44 - Ephraim

Installé derrière mon bureau au casino, je soupirai. Le message d'Orion était clair pourtant. Ades montait. Je me redressai et lissai ma cravate. Nous partions demain à Miami. Rune m'avait envoyé son rapport sur les capacités de Lilianne à se défendre. Il était catastrophique. Elle ne savait clairement pas se défendre ni se battre d'ailleurs. D'après Rune, elle n'avait eu aucun cours sur ça. Elle avait une forme physique maintenue en revanche. Il y avait aussi une ligne qui indiquait la création et la préparation d'un programme de nutrition que Lilianne avait réclamé. J'aimais cette ligne, cela voulait dire qu'elle souhaitait prendre soin de son corps et reprendre du poids.

Je fermai le mail de Rune pour voir Ades rentrer dans mon bureau, accompagné d'Orion. Ils discutaient avec quelques gestes de la main pour finalement s'arrêter devant mon bureau.

— Ne vous entretuez pas, ordonna Orion avec une grimace.

— Tu as toujours été son préféré, normal que tu sois encore en vie, sifflai-je.

Orion me fit un clin d'œil et je levai les yeux au ciel. Ades s'installa dans le fauteuil de l'autre côté de mon bureau.

— J'ai beaucoup de sujets à traiter avant de partir, remarquai-je. Fais vite, sinon, je m'occuperais de tes demandes la semaine prochaine.

— Ephraim, ne sois pas si ronchon.

— Mon Chef de Clan croit déjà que j'ai pris sa place, alors il me force à aller à des endroits où il est censé aller. Contre mon gré.

Ades rit dans sa barbe et se frotta le menton.

— Je venais prendre la température avant Miami.

— Tu sais que c'est une erreur de nous envoyer là-bas, rétorquai-je. Pourquoi venir parler de ça ?

— J'ai besoin de savoir si vous êtes tous prêts à vous rendre là-bas. Surtout Lilianne.

— Pourquoi te soucis-tu de son bien être seulement maintenant ? Je gère tout ce qui doit l'être.

— J'ai reçu ta demande pour reprendre l'autorité parentale de Lilianne.

Je hochai la tête. L'avocat du Clan m'avait dit que nous avancions très bien de ce côté-là. Que les charges contre Zeus pour maltraitance étaient arrivées à lui et qu'il allait perdre son autorité de toute façon. Nous étions juste en train d'assurer la sécurité de Lilianne en s'accordant sur qui détiendrait des droits sur elle jusqu'à ses vingt et un ans.

— Surtout, pas d'interférences, grognai-je. Le Clan sera nommé représentant Adhoc pour elle. À ses vingt-et-un ans, elle sera libre de tout ça.

— Tout à fait, acquiesça Ades. Je ne suis pas là en ennemi, Ephraim. Tu devrais le savoir depuis le temps.

— Alors pourquoi ne me crois-tu toujours pas sur Lilianne ? Pourquoi n'acceptes-tu pas qu'elle est notre Anamchara ? Pourquoi nous envoies-tu à Miami, avec tous les autres faux Céracles de ce peuple ? Elle n'est pas un Catalyseur et tu nous forces à la placer comme telle.

— Tu es très doué pour faire valoir tes idéaux, fils, grogna Ades.

Je grimaçai. Je n'aimais pas quand il m'appelait ainsi. Il le faisait depuis toujours. Depuis qu'il avait compris que je portais un Faucheur en moi. Ades était très heureux d'avoir un Clan avec des pouvoirs offensifs pour la plupart. Et il était encore plus ravi d'avoir des lignées qui renaissaient.

Les Faucheurs.

Les Infernis.

Les Scarificateurs.

Les Chuchoteurs.

Les Spectres.

Patrocle n'était que la cerise sur le gâteau. Et je ne savais pas encore ce que Lilianne était. Alors comme ça !

— Je n'ai pas envie de les faire valoir, sifflai-je en retour, agacé par tout ça. Tu devrais être fier de nous avoir en Céracle.

— Vous n'en êtes pas encore un, contra Ades, plus froid à présent.

Je me levai lentement et posai mes mains sur mon bureau.

— Je ne vais pas violer Lilianne sous prétexte que tu as besoin d'avoir un Céracle puissant et autonome maintenant. Tu sais très bien que ça ne fonctionne pas comme ça.

— Tout de suite dans l'extrême, soupira Ades. Si j'ai bien compris et de ce que j'entends, elle est déjà très protectrice de Viktor et Hunter. Je ne serais pas étonné qu'elle t'ait demandé d'éviter Zeus. Après tout, elle le connait mieux que n'importe qui d'entre nous ici présent. N'est-ce pas, Zeke ?

Ce dernier apparut à ma droite. Ses bras étaient croisés sur son torse, ses bandelettes volaient doucement. Il n'aimait pas Ades. N'aimait pas la convoitise qu'il voyait dans ses yeux. Patrocle était une chose, Zeke une autre. Ades le comprenait de plus en plus et essayait de s'en servir au maximum.

— J'ai besoin de savoir ce qu'elle est, Ephraim, souffla mon Chef de Clan. J'ai besoin de savoir la lignée qu'elle a rouverte. Vous en avez tous rouvert une. Je ne peux pas me permettre de voir une Anamchara comme elle faible.

— Elle a tué quatre Primordiaux puissants et tu la trouves faible ? Sans même être liée à nous ?

Ades agita sa main et Zeke grogna.

Qu'est-ce que tu cherches comme information exactement ? souffla l'Ombre. Nous ne sommes pas à ta disposition pour des petites expériences.

— Et pourtant, reprit Ades, une petite frayeur pourrait suffire à savoir ce qu'il se passe dans cette jolie tête.

Je me figeai et Zeke vibra à côté de moi.

— Ne t'amuse pas à faire n'importe quoi avec notre Anamchara, Ades. Ou je ferais en sorte que tout le monde ait peur de nous. Toi y compris.

— Ça ne titille pas ta curiosité, Ephraim ? souffla Ades. Quatre Primordiaux puissants de Zeus se sont fait raser de la surface de la Terre par cette enfant. Et tu ne poses pas la question ?

Je serrai mes poings le long de mon corps. Quand Hunter avait laissé les flammes sortirent, juste avant, Lilianne avait frappé la table. Une vieille table en bois, épaisse et solide. Elle l'avait frappée et brisée en deux. Je ne pouvais pas en parler à Ades. Il chercherait, fouillerait encore plus.

— Quand Lilianne sera prête à en parler, je te le ferais savoir. En attendant, ne t'approche plus d'elle.

— C'est un membre de mon Clan. Je prends soin d'eux, Ephraim. Tant que tu n'auras pas pris ma place, je pourrais faire ce que je veux.

— N'essaye même pas, sifflai-je.

— L'époque où tu m'écoutes me manquerait presque, soupira Ades.

Je haussai mes épaules.

— Tu aurais dû me laisser à mes parents dans ce cas-là, rétorquai-je, un peu piqué au vif.

— Sais-tu à quel point j'étais heureux qu'un Faucheur naisse parmi nous ?

— On parle de Vik ? On parle d'Orion ?

— Ce ne sont pas des lignées qui sont recherchées, même si à mes yeux, ils sont très importants. Et ils sont encore vivants simplement à cause de ma curiosité, Ephraim.

— Ne joue pas à ça, soufflai-je, en colère à présent.

Ades se leva.

— Tu sembles oublier que personne au conseil qui régit ce Clan n'aime cette situation. Un Faucheur. Un Inferni. Un Scarificateur. Un Spectre et une sang-mêlée dans un même Céracle. Je me bats chaque jour pour qu'on vous laisse en paix au lieu de vous séparer.

— Laisse-moi venir aux réunions du Conseil et je ferais valoir notre utilité, grognai-je.

Je n'aimais pas ça. Comme je n'étais pas encore quelqu'un de haut placer dans la hiérarchie, je ne pouvais pas assister aux séances du Conseil. Chaque Clan en avait un, avec tous les vieux et les puissants dedans. Comme j'étais l'héritier désigné d'Ades, je devais attendre de prendre ma place pour y participer.

— Edana aimerait te voir pour parler de ça, d'ailleurs, remarqua Ades. Elle m'a contacté pour faire ça dans les règles, mais je suppose qu'elle viendra à toi bientôt. Si ce n'est pas déjà fait.

Edana, la Cheffe du Clan Hajek, les créateurs de Catalyseurs. Si quelqu'un se souvenait en détail des Anamcharas, ce serait elle. Je n'avais pas encore de message la concernant, mais je savais qu'éventuellement, j'allais devoir lui rendre une petite visite.

— Vous êtes le premier vrai Céracle depuis des siècles, Ephraim. Et vous réveillez des lignées depuis longtemps éteintes. Vous ne passerez pas inaperçus.

Il pivota, prêt à partir avant de me jeter un coup d'œil par-dessus son épaule.

— Je ne veux pas que vous passiez inaperçus à cet évènement. Je suis clair ?

Et il s'en alla en agitant sa main pour nous saluer.

Je me laissai tomber sur ma chaise. Zeke referma ses doigts sur mon épaule pour m'offrir un minimum de soutien, mais il ne comprenait pas encore les conséquences de ce qu'Ades venait de dire.

Je finis par rentrer à la maison avec mon ordinateur et quelques dossiers que je ne pouvais mettre de côté durant notre semaine à Miami. Je vérifiais que les demandes pour l'école avaient été envoyés concernant Viktor, Hunter et Lilianne. J'espérais que ça ne bousculerait pas trop leurs examens si jamais ils avaient dû en avoir. Je détestai faire manquer l'école aux garçons, et encore plus à Lilianne si elle avait un peu de retard. Orion gara la voiture et nous sortîmes ensemble.

— L'avion décolle demain matin à six heures. J'espère que tout le monde a mis son réveil, maugréa-t-il.

Il claqua la portière de sa hanche, les bras pleins de sacs. Je grimaçai. Ça nous laissait quatre heures de sommeil. Autant ne pas dormir à ce stade.

— Je vais préparer ma valise.

— Dormir ne servirait à rien clairement, soupira Orion.

Nous avions fait bien pire. Quand nous entrâmes dans la maison, elle était silencieuse. Tout le monde dormait.

— Un café avant ? me proposa-t-il.

Je hochai la tête. Il faudrait au moins ça pour survivre. Je posai mes affaires et allai d'abord vérifier comment les autres allaient. Je me penchai pour voir Patrocle peindre. Ses écouteurs sur ses oreilles. Je le laissai tranquille et grimpai à l'étage. Je poussai doucement la porte de la chambre de Viktor. Je croisai mes bras, mon épaule contre le chambranle. Hunter était de dos, tout à gauche du lit, son bras pendait dans le vide. Lilianne était pressée contre son dos, presque roulée en boule, son front entre les omoplates de Hunt. Viktor, tout à droite, était étalé sur le dos, une de ses mains dans les cheveux de Lilianne. Ils dormaient tous les trois profondément. Rassuré de les voir comme ça, je descendis et acceptai le café offert Orion. Je sentais son stress augmenté au fur et à mesure que les heures passaient.

Nous sortions de notre zone de confort et de sécurité. Nous allions devoir être très prudents. L'hôtel dans lequel nous allions être faisait partie d'un complexe en lien avec un de mes casinos basés là-bas. Ce serait déjà moins tendancieux, mais quand même dangereux.

Orion fila prendre une douche et je me traînai dans ma chambre pour faire ma valise. Quand je fus satisfait, je regardai l'heure et grimaçai. Il était trois heures passées. Le réveil sonnerait dans moins d'une heure pour que nous puissions prendre la route de l'aéroport et être à l'heure.

Je retirai mes vêtements pour les déposer dans le bac à linge sale. Je fis couler l'eau et me glissai sous le jet chaud. Mes mains sur le carrelage en face de moi, je tentais de ne pas paniquer pour tout cet évènement.

Et si Zeus croisait Lilianne ?

Et s'il tentait de nous la prendre de nouveau ?

J'aurais vraiment aimé être détenteur de la garde de Lilianne. Si Zeus faisait venir les flics, je n'étais pas sûr de réussir à me contrôler. Je sentis mes yeux changés lentement, puis un bruit retentit. La porte de ma salle de bain s'ouvrit et bientôt, Lilianne poussa la porte vitrée de la douche.

Nue, elle se pressa contre mon dos, ses bras autour de mes hanches. Je restai sans bouger quelques secondes et savourai son corps contre le mien. L'apaisement que ça m'apportait. Son pouvoir rampait sur moi et picorait ma peau. J'adorais cette sensation. Comme si son pouvoir lui-même me reconnaissait, mais moi je n'arrivais pas à le définir. Typiquement, les Ombres de Patrocle me parvenaient comme froides, mais protectrices. Le pouvoir d'Orion mordait, mais il portait sa fréquence, comme si j'arrivais à savoir que c'était son pouvoir et pas celui de quelqu'un d'autre. Hunter et Viktor avaient eux aussi une signature bien particulière.

Mais celui de Lilianne. Il était incroyable. Et tout aussi inconnu à mes yeux, preuve que je n'avais jamais rencontrée de pouvoirs comme le sien.

Je ne dis rien et me contentai de pivoter entre ses bras. Elle garda ses yeux fermés, son visage contre mon torse. Je glissai ma main sous son menton et pressai mes lèvres contre les siennes.

Quand ses paupières s'ouvrirent, je vis les deux couleurs qui se battaient en elle. L'or et le noir. Matras et Jacobsen.

— J'ai peur, murmura-t-elle d'une voix tremblante.

Sa confession resserra quelque chose en moi. Ce besoin de la protéger. De la garder entre mes bras pour toujours.

— Je sais ce que je peux perdre maintenant, souffla-t-elle contre ma peau. Je sais ce qu'il peut me prendre. Je sais les conséquences que ça peut avoir sur vous.

Je pressai mon front contre le sien.

— Nous sommes les monstres dans l'histoire, chuchotai-je contre sa bouche. Tu n'as pas avoir peur. Ils seront les seuls à trembler.

Je plongeai ma langue dans sa bouche et elle gémit. Ce son me fit grogner, mais nous n'avions pas le temps de faire plus. Elle me laissa la laver et je n'évitais pas son sexe. Au contraire. Elle finit tremblante et haletante à la sortie de la douche. En feu.

Lilianne me piqua quelques vêtements et je la vis fuir enrouler dans une serviette. Je retins un sourire et me changeai. Il était temps de réveiller tout le monde et de bouger. Tout le monde était groggy sur ce réveil tôt, mais chacun récupéra sa valise et la glissa dans les voitures attitrées. Patrocle, Hunter et Lilianne allèrent dans la première. Orion, Viktor et moi dans la seconde.

L'avion nous attendait quand nous arrivâmes à l'aéroport à cinq heures et demie du matin. Orion fit le point avec les deux équipes de sécurité qui nous suivraient et bientôt, tout le monde grimpa dans l'avion. Viktor, Hunter et Lilianne se rendormirent à moitié sur leurs sièges. Patrocle gribouilla dans un de ses carnets.

Orion et moi repassâmes le programme en vue. Nous avions cinq heures d'avion jusqu'à l'aéroport de Miami. Nous arrivions à treize heures, heure locale. Un décalage de trois heures à peu de choses près. Je forçai tout le monde à se réveiller au milieu du trajet et à manger un peu pour démarrer la journée.

— Vous avez déjà été à Miami ? souffla Lilianne à Vik et Hunt.

Les deux hochèrent la tête, leur bouche pleine de nourriture. Lilianne grimaça.

— Tu n'as jamais voyagé ? demanda Hunt.

Lilianne secoua la tête et joua avec sa nourriture. Elle croisa mon regard et leva les yeux au ciel. Elle reprit son repas et les garçons lui expliquèrent un peu ce qu'ils connaissaient de Miami. Je leur avais fait visiter la ville il y avait plusieurs années déjà.

— Une fois que nous aurons atterri, ce sera directement à l'hôtel, annonça Orion. Nous avons un étage entier pour nous à l'hôtel du casino, donc personne d'autre ne sera accepté à cet étage. Il y aura assez de chambres pour tout le monde.

— On dort ensemble ! cria Hunter.

Je retins un sourire. Il s'habituait déjà l'idiot.

— Comme à la maison, ronchonna Patrocle. Une nuit chacun.

Lilianne ne réagit même pas à l'emploi du temps de l'endroit où elle dormait. Elle aimait ça, d'après moi. Avoir la possibilité de dormir avec chacun d'entre nous.

J'observai rapidement Orion. Il faudrait que je lui touche deux mots à propos de ça. Mais je lui laissais Miami pour être encore libre de ses mouvements à propos de Lilianne.

— Faites comme vous le sentez, il y aura largement assez de places pour tout le monde, se contenta de répondre Orion. On bouge en limousine jusqu'au Casino. Et on bougera la plupart du temps en groupe, avec notre équipe de sécurité. Si vous voulez vous balader, ne le faites pas seul.

— Personne ne se baladera, ordonnai-je. Lilianne, tu seras toujours avec deux d'entre nous, au minimum. Sinon, nous serons toujours plus ou moins ensemble. Nous sommes invités en tant que Céracle. Nous devons bien présenter. Pas de folie, pas de flammes et on obéit aux ordres d'Orion et aux miens.

— Je compte pour du beurre ? remarqua Patrocle.

Il ricana en voyant ma tronche.

— Zeke.

Il apparut à côté de Lilianne, sa tête sur son épaule. Elle lui tapota la jambe.

Quoi ?

— Tu colles Lilianne. Et tu me rapportes tout ce qu'il se passe.

Je pris une longue inspiration.

— Si vous voyez Zeus, vous ne lui adressez pas la parole. Vous revenez vers moi. Ce sera la règle. Compris ?

Tout le monde hocha la tête.

Et l'avion entama sa descente. 

**

Et c'est parti pour Miamiii 😎😎

Attachez vos ceintures 😁

Sachez qu'on a dépassé la moitié de cette histoire ❤️

La bise 😘

Taki et Ada'

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top