64 - Lilianne
Je reposai mon stylo sur le bureau, pas du tout concentrée sur ce sur quoi il fallait que je planche. Pas faute de vouloir terminer mes devoirs, mais je n'arrivais pas à penser à autre chose qu'aux paroles d'Edda et à la tentative de Viktor pour me rassurer. Je ne voulais absolument pas devenir un obstacle à quoi que ce soit, surtout pas en sachant que durant mon... absence, Edda avait été très présente pour Vik. Ma jalousie n'entrait même pas en ligne de compte. Il ne pouvait pas y en avoir quand on avait confiance, n'est-ce pas ?
Je ne voulais pas en parler à Hunter. Alors j'avais plus ou moins évoqué le sujet avec Ombeline. Pour l'instant, elle était ce qui se rapprochait le plus d'une amie. Ici, j'étais entourée des garçons et même si Caitlin me semblait être de bonne écoute, nous n'étions pas du même âge.
Ma présence dans cette maison changeait la dynamique des garçons.
Pas seulement d'Hunter et Viktor. Mais comme c'était avec eux que je passais le plus clair de mon temps, je savais bien que ma présence impactait directement leur amitié. Et je ne voulais pas être un poids, ni même une gêne. J'essayais encore maintenant d'accepter toute cette situation. Vivre ici, être liée à Ephraim et bientôt aux autres. D'être enfin une Primordiale, une Anamchara. Ce n'était pas facile tous les jours, pas innés en tout cas. Mais j'apprenais, lentement.
Peut-être qu'être liée à Ephraim aidait. Parce que ça apaisait quelque chose en moi. Une part primale qui arrivait encore à m'effrayer tant elle pouvait prendre de la place par moment.
Dormir avec Orion avait aidé.
Quand Viktor m'embrassait, je me sentais mieux. Quand Hunter me tenait la main aussi. Des gestes, de l'attention et je respirais. Ce n'était pas gérable, ce n'était pas commun. Mais c'était là et je ne pouvais rien y faire.
J'abandonnai mes devoirs, trop peu concentrée. Comme tout ça me paraissait trivial depuis notre retour de Miami ! Et pour autant, j'adorais suivre des cours, j'adorais pouvoir aller à l'université comme n'importe quelle fille de mon âge. C'était normal. Et cette normalité, j'en avais besoin.
Je quittai ma chambre pour rejoindre la cuisine et attraper de quoi grignoter. La maison était calme, silencieuse. C'était apaisant, agréable. Je me servis un verre de jus, piochai dans les muffins préparés par Caitlin et me hissai sur un tabouret.
— On dirait bien que c'est toi et moi pour un petit moment, lâcha Zeke en apparaissant.
— Quelle chanceuse je suis, minaudai-je.
Il était à côté de moi, sa joue contre son poing. Je ne verrais pas Ephraim et Orion avant quelques jours parce qu'ils partaient ce soir pour Las Vegas et reviendraient une fois les affaires là-bas terminées.
Je ne savais pas trop encore si ça impacterait sur moi ; l'absence d'Ephraim je voulais dire. Ce serait la première fois que nous serions... séparés depuis Miami et ce qui était arrivé là-bas.
Lui et moi.
Ce lien qui pulsait au creux de mon corps, comme une promesse.
— Et si on jouait à un jeu ?
— Quel genre ?
— Une question pour une réponse. On a le droit de demander tout ce que l'on veut, mais l'autre peut invoquer trois jokers pour ne pas le faire selon la question. Alors ?
Je haussai les épaules et son sourire s'agrandit.
— Honneur à notre Anamchara, souffla-t-il.
— C'est toi qui as choisi cette apparence ?
— Non, je suis apparu comme ça.
Pas né. Parce qu'il n'était pas humain ni vraiment Primordial d'ailleurs.
— Tes parents ne voulaient que toi comme enfant ?
— Ma mère a fait deux fausses-couches avant moi. Elle m'appelait son petit miracle. Je crois qu'elle aurait aimé avoir une famille nombreuse, mais mon père ne voulait pas s'amuser avec sa santé. C'était l'amour de sa vie, tu sais ?
Ça me faisait du mal d'en parler, mais ce n'était pas une mauvaise chose. Il était bon de se rappeler de tout, même lorsque c'était douloureux.
— Comment sont les parents de Patrocle ? interrogeai-je. Est-ce que... ce sont aussi les tiens, d'une certaine façon ?
— Oui. Je suis une partie de Patrocle, alors nous partageons tout. Notre mère est ultra-protectrice, un peu étouffante, mais douce et aimante. Quant à notre père, il est très terre à terre. C'est de lui que Patrocle tient son don pour la peinture.
J'essayai de me les imaginer, d'imaginer les parents d'Ephraim et d'Orion aussi.
— Est-ce que tu étais heureuse chez Zeus ?
— Au début. Il était à l'écoute, attentif à mes... besoins, même s'il ne comprenait pas pourquoi je voulais revoir Viktor et Hunter. Il parlait toujours de papa, jamais de ma mère, comme si pour lui, elle n'existait pas. Tu peux aller où tu veux ?
— J'ai des limites, mais elles sont rares. Je peux aller là où sont Viktor, Hunter, Orion ou Ephraim. Là où tu es toi aussi. Ce qui fait de moi un atout non négligeable. Est-ce que tu avais rencontré les Primordiaux à qui on voulait te lier avant la chambre ?
Je hochai la tête, peu sûre de moi soudain. Zeke étrécit le regard, mais n'alla pas plus loin. Pas tout de suite. Sa question avait été posée.
— Pourquoi tu es apparu ?
— Joker.
Je m'en étais douté, avais quand même voulu tenter. Cette vérité, elle appartenait à Patrocle.
— Est-ce qu'il s'est passé des choses avant la chambre ?
— Zeke...
— Si tu n'invoques pas un joker, je n'ai aucune raison de m'arrêter, mon ange. Réponds-moi. Tu es restée cinq ans là-bas. Tu es devenue adolescente là-bas. Nous savons tous ce qu'il se passe chez les Matras, leur façon de s'amuser, d'aimer le sexe. Alors, dis-moi, Lili, il s'est passé quoi que ce soit avant la chambre ?
— Peut-être, soufflai-je.
— Cette réponse ne me convient pas, mon ange.
— C'est la seule que j'ai à donner. S'il te plaît, Zeke.
— Tu sais qu'il te suffit de dire joker pour que je passe à autre chose, Lili. Qu'est-ce qu'ils t'ont fait ?
Avant la chambre. Avant la chambre.
Vixen Matras.
— Zeus n'est pas un idiot. Il n'a pas choisi ces Primordiaux au hasard.
— Ils étaient amis. Ils faisaient tout ensemble. Ils étaient du genre à tout partager, à être les parfaits Matras. Zeus... il leur donnait tout ce qu'ils voulaient.
— Ils t'ont voulu à un moment, n'est-ce pas ?
Zeke tendit le bras pour caresser ma joue.
— Joker, finis-je par souffler, incapable d'aller plus loin.
Je sentis son énergie, qui tout en étant semblable à celle de Patrocle, divergeait. C'était froid, sombre. Mais ça ne me faisait pas peur.
— Je finirai par tout savoir, Lili.
— Ça ne sert à rien. C'est terminé.
— Non, tant que Zeus sera vivant, rien ne sera terminé, mon ange. Il t'a blessée. Et il paiera pour ça. Il hurlera, implorera. Et tu nous regarderas te venger.
— Zeke.
La voix de Patrocle me fit sursauter. Je croisai son regard, très sombre, mais pas noir. Est-ce qu'il était fâché après son ombre ?
— Ce n'était qu'un jeu, Patrocle.
— Vraiment ? Parce que de là où je me tiens, ça n'y ressemblait pas. Lili ?
— C'est bon, répondis-je. Vraiment.
Il m'observa de longues secondes sans rien dire. Je descendis de mon tabouret pour le rejoindre. Il me laissa venir à lui, me laissa me presser contre lui avant d'enfin enrouler son bras autour de mes hanches.
— Tu as le droit d'envoyer bouler Zeke lorsqu'il dépasse les limites, Lili.
— Ce n'était rien, vraiment, soufflai-je. Ne sois pas fâché contre lui.
Je le sentis plonger son nez dans mes cheveux pour respirer mon odeur quand je fis de même avec son t-shirt. Je finis par relever le menton et les doigts de Patrocle se refermèrent dessus avec douceur, mais force.
— Bonjour, murmura-t-il.
— Hey.
Ses yeux étaient pleins de chaleur. Ils brillaient.
— Comment était ta journée ? l'interrogeai-je.
— Calme. Et la tienne ?
— C'était bien. Les cours sont intéressants et Ombeline m'aide beaucoup.
— C'est très bien, dit-il.
Il ne me lâchait pas et honnêtement, je n'avais pas envie qu'il le fasse. Parce que j'étais bien contre lui. Je me sentais aimée. Désirée. Voulue.
En sécurité surtout.
— Est-ce tu aimerais sortir ce soir ?
— Comme... un rendez-vous ? soufflai-je.
Le sourire de Patrocle me vola quelque chose. Un morceau de moi. Que je lui donnai sans hésitation.
— Comme un rendez-vous, oui.
— Ce serait bien. Vraiment bien même.
Il rit. Avant de me voler un baiser. J'adorais sa façon d'embrasser. De me voler mon air, de s'imposer sans douceur, sans douleur. Il prenait. Sans quémander.
Il prenait tout l'espace, habillait mon monde de sa présence et c'était puissant. Je voulais qu'il continue, que jamais il ne s'arrête. Je voulais qu'il continue d'évoluer autour de moi, d'être attiré par moi comme je l'étais par lui.
Pour chacun d'entre eux, même.
Est-ce que ça m'effrayait par moment ? Peut-être un peu. Parce qu'on me vendait un mensonge depuis mon enfance, comme au reste de notre peuple.
Parce que si aux yeux du monde les Céracles actuels étaient la normalité, ils n'étaient en fait qu'une anomalie.
Aucun Primordial ne ressentait ce que Patrocle expérimentait à mon contact.
Aucun Catalyseur ne vibrait comme je le faisais au contact de mes Anams.
C'était effrayant, euphorique. C'était à couper le souffle.
Je voulais continuer à éprouver tout ça.
Je voulais continuer à vivre tout ça.
— Tu es magnifique, Lili. Faite pour nous, souffla Patrocle.
Ses mots firent s'emballer mon cœur.
Me donnèrent envie de plus. Tellement plus.
**
Qu'est ce que je les aime ceux là 🥵😍 pas vous ?
Prêtes pour la fin ? 😎😎
La bise 😘
Taki et Ada'
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