24 - Lilianne

Ma chambre.

Pas juste un toit temporaire. Non, c'était bien plus que ça. Ma chambre. Une sensation étrange logée dans ma poitrine alors que j'observai le résultat. Nous y avions passé l'après-midi et maintenant, cette chambre mezzanine ressemblait à ce que j'avais pu rêver plus jeune. La pièce, haute de plafond, permettait au lit d'être surélevé et pour l'atteindre, il fallait grimper quelques marches. Je parlais d'un lit, mais il s'agissait d'un matelas avec bien trop de coussins.

Une piscine de coussins. L'idée me fit sourire. En dessous le reste de l'espace ; une banquette posée contre la fenêtre, un bureau et une porte qui menait à un dressing.

Tout ça ne m'appartenait pas. Je ne me leurrai pas. C'était à Ephraim. À Patrocle, mais définitivement pas à moi. Parce que je n'avais rien. Je n'avais même pas récupéré mon téléphone et n'avais donc aucun moyen de contacter Eliska. Est-ce qu'elle pensait que je l'avais abandonnée ?

Des doigts effleurèrent mon épaule et je me tournai pour plonger dans le regard de Viktor. Malgré tous les vêtements arrivés pour moi, je portai toujours le t-shirt de Hunter et le jogging de Vik. J'aurais pu enfiler autre chose, surtout maintenant qu'ils étaient là avec moi. Mais non. Aucun d'eux n'avait rien dit. De retour à la villa avec Patrocle, ils n'avaient pas tardé à surgir, pressés de passer du temps avec moi, de m'aider à me faire ma place.

— S'il manque quelque chose, on pourra toujours aller en ville.

Je hochai la tête. Je me sentais bien avec eux, mais je sentais l'absence, la distance. Et c'était dur de parler de tout et de rien, dur d'être là. D'être le centre de toute leur attention quand ils étaient le mien aussi.

— Merci, murmurai-je, une jambe ramenée contre moi.

Il me tenait la main. Nous n'avions pas beaucoup parlé, sûrement parce que c'était aussi dur pou lui que pour moi.

Sûrement parce qu'il avait mille et une questions, mais qu'il n'en poserait aucune. Aurais-je été capable de mentir en le regardant dans les yeux ?

Meurtrière.

J'appuyai mon menton contre mon genou.

Ma chambre. Mon espace.

— Tu es à l'université alors ? finis-je par demander.

Je voulais penser à autre chose. Me concentrer sur lui. Sur eux. Ne pas penser à Ephraim et son besoin de s'assurer que je n'irais nulle part.

— Je compte passer mon diplôme pour aller travailler dans les casinos d'Ephraim. Je suis un pro pour compter les cartes, tu sais ?

Je souris.

— Et tu veux travailler dans un casino ?

— Bien sûr. Je ne me vois pas faire autre chose. Vois ça comme une... vocation.

À côté de sa cuisse, son téléphone vibra. Je vis un prénom s'afficher. Le même que les trois dernières fois. Edda.

Une fille.

Sa... petite-amie ?

Je clignai des yeux. À quoi je pensais là au juste ?

— Tu es plus vieux que nous, alors tu ne devrais pas déjà avoir...

— Si, mais j'ai fait mon service à l'UOP alors...

Oh. L'UOP n'était autre que l'Unité Opérationnelle pour Primordiaux. Le plus gros des membres faisait partie du Clan d'Ades et ce dernier avait instauré le fait que chaque jeune entre dix-huit et vingt-ans se devait d'y aller.

Je lui jetai un coup d'œil.

Me tenir là, à côté de lui, c'était incroyable.

La tempête en moi m'écartelait dans tous les sens. J'étais contente que mon visage n'en montre rien, parce que je n'en menais pas large.

Viktor. Viktor.

Mon tout premier baiser d'un garçon un peu plus âgé. Je m'en souvenais comme si c'était hier. Je me souvenais de tout lorsqu'il s'agissait de lui et de Hunter.

— Comment c'était ?

Il se tourna vers moi.

— Et toi, comment c'était ?

Une réponse pour une réponse. Un vieux jeu d'enfants entre lui et moi. J'avais beau avoir passé tout mon temps avec Vik et Hunt, nous n'avions pas eu la même relation.

— Il y avait des jours plus faciles que d'autres, avouai-je.

Pas un mensonge. C'était la vérité. Il me fixa, sans rien dire. Il était beau. Le genre à couper le souffle. Le genre cliché dans les séries. Des mèches tombaient sur son front et il me laissa les repousser.

C'était naturel.

Trop naturel entre nous.

— Je n'arrive pas à effacer certaines images, murmura-t-il. Et je sais qu'elles feront partie de moi pour le reste de ma vie.

Ça me fit mal au cœur.

Tellement, tellement mal !

Je n'aimais pas ces ombres dans ses yeux. Cette douleur sourde dans sa voix. Un crève-cœur.

— Lili...

Je me figeai.

— Ne demande pas, dis-je. S'il te plaît, ne demande pas.

Je le vis combattre. Dans ses yeux, dans sa posture. Il s'écarta de moi, se leva.

Je me sentis seule d'un coup. Alors même qu'il était encore dans la même pièce que moi. Son téléphone sonna encore.

— Je dois répondre.

— Ok.

Il me laissa toute seule et je retins mes larmes. Je n'avais aucun droit de me sentir mal, ou triste. Ou d'éprouver de la jalousie.

C'était aussi injuste pour moi que pour eux.

Mais ils ne savaient pas. Ils ne savaient pas ce que j'avais fait. Malgré moi. Pour me protéger.

Je ramenai mon autre jambe, les encerclaient avec mes bras. Le silence était bizarre.

Un peu étouffant. Moi qui étais habituée à être dehors toute la journée, à vivre parmi les autres. Cette pièce était magnifique, mais trop propre, trop lisse.

Tu ne devrais pas être si triste.

Zeke m'observait depuis la mezzanine, ses jambes dans le vide.

— Je ne devrais pas être ici.

Tu veux partir ?

Je secouai la tête. Non, je ne voulais pas. Ne voulais plus.

— C'est juste... difficile.

J'ignorai pourquoi je lui disais ça à lui qui n'était même pas vraiment... humain. Réel.

Tu aurais pu venir, tu sais ? Au lieu de choisir la rue, au lieu de choisir de t'éloigner.

Non, ça n'avait pas été une option.

Qu'est-ce que tu caches ?

— Rien.

Menteuse. Il vaut mieux que tu leur dises avant qu'ils ne le découvrent. Ephraim surtout.

Je fermai les yeux, comme si j'espérai que ça ferait disparaître Zeke.

Tu ne savais vraiment pas ? demanda-t-il au bout d'un moment.

— Savoir quoi ?

Que vous étiez un vrai Céracle ?

— Ça ne veut rien dire « un vrai Céracle ». Il y a des Céracles et c'est tout.

Même si je ne pouvais nier que chaque mot d'Ephraim avait résonné en moi.

Chacun

D'entre

Eux.

Ce qui fait de nous l'anomalie.

Quoi ?

— Lili ?

La voix de Hunter. Je me redressai. Zeke s'en alla, sans un mot, sans un bruit surtout. Le garçon repoussa la porte de son épaule.

— Tu es toute seule ?

Cela sembla le surprendre.

— Viktor devait répondre au téléphone, répondis-je.

Je le regardai s'avancer dans la pièce, me tendre sa main.

— Tu veux venir aider dans la cuisine ? Caitlin ne dit jamais non à des bras supplémentaires.

— D'accord.

Je me redressai et il me vola ma main pour m'entraîner à sa suite. Je lui arrivai au centre du dos. Parce que c'était un géant maintenant.

Il sentait bon.

Nous retrouvâmes la gouvernante dans la cuisine, en train de couper des légumes. Elle me sourit et nous donna des ordres pour l'heure à suivre. Hunter parlait pour deux. De tout et de rien.

Il m'effleurait beaucoup et à chaque fois, ça me faisait du bien.

Viktor réapparut, lavé et changé. Il vint m'aider et je fus soulagée qu'il ne m'en veuille pas.

— Orion sera avec nous ce soir ?

— Oui.

Ce fut Patrocle qui répondit. J'en avais presque oublié sa présence.

Presque.

Parce qu'il m'était impossible de ne pas sentir cette vibration qui ceignait mon corps. Cette hyper... conscience de leur présence.

À tous les trois.

Je déglutis à la mention d'Orion. J'avais un vague souvenir de lui.

Une sorte d'arrêt sur image. Pas comme avec Vik et Hunt.

— Tu veux boire quelque chose ? me demanda Patrocle, une fois tout préparé.

Nous attendions juste Orion. D'après ce que j'avais glané, Ephraim rentrerait trop tard pour manger avec nous.

— Non, ça va.

Hunter disparu à l'extérieur. Viktor se glissa à côté de moi et posa sa joue contre mon épaule.

— Ta chambre te plaît ? s'enquit Patrocle.

— Elle est parfaite, oui.

— Je lui ai dit que s'il manquait quoi que ce soit, je l'emmènerais en ville, précisa Vik.

— Petit malin.

Patrocle sourit avant de lever les yeux dans mon dos. Lorsque je me tournai, je me heurtai à une expression de pure haine.

Le genre qui ne pouvait pas vous échapper.

Ma bouche s'assécha et j'aurais voulu regarder ailleurs, mais j'en étais physiquement incapable.

Orion était aussi différent des autres que splendide. Même son visage plein de colère ne parvenait pas à l'enlaidir.

Son pouvoir appela le mien, ou le mien le sien. Impossible à dire.

C'était un fil tendu entre nous deux.

Une boule d'énergie et de colère.

Le coin de sa bouche se souleva dans une manifestation de son dégoût.

À mon égard.

Je lui donnais envie de vomir.

Alors il se détourna, tout simplement.

Et ça fit mal. Sans que je sache pourquoi. Sans que je n'en comprenne vraiment la raison. Je baissai les yeux sur mes mains, la vision un peu trouble.

Il me détestait.

Non. Même ce mot était trop faible pour ce que je venais de lire.

Il me haïssait.

Il m'abhorrait.

Au moins quelqu'un de sensé. Même si c'était atroce.

Atroce

**

Rencontre Lilianne-Orion... Gloups 😳😳

La suite dans l'aprem 😘

Taki et Ada'

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