51 - Orion

Les regards figés à jamais des quatre Primordiaux morts ne cessaient de me rendre mes œillades. Je ne voulais pas me contenter de savoir qu'ils étaient morts. Je voulais savoir comment, parce qu'à un moment ou à autre, nous aurions besoin de savoir quel était le don de Lilianne. Nous étions trop puissants séparément pour qu'elle ne soit rien d'autre que quelque chose de commun. Ephraim ne disait rien, mais je connaissais sa manière de penser, d'avoir mille et un coups d'avance.

Lilianne avait tué ces Primordiaux.

Zeus avait enterré l'affaire et laissé fuir sa petite-fille. Ce point-là me dérangeait plus que les autres. Je voulais creuser, je voulais savoir.

Avait-elle trop de Jacobsen en elle et pas assez de Matras pour qu'il se dise qu'il ne perdait rien à la laisser disparaître dans la nature ?

Je pris le cliché de Vixen. Un bâtard de la pire espèce que j'étais bien content de savoir six pieds sous terre.

Mais comment ?

Qu'est-ce qu'il s'était passé ? Jamais je ne serais allé au un contre un face à Vixen. Pas en étant fair-play en tout cas. Ce genre de bâtard aimait la foutre à l'envers.

Aimait baiser des enfants.

La bile remonta dans ma gorge.

J'entendis les voix de Viktor et Hunter derrière la porte de la chambre que j'occupais. Plus une sorte de petite suite d'ailleurs. Ce penthouse était démesuré. Je ne voulais pas qu'ils me voient avec le dossier de Lilianne. Avec tout ce que nous savions sur elle.

Tout était là, en copie aussi sur l'ordinateur d'Ephraim ainsi que sur celui de Patrocle.

Patrocle avait mis la main sur pas mal de choses la concernant ; surtout sur ce qu'elle avait fait ces trois dernières années, avec qui elle avait été. Il savait fouiller. Et une fois qu'ils l'avaient trouvée avec Ephraim, il avait été simple de trouver des informations.

C'était presque trop facile.

Comment est-ce que Patrocle n'avait-il pas pu la trouver plus tôt ?

Comment est-ce qu'il avait pu mouliner à ce point ces dernières années ? Comme quoi, parfois, il s'agissait juste de mauvais timing.

J'avais mis quelqu'un sur cette affaire de Primordiaux disparu en même temps que Lilianne avait fuguée. Le Clan Matras était très bon pour garder les informations importantes en sa possession.

Il vivait en autarcie ; en tout cas le cercle de Zeus. Et ces quatre porcs en avaient été, forcément, sinon ils n'auraient pas été choisis pour composer le Céracle officiel.

Avant que Lilianne ne se protège.

Parce qu'ils avaient voulu la violer pour forcer le lien.

La violer.

Comme l'avait dit Patrocle, son don avait jailli à ce moment-là. Tout comme Zeke était né pour protéger Patrocle, le don de Lilianne l'avait sauvée.

Des monstres.

Maintenant que je savais ça, maintenant que je savais tout ça, je me sentais idiot.

Mais la colère demeurait, vicieuse à l'intérieur de ma poitrine.

Parce que si Lilianne disparaissait encore, Vik et Hunt ne s'en remettraient pas. Et c'était Ephraim qui en paierait encore le prix.

Si nous ignorions tout de son don de Primordiale, comment faire pour que ça ne se transforme pas en catastrophe ? Hunter ne gérait pas du tout ce qu'il possédait en lui et Viktor... craignait son don.

Ils avaient assez à gérer pour en rajouter une couche.

Et Lilianne était cette couche.

— Oriiiiiiion !

Hunter ouvrit la porte sans frapper. Maudit gamin. Je ne touchai rien ; ce serait trop suspect et il deviendrait curieux. Je levai les yeux vers lui.

— Quoi ?

— On veut aller à la plage, seulement je me doute que lorsqu'Ephraim a dit « au moins deux d'entre nous » avec Lilianne, il ne parlait définitivement pas de Vik et moi. Donc...

— Je déteste la plage, grognai-je.

— Lilianne veut y aller. Donc je veux y aller et Vik aussi. Toi, on s'en fiche, il faut juste que tu nous accompagnes pour que papa Ephraim soit content. Tu peux faire ça, Orion ?

— Putain, mais t'as bouffé quoi pour être autant sur pile ?

Il n'était pas si tard et ils avaient traîné devant un film, alors côté quota de sommeil, il pouvait faire mieux.

— On t'attend.

Et il fila sans refermer la porte. La plage, sérieux ? Alors que le gala était demain soir et que je ne pouvais rien laisser passer parce que nous y serions tous.

Lilianne.

Les autres Céracles.

Ces bâtards de chefs de Clans.

Bref, toutes les merdes possibles concentrées au même endroit.

— Oriiiiiiiiion !

— Ouais, ouais, ça va, grommelai-je.

Je remis les photos dans le dossier et allai me changer pour une tenue plus décontractée. J'allais brûler au soleil de toute manière ; cette ville, mon putain d'enfer personnelle. Autant je supportais la chaleur de L.A parce que j'y vivais depuis toute ma vie, mais cette moiteur dans l'air à Miami avait de quoi me tendre.

Je passai un bermuda et un t-shirt avant de les rejoindre dans l'entrée. Viktor portait un sac où ils avaient fourré des serviettes et Hunt était en train de mettre son chapeau à Lilianne.

Ces trois-là...

— Promis, on n'y reste pas des heures, lâcha Hunter, qui connaissait très bien mon degré de patience.

Lilianne me jeta un coup d'œil avant de tourner son attention vers Viktor.

Son goût s'attardait sur ma bouche.

Ma queue tressauta.

Un putain de puceau.

Je savais que les garçons voulaient l'occuper en l'absence d'Ephraim et Patrocle. Pour lui faire oublier qu'en cet instant, ils étaient en compagnie de ce bon vieux Zeus.

Cher papi.

Qui garderait le plus longtemps son sang-froid ? Ephraim ? Patrocle ? Zeke devait être vert.

Je conduisis la joyeuse troupe à la plage la plus proche. Il y avait du monde, mais pas autant qu'on aurait pu le penser.

Lilianne se délesta de son paréo une fois les pieds plongés dans le sable et elle resta ainsi quelques longues, longues secondes.

J'avais vu l'appartement où elle avait vécu avant que Patrocle ne la trouve.

J'avais vu les coins où elle dormait dans la rue avant cet appartement.

C'était inscrit sur ma rétine.

Sur celles de Patrocle et Ephraim.

Elle n'était pas avec nous depuis très longtemps, n'irait nulle part ailleurs.

— Lili !

Hunter était déjà dans l'eau, l'idiot. Il souriait et attendait que sa Lili le rejoigne. Moi, j'observai son cul, je laissai mes yeux glisser sur ses os qu'on voyait bien trop.

Sur elle.

Je me sentais comme un con depuis la veille.

Depuis toutes les horreurs que ces garces de Catalyseurs lui avaient dites. J'aurais dû m'excuser. Mais non.

Parce que j'étais un connard.

Je vis Viktor du coin de l'œil ; elle non. Son cri résonna lorsqu'il la souleva pour courir dans l'eau. Il s'y jeta avec elle et je retins un sourire.

Je pouvais me cacher derrière ma colère.

Je pouvais me cacher derrière ma mauvaise humeur.

Mais je ne pouvais pas oublier ce baiser.

Sa saveur.

Son pouvoir sur ma peau.

Mon envie d'elle.

Alors que les enfants barbotaient dans l'eau depuis ce qui me semblait être des heures, je reçus un message de Patrocle qui me faisait un rapide topo de la réunion inutile à laquelle ils avaient participé.

Les Clans veulent des preuves du fait que Zeus a voulu lier une Primordiale.

Zeke apparut.

Et comme Lilianne était la seule à pouvoir en parler et que personne ne l'écouterait comme nous, Zeus savait que nous n'avions rien.

Pour le moment.

— Ce sale chien, soufflai-je.

Ephraim s'attend à une visite de sa part avant le gala.

Donc ce soir ou demain dans la journée.

— Génial.

Zeke se tourna vers moi.

La prochaine fois que tu la laisseras pleurer sans rien faire, je t'éventre.

Et il disparut.

Ouais, il était d'une humeur de chien. En même temps... il n'avait pas tort.

Lilianne revint avec les garçons qui s'étalèrent sur leur serviette.

— Il faut que j'aille faire pipi, souffla-t-elle.

— Pourquoi t'as pas fait dans l'eau ? lui rétorqua simplement Hunter, très sérieux.

Elle le regarda avec de grands yeux, comme si l'idée en elle-même était incongrue. Il n'y avait que Hunt pour sortir ça comme ça, sans pression.

Faire pipi dans l'océan. Sérieusement.

— Il y a une boutique là-bas, dis-je. Allons-y.

Elle ne broncha pas. Elle passa son paréo par-dessus son maillot deux pièces, attrapa ses sandales qu'elle garda à la main et mon regard indiqua aux garçons d'être là à notre retour, sinon ça irait mal.

Marcher dans le sable était une horreur et derrière moi, Lilianne grommela à plusieurs reprises. Lorsque nous fûmes sur ce bon vieux bitume, j'ai tout juste le temps de tendre le bras pour empêcher Lilianne de s'étaler.

— Pardon, glapit-elle.

Je n'avais pas envie de la lâcher.

Je n'avais pas envie d'avoir cette pensée.

Je la sentis vouloir récupérer son coude, mais non. Non.

— Orion.

Mon prénom dans sa bouche était une tentation insoutenable.

Aberrante.

— Il y a beaucoup de choses que je peux comprendre maintenant, mais pas pourquoi tu me détestes.

Ses mots eurent le don de me faire reculer. Elle ne m'avait pas regardé en disant cela.

— Regarde le visage d'Ephraim un peu mieux alors, soufflai-je.

— Je n'ai pas choisi d'aller chez les Matras.

— Mais tu as choisi la fugue.

— Parce que je-je ne savais pas ! Je suis restée des années sans nouvelles des garçons lorsque j'étais chez Zeus alors pourquoi est-ce que j'aurais voulu revenir ? J'avais beau écrire des lettres, personne ne répondait.

Des lettres ?

— T-tu n'as pas le droit de m'en v-vouloir autant.

— Tu crois ? taclai-je, mauvais.

Mauvais.

Mauvais.

— Va en enfer, souffla-t-elle alors.

J'y étais, putain.

Avec elle ici, j'étais en plein enfer ! Ne le voyait-elle pas ?

NE LE VOYAIT-ELLE PAS ?!

Elle me passa devant, son pouvoir venant picoter ma peau. J'étais un abruti.

Le dernier des connards.

Tuez-moi.

J'agis sans réfléchir plus loin. Mes doigts agrippèrent son poignet pour la forcer à venir contre moi.

Contre mon putain de corps tendu à l'extrême.

Ses yeux étaient remplis de colère. Contre moi.

— Si tu m'embrasses, je te mords, gronda-t-elle, très, très sérieuse.

— Peut-être que c'est ce que je veux.

— Lâche-moi.

Non. Je n'en avais pas envie.

Ma peau contre la sienne me brûlait.

— Tu vas crier ?

Mon souffle sur sa bouche. J'étais si... proche.

Je la détestais.

— Je vais écraser mon genou contre tes couilles.

J'éclatai de rire.

Simplement.

Un rire spontané, amusé.

Qui la prit de court.

Qui la laissa la bouche entrouverte de surprise.

Pas si connard que ça finalement, hein ? 

**

Pas si connard ouais heeeeeein 😂😂

La bise 😘

Taki et Ada'

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