39 - Lilianne
Je cachai mon visage contre le cou de Viktor, bien trop consciente de ce qui couvait en moi alors qu'Edda venait de surgir et que son odeur éclaboussait celle de Viktor.
— Oups ! Désolée !
Elle couina et la porte claqua. Le silence. La tension dans le corps de Vik qui me tenait toujours. Est-ce qu'elle débarquait toujours comme ça ? Et même si c'était le cas, qu'est-ce que je pouvais bien dire ? Ou faire ? J'avais été absente pendant des années. Assez pour que les garçons aient de nouveaux amis, qu'ils sortent avec des filles.
— Je suis désolé, souffla Vik. Il faut que je lui dise de...
— Ce n'est pas grave, le coupai-je, la gorge serrée, la voix un peu rauque.
Tout mon désir envolé pour ne laisser qu'une boule opaque qui obstruait tout.
— Si, Lili, enfin, un peu. Je... je sais ce que ça me ferait si un mec entrait comme ça dans ta chambre sans que je n'y sois préparé, alors...
Je le serrai plus fort contre moi et il me rendit l'étreinte, son nez contre mes cheveux. Il sentait bon.
Il sentait Viktor.
— Elle est ton amie et elle est importante pour toi. Il faut juste que je...
Ce fut à son tour d'attraper mes joues en coupe. De me tenir tout proche de son visage pour que je ne me défile pas, que je regarde ailleurs.
Que je pense à me cacher. De lui, de moi, de nous.
— C'est vrai, Edda est ma meilleure amie, mais je ne veux pas que tu sois mal à l'aise. Je ne veux pas que ça te fasse du mal.
Et moi je ne voulais pas lui faire du mal à lui. Il était hors de question que je le force à choisir. Je n'étais pas comme ça. Je n'étais pas ce genre de personne. Si Edda avait une place dans sa vie alors elle devait en avoir une dans la mienne. Sinon, à quoi bon ? Je n'avais pas à dicter les règles, à imposer quoi que ce soit.
— Lili, souffla Vik.
— Ça va. Il faut juste que... je respire et que...
Mais c'était douloureux. Je ne pouvais pas le cacher. Je ne pouvais pas faire comme si cette douleur n'existait pas. Je ne pouvais pas la faire disparaître en un claquement de doigts.
Une voix résonna derrière la porte. Pas celle d'Edda. Pas une que je connaissais.
— Pourquoi tu restes dans le couloir ? Il est à poils ? T'es à poils, Viki ?
La porte s'ouvrit à nouveau et cette fois je me tournai pour croiser le regard du nouveau venu. Ni Jameson, ni Zero. Le fameux Percy dont Hunter m'avait parlé ? Il ne manquait que lui de leur groupe. C'était un échalas avec un sourire incroyable, un peu grimaçant, mais pas dérangeant.
— Oh, bonjour, beauté. Lili, c'est ça ?
— Percy ! gronda Vik. Casse-toi !
— Pourquoi, tu as la trique ? Au cas où je doive te faire un dessin, Viki chéri, quand une fille comme elle est à califourchon sur toi, c'est normal. Chimique. L'inverse m'inquiéterait, en fait.
— Casse-toi !
Percy éclata de rire, me fit un clin d'œil et referma la porte. Sa voix s'éloigna, ainsi que celle d'Edda. Le front de Viktor vint reposer contre mon épaule.
— C'était Percy, le dernier de la bande. Il aime bien nous afficher, particulièrement lorsqu'il y a du public.
— Je vais aller me changer, baragouinai-je, gênée que deux presque étrangers aient pu me voir dans cette tenue et dans cette position.
— Tu nous retrouves en bas ?
Je hochai la tête et il me relâcha. Je tirai sur le bas du t-shirt d'Ephraim avant de filer dans ma chambre, le cœur tonitruant. Appuyée contre le battant, je cherchai mon souffle, bien consciente que cette matinée changeait tout.
Ephraim.
Viktor.
— Edda est collante et amoureuse.
Je ne sursautai pas, puisqu'il se tenait juste devant moi, assis en tailleur par terre.
— Pourquoi est-ce que tu me dis ça ?
Il voulait me blesser ?
Il voulait pointer ce qui était évident ?
— Je pourrais te dire quelque chose sur Viktor qui calmerait cette petite jalousie qui picote ta peau, mais... nah, je vais le garder pour moi.
— Alors pourquoi en parler ?
— Je ne fais que ce qui me plait, Lili.
— Laisse-moi tranquille.
Je me glissai dans mon dressing et optai pour une jupe et un simple débardeur. Je portai le t-shirt d'Ephraim à mon visage pour le renifler et fut contente d'y découvrir aussi l'odeur de Viktor. Si je le gardai un peu, est-ce qu'Ephraim dirait quoi que ce soit ? Je pourrai le porter pour dormir.
— Tu es fâchée contre moi ?
Zeke m'enveloppa de ses bras, posa son menton contre mon épaule alors qu'il se tenait dans mon dos.
— Un peu, répondis-je.
— Je ne veux pas que tu le sois.
— Alors ne sois pas méchant sans raison.
Je ne bougeai pas, toujours très curieuse de sentir si bien Zeke alors qu'il n'était pas censé être aussi... vivant, réel surtout. Pourtant, il avait un corps, me parlait, avait même son caractère. C'était un être à part, une manifestation incroyable d'un don qui l'était encore plus.
Mon ventre gronda à ce moment-là. Je mourrai de faim. Lorsque j'arrivai dans la pièce à vivre, Percy riait à gorge déployée quand Edda, dans une tenue de sport proche du corps, était penchée sur le plan de travail pour dire quelque chose à Viktor.
Percy fut le premier à me voir.
— J'ai tellement entendu parler de toi que j'ai l'impression de te connaître depuis toujours, dit-il.
Il tira la chaise à côté de lui et en tapota l'assise. Caitlin apparut avec une boîte dans les mains.
— Ah ! Miss Lili, bonjour, me salua-t-elle.
Elle passait souvent du Lili à miss Lili lorsqu'elle me parlait.
— Bonjour, Caitlin.
— J'ai un petit quelque chose pour vous.
Elle me tendit la boîte. Un nouveau téléphone portable. Ephraim n'avait pas oublié. Je cherchai Viktor des yeux et son sourire appela le mien.
— On mange d'abord, d'accord ?
Edda et Percy ne semblèrent pas contre un deuxième petit-déjeuner. La première évita mon regard quand le deuxième ne cessait de parler. Il devait être le plus expansif de la bande, avec Edda. J'avais vite cerné les autres, même si nous n'avions passé qu'un déjeuner ensemble.
Une fois la table débarrassée, je me retrouvai sur le canapé avec mon nouveau téléphone entre les mains. Chacun sembla donner de sa personne pour me dire quoi installer. Forcément, les numéros de tous les garçons se trouvaient déjà dans mes contacts. Percy ajouta le sien avec un sourire coquin quand Viktor s'occupa des autres. Je retournai rapidement dans ma chambre pour attraper le papier où Ombeline avait inscrit son propre numéro et je lui envoyai directement un message.
Avec le beau temps, Edda et Percy optèrent pour un saut dans la piscine en début d'après-midi alors que Viktor m'aidait sur quelques-uns de mes devoirs. Caitlin nous avait préparé des sandwichs, une montagne de sandwichs et je compris mieux lorsque Jameson et Zero débarquèrent.
Hunt : Il y a du cinéma en plein air ce soir, un vieux film en noir et blanc, tu veux y aller ?
J'avais commencé à lui écrire un peu plus tôt, sans savoir qu'il répondrait. Je le savais à la salle, bien occupé.
Moi : C'est un rendez-vous ?
Hunt : Bien sûr que oui ! Tu as passé la soirée avec Ephraim, Orion et Patrocle et la journée avec Vik ; c'est à mon tour maintenant.
Je ne le détrompai pas par rapport à Orion. Qu'est-ce que je pouvais dire de toute manière ? Je sentis l'arrivée de Patrocle sans avoir besoin de le voir. Viktor était dans la piscine avec les autres et ils jouaient une partie d'aqua volley, le filet installé et les rires des uns et des autres qui jaillissaient par moment.
— Tu n'as pas envie de te baigner ?
Patrocle s'arrêta à côté de moi. Je me tenais à l'ombre, sans la pergola. Je dus ployer la nuque pour pouvoir le voir, lui sourire. Le trouver magnifique. Il ne portait d'un jean et un t-shirt, presque comme moi, mais il se dégageait tellement de lui en cet instant que ma bouche s'assécha.
— Je ne suis pas encore très... à l'aise, murmurai-je.
Avec mon corps. Avec ma maigreur. Surtout pas quand je voyais les formes d'Edda. C'était stupide. Vraiment.
Patrocle s'installa à côté de moi, ses longues jambes tendues pour être à l'aise. Avec lui, c'était presque trop facile de lui dire les choses. Il n'avait qu'à demander et je ressentais le besoin de tout lui dire. Ou presque.
— C'est dur de reprendre des habitudes saines après avoir connu ce que tu as expérimenté.
Je regardai mes mains, mes doigts autour de mon téléphone. Je n'avais pas répondu à Hunt.
— Je n'ai jamais été du genre à me comparer aux autres, tu sais. Peut-être parce qu'avant tout... ça j'étais juste très à l'aise avec qui j'étais. Mais maintenant...
Je regardai Edda donner un coup dans l'épaule de Viktor. Je repensai à ce que Zeke avait dit. Comment ne pas tomber amoureuse d'un garçon comme lui, hein ?
— Tu as juste perdu un peu de confiance en toi, répondit Patrocle. Elle reviendra. Et tu arrêteras de penser comme tu le fais maintenant.
— C'est... si facile de te parler, murmurai-je.
Il repoussa une mèche derrière mon oreille. Ses doigts s'attardèrent.
— Alors fais-le. Parle-moi de tout et de rien, Lili. J'écouterai toujours.
Je me laissai aller contre son toucher pour en éprouver une paix intérieure qui me fit du bien. Comme s'il arrivait à faire taire les doutes, à effacer les peurs.
En fin d'après-midi, Hunter m'écrivit pour me dire qu'il était sur le chemin du retour. Les autres semblaient motivés pour sortir aussi, mais plongée dans les messages échangés avec Ombeline, j'avais perdu le fil de leur conversation et de leur projet surtout. Quand Caitlin attrapa la clé pour aller chercher le courrier, je sautai sur mes pieds.
— Je vais y aller, dis-je.
J'aimais beaucoup me balader sur la propriété, emprunter le chemin qui serpentait jusqu'au portail. Elle me remercia et après avoir glissé mes pieds dans mes sandales, je fis le tour de la villa pour remonter l'allée.
Je n'avais pas cherché à parler à Edda aujourd'hui, peut-être parce qu'elle-même n'osait même pas soutenir mon regard plus de quelques secondes.
Si mon ombre était la seule projetée au sol, je savais Zeke juste là. Il allait et venait, venait plus souvent lorsque j'étais toute seule. M'éloigner un peu me fit du bien.
J'ouvris la boite pour y découvrir plusieurs lettres, la plupart adressées à Monsieur Jacobsen. Je savais que Patrocle et Orion portaient ce nom, mais aussi un autre, à l'inverse d'Ephraim.
Une enveloppe carrée attira mon regard.
Lilianne Matras.
Une écriture calligraphiée qui me fit froncer des sourcils parce qu'elle me disait vaguement quelque chose.
Je retournai l'enveloppe, l'ouvris pour en sortir une sorte de carton d'invitation. Une voiture ralentie avant de tourner et de s'arrêter devant le portail.
Ma chère petite-fille,
J'ai appris ta présence à Los Angeles et quel ne fut pas mon soulagement de savoir que tu allais bien.
Je te sais fâché contre moi, mais il ne nous faut pas oublier que nous ne sommes plus que tous les deux. J'ai été trop dur avec toi, je le regrette. Même si je suis encore peiné de ton départ, je mettrais cela sur le compte de ton innocence, de ton jeune âge, de ton manque d'expérience. La fuite n'est jamais la solution, Lilianne.
Je suis heureux de te savoir avec le Faucheur et les siens, même s'ils ne font pas partie de ton Clan. La famille ne devrait jamais être ignorée. J'escompte te voir à Miami dans une semaine.
N'oublie pas qui tu es : ma petite-fille adorée et une Matras. Je n'aurais pas dû te laisser partir, Lilianne. Tu signifies beaucoup pour moi, pour le Clan. Je n'avais qu'un fils et maintenant je n'ai plus que toi.
Il est toujours bon de prendre du bon temps avant de revenir à l'essentiel.
À très bientôt.
Zeus.
J'avais envie de vomir.
Ma vision se brouilla un instant devant les mots de mon grand-père. Le monstre. Le monstre.
— Lilianne ?
Mes yeux trouvèrent Orion, qui se tenait trop loin de moi.
Il fallait que ce soit lui, parmi tous les autres, qui me voit en cet instant.
— Je...
Son regard glissa sur le carton que je tenais. Et que je lâchai avant de vomir tout ce que j'avais ingurgité sur l'herbe verte.
Ça éclaboussa mes chaussures, mes chevilles.
Un haut-le-cœur me secoua.
Respire. Respire. Respire.
Mais je ne voyais que le sourire de Zeus alors qu'il refermait la porte de cette chambre où m'attendaient ceux avec qui il avait voulu que je me lie. Et il disait me regretter ?
Monstre. Monstre. Monstre.
**
Fallait bien que ça dérape un peu 😎
Vous pensez qu'il va se passer quoi à Miami ? 😳😳
La bise 😘
Taki et Ada'
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