35 - Lilianne
— Lili ?
Je levai la tête pour voir Patrocle s'avancer. Il n'était pas loin d'une heure du matin et même si j'étais fatiguée, je n'arrivai pas à dormir. Pas après tout ça.
Pas après ce qu'Ephraim avait réussi à tirer de moi. La vérité.
L'horrible vérité.
— Je pensais que tu serais en train de peindre, mais...
J'eus un petit sourire. Je crus discerner Zeke juste à côté de moi, mais pour une fois l'ignorai. J'observai Patrocle s'avancer dans la pièce et venir s'installer à côté de moi dans le canapé. Lui ne paraissait pas vraiment fatigué. Un oiseau de nuit ?
— Si tu t'inquiètes pour Hunter...
— Non, je sais qu'il va... bien, enfin, qu'il dit aller bien.
Alors ça me suffisait. Je ne pensais pas qu'il me devait quoi que ce soit, mais Hunt ne m'avait jamais caché quoi que ce soit, jamais.
— Mais tu n'arrives pas à dormir.
Même avec Vik pressé contre moi. Même avec le souffle de Hunt sur mes lèvres.
— C'est à cause des cauchemars ?
Je haussai les épaules.
— J'ai appris à ne dormir que d'une oreille au cas où... quelque chose arriverait, avouai-je.
Patrocle garda le silence un certain temps. Il n'y avait que nos ombres, que nos souffles. Zeke se fondait parfaitement dans l'obscurité ambiante. Je regardai dans la direction de Patrocle. J'arrivai à lui parler. C'était étrangement facile. Comme la dernière fois le prouvait, quand il m'avait pris dans ses bras pour me rassurer.
— Il y a... quelque chose en moi, commençai-je, qui me fais me sentir étrange dans certaines situations et je ne sais pas... ce que c'est.
Un léger sourire étira la bouche du Primordial devant moi. Je ne regardai pas le chien qui venait de s'affaler contre le canapé, d'ombres et de noirceur.
— Est-ce que ça réagit lorsque je te touche ?
Ce qu'il fit.
Ses doigts sur ma main. Mon souffle coupé dans ma gorge. Je ne pus que hocher la tête, trop sonnée, même si ce n'était rien.
— Ce n'est pas toujours aussi...
Je déglutis. Pouvais-je vraiment le dire à haute voix ?
— Bon. Parfois c'est... presque mauvais.
Comme lorsque je sentais l'odeur et l'empreinte d'Edda sur Viktor. J'inspirai par le nez.
Jalousie.
Jalousie.
— C'est ton lien qui s'exprime, expliqua Patrocle. Ce que tu expérimentes, c'est parce que nous sommes autour de toi et que tu as besoin de... nous.
Je fus soulagée qu'il ne me voie pas rougir.
— Même si les Céracles en sont des faux depuis des générations, il y a toujours eu un aspect sexuel et charnel très important. Alors je te laisse imaginer ce que ça donne avec une véritable Anamchara.
Le besoin. Cette envie. Sourde, qui prenait toute la place. Qui me terrifiait.
— Comment est-ce que tu sais tout ça ? préférai-je demander.
Pas pour noyer le poisson, juste pour éviter de parler sexe avec lui. Zeke gloussa.
— Il existe pas mal de livres sur le sujet et... parce que j'écoute ce que je ressens. Pour toi. Cette boule en moi, qui parfois me chuchote des mots, je l'appelle notre lien. Tant que nous ne serons pas officiellement un Céracle, ce lien ne fera que se manifester dans le but de nous pousser à...
Coucher ensemble.
À former un Céracle.
Oh bon sang.
— Tu n'as pas à être gênée, Lili, souffla Patrocle. Nous ressentons tous la même chose, ce qui ne fait que nous donner raison : tu es notre Anamchara.
Ses doigts encerclaient ma cheville. Son pouce caressait ma peau et qu'est-ce que c'était bon.
— Tu as juste besoin de nous sentir près de toi, tu as juste besoin d'être entourée.
— Surtout, n'hésite pas à te coller à nous quand tu en éprouves le besoin, mon ange.
Je roulai des yeux, mais souris quand même. Le bruit d'un moteur à l'extérieur de la maison. Orion ou Ephraim ? Il était si tard ! Mais comme aucun des deux ne s'était montré pour le dîner, c'est qu'ils avaient dû être retenus au travail.
Patrocle se leva et s'éloigna pour rejoindre l'entrée. Je restai sur le canapé, Zeke en face de moi. La curiosité me brûlait à son égard, mais étais-je prête à l'entendre ?
— Est-ce que tu fais partie du Céracle toi aussi ?
— Je suis une partie de Patrocle, pas vraiment un. Alors je ne sais pas.
Pas vraiment un.
J'entendis la voix de Patrocle, celle d'Ephraim. Ils discutaient d'une voix basse.
— Pourquoi ? Tu as envie que je te touche ?
— Tes bandelettes me chatouillent, mentis-je.
Il m'offrit un grand sourire.
— Je deviens très bon pour lire en toi, Lili.
— C'est Patrocle qui t'a appelé comme ça ?
— Hunter, en fait.
— C'est un joli prénom.
— Je sais.
Là, il semblait fier, content. Avec un soupir, je me levai, prête à retourner dans mon lit avec les garçons, mais la lumière m'aveugla et je découvris Ephraim qui me sonda un instant.
— Quoi ? soufflai-je.
Est-ce qu'il était à couper le souffle à n'importe quelle heure de la journée ?
— Tu dormiras dans ma chambre ce soir, dit-il. Viens.
Je clignai des yeux.
— Tu...
— Lilianne.
Je pinçai mes lèvres. Tirai sur le t-shirt que je portai. Un de Viktor. Lui emboîtai le pas. Patrocle se contenta d'agiter ses doigts. La chambre d'Ephraim était celle qui se situait le plus loin des autres. Lorsque son espace s'ouvrit à moi, je fus ultra-consciente que son odeur était partout. C'était démesuré, encore plus que la chambre de Patrocle. Un bureau prenait une partie de l'espace, sans surprise. Est-ce qu'il était du genre à travailler même en pleine nuit ?
Une bibliothèque courrait sur une partie d'un mur et un télescope était positionné devant l'immense fenêtre qui donnait sur un balcon.
Je restai au milieu de la pièce alors qu'il retirait sa veste, déboutonnait sa chemise. L'endroit lui ressemblait d'une étrange façon. Tout était à sa place, rien ne traînait. C'était immaculé, habité.
Je voulais me balader dans cette pièce, tenir ses affaires dans mes mains. Renifler ce pull qui trainait sur l'accoudoir du fauteuil. Ce que je fis lorsqu'il disparut dans sa salle de bain attenante. J'entendis l'eau de la douche.
Le pull contre mon nez, j'inspirai.
Oui.
Ephraim. Ephraim. Ephraim.
Une odeur qui lui appartenait, qui était lui. Je reposai le vêtement et me tournai vers le lit. Un king size.
Mes doigts glissèrent sur les draps. Je me glissai en dessous, sans savoir de quel côté il préférait dormir. Est-ce qu'il était du genre à prendre toute la place ?
Je cachai mon nez dans l'oreiller, un bras en dessous.
Lui, partout.
Lorsqu'il revint dans la chambre, il ne portait qu'un pantalon de pyjama. Mes yeux le suivirent, le regardèrent s'installer dans le fauteuil avant qu'il ne récupère son téléphone.
— Je veux récupérer mes photos, soufflai-je.
Un sourire joua à la commissure de ses lèvres. Il ne regarda pas dans ma direction. Tant mieux.
— Tu te vautres dans mon odeur, Lilianne.
— La lessive sent particulièrement bon. Il faudra que je pense à le dire à Caitlin.
— Bien sûr, la lessive. Ne bave pas sur mon coussin.
— Je ne promets rien, répliquai-je.
— Dors, ordonna-t-il.
— Je ne suis pas fatiguée.
Il soupira, mais n'argumenta pas. Je le fixai, sans parvenir à détourner le regard. En me forçant à ne pas laisser mes yeux glisser sur son corps.
Je m'assoupis, forcément, dans un tel environnement. Gavée par son parfum, par sa présence. Dans la nuit, j'émergeai un instant, pour sentir son visage enfoui dans mon cou, ses bras autour de moi.
Peut-être que je rêvais.
Peut-être que je fantasmais.
Au matin, il n'était plus là.
— Comment ça une soirée au casino ? relevai-je.
Hunter leva les yeux au ciel et Vik soupira, pas content.
— Et pourquoi, nous, on ne peut pas y aller ? demanda le premier.
Patrocle nous faisait face. C'était lui qui venait de nous donner cette information, enfin à moi surtout puisqu'à priori je devais me rendre à l'Olympe ce soir pour une soirée qui s'y déroulait.
Sans les garçons.
— Parce que c'est comme ça. Ne commencez pas.
— Mais Lili ne va pas y aller toute seule ! s'exclama Hunter.
— Elle ne sera pas toute seule puisque nous serons là-bas avec elle. Elle sera avec Raim tout au long de la soirée, donc respirez.
— C'est vraiment nul.
Patrocle soupira et je lui offris un petit sourire. Moi, à une soirée avec Ephraim ? Dans son casino ? Pourquoi ?
— Est-ce que... je dois mettre une tenue en particulier ou...
— Raim a tout prévu. Je vais t'amener, d'accord ?
Je me levai pour aller enfiler mes chaussures et... attendre. Je n'avais toujours pas de téléphone, pas de possession à moi.
— Je sais que c'est un peu brusque, mais...
Mais c'était Ephraim et c'était lui qui décidait. Ouais, je voyais très bien. Les garçons me regardèrent partir et je grimpai dans la voiture de Patrocle, plus stressée que je ne voulais bien l'admettre.
— Est-ce qu'il y aura du monde ?
— Des centaines de personnes, répondit Zeke.
Oh. Rien que ça.
— Mais au moins, tu pourras voir le casino, tenta Patrocle.
Maigre consolation. Il emprunta une allée souterraine pour rejoindre un parking où une femme nous attendait, en talons aiguilles, magnifique et immense.
— C'est Madeleine, l'assistante personnelle de Raim, m'apprit Patrocle.
Et une Primordiale.
— Mademoiselle Sutton, enchantée. Monsieur Lawrence.
— Madeleine.
— Nous avons un peu de retard sur le programme initial, mais rien d'handicapant. Si vous voulez bien me suivre.
Ce que je fis sans trop savoir ce qui allait se passait. Je jetai un coup d'œil à ce que je portais. Je détonnai un peu dans un environnement aussi grandiose.
Nous grimpâmes dans un ascenseur qui nous amena très, très haut. Un couloir. Beaucoup de monde. Une grande pièce où des robes attendaient sur leur cintre. Il y en avait au moins une dizaine.
Madeleine se tourna vers moi, ses yeux glissèrent sur mon corps, mais je n'y vis aucun jugement, juste une observation.
— Vous avez l'habitude des talons ?
Je secouai la tête. Si elle voulait me voir finir les quatre fers en l'air, c'était le bon moyen.
Elle attrapa une première robe qu'elle vint tendre devant moi, les sourcils froncés.
— Non.
Une autre. Elle secoua la tête.
La troisième sembla davantage lui plaire. Moi ? Je ne bougeai pas, de peur de l'agacer ou de l'embêter.
— Celle-ci ira. Il y a une pièce à côté, je vous laisse vous changer. N'hésitez pas si vous avez besoin de moi.
Je me retrouvai donc à retirer mes affaires et en culotte, observer le vêtement que je porterai pour la soirée.
La robe était longue, d'un noir aux reflets bleu nuit. Elle étincelait au niveau du jupon. Je n'avais jamais rien vu d'aussi beau. Rien toucher d'aussi doux non plus.
Je l'enfilai, un peu gauche, pour me découvrir dans le miroir.
C'était... osé.
Vulgaire ?
Non. Distingué. Sexy.
Le décolleté glissait jusqu'à mi ventre pour dévoiler toute cette portion de peau ainsi que l'arrondi de mes seins. Le jupon était fendu sur une longueur de mi-jambe, ce qui ferait que lorsque je marcherai, on verrait ma jambe.
La robe était incroyablement légère.
Et dedans, je me sentais... intouchable.
— Mademoiselle Sutton ?
— Je, oui, pardon. Me voilà.
Un sourire fleurit sur la bouche de Madeleine lorsqu'elle me vit.
— Parfait. Nous sommes légèrement en retard donc ne faisons pas attendre monsieur Jacobsen.
Elle me fit enfiler des sandales avant que nous ne retournions dans le couloir. Là-bas, près de l'ascenseur, Orion.
Je croisai son regard avant que ce dernier ne glisse sur mon corps.
Une caresse.
Qui se transforma en gifle lorsqu'un éclat d'ire me fit baisser les yeux.
Mortifiée, je me sentais trop exposée, presque à nue.
— Tu es putain de magnifique, mon ange. Ne laisse pas Orion tout gâcher.
Zeke derrière moi, ses bras autour de mon ventre.
Intouchable. Intouchable.
Et putain de magnifique, hein ?
* *
Ce chapitre annonce une suite que vous pourriez avoir hâte de lire... 🤫🥵 Je dis ça mais je dis rien en fait... 😎
Orion ne brille pas par sa gentillesse c'est sur et on ne peut même pas promettre que ça ira mieux... 😅😂
Bonne fin de week-end à vous ❤️
Taki & Ada.
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