Chapitre 14


AN : Salut à vous ! Désolé pour le retard dans la publication. Pour me faire pardonner, j'ai écrit un très long chapitre. Est-ce qu'il est plein de rebondissements et de révélations ? Je n'en sais trop rien. Aiden est normale comme personne, vous savez?! Alors je ne suis pas sure qu'elle puisse avoir un accident le matin, faire une cascade de folie sur une moto à midi, tout en se faufilant entre des camions de l'armée jusqu'au soir. Tout ça pour dire que j'ai fait de mon mieux pour vous surprendre, sans pour autant exagérer.

PS : Certains m'ont demandé en MP s'ils pouvaient s'inspirer de mon livre pour écrire des histoires sur leurs pages. Eh bien oui. Faites ce qui vous plait. Je ne suis pas contre le plagiat... enfin, de mes œuvres en tout cas. Mes livres sont du pur partage. Alors à vous de voir.

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Les cours, il n'y avait que ça qui me retenait. Qui m'empêchait d'aller le voir. Et j'étais bien obligée. Les sécher n'était plus une option pour moi. Il est ironique de penser qu'avant, je pouvais le faire sans me faire attraper et que la seule fois où une amie demande la permission, l'attention des profs se tournent d'un coup vers moi.

N'empêche que l'envie de fuir était toujours aussi grande. Je venais de finir une autre journée épuisante et cette fois, Gina a finalement réussi à atterrir devant chez moi.

Gina et cette manie qu'elle avait de me suivre partout ne faiblissait pas. Ou enfin si. Elle était moins bavarde par moment. Mais à d'autres comme celui-ci, je commençais par douter si c'était vraiment le cas.

- Tu ne m'invites pas à entrer ?

- Tu m'as suivi chez moi. Je n'ai pas dit que je te permettrais de rentrer, lui noté-je au pas de la maison.

- Je suis venue si loin... Allez ? Je vais juste voir ta chambre et repartir, essaie-t-elle de m'amadouer.

- Elle n'a rien de particuliers...

- Oui, n'empêche que je suis curieuse.

Et voilà comment elle avait réussi à me convaincre pour la laisser violer la tranquillité de mon espace privé.

- J'étais sure qu'il y aurait une guitare dans ta chambre, a été sa première remarque.

En même temps il n'y avait rien d'autre à ajouter, je n'avais qu'un lit, une table d'étude, une armoire et un seul poster qui ornait la cloison, pour cacher une marque de sang séché qui n'a pas voulu s'effacer.

- Pourquoi des nuggets ? me demande-t-elle en prêtant désormais son attention à l'affiche sur le mur.

- Pour rien de particuliers. C'est une pub de mon père, réponds-je indifférente, balançant mon sac à dos sur le matelas.

- Ah ok !

La sonnerie de mon portable, l'oblige à sortir de sa contemplation. La laissant seule, fouiller mes affaires comme elle le sentait −car je n'avais aucun doute qu'elle le ferait− je m'empresse de sortir de la chambre

- Salut ! décroché-je en fermant la porte derrière moi.

- Salut toi ! Et ta journée ?, me demande Cardin de sa voix profonde.

- Elle était comme d'hab, m'avancé-je vers les marches en sautillant presque. J'étais visiblement heureuse de l'entendre depuis le temps. Et le boulot ?, continué-je.

- Pas mal... Épuisant, mais pas mal.

Maintenant qu'il m'appelle enfin, je ne sais pas exactement de quoi causer.

- Dis-moi, comment trouves-tu le temps pour me laisser des sms* à longueur de journée? Ajouté-je trouvant cette question aussi inutile qu'idiote.

- Je travaille à mon propre compte, je te signale, me fait-il remarquer.

- Je me demande bien comment tu fais pour avoir des patients. Je présume qu'ils viennent juste pour ton charme.

- Je suis très bon tu sais... Attends, tu me trouves beau ?

- Je-Je n'ai jamais dit ça, bégayé-je rougissante.

- Si, si. Bien sûr que tu l'as dit, s'amuse-t-il. Sa voix étouffant presqu'un fou rire.

- Bon, ce n'est pas comme si j'étais la première à te l'avoir dit de toute façon. Arrête de m'embêter...

- Oui, c'est vrai..., admet-t-il enfin.

Ma peau reprenait lentement une teinte normale quand il a ajouté de nouveau : « Venant de la seule personne que j'aimerais plaire pour le moment, ça me touche bien plus »...

Ne sachant pas quoi ajouter d'autre, je me taies instantanément. Il est le premier à rompre le silence en rigolant dans le combiné :

- Détends-toi... Alors dis-moi, que faisais-tu ? Tu es déjà à la maison ?

- Oui... Oui... Une amie m'a accompagnée chez moi.

- Quoi ? elle est à côté ?

La justesse avec laquelle il a enchaîné ces deux questions m'a un peu surprise.

- Non ?! Non, je l'ai laissé seule dans la chambre...

- Ah, ok ! Bon, je dois y aller...

- A toute, ai-je-répondu à la tonalité. Il avait déjà raccroché sans attendre ma réponse.

Soupirant, je pousse la porte et entre à nouveau dans la chambre. Gina était allongé sur le lit, les jambes repliées et lisait dans mes partitions de musique. Lorsqu'elle entend le bruit de la porte, elle tourne la tête dans ma direction avant de se redresser :

- Je n'y comprends pas grand-chose, commente-t-elle puis changeant de ton, elle continue : tu vas bien Aiden ?

- Oui... Pourquoi ?, relevé-je mes yeux dans sa direction.

- Tu pleures, remarque-t-elle.

Un liquide imprègne mes doigts lorsque je porte brusquement la main à ma joue. Quand est-ce que j'avais commencé cela ? Je ne m'en étais pas rendue compte. Pourquoi en suis-je arrivée à là, au juste?

Peut être parce que j'ai trouvé que Cardin était bien pressé de se débarrasser de moi au téléphone. Prétextant qu'il était occupé dernièrement, cela faisait une semaine que lui et moi ne nous sommes pas vus. Donc inconsciemment, je m'attendais à ce que quand il m'appellerait, il me dirait combien je lui avais manqué. Est-ce que j'interprétais trop ce qu'il n'y avait pas lieu d'interpréter ? Ce n'était qu'un week-end de manquer après tout. Ce n'était pas comme si il m'avait dit qu'il voulait en finir.

C'est pour cela que pour ne pas apparaître trop désespérée ou collante, j'ai préféré au lieu de débarquer à l'improviste chez lui, attendre le lendemain pour l'appeler à nouveau.

- Quelle surprise !, s'étonne-t-il. Tu n'es pas en cours-là ?

- Non, c'est la pause. Tu devrais le savoir.

- Désolé, je n'ai pas vu l'heure. Alors que me vaut cet appel ?

- Rien... Je voulais juste... entendre ta voix, enchaîné-je tremblotante.

- Je me sens privilégier tout d'un coup... Par contre, je dois y all...

- Attends Cardin, m'empressé-je d'exiger.

- Oui ?

Que voulais-je demander au juste ? J'ai juste eu l'impression qu'il fallait que je l'arrête. Sinon, il me quitterait à nouveau.

- Est-ce que, commencé-je hésitante. Est-ce que ça te dirait qu'on se retrouve ce Samedi ? Tu vois, juste pour passer du temps ensemble.

- Je ne peux pas Samedi. J'ai des choses à faire.

- Quel genre de choses ?

- Professionnelles, répond-il brièvement.

Etait-il sincère ou me mentait-il ? Mon insécurité continuait par grandir. Une petite chose, et je pensais à une attaque terroriste. Tout prenait tellement plus d'ampleurs dans ma tête.

- Tu ne peux pas reporter ce rendez-vous ? Ou on peut se voir juste quelques petites heures, même trente minutes. Ce n'est pas bien grave. Du moment qu'on puisse passer du temps ensemble.

- Arrête ça ! hausse-t-il subitement le ton.

Le timbre autoritaire de sa voix m'a choquée. Et même un peu... blessée. Quand je me sens émotionnellement instable, mêmes les piques qui semblent être secondaires pour les autres, sont bien plus profondes à mes yeux.

- Je m'excuse. Je n'ai pas voulu te crier dessus, se calme-t-il. On se voit Dimanche, Ok ? Samedi, je ne peux vraiment pas.

- Ok.

Pourquoi a-t-il réagi ainsi ? En vérité, je ruminais cette pensée depuis un moment déjà. Est-il heureux de la relation que nous partageons ? Il est vrai qu'on était ensemble, mais ce n'est pas comme si cette relation avait évoluée depuis cette première nuit partagée. Il semble bien plus occupé qu'avant. Et moi, à cause des cours, je ne peux le voir que les week-ends.

J'en arrive depuis quelque temps à regretter ne plus être sa patiente. Avant au moins il m'accordait deux heures de temps par semaine. Mais là, c'est comme s'il s'en foutait.

Un bruit me sort de mes élucubrations et je pivote rapidement la tête pour jeter un œil à l'intrus venu perturber le flot de mes pensées.

- Qu'est ce que tu fais ici ?, demandé-je très agacée. Ce qui le stoppe dans sa marche.

- Je t'ai vu passer en flèche dans le couloir.

- Tu me suis maintenant ? Mon carnet, puis maintenant moi ? Cela n'arrange pas ton cas Nick. Au contraire..

- Oui, ce n'est pas très intelligent de ma part, admet-il en s'approchant à nouveau de mon corps penché sur la balustrade. Je le reconnais. Bon, ce n'est pas comme si j'étais intelligent non plus.

Cette allusion à son manque flagrant de réflexion me fait sourire. Image qu'il reproduit aussitôt.

- Je voulais à tout prix m'excuser Aiden, poursuit-il. Je sais que je suis en faute.

- Dis moi Nick, me tourné-je à nouveau vers lui désormais à ma hauteur. Suis-je moche ?

- Hein ? demande-t-il surpris.

- Tu m'as très bien entendu.

- Non pas ça. Juste, pourquoi cette question ?, tâtonne-t-il à me questionner.

Il n'y avait qu'un mâle pour répondre objectivement à cette question. Et Nick était le seul que je connaissais vraiment. En plus, ma tête était dans un état si chaotique, que l'étrangeté de la question ne m'a même pas effleuré l'esprit.

- Je ne sais pas. Quand je me regarde dans le miroir, je ne me trouve pas de charme... Ta sœur, elle, elle est belle avec ces longues mèches rousses et sa grande taille. Et moi ?....

- Tu te sous-estimes trop, Aiden. Tu sais ce à quoi j'ai pensé la première fois que je t'ai vue ?

- Que j'étais le garçon avec la voix la plus féminine que tu n'es jamais rencontré ?, arqué-je un sourcil.

- Non. La première fois, dans le couloir. Que J'aimerais trop me taper ce mec.

- Est-ce un compliment ?

- Oui. Il n'y a pas plus hétéro que moi sur cette terre, me sourie-t-il subitement crispé. Et j'apprendrai beaucoup plus tard que j'aurais dû plus m'attarder cette soudaine mimique...

- Tu es belle Adeline. Ne te sous estime jamais, ajoute-t-il.

Et la sincérité dans sa voix, me permet de regagner un brin d'espoir.

- Merci Nick.

- Vous parlez de quoi ? demande Gina qui me surprend en apparaissant comme par enchantement.

- Rien, coupé-je bien trop tard car Nick avait eu le temps de glisser : « de beauté »

- Hein ?

- Ce n'est rien. Ne l'écoute pas lui, dis-je en la tirant par le bras ; On a cours.

Arpenter les couloirs du lycée, était devenu moins pénible. Je regardais tous ces groupes qui se formaient devant les casiers et je prenais conscience que Gina et moi, donnaient cette illusion également. Était-ce si simple avant ? Pourquoi considérais-je les autres faire partie d'une autre dimension alors que maintenant, je ne me sentais pas si différente que ça ? Ah, qui sait ! Peut être suis-je encore différente tout compte fait.

- Hey ! Principessa*, j'ai soif, annonce ma partenaire. Je t'ai cherché pendant toute l'heure du déjeuner alors j'ai un peu sué. C'est un peu de ta faute aussi. Donc suis moi, me tire-t-elle par le bras, tournant subitement à gauche pour nous diriger vers la cantine.

- Tu prends quelque chose ? me propose-t-elle arrivée face à la machine.

Elle plissait ces yeux de temps en temps hésitant entre les principales boissons que le distributeur proposait.

- Fais vite !, la pressé-je les bras croisés sur la poitrine. Il sera bientôt l'heure.

Et l'alarme comme n'attendant que moi, venait de retentir. « Qu'est-ce que je disais ? »

- Ok, ok! Je me presse.

Puis elle pousse sur un quelconque bouton, attendant que le bruit de la machine lui annonce qu'elle peut enfin le retirer.

Je tourne la tête visiblement irritée par sa lenteur, mes orbites fixés sur l'horloge au mur. Lorsque je les baisse ensuite, ils s'écarquillent décontenancés à la vision d'un petit groupe qui passait par là. Diana faisait partit du lot.

Je me suis sentie un instant mal à l'aise en repensant à ce que cette fille m'avait dite ; C'était la première qu'une personne, hormis ma famille, s'était montrée aussi directe envers moi.

Elle nous a lorgné des yeux, mais ne s'est pas arrêté. C'est à ce moment que Gina se retourne, la canette à la bouche et va chercher à voir devant mon subite silence où exactement portait mon regard. Celle-ci nous faisait désormais dos.

- Diana ? Ça fait un bail que je ne l'ai pas vu, celle-là..

- Vous étiez très copines avant non ? Est-ce ma faute si vous ne vous entendez plus ? me tourné-je vers elle curieuse.

- Non pas du tout. Pour être honnête, balance-t-elle la boite en métal dans la poubelle telle une joueuse de basket, Je ne l'ai jamais vraiment aimé. On y va ? entame-t-elle la marche à nouveau.

- Euh... Pourquoi ? froncé-je les yeux à la fois surprise et choquée par son honnêteté. Un peu blessée aussi sans savoir pourquoi.

- Ce n'est qu'une... puttana*, hausse-t-elle les sourcils coupable.

- Veut dire ?, la poursuivez-je à mon tour dans le couloir.

- Pute, enchaine-t-elle du tac au tac, baissant tout de même la voix, la main à la bouche pour plus de discrétion.

- Ça... ça sonnait mieux en italien, articulé-je. Plus...poétique.

- Si, Io so. Je voulais amortir la vulgarité du mot.

- Et pourquoi tu traînais avec elle, alors ?

- Je ne sais pas trop, balance-t-elle les épaules désinvoltes. Elle me suivait, je la laissais faire. Ça ne me gênait passourie-t-elle en poussant la porte de la salle de classe. 

Elle va s'asseoir directement sur le seul banc où celui d'à côté était vide. Et il n'y en avait qu'un seul. Il faut dire que nous étions déjà bien en retard. Ce sont des petites attentions comme-ça qui font que même si je veux me détacher de la belle rousse, je n'y arrivais pas. C'était comme si elle faisait tout pour que je m'accroche à elle. Peut être était-ce normal en amitié de vouloir toujours rester avec l'autre ? Je n'en avais aucune idée.

Les cours ne m'ont jamais paru si longs. Bien que je n'aie prêté aucune attention à ce que les professeurs disaient. Et pourtant rien de ce à quoi j'avais pensé, plongée dans ma bulle, ne m'avait préparé à ce que Gina m'annoncerait à la fin de la journée.

Elle se tenait maladroitement près du portail du lycée, perchée sur ses talons. Lorsqu'elle me voit avancer vers elle, elle me sourit, me faisant des gestes de la main pour me signifier sa présence. Difficile de ne pas la remarquer de toute façon avec sa chevelure de feu, et ses jambes nues. Je n'étais pas la seule à poser mon regard sur elle en cette fin de semaine.

- Hey.

- Hey...

- Et les cours ?

- Comme d'hab, poussé-je les portes. Si tu allais au point essentiel ?

Je savais qu'elle voulait me dire quelque chose. Il n'y avait pas besoin d'être mentaliste pour le deviner, vu les nombreux regards en coin qu'elle me lançait.

- Je pars...

- .....

- Non, pas en Italie. En Australie, s'agite-t-elle toute seule. Je vais participer à un échange d'étudiants. J'avais complètement oublié que j'avais fait la demande en début d'année.

- Quand est prévu le départ ?

- Juste après les congés. Je voulais te l'annoncer plus tôt, mais...

- Tu le savais depuis ?, la coupé-je, un peu étonnée qu'elle puisse garder comme elle le dit si souvent, un segreto*.

- Oui, ça fera bientôt deux semaines. Mais, je ne savais pas comment tu réagirais.

Comment je réagirais à quoi?

- Je ne comprends pas. Explique-moi, Comment dois-je réagir en cette situation ?

- Je ne sais pas trop. Je pensais que peut être tu péteras un plomb, tu te sentirais trahie d'avoir perdu ta seule amie, que tu retournerais vers...

- Attends. Attends, me figée-je sur place. D'où te viennent ces idées farfelues ?... Ah, je vois, tu as lu des articles sur Internet.

- Oui, quelques uns, avoue-t-elle.

- Et bien, sache d'un que je ne le prends pas mal, levé-je le point au ciel. De deux, que je ne suis pas aussi atteinte que tu le penses. Et de trois, qu'internet exagère pratiquement tout. Ils ne sont pas à ma place pour savoir ce que je pense.

- Mais..., tente-t-elle de s'enliser dans sa bêtise.

- Je ne suis pas malade Gina. Fin de la discussion, la planté-je reprenant la marche..

Pourquoi étais-je devenue tout d'un coup si bavarde ? Normalement, je l'aurais laissée pérorer seule sur ces suppositions. Mais là, je me suis sentie agressée. Comme si elle touchait une corde sensible sans savoir de quoi elle parlait exactement. Je n'étais pas malade. Ne pouvait-elle tout simplement pas venir assouvir sa curiosité avec moi, si c'était ce qu'elle cherchait ?

« Oui, c'est vrai, je reconnais qu'avec moi il est difficile de savoir comment agir. » : ralentis-je le pas. Mais ce n'est pas pour autant que j'étais une extra terrestre. Sa réaction m'a donné une impression de déjà-vu, me rappelant étrangement le seul homme tatoué dont j'étais proche.

Je me demandais comment il allait, assise là, sur mon lit, à observer son numéro sans savoir si je devais l'appeler ou pas. J'ai tout de même pu tenir, jusqu'à ce dimanche matin où j'avais obtenu l'accord pour passer lui rendre visite. Sans que je n'aie eu besoin de sonner, il a ouvert à la volée sa porte, me surprenant avec ces mèches blondes.

- Wow ! Tu es bien matinale, m'accueille-t-il tout souriant. Pourquoi est-ce que cela ne m'étonne pas ? ironise-t-il.

Puis il se tourne et sans même me porter ses baisers enivrants qu'il avait pris l'habitude de faire au palier, il vole sur la commode les clés de sa voiture.

- Je sortais. Tu m'accompagnes ? Tu peux rester également ici. Je n'en ai pas pour très longtemps.

Durant le trajet qui nous séparait de cette boulangerie, je ne savais pas trop comment agir. Devrais-je faire semblant que tout allait bien ? Parce que sincèrement, c'est ce que je désirais. Qu'il n'aborde pas de sujet qui nous mènerait à là. Si cela devait finir, une minute de plus pour retarder cette échéance était la bienvenue.

Je le regardais avancer vers le comptoir, commander ce qu'il voulait. Ces épaules larges et les muscles fins de ces bras se tendaient chaque fois qu'il les balançait pour se décider entre la multitude de menus affichée au tableau. Il n'était pas particulièrement musclé. Enfin si, mais pas dans le genre baraqué. Il avait ce qu'il faut et je comprenais qu'il puisse attirer le regard des femmes dans les alentours. Comme cette serveuse qui s'agitait derrière le comptoir bien plus qu'il ne fallait, chaque fois qu'il souriait ou ajoutait un mot. C'était insupportable.

- Cardin ? interpelle une autre femme du même côté que nous du comptoir, recevant le pain qu'elle avait demandé. Celle-ci attrape ces baguettes et sans attendre, réduit la distance avec le blond.

- Salut Diane. Que fais-tu là ?, sourie-t-il.

Il semblait tout d'un coup très détendu et visiblement très à l'aise avec cette femme. Ce qui à mon tour m'a rendu mal à l'aise. Qui était-elle?

- Je commande un café à emporter, présente-t-elle son gobelet. Je vais à l'hôpital. Et toi ?

- Je n'ai plus de café. Ils font le meilleur de la ville, s'explique-t-il. J'en avais besoin.

- Je te comprends... Et qui est cette jeune personne ? pose-t-elle ses yeux noisette sur moi. Ceux-ci épousaient parfaitement sa peau balzane qui semblait luire sous la lumière de la pièce et insulter tous les teints pales présents... et en particulier le mien. Son visage rayonnant ne trahissait aucune imperfection.

- Ah ! Voici Aiden, m'introduit Cardin en se tournant dans ma direction. Et elle c'est Caroline, la mère de James.

- Enchanté.., sourie-t-elle. Révélant des ridules dans l'angle de ses yeux, et une dentition parfaite. Je vous tendrais bien la main, mais elles sont toutes les deux occupées... on ne se serait pas déjà vu quelque part ?

- Je ne pense pas.

- Ah oui, je me rappelle maintenant. Adeline Tempel ?! J'ai lu ton dossier.

En un élan, je pivote immédiatement vers Cardin. Il n'y avait qu'une seule personne qui pouvait lui avoir parlé de moi.

- En fait, elle est la directrice de Saint Hughes. C'était à elle que j'ai demandé la permission pour qu'on t'y admette.

Sur le point de répliquer, je suis interrompue par le mobile de la femme qui retentit subitement. Tendant son gobelet à Cardin, elle a dû fouiller dans le labyrinthe de son sac à main, pour l'en sortir.

- Je dois y aller, nous annonce-t-elle rapidement. On se revoit bientôt. Aiden ce fut un plaisir.

Puis se tournant vers Cardin, elle poursuit : « A tout à l'heure », avant de sortir telle une flèche du café.

Pensant qu'elle était déjà loin, la cloche de la porte teinte à nouveau, pour laisser réapparaître des mèches noires frisées, maintenues par un foulard qui les domptait.

- Café, indique-t-elle à Cardin qui l'avait toujours dans sa main.

- Ah ! Désolé.

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- C'était la mère de James ça ? le questionné-je quand elle a disparu de nouveau.

- Oui. Pourquoi ? me demande-t-il en avançant vers une table.

- Je la voyais autrement. Elle m'a l'air, comparée à son fils... normal?!

Le blond se met à rigoler, contournant la table pour s'installer en face de moi sur une chaise. Ayant du mal à stopper ces crampes, il passe sa main sur son ventre pour détendre ses muscles.

- Oui, tu as tout fait raison. Caroline a toujours été une personne posée. James, ainsi que son frère, sont une exception. Je ne sais pas où est-ce qu'ils sont partis chercher leur personnalité... Pas normal hein, rigole-t-il à nouveau.

Puis son sourire se dissipe lentement, pour laisser place à un mutisme gêné. Pour y parer, j'observais la rue à travers la vitrine alors que Cardin répondait à des mails sur son appareil. Ceci ne dure pas bien longtemps, car je voyais dorénavant dans la vitre impeccablement nettoyée, le reflet noir et blanc de la tenue de la serveuse. Seul le bruit de la porcelaine m'avertit de ce qui se tramait. Et plus leur rencontre s'éternisait et plus je m'isolais des bruits qui m'entouraient.

Désormais résolue, il était clair pour moi que cet homme ne m'appartenait pas. La réalité est telle que peu importe l'immensité de l'amour qu'on porte à quelqu'un, cette personne ne sera jamais à nous à cent pour cent. Et pourtant, même si je voudrais avoir Cardin pour moi toute seule, la raison pour laquelle j'ai été si blessée quand il a refusé ma proposition, est que j'avais assumé que si j'étais celle qui le lui demandait, même très occupé, il se serait laisser tenter. Alors que là, il n'avait même pas hésité à me crier dessus.

Je sais que je pourrais facilement me débarrasser de mon anxiété en l'exposant mes nombreux doutes. Je pourrais lui demander : « Est-ce que tu m'aimes ? ». Parce qu'il ne me l'a jamais dit ouvertement quand j'y pense. Mais j'avais peur d'entendre la réponse qu'il me donnerait.

- Tu es sure que tu ne veux rien ? me demandait-il en prenant une gorgée de sa tasse.

- Rien, j'ai déjà mangé, virevolté-je dans sa direction, remarquant que l'employé n'était plus là.

En préparant le repas de mon père à l'aube, j'en avais fait assez pour deux.

- Cardin. Pourquoi est-ce que nous ne couchons plus ensemble ?

L'agressivité de la question renverse le liquide chaud sur son torse. Il l'éponge aussitôt agrandissant à la fois la tâche sur son tee-shirt, et mon mal être.

- Merde, peste-t-il. Je savais que tu me poserais des questions, mais là tu m'as surpris. 

- Désolé. Est-ce parce que je n'ai pas été à la hauteur ? Tu dois avoir eu des tas de copines auparavant, commencé-je par me terroriser moi-même, augmentant le manque de confiance déjà si grand. Je m'auto trouvais les raisons qui pourraient justifier qu'il me quitte. Il fallait que j'arrête.

- Aiden, soupire-t-il. Ce n'est pas l'endroit pour avoir ce type de conversations.

Oui, le café était bondé. Néanmoins, cela avait l'avantage d'être bruyant. Personne ne pouvait nous entendre, et même si elle le faisait, cela ne me préoccupait guère.

- Mes cicatrices ? Est-ce à cause de cela?, appuyé-je plus ma débâcle d'interrogations.

- Tu me prends pour qui Aiden? Je ne m'attarde pas sur ce genre de détail. En plus j'aime ton corps.

- Alors pourquoi ? Pourquoi est-ce que tu m'évitais ?

- Je ne t'évitais pas, lève-t-il la main en protestation. Où est-ce que tu es parti chercher ça ? J'ai vraiment été occupé récemment. J'étais à Hughes pratiquement toute la semaine. J'avais un service à rendre à Caroline et comme ils n'avaient pas assez de personnel, elle m'a demandé de les aider...

Bête est l'adjectif qui qualifie parfaitement mon état d'esprit en ce moment. Je m'étais tellement tuer à imaginer la pire des situations que pas une seule seconde, le fait qu'il ne disait que la vérité ne m'a effleuré l'esprit. Mais cependant...

- Donc c'est tout ?, marmonné-je dans ma barbe, mes yeux observant la table.

- Ce n'est pas tout, me fixe-t-il plus intensément. Parce que... ce fut un bon prétexte pour ne pas te voir ces temps-ci.

Je tourne ma tête dans sa direction et le fixe à mon tour.

- A... Ah bon ?!, bégayé-je, tentant désespérément d'étouffer le tremblement de ma voix.

- Oui, j'avais besoin de réfléchir. Parce que j'ai su ce que tu avais fait.

Une pluie de questions inonde mon cerveau noyé sous la peur. Où avais-je foiré ? A-t-il appris pour le chantage que j'avais préparé ? Ou a-t-il appris que je m'étais à nouveau mutilée ? L'incompréhension se lisait sur mes traits.

- Qu'est ce que tu veux dire ?

Il passe sa main sous la table pour me caresser tendrement la cuisse, dans le but de m'apaiser à l'abri des regards.

- Hey, ne panique pas ainsi, tu veux ? , ajoute-t-il.

- Alors quoi ?

- Quand je parlais de savoir, je sais que tu vas me détester, mais je n'ai pas pu m'empêcher d'interpréter ta réaction de la dernière fois.

- Je ne comprends toujours pas.

- Tes intentions n'étaient pas... Comment dire cela ? Pures, Aiden. Je sais que si tu as fais l'amour avec moi ce jour-là, ce n'est pas parce que tu en avais pleinement envie. Mais parce que tu ne voulais pas que je te quitte... Je sais que pour le moment tu ne m'aimes pas.

- N...

- Tu le penses mais ce n'est pas le cas, me masse-t-il plus fermement. Et je suis prêt à attendre que ton avis change. Je suis là.

Nier, aurait été le choix le plus évident face à ces remarques. Mais ma langue coincée pour je ne sais quelle raison, n'a pas voulue se délier pour parler. Comme si elle-même savait avant ma raison que Cardin n'avait pas tord. Il était difficile d'admettre que j'avais perdu ma virginité pour un tel argument. Pourquoi prenais-je autant de risque pour un homme que je venais de rencontrer il y a deux mois, à peine?Est-ce vraiment parce que j'avais peur qu'il m'abandonne? Non...En vérité... c'est parce que pas une seule seconde ne passe sans que je ne pense ne pas le mériter.

- Je suis désolé, glissé-je tristement.

- Hey c'est à moi de l'être, s'excuse-t-il. J'aurais dû plus y penser, mais la passion a pris le dessus... J'étais censée être l'adulte. Et je dois avouer que mon cerveau ne marchait plus non plus. Si je ne le refais plus avec toi, c'est parce que je veux que cette fois-ci, ce soit pleinement consenti. Parce que tu en as envie, et non pour une autre raison. Je veux que tu comprennes que je si je suis avec toi, ce n'est pas à cause de cela.

- Je l'ai déjà compris, lui noté-je

- Non. Tu ne l'as pas compris, tu penses le comprendre.... Mais ne t'inquiète pas Aiden, on a tout notre temps pour.

Puis il libère ma jambe et prend ma main qu'il embrasse.

Je me sentais si ridicule que je me suis mise à pleurer, attirant de ce fait l'attention de certains. Je n'arrivais toujours pas à accepter ce qu'il me disait. Une partie de moi voulait tant y croire. Mais la plus grande n'y arrivait pas. Qui pourrait rester avec moi, sans ne vouloir rien en retour ? Surtout une personne aussi parfaite que Cardin?

- Je suis désolé. Je voudrais tellement être quelqu'un d'autre et ne plus penser ainsi. Je veux changer ce cœur brisé et en faire un nouveau. Je voudrais être plus forte, plus intelligente, plus sage. Pourquoi ne suis-je pas comme toi Cardin ? lui demandé-je des explications.

Sans aucune hésitation il réplique doucement, insistant sur chaque mot:

- Parce que tu es une femme ? Et que tu es ma femme ? Et que c'est à moi de t'apporter cette force ? N'essaie pas de paraître plus dure que tu ne l'es en ma présence. Je sais que tu le fais pour te protéger, pour ta mère. Mais tu peux me faire confiance. Je serai là pour toi, caresse-t-il le dos de ma main de son pouce.

- Tu es belle. Et probablement que tu ne me crois pas, continue-t-il, toujours est-il que c'est vrai... C'est sûr que peu importe les compliments que je te ferai maintenant, tu essaieras de n'y voir que les points négatifs. Et bien, sache que ce n'est pas grave. Tout ira bien. Garde juste la tête haute et sois forte. Parce que je sais que tu peux dépasser ces problèmes et avancer.

Un silence vient meubler son long discours. Je voulais tellement y croire...ces promesses qu'ils me récitaient, comme s'il voulait les graver en moi.

- C'est vrai ?

Mon regard incrédule l'incite à poursuivre :

- Crois-moi Aiden. Un jour, tu repenseras à tout ça, et tu seras heureuse parce que tu as réussi. En plus, je suis là pour t'aider et te répéter tout ce qu'il y a de bon en toi chaque jour, jusqu'à ce qu'enfin tu le comprennes... Je ne voudrais pas sonner trop psychologue −parce que sincèrement, je tiens à toi− mais j'aimerais que tu reprennes des séances de thérapie avec moi. Et cette fois-ci pour de vrai.

Étais-ce cela l'espoir ?

- Je vais y penser, articulé-je finalement.

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Principessa : princesse

Puttana : prostituée

SI, Io so: Oui, je sais.

Un segreto : un secret.





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