Chapitre 10
-Aiden POV-
« J'aurais bien aimé que tu sois un homme Aiden. Tu aurais été bien plus forte. Tu aurais mieux supporter cet enfer. » : Me répétait-elle.
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Cela semblait être une journée extraordinaire. Un de ses jours où mes rêves étaient censés se réaliser. Je rentrais du parc avec ma mère. Nous venions de fêter une occasion spéciale.
- Mon chéri, tu descends maintenant, me sommait-elle. On est arrivé.
Sans répondre, j'ai ouvert la portière et couru vers la maison, n'attendant pas la femme qui soufrait à porter son sac de course.
Dès que j'avais passé l'entrée, j'ai commencé une de ses disputes stupides avec ma sœur. Elle avait quinze ans alors que je venais d'en avoir cinq. Alors avait-elle le chic pour m'embêter et profiter de moi...
Jusqu'aujourd'hui, je ne me rappelle pas du sujet de la chamaillerie, je savais juste que j'ai fini comme toujours par pleurer le nom de ma mère, pour qu'elle vienne gronder Maryne... Ce que je ne savais pas, malheureusement, c'était que ce jour je n'étais pas la seule à verser des larmes dans la maison. Alors que je m'approchais de la cuisine, j'entends des lamentations en filtrer, étouffer par les cris de mon père qui lançaient les mêmes insultes depuis ma naissance.
Je ne l'avais jamais connu gentil. Ou particulièrement attentionné. Et je ne le portais déjà pas dans mon cœur sans trop savoir pourquoi, à cet âge.
- Maman !!! ai-je hurlé en accourant vers elle assise par terre, mon père à ses côtés.
- Ne t'approche pas Aiden, m'avait-elle ordonné.
Je suis restée figée un instant. Je ne l'avais pas désobéie. J'ai juste décidé de me tourner vers son bourreau. Je me suis accrochée à sa jambe comme une forcenée alors qu'il avançait à nouveau vers elle. Il se débattait comme il le pouvait et finit par détacher ma petite forme, pour la suspendre dans les airs.
- Le petit monstre est là également, crachait-il, embaumant mon nez d'un parfum alcoolique désagréable.
- Non, laisse-le ! suppliait ma mère.
Et il m'a balancé contre le mur voisin. Je tombe telle une masse, la douleur me plaquant au sol. Il avait changé de cible et marchait à présent dans ma direction. Mais avant qu'il ne puisse me toucher, j'ai trouvé des bras fins et doux m'enlacer fortement alors que mon père en battait la propriétaire.
- Un bâtard tel que lui ne mérite pas ton amour. Ne comprends pas tu que seul moi t'aime ici ? Je t'ai aimé Zoé. Et je continue par t'aimer, chantait-il alors qu'il n'arrêtait pas ses assauts.
- Je t'ai déjà dit que si tu le touchais, je te quitterai. Et tu ne me reverras plus jamais.
Il s'arrête et fixe ma mère un long moment, un peu surpris par ce regain brusque de volonté de sa part. Une détermination qu'il ne lui connaissait que rarement.
- Tu veux dire quoi par là ? Qu'il est plus important que moi ? Que ce fruit de ton infidélité vaut bien plus que moi ?, m'indexait-il.
Sa colère grandissait, amplifiant l'envie de recommencer ce qu'il avait débuté. Mais c'est là qu'on entend des pas s'approcher de la cuisine. Le bras suspendu dans les airs, Il s'arrête aussitôt et s'écarte de nous.
- Qu'est ce qu'on aura à dîner, pour ce soir ?, demandait Maryne dans l'entrebâillement.
A ce moment déjà, il était déjà dingue de sa fille chérie et ne voulait lui montrer aucun de ces mauvais côtés.
Qu'est ce qui avait bien pu réveiller sa colère ce jour-là ?... Je n'en avais aucune idée. Cela faisait longtemps que je ne l'avais pas vu s'emporter ainsi. Ce qui avait démarré comme une journée extraordinaire, s'était terminée sur une note ordinaire, pour les membres de la famille Tempel.
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Ma mère ne m'avait pas adressé la parole depuis cet incident. Une semaine plus tard pourtant, alors qu'elle tranchait des morceaux de carottes, elle m'a demandé de nulle part :
- Aiden, est ce que ça te dirait qu'on parte loin d'ici ensemble ?
Je n'avais pas compris l'importance que revêtait cette question, mais je savais que je pouvais aller au bout du monde si elle me le demandait. Donc avais-je répondu: " Je vais où tu vas maman" sans plus de cérémonie.
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Il pleuvait cette nuit-là, quand elle est entrée dans ma chambre, alors que mon père était sorti avec ces collègues. Ma sœur dormait tranquillement, lorsqu'elle s'est approchée de mon lit et m'a réveillée pour aller je ne sais où.
- On va où Maman ?
- Très loin d'ici, m'assurait-elle.
Puis elle m'a porté dans ses bras, alors que je m'endormais sur son épaule.
Mauvaise idée que c'était de rouler la nuit en temps de pluie. Mais personne n'était raisonnable ce soir-là. Une heure déjà que nous voguions vers une destination qui m'était inconnue. Je m'agitais sur mon siège impatiente d'arriver.
Un carrefour, voilà ce qu'il a fallu pour que ma vie prenne également un autre virage. Il avait trop bu, m'a-t-on dit plus tard. Il était mort sur le coup. Quant à ma mère et moi, nous avions enchaîné tonneaux sur tonneaux, jusqu'à ce que le destin décide de m'éjecter par la fenêtre, un barreau planté dans l'estomac.
Avant de fermer les yeux, ceux-ci avaient assisté à un spectacle magnifique. Une mer de flammes qui brûlait dans le ciel de novembre. Il augmentait et s'épandait, s'échappant d'une carcasse métallique. Et Embrasant l'azur d'une lueur orangée. Ces flammes montaient si haut, qu'on les croirait courir sur le plafond étoilé d'une lumière flamboyante, illuminant le ciel sombre. Ils se percutaient et fondaient l'un dans l'autre dans cette magnifique nuit. Et j'y voyais parfaitement, l'ombre de ma mère s'y dessiner.
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"J'adore les étoiles, me disait-elle souvent. Ils semblent si beaux et si libres. J'aimerais me perdre en eux."
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En grandissant, il n'y avait pas besoin de voix pour que je sache la vérité. Personne ne me l'avait dite d'ailleurs. Mais me voir si différente de mon père et de ma mère, j'avais compris que je n'étais pas leurs filles. J'avais compris que ma mère l'avait trompée. Et j'avais également compris la raison de ces coups ce soir-là.
Il avait fallu que je grandisse pour comprendre, comme chaque année, que c'était mon anniversaire qui l'avait mis dans un tel état.
Il avait fallu que je grandisse pour comprendre que tout ce qu'elle avait enduré, était une preuve d'amour à mon égard. Que j'avais été responsable de son malheur. Que j'étais celle qui l'avais enfermée dans cette spirale et de ce fait, conduite à sa mort. Et pourtant, je savais à présent que peu importe le lieu où elle se trouvait, elle ne cessera jamais de m'aimer...
Je l'avais oublié récemment.
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Une odeur de désinfectant me brûlait le nez et je saisis immédiatement, que j'étais dans un lit d'hôpital. Ma tête me martelait alors que mon corps me faisait mal de toute part. Cependant, je me suis réveillée apaisée comme jamais. Je venais de découvrir que je ne tenais pas suicidaire comme je le pensais.
Je reste le regard plongé dans le plafond, silencieuse, et une voix me fait remarquer que je n'étais pas seule dans la pièce.
- C'est l'après-midi.
Celle-ci était venue de nulle part et m'a fait sursauter. Je me redresse et essaie de m'adosser contre le mur mais fut surprise de tomber par terre. J'avais oubliée que je n'étais pas chez moi.
- Tu vas bien ? Me demandait Cardin au dessus de moi, son ombre censurant la lumière du mur en face.
- Oui... Je crois... ai-je répondu douloureusement.
Puis il se met à rire aux éclats, révélant ces dents magnifiques et ses fossettes parfaites.
- Bonjour, continue-t-il un grand sourire aux lèvres tout en m'aidant à me redresser.
Je perds l'équilibre et chancelle dans ses bras. Alors il me prend comme une mariée lors de ses nuits de noces et je sens sa main balayer ma fesse gauche, sous la robe ouverte.
- Où suis-je ? demande-je alors qu'il me couche sur le lit, rouge de honte.
- A l'hôpital St Hughes. On t'a fait un lavage d'estomac. Tu m'as fait peur Aiden, joint-il sans interruption.
- Je suis désolé, baissé-je les yeux, ne sachant pas exactement pourquoi je me sentais si coupable. Il avait le don de m'intimider. Cela ne dure pas bien longtemps, car je me relève brusquement et manque peu de m'étourdir. Et mon père dans tout cela ? Comment avait-il pris tout cela? J'étais sur le point de poser la question à Cardin quand celui-ci lit dans mes pensées.
- Il n'arrivera pas. Je ne l'ai pas prévenu.
- Comment ça se fait ? interrogé-je dubitative, ne lui faisant aucunement confiance.
- Cet hôpital est en partie à moi. J'ai demandé au directeur de se taire à ton sujet.
- Merci?
J'étais bizarrement contente qu'il se donne autant de mal pour moi. Mais une chose me dérangeait dans sa façon de me parler. Je ne notais aucune note d'affection dans sa voix. Comme si tout lui était bien égal, ses réponses préparées bien à l'avance, s'attendant à ce que je lui pose ces questions. Je suppose que je l'avais déçu. Je me décevais moi-même d'ailleurs. Il commençait surement par se rendre compte du cas perdu que j'étais. il devait s'en vouloir de m'avoir laissé agir à ma guise et ne pas avoir été plus ferme. Faire confiance à une personne qui se mutile, c'était comme faire confiance à son assurance.
- Tu as des marques sur le corps, remarque-t-il en croisant ses bras sur sa poitrine, changeant subitement de sujet de conversation.
M'attendant à autre chose, je reste un instant impassible, analysant la notification qui venait de m'être confessée. Je ne voulais surtout pas y répondre, mais le sérieux que je lis dans ces yeux me dissuade du contraire.
- J'ai eu un accident de voiture avec ma mère quand j'avais cinq ans. On a dû m'opérer à plusieurs reprises... et ce sont les cicatrices gagnées après ce mauvais épisode, admis-je gênée sans plus d'explications. Car savoir qu'il les avait vues, signifiait qu'il avait dû me voir nue. Ou du moins, pas très habillée.
- Je ne parlais pas de ça. Je parlais des marques de coups dans le dos, demande-t-il non perturbée par la rougeur de ma peau.
Pourtant, celle-ci vire rapidement d'une couleur tomate à celle de lait. Aussi pâle que jamais face à la panique qui m'envahissait. Comment le prendrait-il si je lui disais la vérité? Un mensonge serait surement le bienvenu. Était-il nécessaire d'aller jusque là? Je savais qu'il voulait m'aider. Et qu'il en était capable désormais. Mais comment agirait-il s'il apprenait au sujet du père de sa fiancée? Prendrait-il son parti ou le mien? Me croirait-il? Avoir surement essayé de me suicider contredisait les réponses que je lui avaient apporté le soir de notre réconciliation. Et était par conséquence, une preuve que j'étais une menteuse.
- Pourquoi tu ne parles-pas ?
Je voulais férocement fuir face à ces interrogations. Je n'étais pas prête à parler de mon père tout compte fait. Alors ai-je mitonné :
- C'est à l'école. Certains de mes camarades me... Tu vois... Enfin...Je suis victime de maltraitance.
- C'est dangereux ce que tu vis, s'inquiète-il en s'asseyant sur le lit à mes côtés et en caressant mon visage, m'obligeant à lever mes orbites baissés lorsque je déblatérais ma fable mensongère.
- Est-ce la raison de ta tentative ? , ajoute-il.
Je ne réponds pas, sensible au contact de ces doigts sur ma peau. Ils étaient glacés et tremblaient légèrement. Avait-il eu si peur pour moi? Malgré sa tourmente, je ne savais pas si je devais me sentir honteuse d'avoir inventer une telle histoire ou heureuse qu'il se soit autant souciée pour moi. J'étais d'avis de penser que c'était un mélange des deux. Examinant de plus près son visage, je remarque pour la première fois des cernes encadrant ces yeux noisettes. Il n'avait pas dû fermer l'œil de la nuit. il était resté éveillé à cause de moi. Pour moi. A mes côtés.
- Pourquoi ne pas en parler à ton père, susurre-t-il, caressant cette fois-ci mon oreille. Il t'aidera surement.
Il m'a fallu un instant pour réaliser ce qu'il disait. Noyée dans ces iris, j'ai dû émergé rapidement de ma transe.
- Non. Pas mon père, tranché-je.
- Pourquoi pas ?, fronce-t-il les sourcils, aveugle des sentiments qui m'animent. A ces yeux, je passais sûrement pour une petite fille capricieuse qui avait honte d'avouer ces bêtises à ces parents. Mais là, je n'en avais rien à faire de paraître complètement enfantine. Je ne voulais pas de mon père dans le tableau.
- Je te jure Cardin que si tu le préviens, je vais me tuer pour de bon.
Il soupire exaspéré. Son regard ne disait rien qui vaille, mimique de la colère que je lui transmettais.
- Combien de fois vas-tu me répéter cela ? demande-t-il agacé, les mains croisées sur la poitrine en rempart. Cela ne marche plus. Je ne vais plus le permettre Aid...
Notre dispute est interrompue par un homme qui venait d'entrer dans la salle. Il était facile de palper la tension qui régnait entre nous. Et peu importe les recommandations de Cardin, je n'étais pas de celles qui cédaient facilement. Je n'avais pas arrêter de le fixer et lui non plus. Mais il finit par se résigner et se lever saluer d'une poignée de main tendue, le nouvel arrivant.
L'étranger en blouse n'était pas dupe de la scène qui se déroulait, car ses orbites passaient répétitivement de moi à mon sauveur. Néanmoins, comprenant rapidement qu'il ne lirait pas la réponse sur mon visage contorsionné par l'irritation, il s'adresse à ma personne dans le ton le plus professionnel qu'il puisse arborer :
- Comment tu vas ? me demande-t-il souriant.
- Bien... Je crois, réponds-je nonchalamment. La santé étant le cadet de mes soucis.
" C'est bien", son sourire s'évanouit aussitôt. "Je venais t'annoncer que tu pouvais rentrer chez toi dès maintenant.''
- Sérieux? demandé-je surprise par un si rapide rétablissement, lui prêtant ainsi toute mon attention.
- Par contre, tu dois énormément te reposer durant les jours à venir.
- On ne pourrait pas... me garder ici quelques temps? supplié-je hésitante.
Celui-ci se tourne vers Cardin, étonné de ma requête. Il ne devait pas être habitué à avoir des patients qui volontairement, aimaient s'enfermer dans les hôpitaux. Mais là, je me fichais de paraître normale ou dérangée.
Je ne voulais pas rentrer chez moi. Si mon père voyait ma tête, il devinerait immédiatement que quelque chose avait dû se passer. Des sueurs froides naissaient sur mon front, et le regret de ne pas avoir réussi à me tuer apparaissait. Mais toutes ses sensations sont rapidement balayées quand Cardin a glissé :
- Tu peux venir chez moi si tu veux.
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