41 - Hunter

Je regardai l'heure. Puis le plafond, comme si ça allait la faire venir plus vite. Je la savais avec Patrocle, dans un bain chaud. Plus de larmes, plus de peur. Patrocle était bon pour ce genre de choses ; vous faire vous sentir mieux. Sa botte secrète en somme. Il était de loin le plus à même de gérer la crise, pas que je doutais d'Ephraim, mais disons que lui avait ses méthodes et elles ne correspondaient pas toujours au besoin du moment.

— Je ne vois pas pourquoi on devrait la forcer à y aller, souffla Viktor. Que Zeus aille se faire foutre !

Il éructait à côté de moi, dans une colère palpable quand je faisais tout pour rester calme. Je ne voulais pas encore foutre le feu autour de moi. Et je ne voulais pas que Lili se sente encore plus mal parce que nous n'étions pas capables de nous contrôler.

— Ce n'est pas comme si on pouvait décider de ça, soupirai-je.

— Arrêtez de vous faire des nœuds au cerveau, grommela Orion, quelque part derrière moi. Nous irons à Miami et elle aussi.

— Et on n'oublie pas Zeus ? cracha Viktor.

Je posai une main sur son épaule, pour l'apaiser.

— On n'oublie rien du tout, Vik, dis-je. Mais maintenant qu'on sait que Zeus l'attend, on sera prêt à accueillir ce bâtard.

— Langage, soupira Caitlin.

Je grimaçai :

— Désolé.

Je voulais monter pour voir Lili. Je ne doutais pas de Patrocle, mais bon sang, pourquoi est-ce qu'il avait fallu que ce soit elle, parmi nous tous, qui trouve cette maudite lettre ?

— Je voulais l'amener voir un film ce soir, soupirai-je.

— Juste vous deux ?

— Tu as passé la journée avec elle, répondis-je. Bien sûr juste elle et moi.

Viktor réussit à sourire. Il fourra ses mains dans ses poches et jeta à son tour un coup d'œil au plafond. Orion était le seul à ne rien montrer, cet idiot. Ephraim s'était lâché sur Ades et ma foi, ça avait été très agréable à écouter, même de loin.

Je ne m'inquiétais pas de voir Zeus tenter quoi que ce soit par rapport à Lili. Parce qu'Ephraim avait dit qu'elle n'irait nulle part maintenant et que je le croyais. S'il y avait bien un homme de parole, c'était lui. Alors non, Zeus ne pourrait pas nous la prendre une deuxième fois. Il n'agirait pas comme un lâche. Pas encore.

Je me retrouvai à côté d'Orion dans le canapé. Il avait le nez dans son téléphone et ses doigts tapotaient sa cuisse en rythme.

— Ne sois pas méchant, pas aujourd'hui, pas après ça.

— Je ferais de mon mieux, maman.

La colère qu'il éprouvait envers Lili me dépassait. J'en connaissais la raison ; il la tenait responsable de notre... craquage, il la tenait responsable des marques sur le visage d'Ephraim. C'était idiot. Mais je ne pouvais pas lui dire. Je préférais effleurer le sujet pour ne pas le fâcher, pour qu'il ne s'éloigne pas. Ce qu'il faisait depuis le retour de Lili.

— Il n'arrivera rien là-bas, hein ? demandai-je, inquiet.

— Il n'arrivera rien.

Tout comme Ephraim, Orion n'avait qu'une parole. S'il disait que ça irait, alors ça irait, n'est-ce pas ?

Nous attendîmes presque quarante-cinq minutes avant que Lili ne se montre avec Patrocle et Zeke. Elle portait des vêtements à Vik et moi. Nos odeurs.

— Tu veux manger quelque chose ? lui demanda Vik alors que Patrocle s'écartait.

Je restai là où j'étais, observateur. Ephraim revint de dehors et engloba la pièce de son regard acéré. Pour être sûr que tout le monde allait bien, que nous étions tous là où nous devions l'être. Il fit signe à Patrocle qui s'approcha alors que Zeke restait collé à Lili. Il l'aimait bien. D'ordinaire, même s'il restait un peu avec Vik et moi, il passait le plus clair de son temps avec Patrocle. Mais depuis Lili, il avait décidé de rester avec elle.

— Je veux qu'on mette en place deux sessions d'entraînement à l'UOP d'ici notre départ à Miami, souffla Ephraim.

— En plus de la fac ?

— Oui. Je veux les jumeaux, personne d'autre.

Je grimaçai. Des instructeurs, Rune et Thora étaient certes les plus pédagogues, mais s'entraîner avec eux pouvait s'avérer... dangereux. Je comprenais bien qu'Ephraim voulait les meilleurs pour Lili et nous, mais bon sang, ça risquait de faire mal !

— Je m'en occupe, dit Patrocle.

Les deux se tournèrent vers Lili, toujours dans l'espace cuisine avec Vik. Elle buvait un smoothie directement à la paille et c'était adorable. N'y tenant plus, je m'avançai vers elle et elle me regarda venir.

— Hey, murmurai-je.

— Hey.

Je souris, repoussai ses cheveux de son épaule.

— On pourrait se faire un film dans le jardin tout à l'heure. À la belle étoile.

— Oui ?

Je hochai la tête, désireux de toucher plus d'elle. De sentir sa peau, d'entendre son rire. De voir son sourire.

— On fait ça parfois avec les copains et souvent on s'endort sur les transats.

— Tu veux qu'on s'endorme sur les transats ?

— Je veux que tu t'endormes sur moi.

Je reçus un coup dans l'épaule de Viktor. Quoi ? Je jouai mes cartes. Je savais qu'il l'avait embrassé. Je savais qu'il voulait faire bien plus que ça. Moi aussi.

— Mais avant quoi que ce soit, il faut que tu manges.

— Je le fais déjà.

— Un smoothie ne nourrit pas une personne, répliqua Ephraim qui s'était approché à son tour.

— Toi peut-être pas, lâcha Lili, mais moi si.

— Je ne vais pas argumenter avec toi, Lilianne. Tu sais pourquoi ?

— Parce que c'est toi qui décides ?

Il osa sourire. Nous nous jetâmes un regard avec Vik et il roula des yeux.

Ephraim tendit le bras pour lui caresser la tête.

— C'est une bonne fille, ça.

Elle le fusilla du regard et cela sonna le début du repas. Tout le monde mit la main à la patte pour dresser la table et je me retrouvai assis à droite de Lili quand Vik se glissa à sa gauche. Nous parlâmes de tout sauf de Zeus. Je ne savais pas trop si Lili savait pourquoi nous allions à Miami, mais je me doutais qu'Ephraim serait celui qui lui en parlerait, ou Patrocle.

Elle mangea sous l'œil d'Ephraim qui ne la laisserait pas sortir de table sans que son assiette ne soit complètement vide. Un peu monstre du contrôle sur les bords.

Ce fut aux alentours de vingt-trois heures qu'on s'installa pour lancer un film dehors. Je tirai Lili contre moi et elle se laissa faire, docile. On mit la suite de notre série de la dernière fois et j'eus un mal fou à me concentrer, son cul si proche de moi. Vik lui tenait la main et je vis son pouce tracer des cercles sur sa peau. Zeke était contre les jambes de Lili, la tête tournée vers le ciel, se fichant bien de ce qu'il se passait.

Elle s'endormit la première, fatiguée.

* * *

Lili sorti des vestiaires des filles, dans une tenue de sport semblable à la mienne. Elle attendit Ombeline et toutes les deux me rejoignirent au niveau des tribunes. Nous étions dans une partie du complexe sportif de l'université.

— Je ne comprends pas bien pourquoi nous avons un cours de ce genre, souffla ma Lili.

— Le Clan ne rigole pas avec le fait que nous sachions nous défendre ou attaquer. Tu remarqueras que nous avons beaucoup de Primordiaux dont les dons sont offensifs, répondis-je.

— La maitrise de notre corps nous permet de mieux gérer notre don, ajouta Ombeline. C'est pour ça que nous pratiquons différents sports de combat.

— Ce n'était pas comme ça chez... les Matras ? l'interrogeai-je.

Il n'était pas très étonnant de voir qu'entre Clans, nous ignorions beaucoup des pratiques des uns et des autres. Il y avait des rumeurs. Comme les orgies grandeur nature de Zeus. Je n'aimais pas trop aborder ces sujets avec Lili, parce que je ne voulais pas qu'elle soit triste.

— C'est... différent. Ils ont un rapport à la beauté qui se transmet dans tout le Clan et qui pousse certains à la limite du culturisme. Nous n'apprenions pas tant à nous battre qu'à être parfaits physiquement aux yeux des autres. Les Matras ont une vision bien spécifique d'une norme de beauté, ce qui exclut pas mal de monde.

Elle haussa les épaules, mal à l'aise. Elle se frottait le bras.

— Et bien chez les Jacobsen il s'agit seulement d'élever et d'entraîner des futurs soldats, dit Ombeline Les plus forts vont à l'UOP, enfin, logiquement et les autres servent le Clan d'une autre façon.

Je détournai le regard. Ouais, ça, c'était la vision d'Ades et de la plupart du Clan. Pas la mienne, certainement pas celle d'Ephraim non plus.

Je donnai un coup d'épaule dans celle de Lili.

— Par rapport à ce qu'on va vivre à l'UOP cette semaine, ce cours va te sembler être une véritable promenade de santé !

— On va... utiliser notre don ?

Elle avait les yeux écarquillés. Sa lèvre trembla. Oh, Lili...

— On ne le fait que lorsqu'un instructeur de l'UOP vient, répondit Ombeline à ma place. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Et de toute façon, tu ne serais pas autorisée à le faire puisque c'est ton premier cours.

Cela eut le don de la rassurer.

À première vue, ça ressemblait à un cours de sport lambda. Les échauffements d'abord, puis venait le choix sur l'atelier du jour. Le professeur nous demande à Ombeline et moi de montrer à Lili comment ça fonctionnait. Ce que nous fîmes. Nous passâmes les ateliers en revue avec elle : Ju-jitsu, Aïkido, Taekwondo, boxe, kick-boxing et bien d'autres encore. C'était à la fois plus poussé qu'à la salle, mais surtout plus tourné vers le contrôle de notre corps.

Un esprit sain dans un corps sain en quelque sorte. Lili nous interrogea sur le complexe et nous lui expliquâmes que ça fonctionnait par niveau. Ainsi Viktor qui était plus avancé que nous, se trouvait dans une autre aire du complexe. Le sous-sol était réservé pour des exercices plus... particuliers qui nécessitaient la présence d'un instructeur désigné par l'UOP.

J'attrapai la main de Lili alors que le prof était occupé à autre chose et elle se mit à courir avec moi, sans savoir où je l'amenais. Ombeline nous regarda filer sans rien dire. Je connaissais les lieux comme ma poche, habitué à y venir depuis un moment déjà. Je nous fis nous faufiler là où je savais que Viktor était avec le reste de sa promo.

— Salut Hunt, ça faisait longtemps qu'on ne t'avait pas vu dans le coin, me salua Bianca.

Ah. J'aurais peut-être dû réfléchir avant de venir, hein ? Je sentis le regard de Lili pesé sur moi.

— Ouais, tu sais, je suis pas mal occupé avec la salle et tout le reste.

Bianca était une jolie fille. Intelligente et drôle. Nous n'étions pas sorties ensemble, juste... eh bien nous avions profité l'un de l'autre à certains moments et... Je vis sa main venir à ma rencontre, dans une sorte de ralenti bizarre.

— Ne le touche pas.

La voix de Lili claqua dans l'air. Je ne savais pas pourquoi, mais ça fit réagir ma queue. Ouah.

Bianca replia ses doigts, se tourna vers Lili.

— Excuse-moi ?

Le don de Lili pesa dans l'air. Son énergie, une boule opaque. Mon propre pouvoir roula sous ma peau, appelé.

Alléché. Anamchara.

— J'ai dit ; ne le touche pas.

Lili fit un pas et Bianca recula, les yeux écarquillés.

— C'est bon, ça va, je voulais dire bonjour.

Bianca osa un regard dans ma direction pour voir si je comptai intervenir, mais elle allait être déçue. Son nez se retroussa et elle nous tourna le dos pour s'éloigner. Lili ne bougea plus, les épaules tendues, la respiration un peu plus forte que quelques secondes plus tôt.

— Lili ? l'appelai-je.

Lorsqu'elle se tourna vers moi, je plongeai dans deux yeux différents. Un noir et un doré.

Jacobsen et Matras. Son héritage.

— Je... désolée, murmura-t-elle, il faut... il faut que je me...

Je pris sa main entre mes doigts.

— Respire, ma Lili.

Réaction excessive ou non, je savais bien que rien n'était facile pour elle. Et puis cette démonstration de possessivité m'avait donné une presque trique. Hum. Elle inspira lentement. Un peu plus loin, je croisai le regard de Viktor, essoufflé, les joues rouges. Même de là où je me tenais, je savais ses pupilles dilatées, parce qu'il avait senti la démonstration de force de Lili.

— Respire, répétai-je.

Elle le fit.

Une inspiration après l'autre.

Putain, je me sentais un peu à l'étroit, là...

**

Hehe ça remue des choses chez tout le monde hein 😂😂😂😂

Ces petits jeunes 😎😂😂

Rendez vous demaaaain pour la suite ❤️

Taki et Ada'

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top