40 - Patrocle

Je grimaçai quand Zeke tira notre pouvoir commun. Je fus sur mes pieds la seconde suivante et me mis à courir sur le devant de la maison.

— LILIANNE ! criai-je.

Je savais que c'était elle.

Je le sentais.

J'aperçus Orion la soulever dans ses bras. C'était complètement hors cadre avec ses réactions. Lilianne s'accrocha à lui, des larmes sur tout le visage.

— Qu'est-ce qu'il se passe putain ?

Hunter entra par le portail et entendit les pleurs de Lilianne. Des sanglots qui vibraient si fort qu'ils me firent mal. Orion semblait complètement dépassé par la réaction de Lili. Hunter ramassa quelque chose, mais déjà j'arrivais devant Orion et Lilianne. Il me tendit son fardeau. Ma peau picota de nos pouvoirs joints et pendant un instant, j'eus peur qu'il se nourrisse d'elle. Mais il se retenait visiblement.

— C'est quoi ça ? s'écria Hunter.

Orion pivota et je récupérai Lilianne.

— Lili ? Tu m'entends ? Il faut que tu respires !

Elle haleta, sanglotait et tentait de parler, mais elle semblait être en pleine crise d'angoisse et de... choc ? Zeke se plaça à côté de moi, mais son apparence était trouble. Ma puissance semblait réagir à une Lilianne en détresse, mais pas forcément de la bonne façon.

— Hunt ! Respire ! ordonna Orion.

— Expliquez-moi putain ! sifflai-je avec une Lilianne fébrile entre mes mains.

Elle enroula ses bras autour de mon cou et je tentais de la réconforter, mais j'avais l'impression que rien n'y ferait. Elle lâchait des mots entre deux sanglots dévastateurs.

— Une lettre de Zeus, cracha Orion.

— Garde-la pour Ephraim, rétorquai-je.

Je pivotai et retournai vers la maison. Je nous enroulai d'ombres au moment où le public faillit voir l'état de Lilianne. Je grimpai les quelques marches pour l'étage et ce fut Zeke qui m'ouvrit la porte de la salle de bain. Je retirai mes ombres pour y voir plus clair. Je tentai de poser Lilianne par terre, mais elle continua à s'accrocher.

— Lili, s'il te plaît, regarde-moi.

Je m'accroupis et la fis asseoir sur ma cuisse. Je tentai de repousser ses cheveux. Elle sentait le vomi et sa respiration sifflait à travers sa gorge.

Elle va s'évanouir à force d'hyperventiler comme ça, remarqua Zeke.

Je le fusillai du regard avant de poser ma main sur la joue de Lilianne.

— Il... venir... Il...

— Chut, Anam. Rien ne t'arrivera avec nous. Tu m'entends ?

Je réussis à la calmer assez pour qu'elle arrête d'avaler tout l'air qui allait la pousser à s'évanouir si elle continuait. Je lui retirai son haut et sa jupe. Elle resta en sous-vêtements, ses mains accrochées à mes épaules. Dans la salle de bain, je trouvai un pull de Viktor et un jogging de Hunter. Je les lui enfilai et la repris dans mes bras. Je l'embarquai dans ma chambre et je nous installai sur mon lit. Je l'enroulai dans une couverture toute douce et chaude et l'allongeai sur moi, son corps entre mes cuisses, mes bras autour d'elle.

— Tout ira bien. Nous sommes là.

Je ne cessais de le répéter, jusqu'à ce que ses sanglots se calment. Zeke empêcha les autres de rentrer. Je crus entendre Caitlin diriger tout le monde vers la sortie. Viktor et Hunter avaient une énergie plus vibrante que les autres. Ils s'installèrent dans la salle avec Caitlin et Orion. Je crus les entendre discuter, mais me focalisai uniquement sur Lilianne. Je demandai en silence à Zeke d'aller chercher Ephraim.

Je crus qu'elle s'était endormie, mais soudain, sa voix résonna.

— C'est lui qui m'a amené dans la chambre où ils m'attendaient, murmura-t-elle d'une voix rauque.

Elle tremblait encore ce qui me tuait à petit feu. Cet enfoiré le paierait. Que ce soit dans quelques années ou plus tard, moi vivant, je ferais tout pour la venger. Quand Zeke revint, il s'installa sur Lilianne sans peser sur elle. Une simple ombre qui reposait sur un corps.

Nous trouverons un moyen de lui faire payer, murmura mon jumeau d'ombre.

— Je le vois encore refermer la porte. Je vois encore les quatre... m'attendre. Ils...

Elle se remit à pleurer et enfouit son visage dans mon cou. Ephraim débarqua quelques minutes plus tard, le souffle court et le torse se soulevant comme s'il avait fui Cerbère lui-même. Hunter et Viktor le suivirent à l'intérieur de la pièce en silence. Si les deux garçons s'installèrent autour du lui, une main chacun sur la cheville de Lili. Orion se contenta de rester à l'entrée de la chambre en silence, les bras croisés sur son torse.

Ephraim, quant à lui, vint s'asseoir à mon niveau. Je repoussai légèrement la couverture pour qu'il puisse apercevoir le visage bouffi de Lilianne.

— Comment a-t-il su qu'elle était ici ? murmurai-je.

— Lilianne, souffla Ephraim d'une voix bien plus douce que prévu.

Notre Anamchara cligna des yeux et le regarda. Elle éclata de nouveau en larmes et son corps se remit à trembler. Ephraim caressa sa joue du bout des doigts et lui murmura des paroles apaisantes jusqu'à ce qu'elle se rendorme sur moi, épuisée par sa crise de larmes.

— Personne ne bouge de la maison ce soir ou demain, ordonna Ephraim. Orion, augmente la sécurité autour du domaine. Viktor, préviens tes amis, je ne veux personne ici pour la semaine à venir.

— Comment a-t-il su ? souffla Hunter.

— Il n'y avait que des membres de notre Clan au casino, remarqua Orion. Ça veut dire que même notre Clan fournit des informations.

— Ou qu'il y a des espions, soupirai-je.

— Concentrons-nous sur la santé de Lilianne.

— On ne peut pas aller à Miami, assena Viktor, les mains un peu tremblantes.

J'avais mal aux bras à force de tenir Lilianne, mais je ne pouvais pas la laisser partir maintenant. Zeke m'aidait à la tenir en place et il semblait lui aussi assez mal. Mes ombres sautaient encore un peu autour de lui.

— Nous ne pouvons y échapper, remarqua Ephraim. La seule chose que nous pouvons faire s'est veillée à la sécurité de Lilianne tout au long de l'évènement. Nous sommes un Céracle maintenant. Nous devons absolument nous comporter comme telle. Que ce soit entre nous et envers notre peuple.

Sa main caressa les cheveux de Lilianne qui dépassait de la couverture. Il paraissait sur les nerfs, ses yeux viraient au noir dès qu'il parlait trop.

— Je dois appeler Ades, murmura Ephraim.

— Allons préparer à manger pour Lilianne quand elle se réveillera, déclara Hunter.

Viktor s'approcha de la tête de Lilianne et déposa un baiser sur son crâne. Elle émit un léger bruit, mais resta endormie. Tout le monde fila de ma chambre en quelques secondes.

Je ne réussis pas à m'endormir, alors je veillais simplement sur son sommeil. Elle gigota beaucoup dans son sommeil, mais coincée dans la couverture, elle n'eut pas l'occasion de faire le tour de lit en dormant.

Je la sentis s'éveiller, groggy et déboussolée. Je la libérai de la couverture et de Zeke. Elle me regarda et des larmes revinrent à la charge.

— Ma Lili, soufflai-je.

— Je suis désolée, sanglota-t-elle. Je ne voulais pas faire... toute cette scène.

Je posai mon doigt sur sa bouche et attrapai un mouchoir pour elle.

— Ne t'excuse jamais de réagir, Lili. C'est normal d'avoir des réactions, des émotions et des sentiments.

— Je ne voyais que ça après la lettre, murmura-t-elle. Je ne voyais que cette porte qui se referme. Toutes ses paires d'yeux qui me dévisageaient. Mon corps qui se recroquevillait de peur. Ils étaient prêts à tous... à tous me violer pour que nous devenions un Céracle.

Je tentai d'essuyer ses joues avec mes manches, mais lui laissai simplement des marques rouges. Merde.

— Lili. Ils n'auraient pas pu se lier à toi. Même après tout ça, ils n'auraient pas créé de liens avec toi. Les Catalyseurs sont génétiquement modifiés pour que ce genre de choses fonctionnent. Le sexe je veux dire. Consentement ou non. Les vrais Céracles, ceux qui se formaient avec des Anamcharas, reposaient sur le consentement et l'abnégation. L'acceptation même. Le sexe, l'orgasme n'étaient qu'un moyen d'atteindre cette acceptation. Se livrer, corps et âme à ton Anam.

— Tu es en train de dire qu'ils m'auraient violé et que rien ne se serait passé ?

— Pour moi, non, admis-je, avec une grimace. Ça n'aurait pas été une cérémonie, ou un lien, ça aurait été un viol. Et que Zeus n'en ait pas eu conscience ne fait que nourrir ma haine pour lui.

— Je ne pourrais pas lui faire face, Patrocle, murmura Lilianne, d'une voix sourde.

— Je sais, admis-je.

Ephraim ouvrit la porte à ce moment-là. Je relevai mon regard sur lui. Il avait enfilé une tenue plus détendue, mais il semblait toujours sortir d'une pub pour vêtements pour homme.

— Comment te sens-tu ?

— Pas très bien, admit-elle avec une grimace.

Il s'assit à côté de nous et posa sa main sur le front de Lilianne. Elle ferma ses yeux à son contact et cela me tira un sourire.

— Tu n'as pas de fièvre, se rassura Ephraim.

— Je suis...

— Ne t'excuse pas encore une fois, Lili, grognai-je.

Je me redressai pour déposer un baiser sur sa joue. Elle était assise entre mes cuisses et Zeke se pressait contre son dos.

— C'est à moi de m'excuser. Cette lettre n'aurait jamais dû arriver jusqu'à toi. Tu n'aurais pas dû la lire ou la voir.

— Comment a-t-il fait ? souffla Lilianne.

— Il sait où nous habitons, expliqua Ephraim. Et après notre petite visite au casino, je suppose qu'il a eu envie de faire le malin. Ades n'est pas content, mais je suis personnellement très en colère. Je voulais aller directement saluer Zeus...

— NON ! s'écria Lilianne.

Elle s'agrippa au bras d'Ephraim et ce dernier fronça ses sourcils.

— Je... Ne va pas le voir. Ne lui... Ne lui parle pas ! haleta Lilianne. Il pourrait... Je ne sais pas ce que je ferais si...

— Lili.

Ma voix tranchante la poussa à me regarder.

— Zeus ne peut pas nous faire du mal. Tu le comprends ? Nous sommes plus forts que lui.

— Même si je ne veux pas qu'il s'approche de toi, nous sommes obligés de respecter les lois des Clans, soupira Ephraim. Nous ferons tout notre possible pour qu'il ne croise pas ta route à Miami.

— Je ne veux pas qu'il vous approche ! insista Lilianne.

— C'est à nous d'en décider, trancha Ephraim. Tu auras une protection à tous les instants.

— Qui vous protège vous ? rétorqua la jeune femme.

Sa main s'agrippait toujours à Ephraim et il la laissait faire. Elle avait besoin de se rassurer d'une quelconque façon. Qu'il la laisse faire était le plus étonnant. Si Lilianne avait une peur improbable, alors il ne pourrait rien faire pour la rassurer. C'étaient presque des symptômes d'un choc post-traumatique à ce stade.

Nous nous protégeons les uns les autres, gronda Zeke.

— Nous allons te faire couler un bain chaud et ensuite, tu viendras manger ce que les garçons t'ont préparé.

Lili ouvrit la bouche pour protester, mais je pressai doucement sa main dans la mienne. Elle baissa la tête et acquiesça en silence.

Je fis signe à Ephraim de filer et m'occupai du bain de Lilianne. Elle resta avec Zeke le temps que je lui fasse signe de venir. Nous étions dans la salle de bain d'Ephraim. Elle retira le jogging et pendant un instant, se figea. J'étais toujours face à elle et j'observai ses cuisses trop fines.

Hé le voyeur, marmonna Zeke.

— Parle pour toi, rétorquai-je.

Je pivotai pour donner un peu d'intimité à Lilianne. Au dernier moment, je regardai dans le miroir et vis son corps entrer dans la baignoire. Son dos, sa colonne vertébrale, un morceau de son tatouage, ses hanches, ses fesses. Elle émit un bruit de satisfaction quand l'eau chaude mordit sa peau.

— Je peux me tourner ? m'enquis-je.

Elle émit un petit son d'approbation. Je me penchai pour allumer quelques bougies. Elle resta cachée derrière les bulles et la mousse qui semblait adoucir son humeur.

— Est-ce que tu te sens mieux ? soufflai-je.

Lilianne haussa ses épaules.

— Oui.

Je souris et m'installai à côté de la baignoire.

— J'ai embrassé Ephraim, chuchota-t-elle.

Je ricanai.

— Il n'aura pas tenu longtemps le bougre, grommelai-je.

— Et Viktor, ajouta-t-elle.

— Je mentirais si je disais que je ne voulais pas être le suivant sur ta liste, Lili.

Elle resta silencieuse un instant.

— Edda nous a vu.

Ah. Ceci expliquait cela.

— Ce n'était pas prévu qu'elle vous voit, visiblement.

— Zeke dit qu'elle est amoureuse de Viktor.

Je fusillai mon ombre du regard. Il haussa ses épaules et souffla sur une bulle. Lilianne la toucha et elle éclata.

— C'est vrai, admis-je. Qui ne tomberait pas amoureux de Viktor en passant tout ce temps avec lui ? C'est une crème.

Lilianne acquiesça.

— Je crois que ça me rend jalouse.

Son admission me réchauffa le cœur. Elle ne pouvait en parler à personne qu'à moi. Les autres l'embêteraient.

— Zeke a sous-entendu quelque chose, ajouta Lilianne. Qui pourrait apaiser... ma jalousie. Mais il ne veut plus me le dire.

Elle tente, minauda Zeke. Récupérer des informations sur des gens dans leur dos, ce n'est pas très fairplay.

— Tu lui as vraiment dit ça, espèce d'idiot.

Il ricana et je posai mon regard sur Lilianne.

— Prenez votre temps, soufflai-je. Vous êtes jeunes, vous êtes en pleine appropriation de vos corps et de vos émotions.

— Je ne voulais pas parler de ça, rétorqua Lilianne avec son flegme que j'aimais tant.

— Vrai. Mais je ne compte pas révéler des détails sur Viktor si lui-même ne t'en a pas parlé.

Je pris le temps de réfléchir.

— Dans quelle position Edda vous a-t-elle trouvé ? demandai-je, curieux et amusé.

— Je n'étais pas à poil non plus, marmonna Lilianne.

Et je ris. Tout simplement.

Parce qu'elle était encore jeune.

Et que Zeus ne lui avait pas tout pris.

Qu'elle avait encore des expériences à vivre et des joies, des découvertes, des tristesses et des déceptions.

Mais surtout, elle pouvait choisir ce qui allait lui arriver.

Et ça, c'était le plus important à mes yeux. 

**

Du Patrocle gratuit qui réconforte sa Lili 😍❤️ ça fait bien terminer la semaine ❤️

Un autre chapitre dans la journée pour les plus gourmands 😆

La bise 😘

Taki et Ada'

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