63 - Viktor
Je rangeai mon ordinateur portable dans mon sac et le fermai. Les autres étudiants sortaient déjà de la classe. Je levai mon regard sur Edda qui m'attendait au bout de la rangée. L'amphithéâtre était déjà presque vide. A l'heure du repas, tout le monde fuyait pour aller se nourrir.
— On va acheter un truc ? me demanda Edda quand je la rejoignis enfin.
Elle portait un jean taille haute d'un bleu foncé qui renforçait la longueur de ses jambes. Son haut blanc un peu bouffant était joli aussi. Elle avait natté ses cheveux ce qui me permettait de voir tout son visage.
— Je dois rejoindre Hunt et Lili, dis-je, mon sac sur mon épaule.
Je vis la petite grimace d'Edda. Je ne relevai pas. Je n'en avais pas envie. Ce n'était pas la première fois que je voyais ce genre de réactions chez elle. Si elle voulait m'en parler, elle pouvait le faire. Je savais qu'elle passait du temps avec le reste de la bande, mais je restais l'un de ses meilleurs amis. Et je n'avais pas beaucoup de temps en ce moment, surtout avec les déplacements auxquels on devait prendre part en tant que Céracle. Ça n'allait pas s'arranger avec le temps. C'était une évidence à ce stade. Mais je ne me voyais pas lui expliquer ça maintenant à Edda. Elle n'accepterait pas cette idée. Je pouvais comprendre, dans un sens. Jusqu'à Lilianne, nous passions tout notre temps ensemble. Et je savais que d'une certaine façon, elle avait eu des sentiments pour moi. Peut-être qu'elle en avait encore. Je n'avais pas remué le couteau dans la plaie une fois que le sous-entendu avait été lancé.
— Ephraim ne veut toujours pas qu'on vienne chez vous ? s'enquit Edda.
— Non. Pas encore.
Elle hocha la tête.
— Tu voudras venir chez moi ?
Je m'arrêtai en plein milieu du couloir pour me tourner vers Edda. Elle se figea et me jeta un coup d'œil.
— Quoi ?
Je glissai ma main sous son bras et l'embarquai dans une des salles de TD qui étaient ouvertes à côté de nous.
— Vik ! s'écria-t-elle.
Je fermai la porte dans mon dos.
— Qu'est-ce qu'il se passe ? soufflai-je. Tu sais qu'Ephraim est sur le front de guerre, qu'il ne veut pas qu'on sorte n'importe où en dehors : du centre d'entraînement, de la maison et de l'université.
Elle pinça ses lèvres et serra son sac contre elle. Je sentis mon portable vibrer dans ma poche et le sortis pour voir un message de Hunter qui me demandait où j'en étais.
— Vik, commença Edda.
— Je sais que je ne suis pas aussi présent que je devrais l'être. Je le sais, mais Edda, ma famille a besoin de moi. Mon Céracle a besoin de moi. Je ne peux pas simplement les mettre de côté.
— Je ne te demande pas ça, souffla Edda.
— Tu sais très bien que si je le pouvais, je viendrais, n'est-ce pas ?
— Tu ne peux pas juste disparaître de nos vies comme ça Viktor, soupira mon amie.
— Promis je ne disparais pas, d'accord ? Je dois juste m'adapter à ce nouveau rythme et surtout, je dois respecter les ordres d'Ephraim. Tu le sais mieux que n'importe qui. Si je vais contre lui, je risque d'être encore plus dans la merde.
— Je voulais juste avoir un peu de temps avec toi.
Je hochai la tête.
— Je comprends, mais tu sais aussi que je fais de mon mieux pour donner du temps à tout le monde. Et que ma propriété en ce moment reste Lilianne.
Edda ouvrit la bouche, mais elle s'arrêta quand je relevais mon portable vibrant. Je décrochai et Edda soupira.
— Oui Lili ?
— Tu es où ? On t'attend pour manger et j'ai faiiiim, maugréa-t-elle.
Je ris et pris la main d'Edda dans la mienne, ce qui surprit mon amie. Mais elle me laissa la traîner derrière moi sans un mot.
— On est en chemin vers la cantine. Garde-moi une place.
Edda retira sa main de la mienne quand nous arrivâmes dans la lignée des plateaux. Je pivotai vers elle et attrapai les éléments que je souhaitais au fur et à mesure que nous avancions le long des rails.
— Tu dois comprendre que ce n'est pas simple de notre côté, soufflai-je.
Edda haussa ses épaules.
— Je ne disais pas ça dans ce sens-là Vik. Je veux juste passer un peu de temps avec toi. On ne vous ni toi ni Hunter depuis...
Je retins un soupir. Depuis l'arrivée de Lilianne.
— Encore une fois, repris-je, tu dois comprendre qu'il faut qu'on s'adapte. Nous devons répondre à beaucoup d'attentes.
— Je sais. Mais je ne demande pas beaucoup non plus d'accord ? Juste une heure ou deux de ton temps.
A vrai dire, je ne voulais pas rajouter une couche sur sa demande qui entrait en conflit avec mon temps libre que je donnais à Lilianne. L'adaptation allait être compliqué, pourtant, je voulais être honnête avec Edda.
— Mon emploi du temps est serré en ce moment, admis-je.
— Tu veux dire que tes amis ne sont pas prioritaires sur ton temps libre c'est ça ?
Mon regard croisa celui de Lilianne au-dessus de l'épaule d'Edda. Elle se figea quand elle entendit le ton de ma meilleure amie. Je ne compris pas qu'Edda allait se lâcher un peu plus.
— Tu peux simplement dire que tu préfères passer du temps avec Lilianne plutôt qu'avec nous, soupira Edda. Au moins, on sera sur la même longueur d'onde.
Le visage de Lilianne s'affaissa un peu. J'ouvris la bouche pour répondre, mais Edda prit son plateau et me bouscula pour tenter de trouver la table où les autres s'étaient installé. Lilianne tenait une pomme dans sa main et ne semblait plus savoir où se mettre. Je me frottai la nuque et pris mon plateau à mon tour.
— C'est ma faute c'est ça ? souffla Lili.
De ma main libre, je caressai sa joue avec douceur.
— N'y pense même pas, murmurai-je.
— Est-ce que...
Je claquai un baiser sur sa joue pour l'arrêter et elle fit la moue.
— Cette histoire ne te concerne pas. Je réglerai le problème avec Edda.
— Mais elle a raison, remarqua Lilianne. Je vous prends tout votre temps. Je ne veux pas vous empêcher de vivre. Je ne veux pas vous empêcher de voir vos amis ou de continuer à faire ce que vous voulez.
Le brouhaha de la cantine m'agaçait. Je ne voulais pas avoir cette conversation-ci avec Lilianne, en plein milieu du passage et des regards qui ne manquaient pas de nous être lancés actuellement. Et si nous traînions trop, Hunter viendra nous chercher.
— Lili, tranchai-je.
Mon corps se rapprocha du sien et mon bras s'enroula autour de sa hanche. Son flanc se pressa contre le mien et ses doigts s'enroulèrent autour de mon épaule. Elle avait baissé les yeux vers sa pomme entre nous. Ma bouche contre son oreille, elle ferma ses paupières.
— Tu es notre priorité, à l'heure actuelle, murmurai-je juste pour elle. Si Edda n'est pas capable de le comprendre, alors elle ne peut pas être dans mes amis proches, ceux sur qui je peux compter et en qui je peux avoir confiance. Tu comprends ?
Elle se mordit la lèvre.
— Ephraim a été clair sur plusieurs règles et je les comprends, donc je vais les suivre. D'accord ? Peu m'importe la raison, tant que ça en résulte de ta sécurité, je suivrai les ordres. Si Edda ne peut pas comprendre ça, alors je ne peux rien y faire. Mais je ne te mettrais ni toi, ni Hunter en danger sous prétexte qu'elle n'accepte pas notre nouveau rythme de vie.
J'embrassai sa joue avec tendresse jusqu'à ce qu'elle laisse un rire s'échapper de sa bouche.
— Allons manger avant que Hunter ne grogne.
Ma main glissa dans son dos et elle nous guida jusqu'à la table. Edda nous observa arriver tous les deux et fronça ses sourcils. Il allait falloir que je prenne le temps de discuter à tête reposée avec elle. Que je puisse aussi lui rappeler que nous n'étions pas en couple elle et moi et que je n'avais aucune raison de m'excuser pour le temps passer ailleurs. Je n'avais pas de compte à lui rendre et en même temps, c'était ma meilleure amie, alors je voulais pouvoir être honnête avec elle sur tout ce que je vivais.
Hunter me jeta un coup d'œil. Il avait compris que quelque chose s'était passé. Je lui offrais un sourire franc et il se détendit un peu. Lilianne lui réclama son attention et je me retrouvai assis à entre Edda et Percy. Ce dernier m'embêta un peu, mais rien de bien méchant et je dévorai mon assiette.
Je dus repartir en cours assez rapidement. Edda, Percy et Jameson me suivirent pendant que Hunter, Lilianne et même Ombeline se dirigèrent vers l'autre côté du campus pour leur cours d'Histoire.
Edda sembla ailleurs le reste de la journée et j'eus dû mal à l'embarquer juste après notre dernier cours. Elle ronchonna et me rappela que je devais rejoindre Hunter et Lilianne pour rentrer rapidement. Sauf que j'avais prévenu les deux pour leur dire que je faisais un détour avec Edda. Percy haussa un sourcil quand cette dernière maugréa sur les mecs en général et je levai les yeux au ciel. Elle allait continuer à bouder comme jamais si je ne faisais pas quelque chose maintenant.
Je pris ma voiture et conduisis jusqu'à un fast-food où les milkshakes étaient divins. Edda maugréa sur les kilos qu'elle allait prendre si elle ne faisait pas attention, mais je la poussai quand même à s'asseoir dans le petit box sur la banquette molletonnée.
— Tu ne devais pas aller à l'UOP ce soir ?
— Si. J'irais après notre discussion.
— Je croyais qu'on avait tout mis au clair ce midi.
— Visiblement pas puisque tu continues à bouder, rétorquai-je.
Elle pinça ses lèvres et me laissa commander pour nous deux. Je savais ses goûts et inversement, ce qui était peut-être de trop, mais on se connaissait depuis quelques années maintenant, alors nous n'allions pas mentir. Ca ne servait à rien. J'attendis que nos milkshakes arrivent pour poser mes coudes sur la table et observer ma meilleure amie avec attention.
— Quoi ?
— Crache le morceau. Je sais que tu ne me dis pas toutes les raisons pour laquelle tu ronchonnes.
— Je ne ronchonne pas, se vexa Edda.
Je ris et pinçai son nez. Elle tapa dans ma main et finit par soupirer.
— J'ai cru comprendre avec Hunter que Lilianne ressentirait... beaucoup de choses en voyant d'autres filles avec vous. Qu'elle n'accepterait pas qu'on soit dans votre entourage parce que c'était ainsi qu'un Céracle fonctionnait. Que ce soit un homme ou une femme au centre, l'attraction est parfois trop forte.
— En clair ? marmonnai-je.
— Qu'elle est trop jalouse de moi pour accepter ma présence à côté de toi, clarifia-t-elle. Elle a l'air sympa, alors, je n'ai rien contre elle. Et puis, ce n'est pas comme si on pouvait faire mieux pour votre Céracle. J'en suis sûre. Je ne veux juste pas perdre mon meilleur ami.
Je posai mon menton sur ma main et haussai un sourcil.
— Tu es sûr que c'est elle qui est jalouse ? minaudai-je.
Edda me tapa sur l'épaule et je ris avant de m'excuser.
— On apprends encore à vivre avec les instincts qui découlent de notre Céracle, admis-je. C'est assez étrange et décontenançant. Y compris pour Lilianne. Surtout pour elle, car elle a appris à se débrouiller seule pendant plusieurs années. Devenir presque dépendante de nous n'était pas dans son agenda.
— Elle n'était pas dans son autre clan ?
— Non. Elle a fui son clan et maintenant, nous sommes responsables de sa sécurité.
— Ephraim l'est. Toi et Hunter vous n'êtes pas encore des adultes, vous n'avez pas à...
Je levai ma main.
— J'ai fini mon service à l'UOP, Edda. Je suis considéré comme un adulte.
Elle soupira.
— Et je suis responsable de Lilianne tout autant qu'Ephraim, Edda. Elle est notre Anamchara. Je ne peux plus le nier ou croire que ce n'était qu'une légende. Je ne ferais pas l'erreur de croire le contraire.
— Pourquoi est-elle jalouse alors ? Si elle est sûre de vous avoir pour elle pour le reste de sa vie ?
Je haussai un sourcil.
— Edda, soufflai-je.
— Ne fais pas ça, Vik. Tu m'as déjà dit qu'il n'y aurait rien entre toi et moi et je fais mon deuil sur ça. Je t'ai dit que notre amitié était plus importante pour moi que le reste.
— Alors pourquoi tu insistes ? Lilianne est mon Anamachara, Edda. Elle est devenue ma priorité à partir du moment où les gars l'ont ramenée. Elle n'aurait jamais dû disparaître de nos vies en premier lieu.
— Elle pourrait quand même vous laisser vivre, insista-t-elle.
— Elle nous laisse vivre, Ed'. Si tu ne le comprends pas, alors je ne peux rien faire de plus. Il faudra que tu fasses avec.
— J'essaye juste de comprendre. D'accord ?
— Je sais. Et j'essaye de t'expliquer. Le lien d'Anamchara n'a rien à voir avec ce qu'un Catalyseur peut ressentir. Rien du tout. Lilianne tente elle aussi de naviguer dans la nouveauté des sentiments qu'elle ressent. Et je veux que ma meilleure amie l'aide et la soutienne. Tu es ma meilleure amie, Edda. Je veux que tu sois toi aussi dans ma vie. Je comprendrais aussi que tu me dises que c'est trop pour toi et que tu préfères t'écarter pour te protéger. Tu le sais.
Elle grimaça et secoua la tête.
— Je n'ai pas envie de te perdre, Vik. Toi aussi tu es mon meilleur ami.
— Je ne peux pas te promettre que pour les prochains mois je serais aussi disponible qu'avant, mais je ferais mon maximum.
— Je parlerais avec Lilianne. Pour la rassurer.
Je ris et lui piquai sa paille pour boire son milkshake au chocolat. Elle s'indigna et me repoussa.
— Elle refait sa vie ici tu sais, remarquai-je. Elle a besoin de se faire des alliés, pas des ennemis. Et je suis sûr que vous pourriez très bien vous entendre toutes les deux.
— Vivement qu'Ephraim nous laisse revenir, qu'on puisse se refaire des soirées, soupira Edda.
— Je suis d'accord, grommelai-je.
On termina notre milkshake et on retourna à ma voiture. Je démarrai et jetai un coup d'œil à Edda. Elle me rendit mon regard, un peu plus détendue.
— Tu vas être sage ? minaudai-je.
Elle me frappa à l'épaule et je me rappelai au dernier moment ce qu'elle voulait devenir plus tard. Elle allait me laisser un bleu j'en étais presque sûr. La future instructrice de l'UOP.
— Roule. Ou tu vas être en retard. Pas envie que tu prennes une pénalité à cause de moi.
J'eus un grand sourire. Je lui tendis mon poing et elle me regarda en coin comme si j'étais idiot. Elle finit quand mêe par y cogner le sien avec un ricanement.
Edda était importante pour moi, comme le reste de mes amis. Je me devais de m'occuper d'eux, tout en gérant le reste de ma vie. Même si c'était compliqué au début.
Même si je devais perdre le peu de temps libre qu'il me restait. Le plus important restait la sécurité de Lilianne, de notre Céracle et par extension tous mes proches.
**
Alors pour Edda. On ne voulait pas en faire la pire amie trop reloue. On voulait qu'il y ait une réalité autour de leur amitié. C'est une amie qui perd un peu son meilleur pote et c'est la vérité : c'est toujours dur de s'adapter aux changements de priorités d'un ami. 👍
Ce n'est pas mal. Ce n'est pas non plus une connasse. C'est juste la réalité des amitiés ❤️ vous avez déjà vécu des situations comme ça ? 😘
La bise 😘
Taki et Ada'
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top