pas une très bonne idée. N'empêche que j'ai accepté sa proposition et sommes descendus un peu plus bas, vu que supérette, crèmerie et cinéma étaient voisins.

Dès que nous atterrissons enfin à la maison, nous ouvrons nos boites pour remarquer que la fonte était déjà bien entaée. Je lèche le couvercle en premier avant d'attaquer le contenu du bol.

- Je n'arrive pas à croire que tu aies demandé parfum bubble-gum. Il n'y a pas plus enfantin que ça, me fait-il savoir.

- Chacun ces goûts.

- Ouais, lèche-t-il sa cuillère teintée de chocolat. Réponse toute aussi enfantine.

Il n'allait pas pouvoir gâcher ma bonne humeur avec si peu. Cela ne prenait pas un génie pour se rendre compte qu'en présence de Cardin, je réagissais différemment qu'avec les autres. Avec lui, j'avais du mal à contrôler ce que j'allais dire. Et même, à réfléchir tout court. Je ne me connaissais même pas ce côté gamine que je lui reprochais auparavant.

- Tu ne m'as pas dit, la soirée, l'as-tu appréciée ?, touillé-je ma glace pour mélanger les parfums menthe, schtroumpf et bubble-gum.

- Je l'ai plus qu'apprécié, je l'ai adoré.

J'imprime un large sourire à cette révélation. Intérieurement bien sûr. J'étais contente de lui avoir apporté du plaisir. Et je me suis beaucoup amusée également.

- C'était, arrête-je toute activité. C'est la première fois que je vais au cinéma en fait. Et y aller avec toi était génial... Merci Cardin.

- Quoi ? Sérieux ? me demande-t-il.

- Oui, rougis-je gênée en pilant ma glace déjà ramollie. Pendant ce temps je l'entends se lever de sa chaise qu'il rapproche de la mienne. Il s'assoie à mes côtés et m'embrasse sur la joue avant de me répondre tout simplement.

- Je ferai toujours ce dont tu as envie. Alors n'hésite pas à me le demander surtout.

- Dans ce cas, puis-je avoir un autre baiser ? Et la moitié de ta glace aussi ?

- Mademoiselle est rapide quand il s'agit de combler ces désirs, rigole-t-il. Il pose sa main sur ma cuisse et une autre autour de mon cou. Il m'attire totalement contre lui et m'embrasse sur l'autre joue en faisant un bruit de smack, avant de s'intéresser à ma bouche qu'il embrasse comme un fou. Ses mains faisant des vas et viens sur ma cuisse qui m'ont fait rapidement tout oublier.

- Désir comblé ? arque-t-il un sourcil amusé devant mon expression déconfite. Me donnant un sourire rassurant que je lui rends.

- Oui, réponds-je haletante.

Et il ne s'avance pas plus que ça sur le terrain de ma famille. Je lui en étais reconnaissante. Parler du pourquoi des choses équivaudrait à éveiller des souvenirs désagréables.

J'étais plus que chanceuse désormais. Ma vie roulait comme sur des roulettes. Mais on dit souvent que là où il y a le bonheur le malheur n'attend qu'à la fenêtre pour rentrer. Et dans ma vie, il y en avait des tas. Alors n'est ce pas étonnant que même si j'étais heureuse, j'avais cette boule au ventre qui me murmurait, ne te réjouis pas trop vite, je suis là, j'attends. Surtout qu'elle me rappelait également que le propriétaire de la maison, n'avait pas depuis mon aménagement, entamé le débat détaillé sur la cause de celui-ci. Est-ce qu'il ne s'intéressait pas plus que ça à ce qui m'arrivait ? Bien sûr que non... Arrêtons de douter inutilement... Et pour cela, le meilleur moyen c'est encore de poser la question.

- Pourquoi est-ce que tu ne me demandes rien ?, planté-je ma cuillère dans le bol.

- De quoi ? se tourne-t-il surpris.

- La raison de ma dispute avec mon père. Qu'est-ce qui a bien pu se passer pour qu'on ait une telle relation lui et moi? Toutes ces choses-là. Tu n'as fait allusion à rien depuis ce matin.

- Qu'aurais-tu fait si je te l'avais demandé ?, me surprend-il à son tour par sa question

Je lui en aurais parlé... Je suis prête à lui dire ce qui a bien pu arriver entre moi et mon père. Les sévices qu'il m'a fait subir. Et je savais que s'il avait insisté, j'aurais cédé. Mais en même temps cela reviendrait à parler de ma mère. De son infidélité. Des séquelles de mon accident. Et de tous les secrets qui m'entouraient.

Un contact froid me fait revenir à la réalité et je sursaute en remarquant que Cardin avait posé d'un doigt, la crème glacée sur mon nez.


- Tu vois que tu ne peux pas, me fait-il savoir. Puis il se penche plus en avant et ajoute, en me retenant la main fermement pour m'empêcher de nettoyer la crème qui avait commencé par couler : « Aiden, vu ton entêtement, nous ne ferons que nous disputer encore et encore. Chose que je refuse catégoriquement...  La confiance viendra le jour où tu ne pourras plus te séparer de moi... Je vais être honnête avec toi, » « Mon objectif est de te lier à moi, à vie. ».

Cette subite déclaration m'a fait l'effet d'un arrêt cardiaque. Du chaud. Du froid. De l'excitation. De la peur. Une douleur insoutenable dans la poitrine. Et malgré tout cela, il n'a impitoyablement pas accordé le temps à mon cœur de reprendre un rythme normal, en poursuivant:

- Je te ferai te sentir en sécurité avec moi... Je prendrai soin de toi... Alors ne nous disputons pas. Ne me contredis pas. Tout ce que je peux faire pour le moment, c'est tenter de te conquérir et espérer qu'un jour, tu t'ouvres de ton propre chef à moi. Sans pression. Sans rien d'autre que l'amour que tu ressens. Ou la confiance, tout dépend. C'est à toi de décider. Cependant je te jure qu'un jour, j'arriverai à te faire m'aimer.

Ses mots m'ont cloué sur place, perçant toutes mes peurs en m'offrant une sécurité immense. J'aimais cela. J'aimais comment il me faisait me sentir... Spéciale. Il les a dit avec tant de certitude, comme si d'autres options ne m'étaient pas envisageables. Comme si, je n'avais pas le droit de prendre un chemin différent du sien... Je n'avais d'autres choix que de  me laisser guider par lui.

Cardin était un psychiatre tout compte fait. Un, qui savait comment agir avec moi. Quand me forcer à parler, et quand me faire taire. Peut être était-ce cela ma chance ? Rencontrer un Psychiatre qui m'aime ? Un psychiatre que je ne pourrais jamais me passer d'aimer ? Parce que contrairement à ce qu'il pense, je l'aimais vraiment. Ou plutôt, je l'aimais plus que n'importe qui sur cette terre.

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An : Salut à tous ! J'espère que le fait qu'elle vive dorénavant avec Cardin ne vous pose pas trop de problèmes. Au départ j'ai bien voulu la mettre à la rue. Et qu'elle ne dise rien au jeune homme. Mais bon, ça serait un peu trop tiré par les cheveux vu que sa personnalité changeait petit à petit. Donc, vivre dans la rue, je réserve cela à une autre personne. Un autre personnage d'un livre auquel j'ai pensé. Je vous laisse dans le néant car ce doit être une surprise. Mais ce sera pour très bientôt. Et cela concerne un des personnages de ce bouquin si. Ce sera qui selon vous ?




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