60 - Hunter

Je souris devant le message de Lili, alors que je l'attendais à l'extérieur du bâtiment depuis pas loin de vingt minutes. Est-ce que j'avais séché le sport ? Peut-être bien que oui, mais Ephraim ne dirait rien. Ou alors il grognerait juste un peu. Depuis notre retour la veille, nous étions tous un peu tendu. Avec ce qu'il s'était passé avec le Céracle de Zeus, rien de plus normal. Revenir sur le campus, au sein du Clan, c'était quand même un soulagement. Lilianne n'avait pas été très bavarde à notre retour et elle continuait d'être un peu sur la retenue. Rien de grave, seulement, ça ne me donnait pas envie de la laisser toute seule. Et a priori, je n'étais pas le seul. Mes yeux glissèrent sur le chien d'ombre au pied du banc sur lequel j'étais installé. Patrocle veillait, même de loin. Je ne voulais pas savoir ce qu'il avait fait aux enfoirés qui avaient joué un mauvais tour à Lili. Déjà qu'à la télé on parlait encore de la manifestation du pouvoir d'Orion, autant ne pas chercher plus loin.

On ne rigolait pas avec les Primordiaux que nous étions. Surtout pas avec nos trois aînés. Ils avaient eu de la chance dans leur malheur ; que ce soient Orion et Patrocle et non pas le Faucheur en personne. Là, la fin aurait été moins heureuse. Sans rire.

Ma peau me picota à l'approche d'un Primordial que je connaissais bien, mais qui était souvent synonyme de mauvaises choses.

Creed m'offrit un sourire confiant, les mains fourrées dans les poches. Il portait une veste ouverte qui dévoilait un t-shirt basique. Il arborait des piercings aux oreilles ainsi qu'un au niveau de l'arcade. L'animal à mes pieds observa venir le Primordial. Même aussi loin de Patrocle, la créature pouvait faire des dégâts. Pas inoffensive pour un sou, mieux valait ne pas s'y tromper.

Creed était un Manipulateur, un Marionnettiste et si d'ordinaire je trouvais ça plutôt cool, avec lui, je me méfiais.

— Hunt, me salua-t-il.

— Creed. Va ?

Il haussa les épaules, s'installa à côté de moi sans même prêter attention à ce qui se tenait là. Creed faisait partie de la mauvaise graine du Clan, de ceux qui voyaient en leur don un atout à utiliser contre autrui, une arme pour se faire entendre. Il tira un paquet de cigarettes de sa poche et me le tendit :

— T'en veux ?

— Nope, dis-je en insistant sur le p.

Orion fumait lorsqu'il était stressé, moi j'avais touché une fois à un joint, quelques autres à des clopes.

Il en tira une qu'il alluma. La fumée agressa mes narines, mais je ne bronchai pas.

— J'ai appris que tu faisais une croix sur ton service à l'UOP.

Qu'il le sache me surprit un peu, avant de me souvenir que sa sœur était à l'UOP. La famille de Creed était puissante, génération après génération. Malheureusement, certains étaient des anti-Clans notoires. Ils ne voulaient pas reconnaitre l'autorité d'Ades. Ne voulaient pas avoir à croiser les autres Clans sans rien pouvoir y faire.

Ce n'était pas passif comme comportement, loin de là. Creed tenait des propos limites et rares étaient ceux qui l'arrêtaient.

— Ouais, répondis-je.

— C'est dommage vu ce que tu trimballes avec toi, tu crois pas ?

Je haussai les épaules.

— Je ne vois pas ça comme ça.

— Tu devrais venir traîner avec nous. Viens avec Zero la prochaine fois. C'est presque un habitué maintenant.

Je fronçai les sourcils. Zero ? Traîné avec Creed et sa bande ? Ça ne lui ressemblait pas, mais le problème avec des types comme Creed, c'était qu'ils savaient toucher la corde sensible, qu'ils savaient vous parler. Nous étions jeunes et trop d'entre nous voulaient autre chose que ce que le Clan leur offrait.

Est-ce que je le comprenais ?

— J'y penserai, ouais, grommelai-je.

Refuser ne ferait que l'attirer. Mon don n'était un secret pour personne. Pas l'aspect métamorphe, non, l'autre. Il avait essayé avec Viktor, mais disons que Vik et moi n'avions pas les mêmes façons de gérer un problème. Quelque chose comme ça.

— Et elle alors ?

Il parlait de Lili, qui arrivait, plus loin, ses pieds dévalant les marches. Elle paraissait joyeuse. En même temps, difficile de sortir en faisant la gueule du bureau d'Ace. Elle portait une robe qui me donnait juste envie d'empoigner son cul. Depuis ce que nous avions fait avec elle, Vik et moi, j'étais peut-être un peu en ébullition tout le temps. Patrocle aurait dit que c'était l'apanage de la jeunesse et il n'aurait peut-être pas eu tout à fait tort.

— Elle vient d'arriver, laisse la tranquille, dis-je.

Un sourire joua sur la bouche de Creed. Il souffla sa fumée.

— Tu sais c'que j'pense du changement, Hunt. Et si elle est vraiment une Anamchara, c'est bon pour nous.

Je serrai le poing. Je ne voulais pas qu'il s'approche de Lili. Ou de moi d'ailleurs. Mais Creed ne faisait bien que ce qu'il voulait.

Il sauta à bas du banc et s'éloigna avant que Lili n'arrive à ma hauteur.

— Je ne t'ai pas fait attendre trop longtemps ? me demanda-t-elle.

Elle vit alors le chien d'ombre, se pencha, comme pour le caresser.

— Patrocle ? souffla-t-elle.

Je hochai la tête.

— Nous avons de la chance qu'il n'ait pas envoyé Zeke.

— J'aime beaucoup Zeke, dit-elle.

— Moi aussi, mais qu'est-ce qu'il est bavard !

Je tendis le bras pour venir caresser sa joue. Elle se laissa faire. Parce que c'était moi. Parce que c'était elle.

— Tout s'est bien passé avec Ace ?

— Il est gentil. On a beaucoup parlé. C'était... bien.

Je me levai et attrapai sa main.

— Tant mieux. Il faut que je passe à la bibliothèque, tu viens avec moi ?

Elle hocha la tête et me suivit, sa main dans la mienne. Je souriais comme un idiot, parce qu'il ne m'en fallait pas plus pour être heureux.

L'avoir là, avec moi.

La savoir en sécurité. Avec nous.

Je ne pouvais pas faire comme si les dernières années n'avaient pas existé, mais depuis son retour, rien n'avait changé.

Nous avions grandi, ça c'était sûr, mais Lili restait Lili et ça m'allait. Elle était le centre de quelque chose qui me dépassait, mais en lequel Ephraim et Patrocle croyaient. Orion, c'était... compliqué.

Dans le hall du bâtiment qui abritait la bibliothèque, madame Chen nous observa passer sans nous arrêter. Il y avait du monde forcément. C'était silencieux, comme d'habitude.

Je lâchai Lili qui se mit à déambuler entre les rayons, ses doigts venant par moment caresser la tranche d'un livre. Je l'observai du coin de l'œil, parce qu'il était dur de ne pas être attiré par elle, par chacun de ses gestes.

C'était magnétique.

Juste impossible à ignorer en fait.

Je finis par m'arracher à elle, quand même, et cherchai les livres dont j'avais besoin. Il y avait une section qui concernait les dons de chaque Clan et je voulais surtout mettre la main sur un vieux bouquin qui traitait des vieilles lignées des Jacobsen.

Est-ce qu'Ephraim et les autres savaient de quoi Lili était capable ?

Est-ce que je pouvais trouver quoi que ce soit d'utile me concernant entre les pages d'un de ces livres ? Je ne voulais pas discuter de tout ça avec Ades, même s'il était sûrement le mieux placé pour m'en dire un peu plus. Ephraim devait savoir aussi. Il se renseignait sur nos dons depuis le début. Pour éviter les mauvaises surprises.

Mais pas les accidents.

Je retrouvai Lili un peu plus loin, sur la pointe des pieds pour tenter de remettre un livre sur son étagère. Je me pressai contre son dos.

— Ne fais pas le malin, chuchota-t-elle.

— Juste un peu.

Je l'embrassai sur la joue, content de moi.

Il était encore tôt lorsque nous débarquâmes à l'UOP en ce samedi matin. Lili avait simplement attaché ses cheveux quand Viktor était déjà changé, prêt à s'entraîner et à suer un peu. Nous étions venus tous les trois cette fois, même si je sentais Zeke par intermittence. Venir ici en tant que presque recrue, c'était quand même quelque chose.

Rune et Thora nous attendaient, en compagnie de deux autres instructeurs du centre. Des visages connus, je me souvenais d'eux pour avoir formé la promo de Viktor à l'époque. Ces deux années étaient passées à toute vitesse, mais je savais qu'il ne m'avait pas tout dit. Qu'il ne le ferait certainement pas et que savoir que je n'irais pas le soulageait.

J'accompagnai Lili dans les vestiaires et nous nous changeâmes rapidement.

Les jumeaux décidèrent de nous faire transpirer dès le début et si je pouvais largement tenir cette cadence, tout comme Vik, ce n'était pas le cas de Lili. Mais c'était exactement le but. Avant de penser à son don, il fallait penser à elle, à son bien-être et après avoir été dans la rue pendant trois ans... c'était tout un apprentissage.

Nous la voulions tous en forme, prête à faire face à n'importe quoi, à n'importe qui.

— J'aimerais apprendre à lutter contre l'illusion, dit-elle à un moment, alors que nous prenions un petit moment de pause avec Rune.

Cette dernière se tapota la bouche.

— Orion serait un très bon professeur. Ce n'est pas qu'il est immunisé, mais on va dire que ce qu'il est l'aide beaucoup. Il faudrait que tu lui demandes.

Lili fit la moue.

Ouais, Orion quoi.

Lorsque nous reprîmes, Thora m'entraîna un peu en retrait, histoire de laisser de l'espace à Vik, Lili et Rune.

Viktor gérait son pouvoir et il était déjà en forme, sa présence servait un autre but. Moi, question forme physique, c'était bon aussi, cependant pour le reste...

— Pourquoi je ne m'entraîne pas avec Rune qui est aussi une Métamorphe ? finis-je par demander.

— Est-ce que tu as besoin de Rune ?

— Pas vraiment, répondis-je avec un sourire. Cet aspect-là, je gère.

— Alors tu as ta réponse. Tu as un autre don qui ne s'est pas vu dans le Clan depuis... sûrement avant la naissance d'Ades. Ce qui fait de toi un élément important.

— Je ne contrôle pas ce don, marmonnai-je. La seule fois où... cette chose est sortie, ça ne s'est pas très bien fini.

Je grimaçai.

Thora m'invita à m'asseoir au centre du tatami avant d'en faire de même.

— Les Jacobsen ont toujours été menés par un Primordial qui tire son pouvoir des Enfers. Un Primordial qui est intrinsèquement lié à la mort.

— Comme un Faucheur tu veux dire ?

Thora hocha la tête.

— Nous sommes le Clan de la mort et de l'obscure. En tout cas, c'était ainsi qu'on parlait de nous avant. Tu sais ce que l'absence d'Anamchara a entraîné : la perte de beaucoup de nos lignées les plus puissantes. Il en est de même pour les autres Clans. Et au lien d'apprendre à nous faire la guerre, nous avons dû apprendre à vivre ensemble pour perdurer. Les Infernis, à cette époque, étaient très utiles. Mortels. Très peu ont été capables d'en appeler à Cerbère.

— Ce n'était peut-être pas plus mal.

Thora secoua la tête.

— Cerbère est une partie de ton don que tu ne peux renier, Hunter. Il grandit en même temps que tu grandis, c'est pour ça que la première et seule fois où il est sorti, ce n'était presque qu'un... chiot.

— Et tu as vu les dégâts qu'il a fait ? soufflai-je.

— C'est pour ça que je suis là et toi aussi. Tu es un Inferni et tu vas devoir apprendre à être le chef de meute. C'est ce que tu es. Ni plus ni moins. Cerbère n'est... qu'une arme. Un chien ne mordra jamais la main de son maitre.

Mais celle d'Ephraim, si ?

Et s'il arrivait quelque chose à Lili ? Et aux autres ?

— Je ne sais pas... les invoquer. Ni Cerbère, ni les autres.

Les chiens de l'Enfer.

— Ça viendra. Avant de nous concentrer sur tout ça, je veux qu'on apprenne à faire appel à ton feu et qu'on voie ensemble quelles sont tes limites. Si tu en as.

J'observai mes paumes.

Inferni.

D'abord le feu, puis la chasse sauvage, c'était ça ? Un vrai jeu d'enfant. Putain

**

Hunter va devoir commencer à prendre en main son dos s'il veut soutenir son Ceracle ❤️

Nous attaquons les dix derniers chapitres de cette histoire. 😢

La bise 😘

Taki et Ada'

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